Profession d'anthropologue en milieu congolais
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Profession d'anthropologue en milieu congolais

Réflexions prospectives

  1. 152 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Profession d'anthropologue en milieu congolais

Réflexions prospectives

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Dans un pays comme la République démocratique du Congo, le grand public ne s'intéresse qu'à la rentabilité économique de la science. Pourtant, l'anthropologie a la cote sur le marché du travail. Un diplôme en anthropologie permet de postuler à plusieurs postes dans de catégories d'emploi différents en lien avec les sciences sociales, tout en favorisant l'autonomie. Devenir anthropologue est un atout quand on veut rester mobile etagir dans n'importe quel secteur de vie.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2020
ISBN
9782806123442

Chapitre IV.
Pour une approche anthropologique de
la médecine traditionnelle

Cette partie de notre réflexion se propose d’analyser l’implication de l’anthropologie dans l’élaboration du discours dans l’étude d’un sujet/objet s’agissant notamment de la médecine traditionnelle africaine que d’aucuns ne cessent de qualifier de passéiste ou encore de médecine d’un autre temps. Il s’agit, de notre point de vue, d’un discours balise au départ des connaissances anthropologiques. Il est attesté que dans l’élaboration d’un tel discours, l’anthropologue-participant qui est perçu comme un observateur, fait souvent face aux difficultés multiples qui l’obligent, malgré lui, à traquer ce statut pour celui d’acteur sujet en vue de mieux s’impliquer dans le social en tant que producteur des savoirs en association avec les membres des communautés qu’il observe.
En passant de ce statut à celui d’ethnologue et/ou d’ethnographe, il se donne pour rôle l’explication des récits internes objectivables. C’est de cette façon que l’équation extrême que nous étions appelé à résoudre se trouve fondée sur l’analyse de l’altérité particulière et dans sa tentative de neutralité que l’on ne peut atteindre malheureusement. La démarche que nous comptons exposer dans les lignes suivantes sera progressive. Elle va nous permettre, à titre indicatif, de reconstituer les faits qui ont permis de construire notre réflexion : la médecine traditionnelle comme pratique sociale dans la ville de Kinshasa. Dans cet exercice, nous allons revenir sur le rôle que jouerait ou que doit jouer l’anthropologue, dans ce processus de valorisation de la médecine traditionnelle en tant que patrimoine local et, ce par le biais de la démarche qualitative.

