Composer après 2020
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Composer après 2020

Amorce

  1. 56 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Composer après 2020

Amorce

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Impensable encore hier, la vague du « Classical music is inherently racist » est un phénomène qui, selon l'expression actuelle, se propage à bas bruit. L'intrusion du multiculturalisme dans la musique savante va se faire le fossoyeur de la création musicale telle qu'on l'entend communément (un compositeur crée une oeuvre qui est interprétée durant un concert où au moins auditeur la recevra avec bienveillance). Attendons-nous à de profonds bouleversements, et tentons de les nommer.

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2020
ISBN
9782806662132

TABULA RASA

Printemps 2020. Nivellement planétaire. Impensable5 épouvante virale qui interdit toute étreinte insolente, exclut toute vile main. Primalité des émotions stimulée par la mise à l’arrêt du corps dansant.
Au risque d’un effondrement écologique annoncé il y a déjà quatre décennies, s’ajoute la crise sanitaire, économique et culturelle. Notre sensibilité à l’art se laisse infiltrer par le silence. Aléa d’un prodrome, quand l’avenir prétendument sous contrôle s’avère compliqué à prédire ?
Évoquons sereinement la frayeur d’une crise récurrente – et pas nécessairement virale – qui bouleverserait en profondeur notre rapport à la musique, jusqu’à rendre inaudible toute création musicale contemporaine.

1•Par temps d’éclipse

« L’homme est incapable de discerner l’épaisseur des choses. Mais il lui est possible de l’écouter, de saisir par l’ouïe les processus qu’elle dissimule. La vue doit devenir ouïe. Celui qui ne possède pas cette ouïe ne verra pas les changements de l’ordre caché de la vie. Il semble que tout soit comme avant, or, en réalité, tout est nouveau. Ceux qui sont privés d’écoute ne pourront pas suivre les changements de rythme. Et que pourraient être les brisures spontanées des choses, sinon les changements de rythmes et les pulsations de la vie de l’univers, du cœur de l’univers ? »6

2•Pendant ce temps-là, les numéristes…

La création individuelle pourrait disparaître dans le gouffre numérique de la culture de masse, cet esprit conquérant sans spiritualité où la musique, perdant progressivement sa prépondérance en même temps que son caractère sacré, se délite et se mue en une distraction qui me confronte à « des suspensions de mon moi en moi-même »7.
À ce jour, le son régénéré par haut-parleurs n’offre aucune richesse culturelle.
Si cette musique numérique fait tourner le commerce, ceux qui la composent tournent en rond. Pourquoi ? Parce que les algorithmes du numérique ne sont pas et n’ont jamais été un matériau de composition satisfaisant pour le créateur : lorsque le piano fut inventé, il fit espérer puis il permit toutes les œuvres à venir parce que ses sonorités répondent possiblement à chaque stimulus du corps de l’interprète, alors que le son standardisé par algorithmes des instruments virtuels, diffusé par du haut-parleur, est conçu pour ne pas dépendre de son environnement.
En revanche, il peut s’avérer intéressant de mettre le numérique au service de l’interprète et de la valorisation de son instrument. Par exemple, quand l’interprétation d’une œuvre ou l’exécution d’une improvisation est numérisée en temps réel selon un protocole neutre (MIDI ou autre) sans pour autant se priver d’un rendu acoustique naturel qui met hors jeu la diffusion par haut-parleurs.
Tout instrument virtuel limite, en la filtrant, l’expression du geste du musicien qui dépend du rétrocontrôle de l’instrument, ici fatalement insuffisant : par cette disparition du geste musical, compositeurs et interprètes se trouvent dépossédés de la sensation de l’instrument traditionnel, malgré les trésors de trouvailles technologiques déployés pour qu’elle soit simulée jusqu’à, dit-on, transcender la matière.8
Demain, lorsque seront opérationnels les ordinateurs quantiques, le travail sur la spatialisation du son régénéré par haut-parleurs sera certainement exceptionnel en rendu 3D dynamique, mais demeurera toujours limité par l’artifice de l’algorithme. Comment, dès lors, distiller la poésie portée auparavant par la musique spectrale, cette langue « lumillante »9 qui savait dire aussi la couleur indéfinissable du temps ?
Les numéristes ne cesseront de nourrir leur rhétorique en théorisant le timbre et en saturant le son. Que deviendront alors la rosée de la nuit et la face cachée des étoiles ? Troquant le sensible contre une technologie grisante, ils omettront la cinétique de l’oreille candide. Cette oreille qui se souviendra que tout instrument est joué en fonction des propriétés acoustiques du lieu. Ils finiront par trahir cette évidence ancestrale, et leurs sons seront dissociés du corps. Et pourtant, les numéristes ambitionnent l’exploration sensorielle. Faiblesse d’intuition d’une génération de musiciens vouée à l’incomplétude et aux attentes d’amis virtuels sur des réseaux mobiles pulsionnels.
Évoquons encore ces numéristes qui pensent sincèrement être en capacité d’apporter leur pierre à l’offre artistique en proposant un concert sur instrument non virtuel diffusé sur les réseaux mobiles par le truchement de l’écoute à la demande, en live ou en replay pour composer, à la longue, leurs playlists en vue de fidéliser le public.
Par ce format, ils trahissent à leur insu l’intégrité du son émis : le son diffusé par les haut-parleurs sera débarrassé du corps, de sa création jusqu’à son audition. Et probablement, glissement insidieux pour l’auditeur vers l’acceptation par résignation, les mois passant, tant il est vrai que par l’entremise du numérique une offre en constante expansion se donne à voir et à entendre de manière moins exigeante.
La société tout entière nous y prépare tant elle néglige, dans les domaines de la communication, le sens du message au profit de la forme qu’il revêt. Transformation des interactions sociales. Emprise que nous permettons aux technologies d’exercer dans nos vies, y compris dans leurs dérives.10
Qui donc va pouvoir dire Stop ?
Dave Grohl en personne : « La pandémie du coronavirus a réduit la musique vivante d’aujourd’hui à de petites fenêtres vidéo [gérées par un logiciel de visioconférence] peu flatteuses qui ressemblent à des écrans de vidéo surveillance, et sonnent comme les transmissions radio déformées de Neil Armstrong venues de la lune, toutes hachées et compressées »11.
Si le confinement de la création perdure, ou resurgit, la société se trouvera frustrée de musique, telle qu’on l’entendait. Dans le cas où nous ne parviendrions pas à nous désembourber du système actuel, nous préparons-nous à une paupérisation de la création ?
Comme le contournement de la ligne Maginot l’a montré, on ne peut guère se prémunir d’une catastrophe, fût-elle pressentie.12

