Minorations en chansons
eBook - ePub

Minorations en chansons

Approches sociolinguistiques

  1. 222 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Minorations en chansons

Approches sociolinguistiques

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

La chanson est un objet social et de recherche pluridisciplinaire à part entière. Elle permet d'observer des phénomènes sociaux et linguistiques complexes et peut aussi contribuer à la (re)dynamisation des langues minorées. En mettant au jour des situations de minoration, la chanson peut-elle revêtir une fonction émancipatrice? Cet ouvrage collectif, d'une grande richesse d'horizons géographiques, thématiques et sociolinguistiques, propose une série de réponses à cette question.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Minorations en chansons par Valeria Villa-Perez en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Médias et arts de la scène et Musique. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2021
ISBN
9782806662255

PARTIE II

Chansons, engagement et contacts des langues

La chanson algérienne engagée au prisme de la sociolinguistique. Cas de Baaziz et Raja Meziane

Fatma-Fatiha FERHANI
Université de la Formation continue, Alger (Algérie)
La langue est le produit d’une société et d’une époque dont elle exprime les caractéristiques et révèle, plus ou moins directement, les contradictions et les tendances. Cette dimension est encore plus prononcée lorsqu’il s’agit d’expressions qui visent à « donner de la voix » à ces contradictions et tendances et ce, dans le dessein affirmé de contribuer au changement sociopolitique. De ce point de vue, la chanson algérienne (cf. Miliani 2009a ; 2009b) actuelle, dans son volet contestataire, offre un exemple intéressant d’observation et d’analyse des relations entre engagement et sociolinguistique. Catégorie intrinsèque de l’histoire, la notion de changement nous amène d’abord à interroger notre objet sur la traçabilité des évolutions linguistiques, artistiques et littéraires ayant conduit à son émergence contemporaine.

1. Aperçu historique : aux sources de la chanson engagée

Comme l’ensemble de la chanson algérienne actuelle, celle se réclamant de l’engagement politique s’est construite en s’inspirant d’expressions anciennes et, principalement, de la poésie orale populaire, el melhoun62, qui, dans toutes les variantes de parlers arabes et amazighs (berbères) et sur des thématiques variées, portait aussi la satire sociale, la dénonciation ou la contestation.

1.1. La référence ancienne de la poésie melhoun

Le melhoun est la forme la plus ancienne que l’on connaisse d’engagement « politique » à travers l’art. Il remonte à la période des royaumes berbères musulmans du Maghreb médiéval, où plusieurs anecdotes attestent des déboires de chantres du genre avec des sultans ou autorités diverses. Notons que, parallèlement, il existait, comme en Europe à la même époque, des poètes de cour voués à la sublimation des souverains. Il arrivait aussi qu’un même poète ait connu des phases de soumission et des phases d’opposition envers le pouvoir. D’autres aèdes, rattachés à l’obédience soufie, vivaient soit dans le refus des richesses matérielles avec des formes d’ascétisme, soit dans une grande proximité avec le peuple.
À travers les goual (diseurs) ou meddah (laudateurs religieux), leurs textes étaient clamés lors des marchés hebdomadaires, rassemblements festifs (mariages, circoncisions, récoltes abondantes), célébrations religieuses (aïds, soirées de Ramadhan…) ou les mouassem ou ouâdat, rencontres annuelles autour du mausolée d’un saint organisées par des zaouïas (confréries).
En effet, le répertoire du melhoun était souvent mixte : soit profane, soit sacré, soit les deux, car de nombreux textes religieux servaient aussi à « faire passer » des messages « subliminaux » de nature sociopolitique ou encore à caractère amoureux. Aussi le choix des textes clamés dépendait-il des lieux et circonstances, et le même poète pouvait donc se conformer ici aux interdits religieux ou coutumiers et là présenter des textes subversifs, généralement en séances privées masculines. Le melhoun a développé au fil des siècles une poétique codifiée mais aussi un exercice émérite du double langage, de l’allusion et du symbole, rendu nécessaire par une censure multiforme : celle des autorités et celle de la société. La capacité du melhoun à « camoufler » ses transgressions a été plus tard mise à profit dans le contexte colonial par les auteurs des XIXe et XXe siècles.
Ce mode d’expression, enraciné dans le terroir algérien et marocain, présent dans toutes les régions et cités, a produit un immense corpus véhiculé oralement, rarement transcrit. Nous ne disposons pas d’une estimation des pertes mais de nombreux textes nous sont parvenus, partiellement ou totalement, et sont encore interprétés de nos jours par des chanteurs selon des canons artistiques traditionnels ou modernes. En effet, le melhoun a nourri par ses textes nombre de genres musicaux modernes et contemporains : le hawzi, dérivé de la musique savante arabo-andalouse ; le chaabi, né à Alger au XXe siècle ; plusieurs musiques régionales telles la chanson chaouie ou kabyle, plus tard aussi le raï et le rap et même, de nos jours, des versions locales de rock, blues, reggae…
Le caractère engagé du melhoun apparait déjà à l’époque médiévale sous la forme de piques à l’encontre des autorités (sultans, caïds…) ou des tribus inféodées. Il se manifeste aussi dans la critique de l’hypocrisie morale ou religieuse ou même par des propos à caractère sexuel, particulièrement dans la description intime du corps féminin. Durant la période ottomane, cette verve clandestine se poursuit et vise particulièrement le pouvoir en place et ses représentants : beys, collecteurs d’impôts, janissaires… Elle s’accompagne aussi de textes qui célèbrent la grandeur maritime de la Course, les exploits des raïs (capitaines corsaires), etc.

