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Populisme et polarisations
Notes théoriques sur le folklore dans les institutions politiques
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Populisme et polarisations
Notes théoriques sur le folklore dans les institutions politiques
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Le folklore reste un concept opératoire pour comprendre les cultures populaires et le populisme aujourd'hui. En retraçant l'histoire de la démo-ethno-anthropologie en Italie, cet ouvrage explique que "nous faisons tous partie du peuple" et encourage les ethnologues à ne pas se couper de la société qu'ils étudient.
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Informations
Sous-sujet
Politique1. Quel est le meilleur outil dâenquĂȘte
pour explorer les polarisations culturelles ?
En amont de cet ouvrage, au-delĂ de la recherche thĂ©orique, il y a trente ans de travaux dâethnographie politique que jâai orientĂ©s, dâune part, sur les rapports existant entre les spĂ©cialistes du folklore et de la « dĂ©mologie » (Ă©tudes sur la notion de peuple), les ethnologues, les anthropologues culturels et, voire, les romanciers ; de lâautre, sur les rapports existant entre les « dĂ©mologues » (anthropologues qui travaillent sur la notion de peuple) et les groupes (communautĂ©s) quâils ont observĂ©s.
Les remarques les plus actuelles Ă ce sujet me sont offertes par les consĂ©quences de la pandĂ©mie COVID-19 qui fait ravage au moment oĂč jâĂ©cris (avril 2020). Alors que les seules places dĂ©sormais frĂ©quentables sont celles virtuelles des rĂ©seaux sociaux, les expressions de haine, les menaces et les formes mĂ©diatiques dâintimidation alternent avec les expressions liĂ©es au sentiment dâappartenance Ă une commune et fragile humanitĂ©, soumise Ă lâagression bouleversante dâun ennemi invisible. Sur ces places virtuelles rĂ©sonnent â Ă travers des textes au langage argotique, des vidĂ©os autoproduites, des imitations et des mĂšmes viraux â nombre de rĂ©cits populaires (parfois dĂ©jĂ vus et connus), des lĂ©gendes et des polarisations qui mĂ©ritent une lecture et une interprĂ©tation anthropologiques. Une vidĂ©o ou un mĂšme peuvent collecter des millions de visualisations en quelques heures et ils revĂȘtent ainsi une signification politique (Ă noter ici que mĂȘme le fait de dĂ©clencher le rire implique une dimension politique, selon le rĂ©cit proposĂ©). Ces messages se propagent par imitation et sâadressent Ă une stratification culturelle donnĂ©e. Mais ce genre de produit â qui devient rapidement viral â peut tomber, Ă une vitesse identique, dans lâoubli total. Lâinternet avance de maniĂšre pressĂ©e et la quantitĂ© de contenus que chaque individu contemple quotidiennement est de plus en plus Ă©levĂ©e. Cela vaut aussi pour les mĂšmes, en particulier dans ce temps de pandĂ©mie et de rĂ©duction du vis-Ă -vis social, puisque les relations entre les gens confinĂ©s sont maintenues grĂące au partage des mĂšmes et dâautres objets virtuels.
Je mâoccupe de culture folklorique ou populaire. Certes, il sâagit dâune catĂ©gorie politique Ă la dĂ©finition assez prĂ©caire mais je ne dispose pas dâautres termes pour circonscrire mon Ă©tude, qui sâinsĂšre dans la tradition disciplinaire des « recherches folkloriques ». Face Ă mes collĂšgues, jâai souvent du mal Ă faire passer comme lĂ©gitime la catĂ©gorie des Ă©tudes folkloriques, surtout lorsque jâapproche des savants de haut niveau, censĂ©s juger les autres anthropologues culturels. Parfois, sans prendre vraiment la peine de lire mes ethnographies, quelques chercheurs les qualifient de gĂȘnantes, Ă partir du fait que je prĂ©tends explorer le « folklore contemporain ». Cet embarras est digne lui-mĂȘme dâapprofondissement, car il constitue lâincarnation dâune sorte de forme « folklorique », dâun conformisme, dâune vision stĂ©rĂ©otypĂ©e, dâune polarisation culturelle.
