Art et résistance au Maghreb et au Moyen-Orient de 1945 à 2011
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Art et résistance au Maghreb et au Moyen-Orient de 1945 à 2011

  1. 176 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Art et résistance au Maghreb et au Moyen-Orient de 1945 à 2011

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Ce numéro des cahiers du GREMAMO étudie plusieurs médiums (dessin, peinture, sculpture, cinéma, photographie, BD, street art, graffiti, installation) comme formes porteuses de représentations contestant l'ordre politique depuis la colonisation jusqu'aux années 2011 qui ouvrent une nouvelle période, remettant en cause l'autoritarisme des régimes installés dans la période post-coloniale. Des contributions analysent le regard des artistes sur des situations de violence extrême tandis que d'autres évaluent la part prise par les images dans la lecture d'événements majeurs de 1945 à nos jours. Au fil des pages, se dessine un enracinement de cet esprit de résistance manifesté depuis l'époque coloniale, même si les formes se sont renouvelées face au flux permanent d'images et aux zones d'ombres de notre monde contemporain.

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Oui, vous pouvez accéder à Art et résistance au Maghreb et au Moyen-Orient de 1945 à 2011 par Coordonnée par Anissa Bouayed, Chantal Chanson-Jabeur en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans History et World History. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Année
2020
ISBN
9782336916514
Sujet
History
Sous-sujet
World History

Partie 1.
Résister à l’oubli :
l’art, trace de l’histoire
et traduction de l’indicible

