La Pensée du pluriel
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La Pensée du pluriel

Préface de Ali AÏT ABDELMALEK

  1. 336 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La Pensée du pluriel

Préface de Ali AÏT ABDELMALEK

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Citations

À propos de ce livre

Le pluriel, est celui de la race humaine vivante dans ses cultures sur le dehors de la Raison, la faculté du tout mondialisé mais qui n'en maîtrise pas l'existence alors que le multiple est ce dont la Raison des sciences maîtrise l'objectivité. Cette dualité de la Raison du tout mais charnelle est celle du Même. Il s'y répète non identique à soi, mais solidaire de soi comme sciences et philosophie hors du cercle vicieux nietzschéen de la vérité. Ainsi le sujet, particulier en chair, singulier en paroles.

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2020
ISBN
9782806661968

Chapitre V

La généalogie de la contingence

§ 20. Mythe, poésie et philosophie : proposition d’une généalogie de la pensée grecque ancienne75

Pour éclairer les sources de cette immanence du Mal au sein du Bien, il convient d’examiner le retour du Même revenant à soi du point de vue du besoin de la pensée humaine. Ce besoin qui pour Kant est celui de la Raison, est semble-t-il, aussi ancien que la pensée elle-même ; et les ethnologues (malgré ce que disait Lévy-Bruhl d’une genèse supposée hiérarchique et génétique, inhérente à la conception d’une mentalité prélogique que critiqua justement Lévi-Strauss) en trouvent partout les traces, comme celles d’une marque primordiale de notre humanité, sous des mises en scène diverses.
On trouve ce besoin du même comme en gestation dans sa valeur de principe au sein de la Grèce ancienne et notamment à travers la séquence qu’on peut globalement scander avant la philosophie, selon la succession du mythe, de la poésie épique et de la tragédie. Ici ce qui est remarquable, ce n’est pas le besoin humain qui s’affirme en premier ; mais par une inversion remarquable, tout se passe dans le Logos antique et dans les phénomènes de l’expression qui en témoignent, comme si la tension du même, régnait à la manière d’une jouissance d’un degré excessif ou d’une tension déraisonnable comme l’âme même et comme le principe vivant de ces phénomènes. Cette jouissance est comme celle d’un pur parler égal à soi et qui du coup se montre rétif à toute prise en compte par un sujet en tant que locuteur.
Assurément cette scansion n’apparaît assez nette qu’à un regard généalogique, qui se penche sur les données du passé telles que fournies par les historiens à partir d’une façon de voir issue du présent et plus précisément provenue d’une hypothèse comme celle du pluriel telle qu’on vient de la développer dans les études précédentes et que vient compléter dans le présent chapitre l’idée elle aussi généalogique d’une tension considérée à son maximum dans le mythe et qui pas à pas se détend, jusqu’à la philosophie. Ce regard du présent découvre ou invente peut-être, des esquisses successives d’un retour du même depuis les traces parmi les plus anciennes qui le dessinent et le formalisent pas à pas dans sa valeur de principe comme l’ancêtre de l’adéquation de l’être et du penser, et que formalise déjà au travers de la métaphysique, le compagnonnage exemplaire de la pensée humaine avec le monde. Là, ce compagnonnage qui faisait de l’être son modèle finit par se convertir avec le cogito en une maîtrise de la pensée selon la figure idéale de l’Un multiple. La question qui se pose ici, c’est du moins de cette manière que nous procédons, est celle de savoir si et comment à travers les métamorphoses de la structure formelle de l’Un multiple, un pressentiment se profile de l’autre structure formelle, celle qui met la contingence à la place de l’Un et le pluriel à la place du multiple.
