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Manuel de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
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Manuel de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
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Ă propos de ce livre
Alors qu'un forum permanent de dialogue institutionnel entre les trois cours régionales de protection des droits de l'homme se met progressivement en place (depuis la Déclaration de San José du 18 juillet 2018), le présent ouvrage est destiné à faciliter, à la faveur d'une démarche comparative, une meilleure compréhension de l'histoire, de la composition, de la compétence, de la procédure et de la jurisprudence de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples.
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Sujet
LawSous-sujet
Law Theory & PracticePartie 2
La Cour africaine des droits de lâhomme
et des peuples en matiĂšre contentieuse
âą
I. Compétence contentieuse de la Cour
La compétence de la Cour est large. Si le requérant peut invoquer les dispositions de droit interne, la Cour ne saurait se substituer aux juridictions nationales.
A. Une compĂ©tence qui sâĂ©tend Ă un large Ă©ventail dâinstruments juridiques
En vertu de lâarticle 3 de son Protocole, la Cour connaĂźt de toutes les affaires et de tous les diffĂ©rends dont elle est saisie concernant lâinterprĂ©tation et lâapplication de la Charte africaine des droits de lâhomme et des peuples, du Protocole portant crĂ©ation de la Cour, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de lâhomme et ratifiĂ© par les Ătats concernĂ©s. Sa compĂ©tence matĂ©rielle est Ă©tendue, car la Cour a vocation Ă couvrir la violation dâun important Ă©ventail dâinstruments, Ă la seule condition que lâĂtat partie au Protocole soit Ă©galement partie Ă la convention dont la violation est allĂ©guĂ©e. Dans ce sens, Mme Miriam Kouma avait dĂ©noncĂ© la violation par la RĂ©publique du Mali, des articles 7 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques (PIDCP) et 5 de la DĂ©claration universelle des droits de lâhomme (DUDH) (RequĂȘte n° 040/2016, affaire Miriam Kouma et Ousmane DiabatĂ© c. RĂ©publique du Mali, arrĂȘt du 21 mars 2018). De mĂȘme, la violation du droit Ă lâĂ©galitĂ© devant la loi prĂ©vue Ă lâarticle 7 de la DUDH avait Ă©tĂ© soutenue contre la RĂ©publique de CĂŽte dâIvoire, par M. Jean-Claude Roger Gombert (RequĂȘte no038/2016, affaire Jean-Claude Roger Gombert c. RĂ©publique de CĂŽte dâIvoire, arrĂȘt du 22 mars 2018).
1. Le requérant peut dénoncer la violation de ses droits en visant des normes de droit interne
Dans une affaire, le requĂ©rant a saisi la Cour pour dĂ©noncer la violation de son droit Ă la libertĂ© et au procĂšs Ă©quitable, en sâappuyant sur les dispositions du Code de procĂ©dure pĂ©nale et de la Constitution. La Cour a recherchĂ© les dispositions correspondantes dans la Charte de Banjul, et les instruments pertinents des droits de lâhomme. Elle a retenu sa compĂ©tence et a dĂ©cidĂ© que : « tant que les droits dont la violation est allĂ©guĂ©e tombent sous lâautoritĂ© de la Charte ou de tout autre instrument des droits de lâhomme ratifiĂ©s par lâĂtat concernĂ©, la Cour exercera sa compĂ©tence dans lâaffaire » (RequĂȘte n° 003/2012, affaire Peter Joseph Chacha c. RĂ©publique-Unie de Tanzanie, arrĂȘt du 28 mars 2014).
2. LâinterprĂ©tation
Si lâapplication du droit est en cause chaque fois que celui-ci est ignorĂ© ou violĂ©, il arrive que lâexĂ©cution dâun arrĂȘt de la Cour pose des problĂšmes en raison des interprĂ©tations multiples et diffĂ©renciĂ©es quâelle suscite chez les autoritĂ©s nationales en charge de sa mise en Ćuvre. Dans ces conditions, lâĂtat concernĂ© est fondĂ© Ă saisir la Cour afin quâelle apporte des Ă©claircissements destinĂ©s Ă faciliter lâexĂ©cution de ses arrĂȘts : les articles 28 (4) du Protocole et 66 du rĂšglement intĂ©rieur donnent Ă la Cour la possibilitĂ© dâinterprĂ©ter son arrĂȘt.