Guerre en image, guerre des images :
résister par l’art à la désinformation

Rachida TRIKI1
La stratégie médiatique de désinformation qui occulte les violences et les destructions subies par des populations que l’on veut exclure de l’histoire se fait par le biais d’images qui se substituent à un réel violent, voire déshumanisant. Ces procédés finissent par installer dans la représentation et l’imaginaire des spectateurs/consommateurs une vision quasi déformée des événements et actions de répression ou de résistance. Intégrées dans le moule des informations télévisuelles et réduites par leur fréquence à une forme imperceptible, les images des révoltes et des guerres ne sont plus que le signe de l’événement ; mieux encore, c’est l’absence même d’image par abstraction qui occulte l’horreur des massacres de populations civiles. La manipulation a en effet poussé ses limites jusqu’à donner des guerres les plus meurtrières l’image de guerres chirurgicales avec pour spectacle des scènes immaculées et aseptisées (comme ce fut le cas en Irak mais il est vrai aussi que cette stratégie court toujours le risque d’être éclaboussée par le démenti de l’image imprévue comme celle des photos quasi pornographiques de tortures au sein de la prison Abou Ghraïeb).
Pour résister aux dérives de cette culture de l’image qui se propage, de plus en plus, à travers le monde, l’enjeu pour les artistes visuels consiste à libérer le regard des représentations devenues convenues et se substituant de manière quasi-formelle à la réalité des guerres et des massacres. Il s’agit de créer à l’intérieur même de l’image un dispositif suffisamment subtil pour extraire, à chaque fois, le regard du processus de déréalisation du monde.
En effet, souvent, même dans ce qui se donne pour un reportage, l’événement représenté finit par perdre de sa consistance dans le flot des images catastrophiques, emporté dans une sorte de macro téléréalité où tout devient équivalent. L’immersion constante du regard est aussi hallucinatoire que ces films de science-fiction où un monde virtuel en cache un autre, dans la multiplicité des manifestations et des usages de l’image. C’est bien pourquoi, aujourd’hui, dans les champs des arts visuels, des créateurs exploitent délibérément les pouvoirs de l’image en engageant un processus d’émancipation de la réception. Ils savent mieux que quiconque que le pouvoir de l’image lui vient de sa duplicité, dans un double registre de présence et d’absence : elle est d’une part représentative et mimétique, d’autre part, irréelle, fictionnelle et productrice d’inédit. Ce caractère composite entre fiction et réalité soulève la question de ses possibles en matière d’information et d’affect. C’est en ce sens que les artistes jouent la stratégie de la fiction de la réalité. Les dispositifs fictionnels font image du réel autrement que les représentations censées être porteuses de vérité parce que mimétiques ou indicielles, mais elles n’en forgent pas moins nos représentations de l’événement dans sa dimension phénoménologique.
Il est clair que l’image de la réalité reste toujours problématique et si l’on s’obstine à demander à l’image « d’être image toute », de dire toute la vérité de l’événement comme le préconisent les détracteurs de l’image témoin d’événements terribles, on ne peut qu’être déçus. Défendant « la vérité » des photos prises à la sauvette en août 1944 dans le camp d’Auschwitz-Birkenau par des membres du « commando spécial », Didi Huberman choisit de fonder son argumentation sur la dimension phénoménologique, en la ramenant au vécu des camps qu’elle dévoile malgré toute sa dimension partielle. Même quatre photographies prises à la sauvette constituent des « instants de vérité » précieux pour la mémoire. Contre les réticences de ceux qui pensent que l’image est indécente dans des cas ultimes parce qu’en montrant peu, selon sa nature, elle ne montre rien de ce qu’est l’horreur, il défend « l’image malgré tout »2 : « C’est, écrit-il, en tant même qu’expérience tragique, que l’inimaginable appelle sa contradiction, l’acte d’imager malgré tout ». Ce qui compte, pour la réception, pense-t-il à juste titre, c’est la vérité de l’événement tel qu’il a été perçu et saisi en photo. La force de l’image réside justement dans le fait de ne pas « être toute » mais d’inscrire un vécu dans ce qu’il a de plus événementiel, avec sa charge d’affect. Ce qui importe dans ces photos, c’est leur manière de faire image dans l’exercice du regard qui les a saisies et dans celui qu’elles engagent. Ces photos quasi impossibles et uniques dans leur cas parce qu’elles portent en elles visuellement l’horreur des camps deviennent ainsi des images-témoins ; leur vérité vient de leur force d’imagement et non du fait qu’elles restituent un événement. C’est dans un tout autre registre, la même force qui habite la peinture que fait Goya des fusillades du 3 mai 1808. Celle-ci est remarquable parce que, justement, elle se différencie de la peinture d’histoire de son époque par le potentiel d’affect qu’elle recèle.
Pendant longtemps, en effet, l’image artistique, notamment picturale, a été assimilée à une image de communication ordonnée par le message qu’elle véhicule et qui doit parvenir au spectateur dans un quasi-mouvement de translation. La rupture qui a eu lieu avec les procédés d’abord de l’art moderne puis plus clairement avec les arts contemporains, c’est l’abandon de ce statut translationnel de l’image qui a toujours placé le spectateur en position frontale, dans une extériorité à ce qu’il voyait, à ce qu’il reconnaissait et le séduisait. Les arts contemporains ont notamment élargi la dimension polysémique de l’image en la libérant de ses références obligées. Ils ont augmenté le pouvoir d’interprétation, en rendant la réception de l’œuvre plus active et en produisent des images complexes mêlant le fictionnel au réel, de manière à éconduire le regard identificateur.
Il ne s’agit donc plus d’examiner l’image en sa fidélité mais de la considérer dans ses vertus, comme le propose Louis Marin, c’est-à-dire abandonner l’idée de « l’être de l’image » comme « image de l’être » pour interroger plutôt « ses forces latentes ou manifestes » ?3 Le préfixe re de re-présentation n’indiquerait alors plus la duplication, le redoublement, mais l’insistance. Ce qui insisterait dans l’image serait ce seuil d’invisibilité qui attend de faire image, de prendre corps dans une œuvre, dans un visage, dans notre regard et dans notre imaginaire.
Aujourd’hui, s’il est vrai que nous sommes, malgré nous, sujets à une forme de consommation passive et boulimique devant le flot de l’image, il n’en reste pas moins que des productions artistiques remarquables nous sollicitent de façon différente, incitent à l’interrogation et suscitent une réception active. Devant les stratégies politiques d’indigence volontaire d’imager l’horreur des guerres et des violences coloniales, des artistes contemporains du Moyen-Orient et du Maghreb adoptent des démarches artistiques originales qui résistent à l’identification convenue et généralisée des massacres.