Or si, cessant d’entrer directement comme Hegel, dans l’idéalité de la Raison du Tout, on s’attarde sur le particularisme de la culture gréco-latine à ses débuts, on constate que là, dans ce lointain passé, se dessinent avant le pur formalisme du même plusieurs de ses esquisses dynamiques successives. On s’aperçoit alors que sans doute, toutes les cultures humaines que l’ethnographie décrit et sur lesquelles l’anthropologie réfléchit, s’élèvent jusqu’à la conscience de ce même revenant à soi, de quelque façon que ce soit : tous les pâtres de toutes les cultures sur l’ensemble de la planète et qui gardaient leurs troupeaux la nuit venue, ont été frappés de ce retour du même dans le ciel, avec les différences qui permettaient de le regarder et de le considérer comme une sorte de règle. Cependant, il semble bien qu’un tel retour soit devenu en Grèce l’objet d’une élaboration qui loin de se laisser emprisonner dans la dimension du sacré, (comme ailleurs ce fut parfois le cas), s’en est libérée par un esprit critique, qui loin de détruire le particularisme concret et même sacré de la culture grecque en constitua très tôt, l’un de ses caractères spécifiques. Et ainsi, ce qui n’empêchait pas les anciens pâtres de s’émerveiller en Grèce comme ailleurs au spectacle du ciel, s’initiait par la voie du retour du même, un grand mouvement vers les sciences et à travers les sciences qu’Auguste Comte pensait comme la marche même de l’esprit positif.
C’est ainsi que l’un des traits exemplaires peut-être de la culture des anciens Grecs fut une sorte de « décision » de ne pas attribuer simplement à des puissances supérieures la puissance de ce retour à soi-même du même, mais d’y insérer la pensée critique sous la forme première d’une sorte de familiarité assez unique de l’homme avec les dieux, sous l’aspect supposé de leur indifférence même s’il est vrai qu’elle respectait rigoureusement les hiérarchies respectives de l’humain et du surhumain. Mais cette indifférence fut l’aboutissement d’un devenir critique de la pensée des dieux, dont la trouvaille grecque fut proprement métaphysique. Elle fut précédée par une autre façon critique de circonvenir la crainte du divin qui fut celle de l’esprit épique. La tragédie fut une nouvelle façon de dénoncer à la racine de cette crainte des dieux, leur jouissance dont parle Nietzsche devant le spectacle du malheur de vivre des humains. Et si par le moyen de la tragédie Nietzsche critique ainsi l’esprit tout entier de la métaphysique, c’est pour autant peut-être que cette dernière enferme et cadenasse sous le couvert de l’indifférence supposée de ces dieux, la dépendance des humains à leur égard dans une éthique du ressentiment. C’est ainsi que peut-être, la familiarité proprement grecque de l’homme avec les dieux ouvre l’imagination historique et théorique à l’idée d’un chemin qui dans la Grèce ancienne, procède du mythe et qui passant par la poésie épique et puis tragique, mène jusqu’à la philosophie. Cependant comme on va le voir, il apparaît aussi au regard généalogique que le multiple dès son commencement, porte déjà quelques traces aveugles du pluriel à la façon d’une sorte de pressentiment.
L’intérêt de partager la pensée du principe en ces trois moments de son propre passé dans la Grèce ancienne tient à quelques remarques. Il apparaît d’abord que le retour du Même s’exerce dans les charnières primordiales de la vie culturelle, à partir desquelles il diffuse au cœur de la vie pratique. D’autre part il s’exerce concrètement avant de se thématiser comme un principe. Troisièmement il se présente à l’oreille autant qu’à la vue, et peut-être même plus précocement à l’oreille qu’à la vue. Enfin ce retour du Même jusqu’à soi est animé de façon dynamique ; et les variations de la tension qui animent un tel retour du Même jusqu’à soi fondent l’hypothèse de notre étude ; cette hypothèse fait de cette tension primordiale inhérente à la pensée humaine, un fil conducteur s’étirant de façon généalogique depuis son plus lointain passé jusqu’à nos jours, à travers toutes les métamorphoses qu’elle, cette tension, aura subies et dont on peut décrire certains des échantillons les plus remarquables ; et ceci jusqu’au moment présent, où la question du Tout met ce Même sur le devant de la scène de la pensée pour un procès dont on ne mesure pas encore aujourd’hui, l’étendue ni la pénétration de son pouvoir destructeur autant que novateur, par rapport à presque toutes les évidences culturelles du monde d’aujourd’hui.
