Les Écritures subversives
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Les Écritures subversives

Modalités et enjeux

  1. 491 pages
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Les Écritures subversives

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Portant sur maintes littératures française, cubaine, québécoise, américaine, acadienne et maghrébine, se rapportant à différentes périodes qui vont du Moyen Âge à l'époque contemporaine et étudiant aussi bien des oeuvres consacrées que le manuscrit de certains textes inédits, les contributions réunies dans ce volume interrogent la notion d'écriture subversive tout en mettant l'accent sur les modalités et les enjeux littéraires, esthétiques et sociopolitiques de la subversion.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2020
ISBN
9782806123268

Huitième partie
Poétiques subversives

Cou(p) tordu : modalités et enjeux d’une écriture subversive chez Allais et Mallarmé

Antoine Constantin Caille312
Dans son recueil de nouvelles À se tordre (Allais 1891), Allais subvertit les conventions en jouant sur les attentes de lecture avec une virtuosité et une profondeur telles que ses récits, et spécifiquement « Un drame bien parisien », ont inspiré à Umberto Eco un long parcours théorique contenu dans un livre, Lector in fabula (Eco 1989). Nous nous intéresserons à une autre nouvelle du recueil, « Un moyen comme un autre », pour faire ressortir les modalités particulières de sa spectaculaire subversion du récit : imposant de multiples escales et construisant une auto-imbrication (virtuellement infinie) de la narration, l’écriture manigance une lecture à se tordre le cou. Si l’on considère — depuis la théorie wittgensteinienne des jeux de langage ou les travaux de Jauss sur la réception (Jauss 1990) — chaque nouvelle (œuvre littéraire) comme un coup (dans un jeu de langage qui serait la littérature, ou une certaine littérature), Allais fait un coup au lecteur, un coup tordu, grâce auquel il insère en un seul coup une infinité : il invente une manière de mystifier sans tricher, de multiplier le(s) coup(s) (c’est toujours le même récit, répété à un niveau différent) à l’intérieur d’un seul.
Ce procédé trouve une affinité avec le poème philosophique de Mallarmé Un coup de dés jamais n’abolira le hasard. Le problème de la réalisation du coup idéal y est mis en scène (en page et en volume) : jeu — espace mouvementé — du hasard et de la nécessité ; tentative — élevée à hauteur d’une pensée d’elle-même — d’imposer au hasard (de la langue, de l’existence) une nécessité (celle de l’Idée) par l’écriture. Le p(r)o(bl)ème s’élabore à partir d’une combinaison de procédés mettant à mal une logique classique : paradoxe, tautologie, contradiction, réversibilité. À mesure qu’on apprend à le lire, une étrange figure se dessine : infinie spirale s’élevant et se creusant, une et multiple, renversant le lecteur — qui pensait s’en sortir — dans sa boucle.
N’est-ce pas la naïve ontologie du discours qui, hors de toute complication, narrerait ce qui a été, dans l’évidente temporalité de la droite ligne (allant de gauche à droite et de haut en bas), que ces écritures subvertissent ?

