INITIATION AUX MATHEMATIQUES PAR LE BON USAGE DES DOIGTS
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INITIATION AUX MATHEMATIQUES PAR LE BON USAGE DES DOIGTS

  1. 328 pages
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INITIATION AUX MATHEMATIQUES PAR LE BON USAGE DES DOIGTS

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À propos de ce livre

Le bon usage des doigts facilite l'accès réussi aux notions fondamentales de l'arithmétique, à la mobilité de la réflexion calculatoire, au sens, à la rigueur et à la créativité de la démarche mathématique. Il tire profit des liens étroits entre les doigts et les nombres. Ces liens, confirmés par des scientifiques de diverses disciplines, ont été vécus depuis des millénaires et le sont encore aujourd'hui même si les enfants en difficulté en font souvent un usage demandant maintes améliorations.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2020
ISBN
9782806123572

CHAPITRE 1

QUAND L’APPRENTISSAGE DES MATHÉMATIQUES TOURNE AU DRAME

Commençons par une séance qui, pour moi, fut tout à fait exceptionnelle, mais dont le scénario tragique ne cesse de se répéter des milliers de fois, pratiquement toujours à l’abri de tout regard extérieur. Ce drame, qui n’est pas sans rappeler le mythe de Sisyphe, se reproduit chaque fois que des personnes désireuses d’aider l’enfant en grave difficulté d’apprentissage, cherchent à lui imposer, pour son bien, la méthode la plus facile, la plus simple… de leur point de vue. La méthode spontanée de l’enfant, sa volonté tenace de se servir de ses doigts, est méprisée et rejetée au lieu d’être, le cas échéant, améliorée dans le sens même recherché par l’enfant.
Il s’agit de Sarah, fille qui débute la 3e primaire (CE2). Sa mère se montre particulièrement active et engagée. Mais, perdant son latin, elle me consulte suite à la recommandation de l’institutrice. Elle me demande, dès le premier entretien, de pouvoir venir la prochaine fois faire un devoir avec sa fille. Je devrais alors lui dire ce qu’elle fait bien et ce qui demande des modifications ou des corrections. Bref, je devrais la « superviser ». Je ne savais absolument pas à quoi je m’engageais en donnant une suite positive à cette demande tout à fait hors norme. L’objectif réel de cette séance, à savoir que l’enfant apprenne quelque chose de positif, était complètement tombé à l’eau dans tous les sens du terme : à la fin, la mère et la fille étaient en pleurs, et Sarah n’avait très probablement rien appris de positif… J’aurais voulu intervenir dès les premières minutes, mais je me disais que je devrais au moins laisser agir un peu la mère. J’hésitais toujours à intervenir et le déroulement du drame finissait par prendre son cours fatal… Pour mieux le faire comprendre, j’ajouterai des éléments interprétatifs fondés sur ce que j’apprendrai plus tard au cours de la re-médiation.
Tout commence par une tâche apparemment pas trop difficile pour une élève de 3e primaire (CE2) : 27 + 48. Sarah veut commencer à calculer. Mais, comme elle est déjà en 3e primaire, sa mère lui rappelle, à titre préventif, qu’elle ne peut plus utiliser ses doigts. La voilà donc d’emblée désarmée, dépossédée de ce qui lui est le plus familier ! Comment compter les 48 pas à effectuer en partant de 27 (28 ?), sans utiliser les doigts ? En effet, n’ayant pas compris le système numérique, comme je m’en aperçois rapidement, Sarah compte un par un. Afin de se concentrer, elle fixe du regard le plafond de mon bureau.
Comme la réponse tarde à venir, la mère, suspectant sa fille d’être distraite, la met en garde : « Sarah tu es ici pour calculer. Allez, assieds-toi convenablement et concentre-toi un peu ! » Sur quoi Sarah répond de manière profondément vexée : « Mais je calculais. Maintenant tu m’as distraite et je peux tout recommencer », ce qui est tout à fait plausible puisque Sarah compte un par un au lieu de calculer. En outre, Sarah était bien assise, malgré l’apparence avachie de sa posture. C’est ainsi qu’elle pouvait en effet le mieux fixer le plafond pour se concentrer. On note d’ailleurs que beaucoup d’enfants compteurs fixent des fonds monochromes, ici le plafond, ailleurs le ciel bleu… d’autres enfin ferment les yeux pour ne pas être distraits lors du comptage.
