Médiations de la mode
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Médiations de la mode

  1. 42 pages
  2. French
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À propos de ce livre

Médiations de la mode propose une description fine des lieux de passage où la mode se fait et se dit: défilés, boutiques, journaux, magazines et sites internet, musées, ou espace urbain. S'y échangent les identités et les valeurs, traversées d'histoire, d'un secteur incontournable de la culture contemporaine. Créateurs, professionnels et consommateurs se sont en effet approprié ces lieux afin de renouveler et faire signifier leur engagement dans la mode, jusqu'en sa dimension éco-citoyenne.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2021
ISBN
9782806124166

DEUXIÈME PARTIE


MODE, MÉDIAS ET CULTURES

Du podium à l’écran :
poétique du spectacle de mode

Rym Kireche-Gerwig
De même que l’image apparaît à celui qui la fait comme une ritournelle visuelle ou sonore, l’espace apparaît à celui qui le parcourt comme une ritournelle motrice, postures, positions et démarches1.
Cette étude se propose d’interroger les reconfigurations sémiotiques à l’œuvre dans le passage du corps de mode à l’écran à travers l’analyse des récits et des discours médiatiques cristallisés au sein des spectacles où il s’expose. Il s’agit de réfléchir en termes communicationnels aux transformations médiatiques qui habillent le corps de mode, depuis sa présentation unique sur le « catwalk » jusqu’à sa représentation sérialisée sur le podium numérique que constitue l’écran.
Si ce spectacle peut être appréhendé comme un « procès spatialisant » selon les mots de Louis Marin (1994, p. 51), il s’agit d’un procès qui encercle et enclôt l’espace dans lequel il se donne à voir, ce qui lui permet de produire par là-même sa propre temporalité, au sein de son propre espace de représentation : son cadre spatio-temporel spécifique. Dès lors, il construit une diégésis, avec un début, un milieu et une fin, articulant sur son territoire une « mise en intrigue » des différents éléments constituant le muthos, c’est-à-dire selon l’étymologie l’histoire donnée à voir en spectacle via le défilé qui en interprète une scène.
Cette histoire se joue à travers le corps, son support privilégié, fabriquant une sorte de fable médiatique autour et sur le corps de mode, un mythe au sens où l’entend Barthes de « parole » (1957, p. 181) qui circule dans l’espace social et culturel, qui favorise du même coup sa sédimentation dans les imaginaires sociaux et assure in fine sa « patrimonialisation » dans la grande histoire de la mode.
Nous nous demanderons alors dans quelle mesure les reconfigurations sémiotiques du corps de mode à l’écran contruisent un récit et un discours médiatiques qui se situent à la lisière du spéculaire et du spectaculaire. Finalement, de quel étrange paradoxe la poétique de la proximité lointaine à l’écran est-elle le reflet ?
Dans une première partie, nous nous attacherons à réfléchir à la construction mythique d’un défilé, étendard de la marque qui le porte. Nous montrerons qu’il s’inscrit dans une posture double, entre discours performatif et récit médiatique. Dans une deuxième partie, il s’agira de voir comment s’articulent ces deux « plans d’énonciation différents », selon les mots d’Émile Benveniste (1966, p. 238), afin de (re)créer l’événement autour du spectacle du corps de mode à l’écran.
Deux défilés médiés et médiatisés par l’écran ont retenu notre attention : d’une part, le défilé haute couture Chanel printemps-été 2020, précisément parce que c’est le premier à avoir été conçu par Virginie Viard, succédant à Karl Lagerfeld qui contribua pleinement à la pérennisation du mythe de la marque, en l’adossant à son propre persona2. D’autre part, nous nous intéresserons au défilé Plato’s Atlantis d’Alexander McQueen, qui présente la collection femme prêt-à-porter printemps-été 2010, dans une ultime performance de mode réalisée peu avant sa disparition. Le spectacle qu’il offre nous est apparu comme le lieu d’une réflexion sémiotisée à la fois sur le devenir du dispositif « défilé » et du corps ‒ du mannequin et du spectateur ‒ à l’ère du numérique, ces deux instances d’énonciation se rencontrant dans l’hétérotopie par excellence que constitue l’écran.
Le fashion-show : jeu d’acteurs et de spectateurs
Une rapide incursion du côté de l’histoire du défilé de mode nous paraît nécessaire afin de voir comment l’évolution du dispositif d’énonciation a lui-même nécessairement produit une rhétorique nouvelle dans l’exposition des corps.
Lorsque les premières présentations de mode sont apparues en 1858 avec Charles Frédérick Worth que l’on considère historiquement comme le père fondateur de tels événements, elles n’avaient d’autre ambition que d’exposer aux clients et clientes des signifiants vestimentaires à vendre, sous la forme de collections portées par des personnes de chair et d’os, dans des salons parisiens.
Il faut attendre le début du XXe siècle pour que ces présentations gagnent en spectacularité par des mises en scène plus soutenues, à travers un accompagnement musical qui tend à devenir peu à peu illustration sonore et des décors qui témoignent d’une certaine théâtralité. La couturière londonienne Lucy Duff Gordon est la première à proposer, en 1901, des défilés-expériences avec l’introduction inédite de la musique, de jeux de scènes et de lumières, le tout sous un rideau de velours qui vient redoubler la dimension théâtrale d’un tel événement. C’est également la première femme à sur-sémiotiser la dimension sacrée de ce rituel à travers l’envoi exclusivement réservé aux clientes les plus aisées de cartons d’invitations. C’est véritablement la naissance du défilé telle que nous le connaissons encore aujourd’hui.