LâinterprĂ©tation nâest pas lâavis consultatif
Quand elle interprĂšte, la Cour « (âŠ) est amenĂ©e non pas Ă complĂ©ter ou Ă modifier la dĂ©cision quâelle a rendue, dĂ©cision dĂ©finitive ayant force de chose jugĂ©e, mais Ă en clarifier le sens et la portĂ©e » (RequĂȘte n° 002/2017 aux fins dâinterprĂ©tation de lâarrĂȘt du 3 juin 2016 dans lâaffaire Mohamed Abubakari c. RĂ©publique-Unie de Tanzanie, arrĂȘt du 28 septembre 2017). Il sâagit pour la Cour de clarifier, dâexpliquer ce qui est obscur, et non pas de donner son avis sur la maniĂšre de mettre en Ćuvre son arrĂȘt. Tel a clairement Ă©tĂ© sa position dans un arrĂȘt du 28 septembre 2017 (RequĂȘte n° 003/2017 en interprĂ©tation de lâarrĂȘt du 18 novembre 2016 dans lâaffaire Actions pour la Promotion des Droits de lâHomme c. RĂ©publique de CĂŽte dâIvoire, arrĂȘt du 28 septembre 2017). Dans un arrĂȘt du 18 novembre 2016, elle a ordonnĂ© Ă la CĂŽte dâIvoire de modifier la loi n° 2014-335 du 18 juin 2014 relative Ă la Commission Ă©lectorale indĂ©pendante pour la rendre conforme aux instruments de droit international parmi lesquels la Charte africaine de la dĂ©mocratie. Le 4 mai 2017, la RĂ©publique de CĂŽte dâIvoire a adressĂ© Ă la Cour une requĂȘte aux fins dâinterprĂ©tation, et a sollicitĂ© Ă cet effet quâelle lui fournisse des indications sur lâorganisation de la nouvelle Commission Ălectorale IndĂ©pendante (CEI), sur les modalitĂ©s de dĂ©signation de ses membres, ainsi que la rĂ©partition des siĂšges. Pour la Cour, cette question visait Ă obtenir non pas une interprĂ©tation, mais son avis sur la façon de mettre en Ćuvre une loi en conformitĂ© avec le droit international. Selon la Cour, une telle compĂ©tence est lâapanage de lâĂtat.
Recevabilité de la demande en interprétation
La demande en interprĂ©tation nâest recevable que si :
âąelle a pour objectif de faciliter lâexĂ©cution dâun arrĂȘt. LâinterprĂ©tation se distingue donc de lâavis consultatif, qui porte plutĂŽt sur un point prĂ©cis de la Charte ou sur tout autre instrument pertinent du droit international des droits de lâhomme. Câest le lieu de relever que si un arrĂȘt nâimpose aucune action positive, celui-ci ne peut donner lieu Ă interprĂ©tation. Câest ce quâa dĂ©cidĂ© la Cour dans lâaffaire Urban Mkandawire : « the interpretation of a judgement can be sought from the Court for the purpose of executing the judgement. In the present case, the judgement dismissed the application on the grounds that the local remedies had not been exhausted ; it imposes no positive obligation capable of being executed. Therefore, there cannot be an application for interpretation of judgement in terms of Art 28 (4) of the Protocol as red together with Rule 66 of the Rules because there is no execution that is possible under the judgement of the Court » (RequĂȘte n° 003/2011, affaire Urban Mkandawire c. RĂ©publique du Malawi, arrĂȘt du 28 mars 2014 sur lâinterprĂ©tation et la revision).
âąElle est dĂ©posĂ©e dans un dĂ©lai de douze (12) mois Ă compter du prononcĂ© de lâarrĂȘt Ă moins que la Cour nâen dĂ©cide autrement.