On voit la complexité de la tâche surtout que Sarah ne peut pas perdre le fil du comptage un par un et qu’elle doit se servir de doigts imaginés pour contrôler où elle en est, l’usage des doigts réels étant interdit. On se rend difficilement compte à quelle besogne titanesque l’enfant s’attèle quand elle ajoute, une par une, 48 unités à 27 ! Il serait un peu plus aisé d’ajouter 27 à 48, mais Sarah (tout comme sa mère) n’y pense pas.
Sarah a donc été distraite dans son « calcul » par la remarque de sa mère. Tous les efforts et toute la concentration ont été complètement inutiles, le rocher que Sisyphe avait peiné à hausser un peu est retombé tout en bas de la colline, et cela uniquement parce que « maman ne me laisse pas calculer et me distrait tout le temps ». Maman fait donc des efforts supplémentaires pour garder son sang-froid et Sarah prend ses précautions : elle utilise ses doigts réels pour contrôler le comptage afin de ne pas devoir tout recommencer au cas où sa mère l’interrompt de nouveau. Les doigts doivent bien sûr être cachés sous la table. Mais que peut-on cacher à une mère attentive ? Cette dernière prie donc Sarah de travailler sans les doigts. Nouvelle interruption. Le rocher retombe en bas de la colline et Sarah doit recommencer à zéro. Entre-temps près de dix minutes se sont écoulées et le premier calcul n’est pas encore terminé. La séance risque de durer surtout qu’il y a vingt calculs semblables à effectuer…
Après un furtif regard sur la montre, la mère se rend bien compte que cela ne peut pas continuer comme ça. Elle décide donc d’aider plus activement Sarah. Elle lui demande de calculer d’abord 27 + 3. Sarah ne cache pas son étonnement : n’est-il pas marqué qu’elle doit faire 27 + 48 ? D’où vient le + 3 ? L’énervement commence à se faire sentir quand Sarah demande alors d’un ton indigné : « pourquoi dois-je faire 27 + 3 alors que sur la feuille il est marqué 27 + 48 » ? La réponse de la mère laisse Sarah encore plus perplexe qu’elle ne l’était déjà : « parce que tu dois d’abord calculer jusqu’au prochain chiffre rond ! » La mère pense avoir donné une réponse satisfaisante… mais la confusion entre nombre et chiffre n’y contribue sûrement pas : la mère vise le nombre 30 qui, lui, s’écrit avec deux chiffres (3 et 0). Finalement, un dialogue de sourds s’amorce puisque Sarah ne comprend rien de ce que lui répond sa mère. La réponse n’est dès lors qu’une pseudo-réponse.
Pourtant la question de Sarah est tout à fait pertinente puisqu’elle ne voit pas de rapport entre 27 + 48 et 27 + 3 ! J’ai rencontré des problèmes semblables des centaines de fois. On pense simplifier le calcul pour l’enfant, alors qu’on le plonge dans une jungle inextricable. L’enfant ne voit plus aucun rapport entre ce qu’il doit faire et la démarche qu’on lui propose ou impose. Si un élève doit faire 97 + 37 et qu’à votre question « 97 est tout près de quel nombre ? », il vous répond « de 98 », il a parfaitement raison tout en montrant qu’il n’a pas compris à quoi vous voulez en venir. C’est d’ailleurs ainsi que pour de nombreux élèves, comme nous le verrons plus loin, apprendre à calculer avec 99 (tout près de 100) est complètement différent de calculer avec 97 (tout près de 98) ou même avec 98 (tout près de 99) !
