Le français en Afrique

Regards sociolinguistiques

Nicolas Sorba

• Éditeur: EME Editions
• Année: 2021
• ISBN:
  9782806662316
• Sujet: Ciencias sociales
• Sous-sujet: Sociología

En Afrique, la place et le rôle de la langue française font débat. Considérée soit comme une trace laissée par la colonisation, avec la relation inégalitaire et dominante que celle-ci sous-entend et ses aspects les plus néfastes, soit comme un atout pour les Africains et le développement de l'Afrique. Cette dualité est mise à l'épreuve à travers un recueil d'articles scientifiques. Onze pays sont concernés par l'évaluation.

PARTIE II

Apprendre le français en Afrique : obstacles et perspectives

L’enseignement du français langue étrangère entre les cours académiques et les cours de soutien scolaire en Algérie

Samira ROUIS RAYYAH

Université Amar Télidji-Laghouat

Zohra Chahrazade LAHCÈNE

Université Amar Télidji-Laghouat

Résumé

En Algérie, l’enseignement du français langue étrangère connaît des réformes régulières provoquées par les changements de statut et de fonction de la langue, avec l’intégration de nouvelles méthodes d’enseignement, une avancée dans le domaine technologique, de nouveaux profils d’apprenants… En dépit de ces évolutions, le français occupe toujours une place spéciale dans la société algérienne qui pousse les apprenants à chercher davantage de moyens pour le maîtriser.

Depuis quelques années, les écoles privées qui proposent des cours de soutien scolaire de FLE sont de plus en plus sollicitées par les apprenants des différents cycles de l’enseignement du système éducatif algérien, ceux du primaire ne faisant pas exception. Le recours prépondérant à ces établissements nous a poussés à analyser la situation pour essayer de dégager les raisons qui les motivaient à les considérer comme un garant de réussite.

Dans notre étude, nous avons comparé les pratiques enseignantes identifiées dans les cours académiques et les cours de soutien scolaire pour dégager la tendance méthodologique des enseignants ainsi que leur gestion des contenus d’enseignement. Pour ce faire, nous avons exploité pour notre enquête le test de Christian Lavenne dans une forme adaptée au contexte singulier de notre recherche. Nous avons adressé notre questionnaire aux enseignants qui exercent dans le cycle primaire des établissements étatiques et à ceux qui assurent des cours de soutien scolaire dans les écoles privées dans la wilaya de Laghouat.

L’objectif de notre recherche est d’exploiter dans l’enseignement étatique ce qui attire les apprenants vers l’enseignement privé.

MOTS-CLÉS : cours académiques, cours de soutien scolaire, tendances méthodologiques, gestion des contenus, enseignement du FLE en Algérie

Introduction

S’agissant de l’enseignement du français en Algérie, la question de la politique linguistique s’impose pour décrire un rapport complexe à la langue influencé, par ailleurs, par la conjoncture historique du pays. Son statut a radicalement changé depuis les années 1960, passant de langue véhiculaire à langue étrangère, pourtant sa présence dans la société reste dominante par rapport aux autres langues étrangères. Pour mieux cerner la place du français en Algérie, il est donc important de distinguer sa fonction dans la société de son statut institutionnel. Une distinction qui n’est pas toujours facile à établir et qui peut poser un réel problème lorsque l’apprenant est amené à l’apprendre à l’école.

L’enseignement de la langue française dans les établissements scolaires a évolué en même temps que son statut. Les finalités ne sont pas les mêmes et les différentes réformes proposées ont permis de réviser les pratiques de classe dans les trois premiers cycles de l’enseignement. Suite à ces changements, de nouveaux besoins apparaissent et de nouvelles attentes sont exprimées qui exigent souvent de revoir les dispositifs mis en place pour l’enseignement de la langue. Parmi ces derniers, nous relevons des systèmes d’enseignement alternatifs qui sont proposés pour combler un retard, corriger des lacunes, préparer la rentrée scolaire, se préparer aux examens ou pour tout autre motif d’apprentissage du primaire au supérieur. Notons ainsi que de nombreuses formes d’accompagnement scolaire existent désormais : cours de soutien dispensés dans les établissements publics (séances de rattrapage), cours dispensés à domicile par certains enseignants (cours particuliers), aides aux devoirs (cours en ligne), etc. Mais, ce sont les prestations des organismes privés qui attirent le plus les apprenants et les parents même si leurs services sont coûteux.

En effet, nous avons remarqué la création, en nombre croissant, d’écoles privées au niveau national. Dans la ville de Laghouat41, par exemple, en 2010 nous en comptions seulement deux alors qu’aujourd’hui il en existe dix-huit ; ce nombre peut changer à tout moment puisque régulièrement des demandes d’autorisation sont déposées pour obtenir l’agrément nécessaire à la création de nouvelles écoles. Autrement dit, en seulement neuf ans, leur nombre a exponentiellement augmenté.

Au départ, seuls les lycéens et les collégiens étaient concernés par les offres de ces organismes mais, aujourd’hui, même les apprenants du primaire sont touchés par ce mouvement que beaucoup considèrent comme une « condition de réussite ».