âąElle indique avec prĂ©cision le point du dispositif de lâarrĂȘt dont lâinterprĂ©tation est sollicitĂ©e.
En principe, il est statuĂ© sur la requĂȘte en interprĂ©tation par les mĂȘmes juges qui ont connu de lâaffaire au fond, ainsi que le prĂ©voit lâarticle 66 (4) du rĂšglement intĂ©rieur. Par ailleurs, la demande en interprĂ©tation ne suspend pas lâexĂ©cution de lâarrĂȘt Ă interprĂ©ter1.
B. La Cour nâest pas une juridiction dâappel des dĂ©cisions rendues par les juridictions nationales
La Cour a rappelĂ© quâelle nâest pas une juridiction dâappel et sâest dĂ©clarĂ©e incompĂ©tente lorsquâelle a Ă©tĂ© saisie par M. Ernest Francis Mtingwi en vue dâinfirmer les dĂ©cisions rendues par la Cour suprĂȘme du Malawi et par le Tribunal de grande instance du Malawi : « the Court notes that it does not have any appellate jurisdiction to receive and consider appeals in respect of cases already decided upon by domestic and/or regional and similar Courts » (RequĂȘte n° 001/2013, affaire Ernest Francis Mtingwi c. RĂ©publique du Malawi, dĂ©cision du 15 mars 2013). Un discours similaire se retrouve dans la jurisprudence de la CEDH qui a prĂ©cisĂ© quâelle nâest pas une juridiction dâappel, de cassation ou de rĂ©vision par rapport aux juridictions nationales des Ătats parties Ă la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme : « En principe, il nâappartient pas Ă la Cour dâapprĂ©cier elle-mĂȘme les Ă©lĂ©ments de fait ayant conduit une juridiction nationale Ă adopter telle dĂ©cision plutĂŽt que telle autre, sous rĂ©serve de lâexamen de compatibilitĂ© avec les dispositions de la Convention. Sinon, elle sâĂ©rigerait en juge de troisiĂšme ou quatriĂšme instance et elle mĂ©connaĂźtrait les limites de sa mission. » (CEDH, RequĂȘte n° 17621/91, affaire Kemmache c. France n° 3, arrĂȘt du 24 novembre 1994)2.
II. Les parties devant la Cour en matiĂšre contentieuse
Selon une classification qui distinguerait les requĂ©rants institutionnels des requĂ©rants individuels, cinq catĂ©gories de justiciables au sens de lâarticle 5 peuvent saisir la Cour : les Ătats parties au Protocole, la CmADHP, les organisations intergouvernementales africaines, les individus et les organisations non-gouvernementales dotĂ©es auprĂšs de la Commission du Statut dâobservateur.
A. La Commission africaine des droits de lâhomme et des peuples
La CmADHP ne peut saisir la Cour que contre un Ătat qui a ratifiĂ© le Protocole de la Cour. Lâarticle 118 (4) du rĂšglement intĂ©rieur de la Commission prĂ©cise quâelle peut le faire Ă tout moment de lâexamen dâune communication (RequĂȘte n° 002/2013, affaire Commission africaine des droits de lâhomme et des peuples c. Libye, arrĂȘt du 3 juin 2016 ; RequĂȘte n° 004/2011, affaire Commission africaine des droits de lâhomme et des peuples c. Grande Jamahariya arabe libyenne populaire et socialiste, arrĂȘt du 15 mars 2013).
Il existe entre la CrADHP et la CmADHP, une vĂ©ritable relation de complĂ©mentaritĂ© dĂ©jĂ consacrĂ©e aux articles 2, 5, 6 (1) et (3), 8 et 33 du Protocole. Pour la rĂ©sumer, la Cour complĂšte le mandat de protection des droits de lâhomme et des peuples dĂ©volu Ă la Commission. Aussi, la Cour consulte la Commission chaque fois que de besoin, notamment sur toute question de procĂ©dure touchant aux deux institutions, tout comme la Commission consulte la Cour sur toute modification dâarticles relatifs Ă leurs relations3. Il existe un vĂ©ritable encrage institutionnel entre ces deux instances. Câest dans ce sens quâelles se rĂ©unissent au moins une fois par an, en vue dâassurer une bonne relation de travail et conduire efficacement leurs missions4.