Point de départ de la réflexion

Cette réflexion est la suite du constat autour de la revalorisation de la médecine traditionnelle africaine qui, pour l’OMS, n’en constitue pas une. On sait que pour cette institution mondiale, restent primordiale, les transformations biochimiques qui obéissent au décorum pharmaceutique. Voilà pourquoi, elle relègue la science du tradipraticien (acteur stratégique de la médecine africaine) aux oubliettes de l’histoire de telles pratiques. Face à ce constat, nous avons mis à profit la méthode qualitative pour revaloriser l’ethos du tradipraticien de Kinshasa, notamment, par des entretiens en profondeur avec ce corps sur les modes et sur les conditions de transmission de leurs savoirs, de même que sur la dimension culturelle qui entoure cette pratique thérapeutique et par des observations de leurs pratiques et/ou de leurs protocoles thérapeutiques qui sont faits du mélange d’ingrédients divers, par des entretiens de groupe en vue de saisir ce qui est socialement partagé ou qui peut l’être, entre tradipraticiens et chercheurs, sur les modes de revalorisation en cours. Aussi, sommes-nous arrivé au constat que la recherche qualitative est à même de donner la possibilité à l’anthropologue de jouer le rôle d’intermédiaire entre les dépositaires de la médecine africaine et les biomédecins dans la revalorisation holistique de leurs pratiques. Cette partie ultime de notre étude a la prétention d’orienter la démarche d’une recherche portant sur la médecine dite traditionnelle, ainsi que nous l’avons amorcée en 2007.
Il s’agit d’une recherche qui nous a conduit au doctorat dans le domaine de l’anthropologie médicale à l’Université de Yaoundé I, au Cameroun, en 2011. Nous sommes sans ignorer que la médecine traditionnelle comme système de soins, est utilisée jusqu’à 80 % par les populations africaines, selon les estimations de l’OMS, en 2002. En tant que telle, elle devrait permettre d’indiquer le rôle que pourrait jouer l’anthropologue natif ou celui que doit jouer ce dernier dans ce processus, pour œuvrer à la valorisation de la recherche qualitative. Mais, pourquoi pas aussi dans la revalorisation de la médecine des traditions africaines qui doit, dans ses pratiques, mettre davantage l’accent sur les transformations biochimiques (au même titre que ce qui se fait en biomédecine). La tradipratique, d’après l’OMS depuis 1978, est un terme forgé qui se rapporte aux pratiques, aux méthodes, aux savoirs et aux croyances en matière de santé qui impliquent, l’usage à des fins médicales des plantes, des parties d’animaux et des minéraux, des thérapies spirituelles, des techniques et des exercices manuels, séparément ou en association pour soigner, pour diagnostiquer et pour prévenir les maladies, et partant, pour préserver la santé en reléguant au second plan leurs protocoles thérapeutiques.
Face à ce constat, nous avons mis à profit les méthodes de la recherche qualitative pour mieux cerner la tradipratique à Kinshasa, à travers des entretiens en profondeur avec les tradipraticiens sur les modes et sur les conditions de transmission de leurs savoirs ainsi que sur la dimension cultuelle de ces pratiques autour de la pratique thérapeutique. Il va sans dire que l’observation de leurs espaces à travers l’organisation des focus group dans la saisie de ce qui est socialement partagé ou qui peut l’être entre les tradipraticiens et les chercheurs, sur le mode de collaboration ou d’intégration. Au bout de compte, nous avons constaté que la recherche qualitative peut permettre à l’anthropologue de jouer le rôle d’interface entre acteurs africains de la tradipratique et les chercheurs. Tout au long de ce débat, nous utiliserons l’expression médecine traditionnelle de façon interchangeable avec celle de médecine alternative et avec les adjectifs, différente, hétérodoxe…, sans ignorer que ces adjectifs recouvrent des aspects parfois contradictoires dans cette médecine et même en opposition ou en complémentarité avec la biomédecine.
Nous avons conscience, par ailleurs, que le syntagme médecine parallèle regroupe des pratiques extrêmement diverses et hétérogènes du point de vue de leurs fondements empiriques, de leur légitimité scientifique et de leur rapport aux institutions. Mais, nous avons choisi, en travaillant à partir de l’hôpital universitaire et d’un point de vue proche de celui des médecins, de regrouper toutes les pratiques différentes qui sont généralement exclues du milieu hospitalier par le groupe médecine parallèle.
Nous avons consacré nos recherches doctorales menées pendant plus de dix ans sur les tradipraticiens dans leur collaboration avec les biomédecins et ce, grâce à notre implication dans le projet dirigé au CERDAS (centre de coordination de recherche et de documentation en sciences sociales, desservant l’Afrique Sub-saharienne) entre 1999 et 2003, par le professeur Lapika Dimomfu, Directeur général du centre. C’est ainsi que nous avons eu la possibilité de dialoguer avec quelques tradipraticiens ciblés par le projet, en l’occurrence, le tradipraticien Anatole Mulumba qui a travaillé depuis plus de 20 ans au service de médecine interne des Cliniques Universitaires de Kinshasa (CUK), avant qu’il ne décède en 2009.