La mère continue comme si Sarah avait compris. Elle demande donc ce que font 27 + 3 : « combien de dizaines pleines cela fait » ? Là Sarah est encore plus déroutée : des dizaines pleines, c’est quoi ? Y a-t-il des dizaines vides ou à moitié pleines ? Voyant que Sarah ne répond pas, la mère chuchote les nombres 10, 20, 30, 40, 50. Mais pour voir où l’on arrive, Sarah devrait compter. Le temps passe ; déjà presque quinze minutes et le premier calcul est encore loin d’être effectué. La mère revient à 27 + 3. Sarah n’y comprend toujours absolument rien, mais pour satisfaire sa mère, pour lui faire plaisir et pour l’apaiser, elle effectue correctement le calcul ou plutôt le comptage qui la conduit à 30. Enfin un sourire sur le visage de la mère, sourire dont Sarah conclut que son calcul est juste. La mère encourage alors explicitement sa fille : « Bravo, tu vois que ça marche, tu vois que c’est beaucoup plus facile comme ça ! » Que 27 + 3 est plus facile à effectuer que 27 + 48, Sarah le sait depuis belle lurette, inutile de le lui répéter…
Encouragée par ce petit succès, la mère pense pouvoir enfin mener rapidement Sarah jusqu’au bout du calcul. Aussi enchaîne-t-elle tout naturellement : « Que dois-tu encore calculer maintenant » ? Sarah pense à ses devoirs et se réjouit déjà à l’idée que sa mère s’y intéresse enfin et qu’on va enfin pouvoir avancer. Elle répond donc sans hésiter : 27 + 48 ! La mère ne parvient pas à cacher sa profonde déception : « Mais enfin ! Réfléchis un peu ! Qu’est-ce que nous avons déjà fait ? Prends au moins la peine de lire ce que nous avons déjà écrit :
27 + 48 =
27 + 3 = 30. »
Sarah répète alors quasi mécaniquement 27 + 3 = 30. « Très bien ! », répond la mère et conclut (pour Sarah ce n’est évidemment pas une conclusion) : « nous devons donc continuer à calculer à partir de 30. » Comme Sarah ne comprend absolument plus rien, elle finit par conclure qu’il faut ajouter 30, vu qu’il n’y a que des signes + dans les calculs. Maintenant la mère perd toute patience et reproche sèchement à Sarah : « Tu ne réfléchis pas du tout ! Tu ne fais que deviner ! » Sarah commence à pleurer. Pourquoi sa mère lui reproche-t-elle de ne pas réfléchir alors qu’elle a l’impression d’avoir réfléchi sans arrêt durant plus d’un quart d’heure. Certes, Sarah devine aussi un peu, mais pas n’importe comment : elle devine en fonction des questions que lui pose sa mère.
Voulant éviter d’empirer le climat, la mère effectue le pas suivant toute seule et demande à Sarah d’écrire et de calculer 30 + 5. Ce que Sarah fait et, après un rapide comptage, elle dit bien vite, toute rayonnante : « cela fait 35 ! », et la mère de répondre : « Très bien ! Tu vois que tu es bien capable de calculer ! » Ces louanges encouragent Sarah à ne plus demander à quoi servent ces calculs qui ne figurent pas sur sa feuille de devoir. De toute manière, si jamais elle osait encore le demander, elle ne pourrait qu’énerver sa mère. Au fond d’elle-même, la mère doute cependant (à juste titre) du fait que sa fille comprenne réellement la démarche qu’elle lui impose comme étant la plus facile à exécuter. Elle effectue donc un bref résumé : « Nous avons calculé 27 + 3 = 30, puis nous avons fait 8 – 3 = 5 (les 3 que nous avons déjà ajoutés) ; donc nous avons dû encore ajouter 5 à 30 où nous étions arrivées ; le tout fait donc 35. Tu vois que c’est très simple ainsi et que ça va nettement plus vite ! »
Sarah n’en revient pas. Elle pense certainement que si on lui avait permis de « calculer » (compter) avec les doigts, elle aurait déjà longtemps fini plusieurs exercices alors que maintenant elle en est toujours au premier. Et, comble de l’affaire, elle ne voit même pas où elle en est. Auparavant on n’avait pas parlé de 8 – 3… Pourquoi un signe – vient-il se nicher dans les calculs alors qu’on est dans les + ? « Chaque fois que j’ai mis un – au lieu d’un +, on me l’a reproché. Maintenant maman peut le faire… », se dit-elle probablement. Finalement, Sarah prend son courage à deux mains et demande une fois de plus : « Pourquoi dois-je faire tous ces calculs au lieu de faire celui qui est demandé ? » Là, il fallait s’y attendre, la mère perd de nouveau son sang-froid : « Tu ne vois toujours pas que nous faisons le calcul du devoir et que c’est beaucoup plus facile de faire comme nous le faisons ! » Nouveaux pleurs de Sarah…
Sarah a déjà entendu des milliers de fois que c’est plus facile, que c’est plus simple… Même l’institutrice, même ses condisciples le disent. Si je pouvais lire dans la tête de Sarah en m’inspirant de ce qu’elle me révélera plus tard, je devrais y voir des réflexions du genre de celles qui suivent : « Si c’était vrai, ce serait merveilleux ! Et tous me disent de bien travailler, de bien réfléchir, de faire beaucoup d’exercices… Tout cela ne fonctionne pas chez moi parce que, comme mon père et d’autres le disent, je suis trop bête. On m’a d’ailleurs déjà répété des dizaines de fois que je suis nulle en maths… je suis malade dans ma tête comme les tests l’ont montré… ».