Or dans la Grèce ancienne, ce retour du même est incarné non pas d’abord par des figures fermement dessinées dans leur caractère divin, mais primordialement peut-être par cette tension dont l’exigence, telle qu’on peut l’observer à son degré le plus extrême, constitue la sacralité essentielle du mythe. Il y a en effet une tension du Même dont le degré est tout à fait constitutif du Mythe et du sacré qu’il véhicule. Et l’on peut remarquer que cette tension qui se détend par degrés anime tout au long une histoire critique de la pensée que scandent des étapes au cours desquelles s’édifie et se formalise pas à pas au cœur du Même et de l’adéquation qui la met en scène sa valeur de principe. Il semble bien que cette histoire ainsi conçue de façon généalogique, c’est-à-dire à partir de notre présent dans un sens inverse de toute téléologie, traverse comme un fil d’Ariane les divers détours de la philosophie occidentale jusqu’à nos jours, là où précisément ladite tension du Même se défait dès lors que le Tout de notre humanité devenant aujourd’hui une sorte de donné observable se proposant à la Raison du Tout apparaît comme le Tout de la Réalité humaine environnée de tous ses meubles, sous le nom de l’être, mais s’ouvrant de façon non dialectique et non hégélienne sur son propre dehors, sous le nom du Réel. Ici le retour du même échoue non plus de façon théorique mais de façon pratique en ce sens que lorsque contre tout esprit historique il se maintient, il s’affirme sous les espèces de l’« inquiétante étrangeté » décrite par Freud et Lacan, et secondairement il confirme son propre échec du côté du sujet qui l’endure, par son intime discordance, là où il s’avère que le Souverain Bien, conçu chez Kant comme la téléologie même du genre humain, se convertit en un Mal qui loin de s’opposer au Bien, le pénètre dans son intimité. C’est ce que le totalitarisme soit politique soit religieux, soit financier, ne cesse d’imposer à nos yeux aveugles jusqu’à contaminer l’un des fleurons de la culture européenne, le principe d’égalité entre les humains tel que la pensée anglaise l’a inauguré et la pensée de la Révolution française l’a intronisé au risque de son propre sang, sur l’air des trompettes de Valmy. Ce principe d’égalité dont la nouveauté consacre la dignité de la personne humaine, homme et femme, et qui s’étend à toutes les croyances en notre propre destin dont chacune féconde la pluralité des cultures, devient aujourd’hui destructeur de toutes les différences entre ces cultures qui pourtant le font vivre. L’objet ultime et primordial de la pensée du pluriel consiste en une tentative d’éclairer dans les charpentes de la pensée, les combinaisons qui engendrent cette aporie, cette malfaçon, sinon d’en résoudre le néfaste.
Si l’on remonte jusqu’aux époques les plus anciennes du Mythe, le plus curieux tient au fait que ses contenus importent, semble-t-il, bien moins que le mode de sa profération. De cette dernière, l’importance est grande et même primordiale dans une société d’abord sans écriture. Et l’on peut s’étonner de tous les efforts qu’ont fait des penseurs parmi les plus savants, pour interpréter les mythes à partir de leurs contenus, dans les histoires qu’ils racontent, les significations qu’ils véhiculent, alors qu’ils sont d’abord peut-être une manière de parler, parmi les plus archaïques, là où l’interpellation la plus proche du cri, s’arrache à la toute-puissance du surhumain pour descendre dans la bouche charnelle de celui qui parle. Comme si l’épisode de cette descente qu’évoque à sa façon la pensée nietzschéenne de Dionysos, et que réactualise à sa manière douloureuse, le travail de Wolfson76, précédait en deçà de toute mémoire le célèbre vol prométhéen du feu de Zeus. On trouve en effet dans le mythe, la qualité de l’attention qui marquait autrefois (à de rares moments tout au moins !), les élèves du collège, lorsque le professeur annonçait la lecture d’un conte à la fin d’une classe ; alors un bonheur aujourd’hui perdu, se trouvait dans l’écoute dont on retrouve la magie dans un épisode de l’ancien film de Donskoï, L’enfance de Gorki77, lorsque la grand-mère énorme et filmée en contre-plongée se met à raconter à toute une troupe de tout petits galopins fascinés, l’histoire de quelque animal fabuleux.