En réaction à la création d’un nombre important de ces écoles, plusieurs articles de presse, souvent appuyés par des avis de professionnels du domaine de l’éducation, ont fait état de ce phénomène qui a suscité des réactions au sein même du ministère de l’Éducation nationale. Certaines statistiques révèlent que 51 % des apprenants suivent des cours de soutien scolaire42. Cela montre bien à quel point ces cours concurrencent les cours académiques. Face à ce constat, nous nous sommes ainsi interrogés : pourquoi les apprenants suivent-ils des cours de soutien scolaire en plus des cours académiques ? Sont-ils vraiment garants de réussite ?

Nous avons supposé que :

– le choix méthodologique de l’enseignant des cours de soutien scolaire correspond davantage aux apprenants ;

– le contenu des cours de soutien scolaire cible mieux les besoins et répond à des attentes spécifiques.

Pour vérifier nos hypothèses, nous avons mené une recherche basée sur une étude comparative entre les deux situations d’enseignement (académique et privé). Pour ce faire, nous avons choisi, comme échantillon, l’enseignement du FLE en primaire. D’après le témoignage de quelques directeurs d’écoles privées, ce sont les apprenants de ce cycle qui constituent leur plus importante clientèle.

En matière d’outils de recherche, nous avons élaboré un questionnaire à partir du test de Christian Lavenne et de la synthèse des courants méthodologiques d’Évelyne Bérard.

L’objectif de notre étude est de comprendre pourquoi intervient ce recours aux cours de soutien scolaire et comment se fait la transmission du FLE dans deux systèmes d’enseignement différents.

I. Apport théorique

I. 1. Le système éducatif algérien

Depuis les années 1970, le système éducatif algérien connaît régulièrement des réformes qui proposent une refonte des contenus à enseigner et des méthodes d’enseignement à utiliser pour revaloriser la qualité des formations dispensées. En Algérie, il existe deux systèmes d’enseignement : étatique et privé.

I.1.a. Le système éducatif étatique

Sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale, les enseignements s’organisent en trois paliers : le primaire, le collège et le lycée ; les universités étant, quant à elles, sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. L’organisation des différents cycles intervient comme suit :

– le primaire compte cinq années d’études à l’issue desquelles les apprenants passent un examen pour pouvoir accéder au collège ;

– le moyen compte quatre années à l’issue desquelles les apprenants passent un examen final. L’apprenant peut réussir son brevet, où une moyenne générale égale ou supérieure à dix sur vingt suffit pour intégrer le cycle secondaire ;

– le secondaire compte trois années, à l’issue desquelles les apprenants passent l’examen du baccalauréat qui leur permet d’accéder à l’enseignement supérieur.

Les cours dispensés dans les établissements étatiques peuvent avoir plusieurs désignations parmi lesquelles nous relevons : les cours académiques, les cours officiels, les cours étatiques, les cours publics, les cours ordinaires et les cours scolaires.

I.1.b. Le système éducatif privé

Pour le secteur privé, il existe plusieurs formules : cours de soutien scolaire, cours privés, cours supplémentaires et cours particuliers que nous pouvons distinguer comme suit :

- des enseignements dispensés dans des établissements privés agréés par l’État, qui assurent la scolarisation intégrale de l’apprenant par paliers (primaire, moyen ou secondaire) ;

- le concept de cours particuliers est associé à un enseignement individualisé pour répondre à un besoin précis ;

- les cours de soutien scolaire sont proposés en supplément à la formation académique. Pour ces pratiques, singulièrement, nous relevons d’autres terminologies telles que cours supplémentaires.

C’est ce dernier cas de figure qui correspond à notre étude.

Ces deux systèmes d’enseignement fonctionnent différemment : les cours académiques suivent un programme et un calendrier spécifiques afin de fournir une connaissance étendue au service de tous les apprenants, conformément aux textes officiels, à la différence des cours de soutien scolaire qui visent à répondre à la demande des parents suite aux besoins exprimés par les apprenants.

I.2. Le choix méthodologique pour l’enseignement du FLE

Pour toute situation d’apprentissage, des méthodes d’enseignement sont préconisées pour installer les savoirs qui devront répondre aux objectifs fixés par l’enseignant au début de chaque séance. Œuvrant au même objectif, il existe pourtant différentes méthodes d’enseignement : la méthode traditionnelle, la méthode directe, la méthode structuro-globale ou audiovisuelle, l’approche communicative, l’approche par compétences, etc. Chacune de ces méthodes est apparue pour proposer de nouvelles approches, utilisant de nouveaux outils pour mieux ancrer les compétences chez les apprenants, de manière plus optimisée.

I.2.a. Les constituants d’une méthodologie d’enseignement selon Évelyne Bérard43

Évelyne Bérard a proposé, dans un tableau, une synthèse présentant quelques méthodes d’enseignement. Dans l’axe horizontal, elle cite le nom de la méthode quand dans l’axe vertical elle superpose les éléments qui constitue...

Table des matières

• Couverture
• 4e de couverture
• Copyright
• Titre
• Sommaire
• Le français en Afrique : questionnements situationnels et didactiques – Nicolas SORBA
• PARTIE I : Regards analytiques sur des situations sociolinguistiques
• PARTIE II : Apprendre le français en Afrique : obstacles et perspectives
• Présentation des auteurs