1. Escalier(s), dés

Un destinataire qui « ne peut pas attendre » : l’histoire, sans cesse interrompue, ne ressemble plus à « une histoire » (ce qu’on attend d’une ou ce qu’on entend par « une histoire »). Appelons-le destinataire2, car le destinataire1, le lecteur, lui (nous), est bien obligé d’attendre — peut-être agacé par son double, celui à qui est destinée l’histoire à l’intérieur de l’histoire, qui peut, lui, interrompre son cours par son dis-cours, à tout moment, en intervenant, à un autre niveau, en faisant revenir le narrateur sur ses mots, en le forçant à faire escale, à prendre son récit pour objet de discours, sans que nous, depuis notre situation de lecture, ne puissions dire mot, quand bien même nous savons que le récit n’est pas destiné en définitive à cet auditeur contrevenant aux règles de (bienséance de) la narration, mais à nous (lecteurs), qui avons nos propres attentes. Autant d’escales dans la narration qui produisent un récit en escalier, dont on se demande (l’hypothèse grandit au cours de la lecture, se renforçant à chaque escale) s’il aboutira jamais quelque part ou « à quelque chose ».
Chez Mallarmé, dans Igitur, on peut remarquer la très curieuse thématisation d’un tel motif : « Igitur descend les escaliers, de l’esprit humain, va au fond des choses : en “absolu” qu’il est » (Mallarmé 1998 : 474), (seconde phrase de l’argument, précédée par : « Minuit sonne — le Minuit où doivent être jetés les dés. ») ; « IL QUITTE SA CHAMBRE ET SE PERD DANS LES ESCALIERS, (AU LIEU DE DESCENDRE À CHEVAL SUR LA RAMPE) » (Mallarmé 1998 : 484), (titre, en majuscules, du deuxième « morceau »). Stefano Agosti dans un texte intitulé « Coup sur coup » propose l’explication suivante :
Que je sache, personne n’a, jusqu’à présent, explicité le sens de ces phrases. Le voici. De la dernière d’abord, laquelle se traduit ainsi : au lieu de suivre la pente. C’est-à-dire : au lieu de faire comme tout le monde, comme ont fait les « ancêtres » qui se sont bornés à suivre un tracé, à descendre à cheval sur une rampe en ligne droite, stable, assurée, toujours la même, cette ligne univoque et rapide qui mène tout droit au bout et au but, spéculation linéaire qu’on enfourche parce qu’elle est déjà là, toute faite, et que tout le monde l’a employée. Grotesque de la situation, de l’histoire de la pensée. A cheval. « Il se perd dans les escaliers. » Igitur fait donc autre chose. Il descend des marches et s’y perd. C’est-à-dire : il entreprend une marche erratique sur une ligne brisée (les marches), sur plusieurs lignes brisées (les escaliers) qui ne mènent nulle part. Il s’y perd. Sa pensée se refuse de marcher en ligne droite, de suivre le sillon linéaire déjà tracé, mais se meut en directions multiples, multipliées, stratifiées. Pensée de grand homme, pensée d’un aristos (les escaliers d’un château, d’un noble), pensée risquée. Il s’y perd en effet. En bas, le poison, la fiole (le pharmakon) : « fiole », anagramme de « folie ». (Agosti 2010 : 17)
Anagramme : c’est-à-dire redistribution des lettres, coup de dés scriptural. Cet indice textuel nous permet d’avancer dans la compréhension du rapport mystérieux entre escaliers et dés. Remarquons d’abord qu’il est question de les des-cendre — d’une descente et jamais d’une ascension, que cette descente doit aboutir à une mort, autrement dit à des cendres — et que tout le drame d’Igitur est celui d’une extinction — différée313.
Un lancer de dés occasionne leur chute, et par suite leur arrêt. À la dernière page d’Un coup de dés... une sorte d’escalier verbal mime le mouvement de cette chute. Si l’on considère un escalier et un dé (leurs idées), on peut noter une ressemblance : une certaine angularité (caractérisée par l’angle droit) ; angularité répétée, d’abord sur un seul dé ou sur ce qu’on appelle un escalier (qui comporte par définition plusieurs marches), plus encore quand on multiplie l’objet ou pluralise le nom (dés, escaliers). Qu’est-ce que l’angularité quand il s’agit de littérature ou de production textuelle ? Arnaud Villani dans son article « Mallarmé selon le pli deleuzien » la définit ainsi :
L’angularité, ce serait un autre nom, moins péjoratif, pour l’hermétisme, disons pour l’impossibilité d’une lecture sans contention d’esprit, chez Mallarmé. Coupes, incidentes et incises, ellipses, comme les parenthèses de Roussel, sont là pour dépister, afin d’éviter l’intrusion du « numéraire facile » et la compréhension qui va prosaïquement de l’avant, alors que la poésie doit tourner pour refaire chaque fois un monde. Chez Mallarmé, c’est parfois tous les deux mots que l’on saute à une autre série grammaticale, sémantique ou phonétique, quitte à revenir, par oscillation, sans cesse à la première pour former comme une tresse de discours. (Villani 2000 : 163-164)