Cette recherche a permis, en plus, d’épingler la plupart des difficultés qui hantent la médecine traditionnelle, en contexte urbain, de Kinshasa. Cette proximité entre ces deux médecines a permis à certains tradipraticiens d’innover leurs recettes médicinales à cause de certaines critiques qui ont fait état de l’absence du dosage comme de l’indication posologique et même de l’origine obscurantiste de leurs médicaments. Depuis lors, l’intérêt d’investiguer sur les questions qui touchent à la promotion de la médecine traditionnelle n’a cessé de nous hanter. À partir des lectures et des discussions avec des chercheurs seniors, nous avons ressenti le besoin d’étudier le fonctionnement du système médical traditionnel au regard des mutations sociales qui ont depuis affecté l’espace de santé et de découvrir à la racine de ce que nous connaissons sur cette médecine, sur son ancrage dans le tissu social de Kinshasa.
L’intérêt que suscite cette tradition médicale africaine dans les milieux scientifiques et politiques en vue de son intégration suivant les protocoles de l’OMS, dits Stratégies pour l’intégration des médecines traditionnelles (2002), n’a été que très manifeste. Il a même motivé depuis 2000, la création au CERDAS qui est une unité de formation et de recherche qui collabore avec l’UNESCO en tant que réseau interrégional en Afrique Subsaharienne par le truchement de la chaire UNESCO, sur les savoirs endogènes et le développement en Afrique.
La création de la chaire UNESCO autour des savoirs endogènes répondait ainsi à la nécessité de contribuer à l’amélioration des capacités de formation et d’information des chercheurs africains en matière de ces savoirs. Si le terme générique n’est apparu, semble-t-il, qu’au milieu du XXe siècle, plusieurs des termes spécifiques désignant les sous-disciplines de la discipline sont plus anciens. Mieux encore, ces sous-disciplines ont été elles-mêmes pratiquées longtemps avant d’être nommées. Le mot ethnoscience n’apparaît dans la littérature de l’anthropologie que vers les années 1950, dans la troisième édition de l’ouvrage collectif publié sous la direction de George Peter Murdock.
Sans vouloir entreprendre ici un inventaire des sous-disciplines de l’ethnoscience, il mérite d’observer, cependant, que dans son approche des savoirs traditionnels, l’ethno-anthropologue occidental évacue habituellement une question : celle de la vérité, c’est-à-dire celle de la validité théorique et celle de l’efficience pratique du système des connaissances exotiques.
Si un pharmacologue trouve que parmi les résultats d’une enquête ethnobotanique, des indications concernant l’usage médicinal d’une plante pour le traitement d’une maladie donnée, son premier réflexe sera non seulement de vérifier l’information elle-même, mais aussi de la soumettre à la testabilité lors d’un traitement. Une fois que celle-ci est établie, on procède alors aux analyses chimiques et biochimiques, aux mesures et aux dosages nécessaires pour isoler la substance active et pour synthétiser sur cette base, le produit lui-même. Les disciplines scientifiques telles que l’anthropologie et la sociologie, les sciences environnementales, les sciences de la communication et la géographie humaine, développent des approches méthodologiques susceptibles d’identifier les divers aspects des savoirs endogènes.
L’implication de ces différentes disciplines dans un programme de recherche en matière des savoirs endogènes permettrait de mettre en évidence les interactions nécessaires entre l’homme, le milieu et la culture dans un contexte socioculturel en pleine mouvance et impulse un développement basé sur les valeurs sociales et culturelles susceptibles d’emporter l’adhésion de la population. Il n’existe pas de règles générales applicables à toute société qui permettent de décrire la manière dont les rapports de l’homme avec la nature se constituent ou fonctionnent. Les ressources disponibles dans une société donnée ne peuvent être définies qu’à l’intérieur de la logique même de cette société.
Elles dépendent des possibilités technologiques de chaque société. En effet, toute société véhicule une connaissance assez systématique du milieu et de la nature. Cette connaissance est généralement incluse dans un univers de perception où se mêlent les éléments religieux, moraux et sociaux qui peuvent concourir à une adaptation relativement correcte au milieu, aux techniques et au groupe social.
Pour revenir à la tradipratique ou au système médical de la tradition africaine, son utilisation dans les milieux urbains africains a connu un grand succès à la suite de la crise du système de soins d’obédience occidentale. Pourtant, les années qui ont suivi l’indépendance, c’est-à-dire après 1960, l’État postcolonial avait offert de manière générale à la population, des opportunités pour un épanouissement social avec l’amélioration des conditions de vie et du bien-être. L’accès des populations aux services de santé modernes a connu une croissance ininterrompue.