1.2. Durant la période coloniale

À partir de la prise d’Alger par l’armée française en 1830, des textes contestataires visent la conquête coloniale, ses dévastations, les répressions et la misère résultant des expropriations massives. Ils avaient été précédés par des poèmes sur les batailles contre les grandes puissances européennes, Espagne en tête, qui voulaient dès le XVIe siècle, occuper le pays. L’utilisation anticoloniale de l’art se manifeste dans d’autres disciplines. À Alger, l’administration militaire coloniale interdira vite les théâtres de marionnettes, dits garagouz, de tradition ottomane, ainsi que les théâtres d’ombres qui truffaient leurs spectacles d’allusions contre l’occupant.
D’une région à l’autre, les chants collectifs de femmes, a capella, vont produire des textes marquants sur ce registre. Il nous reste notamment leurs chants émouvants de lamentation sur la conscription forcée de leurs enfants lors de la première guerre mondiale. Les Auressiennes créent ainsi Ya rabbi Sidi (Ô Dieu, notre Seigneur) dont le refrain est : « Quelle faute ai-je commise pour que l’État français m’arrache mon fils ? » quand les Oranaises entament le chant Halli dhiq el touiqa (Ouvre cette lucarne). Des œuvres fortes apparaissent, telle Biya dhaq el morr (En moi, un goût amer) exprimant le désespoir des Algériens déportés au bagne de Cayenne. Écrite par Cheïkh Bensemir, maitre du melhoun, né en 1877 à Oran, elle est interprétée par Cheikh Abdelkader Bouras (1909-1959) qui l’a enregistrée en 1950. Il n’existe pas, à notre connaissance, d’anthologie exhaustive de ce répertoire engagé, d’autant qu’il empruntait les voies de l’oralité et de la clandestinité. Cependant, suffisamment de textes nous sont parvenus pour attester de sa richesse63.
La poésie melhoun contestatrice, présente tout au long du XIXe siècle en appui aux grandes insurrections anticoloniales, va se poursuivre sous d’autres formes au début du XXe siècle avec la naissance du mouvement national qui se construit sur des associations sociales et culturelles puis des partis politiques, le premier étant l’Étoile nord-africaine, créé en 1926 à Paris, dans le milieu des travailleurs émigrés. On voit alors apparaitre en Algérie les premières troupes théâtrales modernes qui, dans leurs productions, s’inspirent des formes dramaturgiques traditionnelles telle que la halqa (cercle ou séance) jouée auparavant dans les souks et autres espaces publics. Les textes en arabe dialectal sont parfois des adaptations de Molière pour être acceptées par la censure coloniale très tatillonne mais aussi, certainement, parce que cet auteur était lui-même un contestataire. Des éléments du patrimoine littéraire oral sont intégrés : poésie melhoun, contes, proverbes, etc. Le recours à l’humour est dominant et les pièces contiennent de la musique et des chants appuyant un discours allusif. Parallèlement, apparaissent les premiers chants patriotiques, rigoureusement interdits, qui expriment directement la revendication nationale. Ce corpus s’affirmera et s’étendra avec le déclenchement de la guerre d’Indépendance en 1954.

1.3. De l’Indépendance à nos jours

La pratique du chant intégré au théâtre reviendra dans les années 1970 avec le mouvement du théâtre amateur. Des dizaines de troupes se forment en milieu estudiantin, lycéen, ouvrier même, à la faveur de la Révolution agraire. Ces troupes s’inspirent autant de la tradition de la halqa que de courants contemporains mondiaux, cultivent les reprises adaptées de textes anciens du melhoun et utilisent les mélodies célèbres du chant populaire. Ce que fera notamment Kateb Yacine avec la troupe ACT (Action culturelle des travailleurs) qui crée sur le mode de l’écriture collective et dans l’esprit de l’agit-prop64.
Rattachée au théâtre dans les années 1970, la chanson engagée va progressivement s’autonomis...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Remerciements
  6. Introduction : la chanson, un objet sociolinguistique – Valeria VILLA-PEREZ
  7. PARTIE I – Chansons, langues minorées et intervention sociolinguistique
  8. PARTIE II – Chansons, engagement et contacts des langues
  9. Table des matières