Dans le systĂšme interamĂ©ricain, la CIADH et la Commission interamĂ©ricaine des droits de lâhomme (CmIADH) sont Ă©galement liĂ©es. Par exemple : la Commission interamĂ©ricaine peut comparaĂźtre devant la CIAH ou la consulter sur lâinterprĂ©tation Ă donner aux clauses de la Convention amĂ©ricaine relative aux droits de lâhomme ou dâautres traitĂ©s concernant la protection des droits de lâhomme dans les Ătats amĂ©ricains5.
Il faut distinguer plusieurs cas de saisine de la CrADHP par la CmADHP :
1. En cas de non-respect des recommandations de la Commission
La Commission peut saisir la Cour lorsquâelle estime quâun Ătat partie refuse de se conformer Ă ses recommandations. En effet, lorsquâune dĂ©cision de la Commission a Ă©tĂ© rendue contre lâĂtat dĂ©fendeur, les parties informent la Commission des mesures prises ou qui sont en train dâĂȘtre prises par lâĂtat dĂ©fendeur en vue de son exĂ©cution, dans un dĂ©lai de 180 jours Ă compter de la rĂ©ception de sa notification. Dans un dĂ©lai de 90 jours suivant la rĂ©ponse Ă©crite de lâĂtat, la Commission peut lâinviter Ă lui soumettre des informations supplĂ©mentaires. Si toutefois la Commission ne reçoit pas de rĂ©ponse de la part de lâĂtat, elle peut lui envoyer une lettre de rappel dans les 90 jours6. Si elle estime que lâĂtat nâa pas la volontĂ© de mettre en Ćuvre sa dĂ©cision, elle peut saisir la Cour. Cette facultĂ© est fort opportune, car Ă la diffĂ©rence des recommandations de la Commission, les arrĂȘts de la Cour sont obligatoires7.
2. En cas de non-exécution des mesures conservatoires prises par la Commission
Lorsquâun Ătat ne sâest pas conformĂ© Ă une mesure conservatoire ordonnĂ©e par la Commission, elle peut saisir la Cour dâune communication et informer les parties Ă cet effet. En vertu de lâarticle 98 de son rĂšglement intĂ©rieur, la Commission peut, Ă tout stade de la communication, indiquer Ă un Ătat partie les mesures conservatoires. Ces mesures conservatoires peuvent ĂȘtre indiquĂ©es Ă lâinitiative de la Commission ou Ă la demande de lâune des parties.
Les mesures conservatoires ordonnĂ©es doivent ĂȘtre adoptĂ©es par lâĂtat concernĂ© afin dâĂ©viter quâun prĂ©judice irrĂ©parable ne soit causĂ© Ă la victime des violations allĂ©guĂ©es. Ces mesures visent donc Ă ce que les droits des diffĂ©rentes parties ne pas soient compromis durant la procĂ©dure. Par lettre ACHPR/GOV/COMM/3/RK du 15 juillet 2004, la prĂ©sidente de la Commission africaine avait envoyĂ© au Chef de lâĂtat du Cameroun, une demande urgente de mesures conservatoires tendant Ă ce que le matĂ©riel de la Radio Freedom FM ne subisse pas des dommages irrĂ©parables (Communication no290/2004 Open Society Justice Initiative pour le compte de Pius NjawĂš Noumeni c. Cameroun, dĂ©cision du 25 mai 2006).
Le recours aux mesures co...
Table des matiĂšres
- Couverture
- 4e de couverture
- Titre
- Copyright
- Sigles et abréviations
- Préface
- Introduction
- Partie I â Histoire et organisation de la Cour africaine des droits de lâhomme et des peuples
- Partie 2 â La Cour africaine des droits de lâhomme et des peuples en matiĂšre contentieuse
- Partie 3 â La Cour africaine des droits de lâhomme et des peuples en matiere consultative
- Suggestions conclusives
- Bibliographie
- Annexes
- Table des matiĂšres