À cette époque, les établissements publics de santé avaient la confiance de la population et étaient souvent le premier choix d’une frange importante des patients à cause de la qualité des services et des équipements mis à la disposition des utilisateurs des services de santé. Cette expansion était traitée comme une cible patente d’indépendance et de développement. Mais, les réformes des politiques d’ajustement structurel, (PAS) des années 1980, avaient contraint l’État à retirer ses interventions dans presque tous les domaines, exposant ainsi la population au plan social5.
Cette situation a occasionné des revers du secteur de la santé desquels il ne s’est pas remis et a constitué un déclic pour l’émergence d’une médecine privée (cliniques, centres de santé, polycliniques, pharmacies) tenue, en majorité, par les ex-employés du secteur médical moderne et au recours, jusqu’à 80 % de la population, à la médecine traditionnelle, comme ressource primaire de soins. En effet, le cours de l’histoire a tout naturellement permis à la médecine traditionnelle de gagner la sphère politique et d’y conquérir dans leurs mouvance, reconnaissance et valorisation. D’abord, par l’OUA, en 1968, puis, avec les bénéfices de l’idéologie de l’authenticité en 1970, par la Déclaration d’Alma Ata, (OMS, 1978), qui avait reconnu le rôle que cette médecine des guérisseurs devrait jouer dans l’accomplissement de l’objectif santé pour tous. La Conférence nationale souveraine, (CNS) de la République Démocratique du Congo, qui s’est tenue à Kinshasa, de 19911994, a renforcé cette donne avec deux actes importants : l’acte portant organisation de la médecine traditionnelle ainsi que l’acte portant intégration de la médecine traditionnelle africaine dans le système sanitaire du pays. En dépit des avancées scientifiques et technologiques de la biomédecine, les tradipraticiens font irruption et s’approprient l’espace public à travers les médias pour se faire connaître et marquer leur présence dans le champ médical de Kinshasa.
Cette tradition médicale tend à rivaliser d’adresse avec la médecine moderne en utilisant l’art de la communication pour s’affirmer. Les acteurs de la médecine traditionnelle, font appel à la publicité sous toutes ses formes pour révéler leur identité, leur lieu de résidence, mais aussi, et surtout, leurs différentes recettes et différents domaines de spécialisation, c’est-à-dire les maladies qu’ils sont sensés soigner.
Ce phénomène amène les instances dirigeantes de la santé (ministère de la Santé publique, l’OMS) à reconnaître les bienfaits de cette médecine dans la résolution des problèmes de santé. Pour relever ce défi, le Gouvernement congolais avait créé en 2002, le programme national de médecine traditionnelle et des plantes médicinales, (PNPMT/PM), qui prônait l’intégration de la médecine traditionnelle dans le système sanitaire conventionnel. Cet avantage qu’offre l’autorité sanitaire à la médecine africaine est d’une grande importance, d’autant plus que 80 % de la population congolaise tant rurale qu’urbaine utilisent les services des tradipraticiens.
Certes, cela permet le renforcement des capacités des acteurs de la médecine traditionnelle africaine dans la préparation, le conditionnement et la standardisation des remèdes traditionnels améliorés selon les normes pharmaceutiques avant leur mise à la disposition du public.
Or, il apparaît que cette modernisation ne concerne qu’une frange de la médecine traditionnelle africaine parce qu’il existe certaines pratiques telles que les rites, les bains qui ne sont pas modernisables. Il se trouve que la médecine traditionnelle en tant que système médical est à constituer non seulement à partir des connaissances, des usages, mesures et pratiques explicables, mais aussi et surtout sur la base des pratiques socioculturelles ou religieuses qui s’appuient sur l’expérience quotidienne pour diagnostiquer, guérir ou pour prévenir le déséquilibre physique, social ou spirituel.
Dans cette même perspective d’analyse, nous avons cherché à cerner la place des connaissances médicales africaines dans la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI) et de nous interroger sur la pertinence d’un tel instrument dans la mise en valeur du système médical africain et pour sa protection contre la bio-piraterie. L’objectif d’une telle réflexion est de dépasser le domaine scientifique proprement dit pour s’évertuer du côté des patrimoniteurs en vue de susciter des débats en anthropologie sociale ou culturelle sur la possibilité d’intégre...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Exergue
  6. Dédicace
  7. Avant-propos
  8. Introduction
  9. Chapitre I. Perspectives anthropologiques
  10. Chapitre II. Anthropologie sociale ou anthropologie culturelle : de quel bord se situer ?
  11. Chapitre III. Pour une profession prospective de l’anthropologue
  12. Chapitre IV. Pour une approche anthropologique de la médecine traditionnelle
  13. Conclusion
  14. Références bibliographiques
  15. Table des matières