La distribution scénique était alors relativement simple : un public, des modèles3 portant les pièces de la collection exposée, un espace de représentation. Trois instances pour rendre compte d’une polyphonie énonciative située au niveau de la production4. L’événement défilé entraînait toujours des retombées médiatiques multiples et des répercussions concrètes dans le champ de la consommation de mode, à partir de la médiatisation de la collection qui se faisait alors essentiellement par le défilé « réel ».
Peu à peu, le dessein publicitaire qui y était dominant s’est doté d’attributs culturels et artistiques afin de faire du défilé un véritable « spectacle vivant », entre présentation marchande et performance artistique. Certains ressorts rhétoriques ont alors été utilisés comme l’utilisation de l’écriture chorégraphique pour penser les trajectoires et les mouvements des corps sur la scène du podium. La variété des compositions scénographiques, empruntant souvent au genre théâtral, témoigne désormais et depuis les années quatre-vingt de la filiation ostensible du défilé au régime du spactaculaire : musiques, lumières et décors concourent à produire autour des costumes et des corps qui les animent, des performances artistiques de haute teneur sémiotique. Les « techniques du corps » maussiennes se donnent en effet à voir sur une scène digne d’une représentation théâtrale : jeux de lumière travaillés, strates sonores affinées ‒ on parle à cet égard de designers sonores de défilés, ce qui atteste déjà de l’institutionnalisation de ce nouvel acteur dans la composition du « fashion-show » ‒ et agencements de matières font de ces présentations de nouveaux types de spectacles vivants, où chacun des éléments scénographiques vient dramatiser, au sens étymologique de « mettre en action », la performance de mode.
C’est la naissance des « fashion shows ». Ces derniers traduisent une volonté de proposer une performance au moins double : à la fois marchande et culturelle, ce qui permet in fine d’estomper les contours publicitaires5 du défilé-vitrine spectacularisant la marque exposée et de la faire entrer dans un patrimoine de mode, lui-même travaillé par des médiations plurielles, à la lisière de l’art et de la marchandise, de la culture et de la publicité. Comme le rappelle à juste titre Romuald Leblond, un professionnel du secteur et fondateur de la société de production « La Mode en images », dans un entretien livré au Monde6,
Le défilé est la plus belle vitrine qu’un couturier offre au spectateur ; un quart d’heure pour convaincre, il faut que les moyens de production soient parfaits pour marquer, étonner par une mise en scène qui peut aller jusqu’à masquer certains défauts.
Les « fashion-shows » deviennent dès lors des productions sémiotiques hybrides, spectacles vivants d’un autre type, mêlant et brouillant les genres discursifs, dans une polyphonie énonciative d’où il devient difficile de distinguer clairement qui dit quoi. De cette symphonie parfois cacophonique, régie par une mupltiplicité de discours, surgit ainsi une performance pluri-sémiotique gouvernée par le régime du spectaculaire.
C’est à partir de cette spectacularité que nous entendons retracer les grandes lignes qui constituent la trame de la diégésis du défilé de mode.
Nous allons voir à présent comment le spectaculaire permet de servir une narration qui s’inscrit dans une mythologie adossée à l’histoire d’une marque à travers l’analyse sémio-pragmatique du défilé Chanel printemps-été 2020.
Le défilé Chanel, prêt-à-porter printemps-été 20207 : spectacle spéculaire dun récit mythique de marque
Fig. 1 : Dispositif scénique de représentation du défilé
Le cadre est clairement posé : des toits parisiens recréés pour l’occasion sous un ciel gris qui les prolonge dans un continuum sémiotique instaurent d’emblée un décor. Citation métonymique de la parisianité, Chanel souligne à travers un tel procédé scénographique son marquage de territoire au sein de l’univers symbolique de la capitale. Dans les imaginaires sociaux et culturels des lecteurs-spectateurs, potentiels consommateurs, l’association est claire : Chanel est un constituant de l’univers symbolique de Paris et inversement.
Il y a ainsi réactivation du mythe de la parisianité et redensification sémiotique de la « mythologie » même de la marque. La scénographie très marquée révèle un double mouvement d’écriture-réécriture du mythe de la marque : l’univers de Paris sert indubitablement celui de la marque, tandis qu’à son tour, l’univers symbolique de Chanel nourrit l’univers culturel associé à Paris.
Il est intéressant, à cet égard, de voir comment s’opère le transfert de caractérisants ‒ l’hypallage ‒ qui permet d’associer un univers sémiotique à un autre. La mise en scène y parvient à travers sa capacité à donner à voir concrètement les éléments constitutifs de la parisianité. Ici, les toits de zinc gris ponctués par des fenêtres en chien-assis, des cheminées et autres garde-corps, le tout sous un ciel gris stéréotypiquement parisien. L’architecture générale du décor lève toute équivoque : il s’agit bien de Paris. Le décor est planté : Chanel, c’est (à) Paris. Cette mise en espace est finalement aussi une mis...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Introduction. La mode sous toutes les coutures
  6. Première partie : Mode et circulations symboliques
  7. Deuxième partie : Mode, médias et cultures
  8. Table des matières