Contre l’uniformisation de la perception des diverses formes d’agression des peuples, leur pratique des arts visuels est devenue un moyen de résistance par création photographique, vidéographique ou cinématographique. Le domaine des arts est passé à des formes de résistance qui permettent, par les vertus de l’image, de s’extraire des accoutumances perceptives. Le travail de l’œuvre devient processus de libération, par sa dimension à la fois imprévisible et instauratrice de sens nouveau. La création qu’il introduit n’est pas uniquement de l’ordre de l’imaginaire mais une inscription de l’altérité dans l’expérience du même. Défaire l’image médiatique atrophiante, c’est tenter de se libérer des codes et des scléroses qui guettent toute désignation et toute identification. Cela permet d’affronter la dimension temporelle et existentielle des situations de violence et de guerre dans leur particularité et dans la multiplicité des événements qu’elles génèrent localement.
Ce qui fait image dans les œuvres des artistes Taysir Batniji, Akram Zaatari, Ammar Bouras, c’est une forme d’altérité dans l’approche de la violence coloniale et postcoloniale qui incite au questionnement, à l’exploration devant l’inactualité médiatique de sa présence. Leur démarche provoque de nouveaux affects en libérant de nouveaux sens. La reconnaissance laisse place aux imprévus et l’image ne cesse d’être réactivée, revisitée, parce qu’elle est paradoxalement différente et proche. Il s’agit pour eux de produire, autrement, dans une attention portée aux singularités des situations coloniales et post-coloniales, des images du présent qui respectent l’espace-temps de ceux qui subissent, dans leur quotidien, les effets des violences dégradantes. Dans le tourbillon des images de communication qui nous assaillent, elle instaure un écart qui n’est pas celui du rapport frontal classique entre l’image et le récepteur mais un écart de distanciation qui a une portée critique pour la réception.
Les artistes visuels contemporains ont compris que les pouvoirs de l’image de la violence coloniale se situent au cœur du temps phénoménologique et agissent dans leur forme fictionnelle comme processus de réappropriation du réel.
Tayssir Batniji et Akram Zaatari ont bien compris que la récurrence des images de destruction a, depuis des décennies, fini par associer l’image de la Palestine et du Sud Liban au schéma classique des lendemains de cataclysme naturel. Cette accoutumance perceptive occasionne paradoxalement une forme d’abstraction du vécu de violence, d’humiliation et de crime. Leurs œuvres photographiques et vidéographiques montrent que les expériences d’oppression peuvent être données à ressentir dans la restitution purement émotionnelle d’un espace-temps personnalisé dans des scènes parfois quasi intimistes. Les photographies de Tayssir Batnaji ont été qualifiées de haïkus et d’aphorismes éminemment humains par Michèle Cohen-Hadria dans le catalogue de la 8e Biennale de Sharjah, 2007. « Ses perceptions sont subtilement subjectivées. Comme par correction d’une lentille optique, il oppose un récit fragmenté mais sensible, aux visions d’une presse internationale qui se polarise sur le Moyen-Orient, sans toutefois parvenir à l’objectivation. « Gaza Diary » privilégie le « non spectaculaire » d’un jour comme les autres sur un marché gazaoui. Son attention au familier n’élude guère des dangers latents. Face à d’aimables sorties d’écoliers, le hachoir d’un boucher qui s’abat sur un morceau de viande alterne avec le va-et-vient des chalands et la voix des maraîchers. Subliminale, cette rythmique qui renvoie à des fréquences, tour à tour, paisibles ou dramatiques, incarne peut-être une Épée de Damoclès.
Les œuvres de Batniji jouent effectivement les mises en vision de l’image de l’oppression en délivrant la force latente d’un spectacle qui peut paraître anodin. Elles peuvent ainsi dans un jeu de présence/absence, ébranler nos représentations et transcender les références. Il s’agit de produire, autrement, dans une attention portée aux singularités des situations coloniales, des images du présent qui respectent l’espace-temps de ceux qui subissent, dans leur quotidien, les effets des violences dégradantes. L’art exploite la dimension temporelle et existentielle des situations de guerre dans leur particularité et dans la multiplicité des événements qu’elles génèrent localement.
Reprenant la forme de la série des miradors, il présente 20 photos digitales de maisons détruites sauvagement à Gaza par l’armée israélienne et les dispose avec légende, à la manière d’une annonce immobilière. Le détournement de l’image récurrente des habitations bombardées en Palestine produit dans cette mise en vision banale de vente immobilière un déplacement de la perception, accentué par l’ironie des annonces inappropriées. Dans la simplicité et l’ordinaire de cette série photographique se dit tout le drame des populations soumises aux destructions continuelles par acharnement colonial.
Dans le même ordre de sensibilité, les images filmiques d’Akram Zaatari remettent en question les schémas perceptifs que l’on a habituellement aux spectacles récurrents de désolation et de guerre, au Sud Liban. Elles échappent à la reconnaissance des codes qui ont fini par désidentifier et déshumaniser les lieux, dans les mises en scène uniformisantes des massacres, des exodes ou de l’anarchie causée par les attaques. Elles sollicitent différemment notre regard et notre sensibilité en faisant alterner les images des lieux de désolation et la présence singulière et vive de ceux qui y sont pris au piège ou enfermés. Elles sont l’expression d’un nouveau type de banal de la vie en situation de blocage et d’enfermement.
Dans son film « Tout va bien à la frontière », le montage d’images d’archives de guerre et de destruction, avec des prises de vue des lieux de réclusion et des camps dans les zones frontières, au Sud Liban, puis des scènes où les anciens évoquent les souvenirs de ce qu’étaient ces lieux de vie avant l’occupation, crée une superposition qui convoque le passé en contraste avec l’absurdité actuelle d’un vécu appauvri et contraint. Les témoignages des personnes isolées dans un environnement hostile sont saisis dans des images/temps qui détachent leur récit de la simple narration chronologique pour l’élever à celui du pur événement de la résistance à l’anéantissement. L’image fixe, en plan rapproché, crée un espace mental qui distancie de l’anecdotique d’un récit de combat. Les arrêts sur image, les plans avec inscription, les interruptions et les jeux de lumière constituent des éléments à part entière dans la mise en valeur de ces situations ultimes. La demi-pénombre où baignent les personnages, témoignant de l’expérience limite des camps ou des prisons, crée une sorte de retrait, voire de r...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Cahiers du Gremamo
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Pour Jacques Couland par Chantal Chanson-Jabeur
  7. Introduction par Anissa Bouayed
  8. Partie 1. Résister à l’oubli : l’art, trace de l’histoire et traduction de l’indicible
  9. Partie 2. Résister à l’usure du regard : l’art dans les conflits du Moyen-Orient
  10. Partie 3. Résister à l’instrumentalisation : Les artistes du Maghreb, entre art officiel et subversion
  11. Table des matières
  12. Adresse