De mes ethnographies, je dĂ©duis que la tradition folklorique incorpore, rĂ©invente et se pose au-delĂ du message intellectuel, en donnant ainsi dâimportantes informations sur les dynamiques culturelles des anthropologues en personne. Un chercheur polarisĂ© et retranchĂ© sur ses certitudes produit un non-savant tout aussi polarisĂ© et retranchĂ©, pire, mĂ©prisant. Pourtant, il y a dix ans, un tournant dans mes perspectives dâĂ©tude a eu lieu : une partie consistante de mes informateurs mâa dĂ©clarĂ© quâelle nâavait plus besoin dâanthropologues puisque le peuple est en mesure, de façon autonome, de sâanalyser tout seul, ainsi que de sauvegarder et de protĂ©ger, comme dans un musĂ©e, ses propres coutumes. Ces informateurs ont fortement critiquĂ© le travail des anthropologues en le ressentant comme incomprĂ©hensible, improductif, fermĂ© sur lui-mĂȘme et susceptible dâexploiter les communautĂ©s objet dâobservation. En somme, de nos jours, une majoritĂ© ne reconnaĂźt aucune utilitĂ© Ă cette discipline (Giancristofaro 2010 ; 2017).
Par contre, en parcourant lâhistoire des Ă©tudes sur le folklore, on rĂ©alise que, pendant plus dâun siĂšcle, il y a eu une sorte dâalliance politique entre les intellectuels et le peuple, alors que les deux se concevaient comme appartenant Ă des niveaux sĂ©parĂ©s et distincts. La tradition des Ă©tudes sur le folklore se fondait Ă lâĂ©poque sur une relation dialogique et dâopposition entre les intellectuels et le peuple. Aujourdâhui, une telle relation sâestompe, tandis que lâimage de lâintellectuel apparaĂźt dĂ©pourvue dâautoritĂ© et presque inutile. Que lâon pense Ă ceux qui, sur les places publiques â rĂ©elles ou virtuelles â se qualifient ouvertement comme des « diplĂŽmĂ©s de lâuniversitĂ© de la vie » ou comme des libres « philosophes » et « anthropologues », en mesure de dĂ©battre, au-delĂ de compĂ©tences vĂ©rifiables et parfois de maniĂšre agressive, autour de questions complexes, allant du concept de race aux pactes internationaux sur le droit dâasile.
De leur cĂŽtĂ©, les intellectuels semblent ne pas reconnaĂźtre la partie adverse, quâils apostrophent de maniĂšre mĂ©prisante. Et câest souvent sur la base dâun jugement nĂ©gatif de matrice Ă©litiste quâils dĂ©crivent les goĂ»ts dâun peuple imaginaire, Ă la volubilitĂ© politique incarnĂ©e par le populisme. Prendre une position aussi rigide et polarisĂ©e ne correspond cependant pas au rĂŽle progressiste des intellectuels et il Ă©merge ici un premier questionnement : quelles sont les dynamiques culturelles en acte dans la sociĂ©tĂ©, dans les groupes et parmi les anthropologues mĂȘmes ? Est-ce que lâĂ©tude folklorique nous aide Ă saisir la nature narrative de ces durcissements culturels ?
En explorant le contexte ethnographique de la rĂ©gion des Abruzzes en Italie, jâai observĂ© des groupes et des stratifications pendant un laps de temps allant de 1980 Ă 2020. Je suis moi-mĂȘme originaire de cette rĂ©gion et jâai entrepris mes analyses folkloriques trĂšs jeune, en ma qualitĂ© de membre dâune Ă©quipe sur le terrain qui sâintĂ©ressait aux formes religieuses populaires et aux fĂȘtes patronales. Jâai Ă©coutĂ© les discours dâanthropologues et de spĂ©cialistes du folklore autour de sujets thĂ©oriques et politiques ardus, en apprenant par Ă©mulation comment on dialogue avec la diversitĂ© culturelle (diversitĂ© qui, selon les savants des derniĂšres dĂ©cennies du XXe siĂšcle, Ă©tait en Italie lâexpression des diffĂ©rences de classes). Ă lâĂ©poque, on assistait Ă une sorte de miracle : grĂące Ă la force Ă©pistĂ©mologique dâAntonio Gramsci et dâErnesto De Martino, les spĂ©cialistes du folklore Ă©taient enfin acceptĂ©s par les ethnologues et les anthropologues culturels en tant quâaffiliĂ©s de leur famille scientifique ; tous travaillaient donc ensemble pour le progrĂšs social et pour la libĂ©ration des classes opprimĂ©es. Par ailleurs, en raison de ses collusions avec le fascisme, la « science folklorique » trempait encore dans une nĂ©gativitĂ© Ă©pistĂ©mologique ; pour cela, afin de la rendre acceptable, on avait transformĂ© sa dĂ©nomination en « dĂ©mologie ». Cela ne changeait rien Ă la substance, du moment oĂč les folkloristes comme les dĂ©mologues se penchaient sur la rĂ©alitĂ© des paysans pauvres des aires rurales, avec une attention particuliĂšre pour les expressions magico-religieuses et pour les visions du monde Ă©laborĂ©es localement. La nouvelle Ă©tiquette permettait surtout de souligner que la recherche scientifique sur les classes sociales subalternes Ă©tait menĂ©e Ă partir dâune perspective marxiste et Ă©mancipatrice.