3•Pendant ce temps-là,
les multiculturalistes…

Avançons maintenant un sujet polémique : « C’est la signalisation des différences, le fait de les affirmer explicitement, et la défense pour elles d’un droit de cité dont une telle définition de la situation est presque automatiquement porteuse, qui s’avèrent ici bel et bien nouveaux »13.
L’idéologie des multiculturalismes amalgame culture et politique14 et elle « postule l’efficacité économique de la politique de reconnaissance culturelle »15.
Une partition de la musique autrement inattendue ne serait-elle pas à l’œuvre ?
Le slogan de ce multiculturalisme-là est édifiant : Classical Music is Inherently Racist. Phénomène sociologique discret en France, une jeune génération surgit en Europe, qui se saisit de cette idéologie à la faveur d’une vague venue des USA.
Contre tout présage, voilà qui pourrait se révéler favorable à l’émergence d’un imaginaire insolent : le mouvement dont participe le multiculturalisme va tout renverser. Vertige obligé.
Ensuite, tout va devoir être réinventé. Ceux qui s’y attèleront – dans 5 ans ? dans 10 jours ? – seront amenés à composer selon de nouveaux modes de pensée sensible. Et les rôles réputés inamovibles du compositeur, de l’interprète et de l’auditeur se verront redistribués. Les autres, « jeunes écervelés » ou « vieux cons », faisant, demain, le pari de convoquer la muse de l’inspiration, pourraient perdre pied, rejetés en tant que compositeurs sans œuvre à proprement parler.16
Michel Wieviorka avait pressenti que la société désirée par le multiculturalisme était « une pluralité instable et incohérente de particularismes identitaires dans l’espace public »17. Il lui reconnaissait la volonté de compenser les discriminations sociales et de réduire les inégalités passées ou présentes dont souffraient certaines communautés. Il préconisait cependant de ne pas réduire « toutes les affirmations culturelles à l’image d’une sorte de dégradation, à mi-chemin entre une thématique sociale perdue ou introuvable et une thématique de la nature qui se profile, sous-jacente »18.
Intéresso...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Collection
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Exergue
  7. TU NE SERAS PLUS COMPOSITEUR, ET J’IGNORE CE QUE TU DÉCOUVRIRAS ÊTRE
  8. TABULA RASA
  9. TERRA INCOGNITA
  10. SALUTATION À BERNARD STIEGLER
  11. RÉFÉRENCES
  12. ÉRIC HUMBERTCLAUDE
  13. TABLE DES MATIÈRES