La mère calme Sarah et a l’idée lumineuse d’arrêter et d’écrire sur la feuille que Sarah n’a pas pu faire ses devoirs parce qu’elle ne les a pas compris. Ainsi l’institutrice pourra lui expliquer une fois tout « convenablement ». Mais Sarah proteste violemment : elle ne veut pas se présenter en classe sans avoir fait ses devoirs, elle ne veut pas que tous ses condisciples voient une fois de plus qu’elle est trop bête pour faire des devoirs que l’institutrice avait pourtant jugés faciles. C’est une réaction que j’ai rencontrée des dizaines de fois. Les enfants s’opposent souvent violemment à tout ce qui pourrait encore davantage les singulariser négativement : derniers soubresauts avant la noyade totale. La mère cède donc et encourage Sarah à continuer. Cela est vraiment nécessaire, car en regardant sa feuille de devoirs, Sarah ne voit pas grand-chose :
27 + 48 =
27 + 3 = 30
30 + 5 = 35
Sarah ne sait même pas si les calculs imposés par sa mère sont terminés ou pas, mais elle n’ose pas demander. Elle verra bien ce que sa mère va faire. De son côté, la mère est à bout : on ne sait quand même pas expliquer les choses plus simplement, se dit-elle. Et puis, on a déjà tout fait : épuisé les 192 séances de logopédie, payé une année de cours de rattrapage, fait réaliser des examens médicaux de toutes sortes, tout cela sans le moindre résultat… Et puis, il y a cette institutrice si dévouée qui fait tout son possible, qui ne perd pas tout espoir et qui estime que Sarah n’est pas un cas pour l’école spécialisée…
La mère reprend ses esprits et se donne du courage. Elle veut continuer l’exercice (qui n’est donc pas terminé !) : « Tu vois, nous avons déjà ajouté les 8, ils sont donc déjà partis, il nous reste le 4. Qu’est-ce que tu dois encore calculer maintenant ? » La mère indique en même temps de son doigt le 4 en soulignant qu’il est dans la colonne des dizaines. La réponse de Sarah se laisse deviner : « je dois encore faire + 4 ». La mère accepte la réponse tout en insistant sur le fait que le 4 se trouve devant le 8 qui a déjà été ajouté et qui est donc parti (l’a-t-on retiré ?). Donc (ce donc revient très souvent, sans que Sarah n’y comprenne quelque chose) ce 4, ce sont des… La mère aurait bien voulu entendre « dizaines », mais comme Sarah n’a rien compris, elle juge qu’il vaut mieux se taire au lieu de fâcher inutilement sa mère. Cette dernière l’aide une fois de plus : « Le 8 du 48 a déjà été ajouté, donc il est parti et il reste un 0 dans la colonne des unités, donc le 4 c’est bien 40 ». Sarah propose alors d’ajouter les 40. La mère la loue explicitement pour cette idée, mais comme elle se méfie quand même, elle préfère écrire elle-même « 35 + 40 » et demande à Sarah de faire le calcul en lui montrant qu’elle doit ajouter les 40 aux 30, et donc le 4 au 3. Sarah reprend son comptage et aboutit finalement à 7. Mais que faire du 7 ? La mère rappelle que ce 7 c’est 70 et qu’avec les 5 unités cela fait 75. Se rendant compte que Sarah n’y voit que du feu, elle écrit elle-même le calcul sur la feuille. Maintenant nous pouvons lire sur sa feuille :
27 + 48 =
27 + 3 = 30
30 + 5 = 35
35 + 40 = 75
La mère est enfin soulagée. Enfin ! Enfin, le rocher est au sommet de la colline ! Fière d’avoir pu mener à bout ce calcul, elle demande alors à Sarah d’écrire le résultat en face du 27 + 48 =. Surprise, s’il en est une ! Sarah recommence à fixer le plafond et à bouger discrètement ses doigts pour faire son calcul… Désespérée, la mère dit à sa fille : « Tu ne vois pas que nous avons déjà fait le calcul ? Le résultat est déjà là ! » Sarah regarde attentivement tous les exercices : pour chaque exercice on a indiqué le résultat, sauf pour celui qui était demandé comme devoir. Elle proteste alors en soulignant qu’il n’y a aucun résultat indiqué derrière 27 + 48 =. La mère rétorque aussitôt d’un ton énervé : « Mais tu regardes le mauvais exercice ! Quand tu regardes en bas tu vois bien que 35 + 40 = 75. Donc, le résultat est 75 ! » Sarah ne voit évidemment pas pourquoi on doit faire 35 + 40 pour trouver le résultat de 27 + 48, surtout qu’il n’y a aucune ressemblance entre les deux exercices ! Bref, le rocher est définitivement retombé tout en bas de la colline…