Câest de cette alliance entre anthropologues, ethnologues et dĂ©mologues partageant une mĂȘme mĂ©thode, quâest nĂ©e la dĂ©mo-ethno-anthropologie, soit un sigle tripartite permettant de dĂ©signer, du moins en Italie, le domaine dâĂ©tudes de lâanthropologie culturelle. Au niveau universitaire, le secteur scientifique des matiĂšres dĂ©mo-ethno-anthropologiques est encore actif de nos jours, bien quâen crise, comme lâatteste la diminution vertigineuse du nombre dâenseignants (descendus Ă 138), face Ă des sciences proches comme la sociologie ou lâhistoire, qui comptent â pour leur part â des milliers de chercheurs (Palumbo 2018).
Pour moi, il a Ă©tĂ© trĂšs formateur de participer Ă des enquĂȘtes de terrain dans les Abruzzes. Les dĂ©mologues que jâai suivis vivaient dans les citĂ©s universitaires et se rendaient dans les pĂ©riphĂ©ries pour y observer ce quâils dĂ©nommaient les « diffĂ©rences ou dĂ©nivellations culturelles », toutes en phase de dĂ©passement ou de changement. Il sâagissait de difformitĂ©s par rapport Ă la culture de masse, de persistances de cultures locales, de formes de magisme produites par la souffrance et par lâadaptation de classe. Ce type de recherche dĂ©mologique Ă©tait conduit par des marxistes et moi aussi, comme eux, je croyais que, non seulement, la classe sociale Ă©tait le seul facteur du positionnement culturel des individus dans lâhistoire, mais aussi quâil Ă©tait possible de rĂ©aliser des formes dâĂ©galitarisme Ă©conomique ainsi que des formes dâĂ©mancipation collective.
2. Le défaut congénital de la démologie :
une expérience précieuse
Mon attention prĂ©coce pour le domaine de la dĂ©mologie est Ă attribuer au fait que mon pĂšre est un dĂ©mologue non acadĂ©mique qui a cultivĂ© la recherche sur le terrain comme une passion morale. Il sâappelle Emiliano Giancristofaro (nĂ© Ă Lanciano en 1938) et son travail sâest dĂ©veloppĂ© en syntonie avec lâĂ©mergence dâun intĂ©rĂȘt plus global envers les formes expressives du « monde subalterne », comme on disait autrefois. DĂ©biteur dâErnesto De Martino et dâAlfonso M. Di Nola en ce qui concerne la posture, ainsi que dâAlberto M. Cirese pour ce qui touche Ă la technique de documentation (le magnĂ©tophone), mon pĂšre a incarnĂ©, dans son milieu, la figure de lâintellectuel Ă contresens, par sa façon de se dĂ©finir « ouvrier » dâune recherche folklorique qui se plaçait « au service de la production dâune thĂ©orie anthropologique » (Giancristofaro 2018 : 59-60).
Lâaspect intergĂ©nĂ©rationnel entre mon pĂšre et moi ne se traduit guĂšre avec une forme de continuitĂ©, mais au contraire par une discontinuitĂ© disciplinaire, voire une fracture, autant sur le terrain que sur le plan thĂ©orique. Dans les provinces frĂ©quentĂ©es auparavant « par » mon pĂšre et puis par moi « avec » mon pĂšre, je me consacre Ă une ethnographie qui me situe dans une perspective autre par rapport Ă celle de sa gĂ©nĂ©ration ; celle-ci sâefforçait en effet dâidentifier le « degrĂ© zĂ©ro de lâĂ©criture » (Barthes 1953), en rencontrant les paysans analphabĂštes ou semi-illettrĂ©s des villages de lâApennin central. Sur le terrain dâune fĂȘte patronale, entre les citoyens Ă©duquĂ©s habillĂ©s Ă la mode et les vieux pĂšlerins portant le deuil qui baisaient le parterre dâun sanctuaire, il Ă©tait facile dâapercevoir le « thĂšme folklorique », ainsi que le fil rouge de leurs histoires orales de dĂ©sespoir et de rĂ©confort collectif. Il Ă©tait plus compliquĂ© en revanche de tirer une thĂ©orie anthropologique dâun tel matĂ©riel ; nĂ©anmoins, on disposait dâun guide, grĂące aux brillantes intuitions dâErnesto De Martino sur la magie et sur le rituel comme solutions collectives de support Ă la crise de la prĂ©sence. Les rĂ©flexions de cet Ă©minent ethnologue enrichissaient dâinterprĂ©tations inĂ©dites la littĂ©rature historico-sociologique relative Ă la « question mĂ©ridionale ».