Cependant s’agissant du mythe, l’attention est plus tendue que chez les galopins d’une école ancienne, elle est la plus extrême qui soit jusqu’au point d’actualiser ce qui se dit, sous les espèces de la terreur qui la mobilise et la fascine ; alors cette attention confine à la concentration limite du Même, et de ce Même en tant qu’immuable divin et sacré. Ici le passé est présent au présent, et de cette manière il est habité par l’immuable sous l’aspect d’une immanence primordiale, il est là dans l’entente des assistants qui sont aussi bien des acteurs ou tout au moins qui sont habités par la profération tout comme le mage qui en prend la charge. Et ainsi, le mage qui parle disparaît derrière son acte, seul demeure le sacré des paroles prononcées bien en deçà de toute performativité phénoménologique, car ce qui compte ce n’est pas tant le contenu du dit, que sa pure profération, à ce point différente pourtant d’un simple cri en ce sens qu’elle surplombe la conscience qui en est fascinée, d’une façon lointainement comparable avec les paroles du prêtre chrétien encore aujourd’hui à l’autel. Cependant aujourd’hui dans la figure contemporaine de ce qui reste de quelques lambeaux du sacré d’abord le retour du même est passé du côté des contenus de la parole devenue logos, et en même temps, l’esprit critique habite chez l’auditeur, dans ce qui n’est plus chez lui que la foi de celui qui prend au sérieux la transsubstantiation opérée par la pure parole. Or dans le mythe, la terreur remplace la foi, en ce sens que la tension qui habite le retour du Même, s’élève et s’actualise dans le surhumain, jusqu’à la toute-puissance du divin. D’autre part à travers l’esprit critique de la foi, la différence temporelle du présent et du passé s’affirme, tout en cherchant à se transcender, comme il apparaît dans cet énoncé des croyants : « Aujourd’hui le Christ est ressuscité ». On comprend comment le dogme de la transsubstantiation avec les disputes sanglantes dont il fut l’enjeu entre catholiques et protestants, met en procès cette différence du passé et du présent qu’affirme et que biffe à la fois cet Hodie, cet aujourd’hui qu’invoque d’une autre façon le poète Mallarmé : « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui »… Avec l’idée du temps qui passe c’est aussi bien la personnalité du sujet prononçant les paroles sacrées, qui intervient soit comme un témoin, soit comme un simple parleur citant de l’extérieur. Comme si le témoignage du prêtre était à mi-chemin entre le sacrifice de soi du diseur de mythe, lorsque par le jeu de la répétition du même, le mythe semblait parler tout seul. Ainsi le taureau de Phalaris émettait immédiatement par ses cris la jouissance du divin lorsqu’on jetait dans sa gueule, des petits enfants après l’avoir chauffé à blanc.
Or ce qui paraît bien spécifique de l’esprit grec et de sa capacité critique, c’est que la conscience fascinée de l’auditeur du mythe devient d’un pas en avant, l’esprit de l’épopée antique, celle-ci très différente de la conception romantique qui attribue la place souveraine à la personne du héros en butte aux forces surhumaines. Ici l’écoute du poème est encore de l’ordre de la profération qu’anime le retour au Même, tandis que le contenu commence à se distinguer dans le bla-bla de la parole et dans le développement de l’anecdote. Corrélativement le rhéteur à son tour se distingue du pur parler inhérent au mythe en tant qu’il est l’interprète individuel « inspiré » par la déesse qu’il invoque, et que de même la personne du héros, commence à se détacher du chant qui l’environne. Et tandis que du côté du mythe, la pure énonciation prend le pas sur l’énoncé au point que l’anecdote qu’il véhicule se retire derrière la tension immanente à sa profération et tandis que disparaît toute performativité du côté de celui qui parle, à l’inverse déjà, au principe du poème épique apparaît le rhéteur inspiré et pénétré par le divin, quoi qu’il dise.
On pense ici au livre déjà cité, de Paul Veynes, L...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Philosophie
  4. titre
  5. Copyright
  6. Dédicace
  7. Préface
  8. Avant-propos
  9. Introduction
  10. Chapitre I - La pensée du Pluriel à la lumière de sa généalogie
  11. Chapitre II - L’héritage Foucault et la finitude du Tout de notre humanité
  12. Chapitre III - La contingence au principe du pluriel
  13. Chapitre IV - Le sujet et la vérité
  14. Chapitre V - La généalogie de la contingence
  15. Chapitre VI - L’Universel entre la contingence et la question du Tout
  16. Conclusion
  17. Bibliographie
  18. Table des matières