Voyant que Sarah n’a rien compris, la mère se rend peut-être compte du fait que la méthode qu’elle vient de suivre est horriblement compliquée… À force de vouloir simplifier les choses à l’extrême, on finit souvent par les compliquer au point de les rendre incompréhensibles. Quoi qu’il en soit, la mère enchaîne directement avec une autre méthode : additionner les dizaines et les unités à part. Elle indique donc clairement à Sarah qu’elle doit d’abord additionner les dizaines, soit 2 + 4, puis les unités, soit 7 + 8. Sarah se concentre, écrit rapidement le 6 ; puis fixe de nouveau le plafond et arrive à 15 pour les unités. Elle les ajoute pour faire 615. Maintenant, c’est la mère qui craque, elle n’en peut plus. D’une voix interrompue de sanglots, elle dit : « Là, tout le monde voit directement que c’est faux ; il est impossible d’arriver dans les 600… » Sarah est également à bout et recommence à pleurer…
J’ai admiré le courage de la mère et de l’enfant. Mais quel gâchis ! Quel calvaire ! Tonneau des Danaïdes ou corvée de Sisyphe ?… À la séance suivante, j’ai retravaillé, avec la mère seule, les problèmes posés par cette séance. Selon les dires de la mère, ce psychodrame n’a cessé d’empirer depuis la 1re primaire (CP) et le père a déjà depuis longtemps capitulé. Il dit seulement que Sarah est trop bête et que cela ne sert à rien de vouloir insister. Aussi devient-il quelque peu compréhensible que Sarah déteste son père et refuse, pleurs à l’appui, de travailler encore avec lui.
On pourrait et on devrait tirer de nombreuses leçons de cet entretien, mais cela dépasserait largement le cadre du présent ouvrage. Notons seulement ici qu’il ne suffit pas de savoir calculer soi-même et d’aimer l’enfant pour pouvoir l’aider efficacement s’il a de graves difficultés. Il faut aussi une méthode efficace et à la portée de chaque enfant. Il faut une méthode qui respecte les atouts de l’enfant ainsi que ce qui lui est déjà familier, une méthode qui valorise les efforts qu’il a déjà accomplis et qui laisse entrevoir en même temps un chemin plus aisé à parcourir, une méthode qui mène rapidement à des réussites actuelles tout en jetant les bases de celles du futur, bref, une méthode qui part de la méthode déjà utilisée par l’enfant afin de l’améliorer dans le sens profondément souhaité par l’enfant lui-même. La méthode du bon usage des doigts répond à ces exigences. Comme tant d’autres enfants, Sarah veut absolument recourir aux doigts qu’elle utilise pourtant très « mal », c’est-à-dire d’une manière on ne peut plus inefficace. Comme tant d’autres enfants, Sarah se montre ensuite heureuse de pouvoir améliorer l’usage de son outil familier (les doigts) et cela sans être rongée par le stress et la culpabilité ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Remerciements
  6. Préface
  7. Introduction
  8. Chapitre 1 – Quand l’apprentissage des mathématiques tourne au drame
  9. Chapitre 2 – Retour à la première machine à calculer : les doigts
  10. Chapitre 3 – Rôle des doigts dans la construction du nombre
  11. Chapitre 4 – Les configurations canoniques des doigts (CCD)
  12. Chapitre 5 – Construction de la calculatrice et des configurations canoniques des doigts (CCD)
  13. Chapitre 6 – Utilisation concrète de la calculatrice : le bon usage des doigts
  14. Chapitre 7 – Comment le sens du signe = peut-il émerger du bon usage des doigts ?
  15. Chapitre 8 – Les opérations à trous : un jeu d’enfant pour le bon usage des doigts !
  16. Chapitre 9 – Les doigts et le principe positionnel
  17. Chapitre 10 – Les doigts et la multiplication : les doublements, le rectangle
  18. Chapitre 11 – Peut-on toujours se servir des doigts comme calculatrice ?
  19. Chapitre 12 – Les doigts et les automatismes
  20. Chapitre 13 – L’usage des doigts dans la résolution de problèmes plus complexes
  21. Chapitre 14 – Un bon usage des doigts sans prérequis ?
  22. Chapitre 15 – Le bon usage des doigts, un garant de bonne compréhension
  23. Bibliographie
  24. TABLE DES MATIÈRES