Certes, depuis longtemps on ne rencontre plus ce genre de sujet folklorique qui semblait distinguer « la plupart de la population Italienne » il y a 50 ou 100 ans. Dans les faits, il ne sâagissait pas vraiment dâune « majoritĂ© », mais plutĂŽt dâune stratification qui ne rĂ©unissait quâun certain nombre de personnes et non le peuple en gĂ©nĂ©ral. De nos jours, face Ă une « modernitĂ© en miettes », les gens Ă©duquĂ©s et les semi-illettrĂ©s habitent non seulement les pĂ©riphĂ©ries rurales, mais aussi les villes et les divers contextes socioculturels (Appadurai 1996). Lâappartenance de classe ne dĂ©note plus la culture individuelle ou collective : il y a des riches entrepreneurs sans diplĂŽmes et des diplĂŽmĂ©s qui peinent Ă survivre. Ă chaque niveau dâalphabĂ©tisation, les sujets observĂ©s par les anthropologues revendiquent des droits et des dispositifs de privacy. La figure de lâintellectuel est en crise, ainsi que celle de lâanthropologue. La communication interpersonnelle ne se rĂ©alise plus exclusivement Ă travers le contact direct ou les mass medias, mais aussi Ă travers les social networks, donc par lâintermĂ©diaire des nouvelles technologies interactives, qui sont Ă la fois individuelles et collectives et qui consentent lâautoproduction puis la diffusion dâaudio-vidĂ©os vĂ©hiculant le degrĂ© zĂ©ro de lâĂ©criture, soit des opinions, des prises de position socioculturelles, des croyances et des idĂ©ologies. Bref, la mission scientifique du dĂ©mologue â cherchant le folklore dans une classe sociale prĂ©cise â sâest Ă©puisĂ©e, le rĂŽle social du savant a perdu en crĂ©dibilitĂ©, les conditions sur le terrain ont changĂ© de façon radicale et lâobtention dâune thĂ©orie anthropologique Ă partir dâun matĂ©riau folklorique vaste et fragmentĂ© sâavĂšre bien plus compliquĂ© quâauparavant.
Autour de lâincertain destin de la dĂ©mologie, soit de la premiĂšre expression dĂ©signant, par une formule insolite, lâanthropologie culturelle en Italie (dĂ©mo-ethno-anthropologie), un dĂ©bat crucial est en cours (Clemente, Mugnaini 2001 ; Dei 2015 ; 2018 ; Palumbo 2018). Pour ma part, jâai choisi de rester proche du terrain et dâemprunter un chemin pragmatique fondĂ© sur lâethnographie. Jâai voulu ainsi mesurer la validitĂ© de lâoutil hermĂ©neutique du folklore Ă lâĂ©poque contemporaine. Jâai recensĂ© et interprĂ©tĂ© la circulation des proverbes traditionnels sur les social networks (Giancristofaro 2009, 2012) ; certaines ritualitĂ©s actuelles marquĂ©es par la laĂŻcitĂ©, comme la prĂ©paration collective de la sauce tomate et les reconstitutions historiques (Giancristofaro 2013 ; 2017) ; certains phĂ©nomĂšnes linguistiques et expressifs spĂ©cifiques du « monde traditionnel », de lâintimitĂ© culturelle et des « politiques du nous » (Giancristofaro 2017). De cette maniĂšre, en exerçant une ethnographie de la proximitĂ© culturelle, jâai pratiquĂ© une modalitĂ© de recherche folklorique distincte de la recherche anthropologique. Jâai en fait centrĂ© mon attention sur le langage et sur les reprĂ©sentations dans la proximitĂ© culturelle, tout en partageant avec lâanthropologie la pratique du terrain et le projet dâĂ©tudier, Ă la fois, lâunitĂ© de lâhomme et la diversitĂ© des cultures.