Une telle angularité, théorisée, « philosophée » par Mallarmé lui-même, si elle est pratiquée avec maîtrise n’a pas pour seul destin une descente et une mort : elle « s’enlève en quelque équilibre supérieur » : « Un balbutiement, que semble la phrase, ici refoulé dans l’emploi d’incidentes multiple, se compose et s’enlève en quelque équilibre supérieur, à balancement prévu d’inversions » (Mallarmé 2003 : 233). Elle crée une de-scription à première lecture chaotique, qui complexifie par un détail pullulant la ligne du texte ; et pourtant elle s’idéalise, se déprend de la matérialité, de la circonstance, en assignant son dessin / destin. « Puis — comme il aura parlé selon l’absolu — qui nie l’immortalité, l’absolu existera en dehors — lune, au-dessus du temps » (Mallarmé 1998 : 473). La lune deviendra une constellation dans Un coup de dés..., se métamorphosera en se pluralisant, en prenant davantage d’angularité. La constellation est dessin des points distribués sur une surface (le ciel, le plateau du jeu de dés, la page), syntaxe qui les relie, en marque le complexe équilibre, permet leur contemplation.
Une logique similaire opère dans la nouvelle d’Allais. Le destinateur2 (intradiégétique : le personnage) ne paraît pas atteindre son but : raconter son histoire comme il l’entendait, comme il la prévoyait, la pré-écrivait dans son esprit. Le destinateur1 (extradiégétique : l’écrivain) en profite pour tromper les attentes du destinataire1 (extradiégétique : nous) : tous les accrocs faits à la narration, toutes les distorsions du récit, qui sont présentées comme des accidents, des imprévus, ne faisant pas partie de l’histoire, l’empêchant d’avancer, d’arriver à destination en suivant son destin, sont finalement à considérer comme étant l’histoire elle-même, et non seulement l’histoire elle-même, mais l’histoire telle qu’elle se regarde, s’introspecte. Le texte oblige son lecteur à se tordre le cou en lui faisant concevoir le récit3 évoqué dans le récit1 comme n’étant autre que ce dernier. La métalepse est amusante et vertigineuse.
Essayons de l’envisager. La nouvelle s’ouvre sur un récit très tôt interrompu par un narrataire intradiégétique, et s’articule ainsi à un dialogue ; le récit devient donc un récit de niveau 2, un récit métadiégétique, le récit dont parlent les deux personnages. Ce récit2 se réfère lui-même à deux personnages dont nous savons qu’ils sont l’un par rapport à l’autre oncle et neveu. Le lecteur est amené à supposer que les personnages du récit2 ne sont pas et ne peuvent pas être ceux du récit1 puisqu’il (le lecteur) présuppose que si l’un de ses personnages entreprend de raconter à l’autre une histoire, c’est que ce dernier ne la connaît pas, et qu’il n’en a pas été l’un des personnages. Or dans cette histoire, il est question d’un autre récit, récit de niveau 3, qui a conduit l’un des deux personnages du récit2 (l’oncle) à mourir (de rire). Sur le contenu de ce récit, le mystère est préservé jusqu’au dernier moment, ou plus exactement jusqu’à l’avant-dernier moment (des récits1 et 2). Les chutes des trois récits coïncident en la suivante révélation : le récit3 n’est autre que le récit2. Cette identification surprise a de quoi plonger le lecteur qui y songe dans un gouffre conceptuel : si le récit3 n’est autre que le récit2 (si l’histoire que le neveu raconte à son oncle est celle de l’oncle et du neveu), alors l’emboîtement devient infini dans les deux sens : le récit3 suppose alors un récit4 etc., et le récit1 lui-même suppose alors un récit antérieur, qui en annule le caractère fondateur et principiel.
La tranquille logique narrative reposant sur une distinction des niveaux est subvertie par une violente mise en abyme, qui est aussi un palimpseste, rappelant certains dessins d’Escher, mais dont l’image la plus ex...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Au cœur des textes
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Dédicace
  7. Remerciements
  8. Préface
  9. Introduction
  10. Première partie – Subversion plurielle
  11. Deuxième partie – La réécriture au service de la subversion
  12. Troisième partie – Subversion et hybridation
  13. Quatrième partie – Les lieux communs à l’épreuve de la subversion
  14. Cinquième partie – Subversion générique
  15. Sixième partie – Subversion esthétique et engagement
  16. Septième partie – Subversion éthique
  17. Huitième partie – Poétiques subversives
  18. Résumé des contributions
  19. Liste des auteurs
  20. Table des matières