Mon expĂ©rience sur le terrain mâa convaincue de lâimportance de rĂ©cupĂ©rer la notion de folklore et de la retourner contre ses propres prĂ©jugĂ©s, Ă partir dâune perspective dâenquĂȘte inscrite dans la proximitĂ© culturelle. Proverbes en dialecte et rites propitiatoires se reproduisent partout, dans les stratifications qui caractĂ©risent les actes magico-religieux comme dans les fĂȘtes patronales ou les pĂšlerinages. Une telle observation est Ă Ă©tendre aux pratiques quotidiennes de travail et aux comportements Ă©conomiques. Il devient ainsi possible de suivre le fil rouge du folklore dans une multiplicitĂ© de contextes locaux Ă travers les dĂ©marches bureaucratiques, lâattitude des fonctionnaires, les Ă©vĂšnements culturels, les confĂ©rences ou les inaugurations des musĂ©es (Giancristofaro 2017). Mais jâai aussi explorĂ© les campagnes Ă©lectorales nationales et administratives et les mĂšmes politiques associĂ©s qui circulaient sur les rĂ©seaux, dans une complexe ethnographie encore en cours dâĂ©laboration. Deux autres domaines folkloriques intĂ©ressants ont Ă©tĂ© lâĂ©lection du doyen de mon universitĂ© (Chieti-Pescara) en 2017 et lâĂ©lection du prĂ©sident de la SocietĂ Italiana degli Antropologi Culturali (SIAC) en 2018, oĂč lâon a assistĂ© Ă un dĂ©ploiement dynamique de polarisations. Lâattitude des individus au sein des institutions politiques et juridiques en conditions de proximitĂ© culturelle emprunte beaucoup aux mĂ©canismes narratifs coutumiers et de lâimitation. Ăvidemment, mĂȘme le spĂ©cialiste du folklore est en mesure de produire de la thĂ©orie anthropologique, mais la petite diffĂ©rence entre Ă©tude folklorique et Ă©tude anthropologique rĂ©side dans la sensibilitĂ© particuliĂšre de la premiĂšre pour la dimension de lâexpression et dans son affinitĂ© avec le groupe objet dâanalyse.
Lâobservation du folklore dans la vie contemporaine mâa permis de relever les processus politiques, en acte dans lâItalie de nos jours, dâun point de vue privilĂ©giĂ©. En approfondissant le langage et les reprĂ©sentations de la proximitĂ© culturelle (du « nous ») rĂ©pandus dans les Abruzzes dans les annĂ©es 2010-2016, jâai pu prĂ©voir les rĂ©sultats Ă©lectoraux qui, en 2019, Ă la surprise du reste du monde, ont conduit au pouvoir une majoritĂ© politique menĂ©e par la Lega de Matteo Salvini dans une rĂ©gion du Centre-Sud (Giancristofaro 2017).
Cet exemple dĂ©montre lâutilitĂ© des sciences de la culture et, notamment, de la discipline folklorique laquelle, par sa mĂ©thode rĂ©flexive, entre Ă fond dans la culture quâon entend comprendre et interprĂ©ter, surtout lorsquâelle est pratiquĂ©e par un ethnographe natif. Les problĂšmes politiques dâaujourdâhui ne sont plus interprĂ©tables Ă la loupe dâune dĂ©mologie qui identifie le folklore avec une classe aux activitĂ©s bien circonscrites, mais ils exigent une perspective renouvelĂ©e dâobservation, p...
Table des matiĂšres
- Couverture
- 4e de couverture
- Titre
- Copyright
- Ethnologie de lâEurope
- SOMMAIRE
- INTRODUCTION. Lâanthropologie de lâEurope face au populisme
- 1. Quel est le meilleur outil dâenquĂȘte pour explorer les polarisations culturelles ?
- 2. Le défaut congénital de la démologie : une expérience précieuse
- 3. Lâinclusion sociale du folkloriste et sa proximitĂ© Ă lâobjet dâĂ©tude
- 4. Lâanthropologie Italienne vue sous lâangle de la province
- 5. Il Ă©tait une fois lâĂ©tude du folklore : invention et dĂ©veloppement dâune catĂ©gorie « impopulaire »
- 6. LâidĂ©e du « bon » peuple : folklore, construction des nations et anthropologie
- 7. De la propagande Ă la conscience de soi
- 8. Les études sur le folklore et sur le patrimoine culturel sont-elles « mauvaises » ?
- 9. La polarisation (et la popularisation) des intellectuels
- 10. Changer de perspective : la culture populaire est lĂ oĂč le discours se reproduit
- 11. Au-delĂ des barriĂšres sociales : le folklore en miettes
- 12. Nous faisons tous partie du « peuple »
- 13. Le peuple est-il vraiment « mĂ©chant » ? La catĂ©gorie intellectuelle du populisme comme expression dâun Ă©chec
- 14. Au-delĂ des polarisations, vers une responsabilisation publique
- 15. Pour conclure : une interprétation qui va au-delà de la critique
- Références bibliographiques