Le commentaire, du manuscrit à la toile
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Le commentaire, du manuscrit à la toile

  1. 224 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le commentaire, du manuscrit à la toile

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Ce numéro traite du commentaire dans une perspective historique. Les usages contemporains, façonnés par des dispositifs sociotechniques novateurs, en font une des activités préférées des publics médiatiques du XXIe siècle, dorénavant transformés en usagers du Web.

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2020
ISBN
9782806661951

LE COMMENTAIRE : CONTINUITÉS ET MUTATIONS D’UN OUTIL AU SERVICE DE LA LECTURE ET DE L’ÉCRITURE

Laura CALABRESE
Université libre de Bruxelles-ReSIC
Ce numéro traite du commentaire dans une perspective historique. Les usages contemporains, façonnés par des dispositifs sociotechniques novateurs, en font une des activités préférées des publics médiatiques du XXIe siècle, dorénavant transformés en usagers du Web. Retracer la généalogie de ces pratiques – sans aspirer à être exhaustif, vu l’ampleur de la tâche – s’avère fondamental pour éviter une vision déterministe, qui rendrait le dispositif responsable de ce qu’il ne fait qu’autoriser. Dans ce sens, la perspective historique devrait nous permettre d’identifier des ruptures et des continuités dans une pratique ancienne liée à deux compétences cognitives des humains : lire et écrire. Alors que les deux actions ne sont pas nécessairement liées (historiquement peu de gens maitrisent les deux compétences et, même lorsque l’école finit par les généraliser, on les pratique rarement simultanément1), elles vont converger dans des usages historiques concrets, qu’il convient d’observer dans la diachronie pour identifier les mutations sociales et technologiques.
Un fil rouge de ce numéro est ainsi la question d’une généalogie générale du commentaire : est-il possible de retracer son histoire ? Le commentaire ancien et le commentaire sur Facebook appartiennent-ils à la même lignée ? Est-ce un excès de langage que de les comparer ? Est-ce seulement parce qu’un mot est disponible dans la langue que nous assimilons des pratiques si différentes ? Si le sens commun nous dit que ces deux types de commentaires sont très éloignés à la fois comme pratique sociale et dans leur dimension formelle, leur nature commune est indéniable : ils sont le point de rencontre de la lecture et de l’écriture, là où le lecteur devient scripteur. La comparaison suscite en effet des questions stimulantes, à commencer par celle-ci : comment expliquer la multiplication des commentaires et des commentateurs à l’époque contemporaine, alors qu’avant seul le philosophe, le philologue, le copiste ou l’homme de foi était autorisé à commenter ? La généralisation des technologies ne suffirait pas à l’expliquer, autrement, pourquoi avoir attendu le Web 2.0 alors que le papier et le stylo étaient largement répandus ? Expliquer la place du commentaire peut ainsi servir à une réflexion plus large sur la place de la lecture et de l’écriture (mais aussi des scripteurs et des lecteurs, également des inventions historiques) à l’époque contemporaine, ainsi que sur les pratiques que les outils technologiques autorisent car ils répondent à une demande sociale située. Pour ce faire, il faut interroger autant le sens du mot commentaire que les usages historiques et les formes qu’il prend, à côté d’autres actes de parole similaires.
Une profusion de notions
L’activité de gloser un énoncé peut être considérée comme universelle et dépassant même les cultures écrites, car elle est inhérente à la réflexivité du langage et remplit une fonction de désambiguïsation et d’élucidation d’un énoncé (Blom 2017). Pour Blom, cette fonction est même une preuve de son origine orale. Or du point de vue génétique et générique, il convient de distinguer les différentes formes que prend cette réflexivité, qu’il s’agisse de gloses, commentaires, marginalia ou scolies, qui se confondent souvent dans les usages, les définitions de dictionnaire et même dans la littérature spécialisée. Puisque les concepts sont forgés et évoluent au fil des avancées philologiques et des besoins de la recherche, ils sont souvent entremêlés.
Les marginalia, terme qui n’a pas quitté le langage technique, sont des « marginal notes or embellishments »2, c’est-à-dire des notes ou éléments graphiques dans les marges d’un texte. Selon le TLF, la scolie se définit comme une « note philologique ou historique due à un commentateur ancien, servant à l’interprétation d’un texte de l’Antiquité ». Dans la littérature spécialisée, les définitions varient. Les travaux sur la littérature grecque ancienne considèrent la scolie comme un « commentary or notes written in the margins of a text », par opposition au hypomnèma (littéralement aide-mémoire)3, qui se définit comme un commentaire à part entière séparé du texte commenté (Dickey : 11). Le TLF donne une définition du commentaire qui correspond plutôt à un genre de discours, consistant en un « examen critique du contenu et de la forme d’un texte documentaire ou littéraire, en vue d’une lecture plus pénétrante de ce texte ». L’hypomnèma se distingue également de la glose, « annotation brève portée sur la même page que le texte, destinée à expliquer le sens d’un mot inintelligible ou difficile ou d’un passage obscur, et rédigée dans la même langue que le texte » (TLF)4. La littérature spécialisée distingue souvent la glose de la scholie : « often the distinction is that a marginal comment is a scholion and an interlinear one is a gloss » (Dickey 2007 : 11).
Il faut aussi noter que pour les anciens, le commentaire relève d’une activité plus que d’un genre : « il ne s’agit pas de commentaire au sens propre du terme, mais bien plutôt soit de notes de travail à propos d’une publication future, soit de passages d’un livre auquel il est fait allusion ailleurs. L’une des difficultés de la question réside au demeurant dans le passage de cette pratique du monde grec à Rome. [Il y a un] continuum qui conduit de la réflexivité comme essence à la réflexivité comme genre » (Lévy 2014 : en ligne). Dans la littérature spécialisée également, le commentaire (hypomnèma) sur papyrus est compris comme n’importe quel texte péritextuel : « tutti quei testi su papiro che, materialmente separati dall’edizione critica del texto commentato, sono stati scritti al fine di fornire un chiarimento al texto dell’autore […] » (Del Fabbro 1979 : 69). Autrement dit, la catégorie des hypomnemata comprend un large spectre de significations, de modèles et de types de textes (Dorandi 2000 : 27) qui correspondent à la pratique de commenter un texte préexistant.
S’il est clair que les notions se chevauchent, leur profusion est due au fait que deux distinctions sont nécessaires pour les chercheurs et chercheures travaillant sur des manuscrits anciens : l’emplacement de la note et son degré d’autonomie par rapport au texte. Ce que nous pouvons retenir des définitions est que :
— Toutes les formes susmentionnées sont issues de la culture écrite ;
— Ces formes constituent un texte second par rapport à un texte premier, qu’elles viennent compléter, expliquer ou augmenter. La définition de la glose comme une « augmentation péritextuelle qui précise ou diversifie l’information contenue dans un texte principal » (Cinato 2015 : 79) pourrait ainsi s’appliquer plus largement à toute activité de commenter un texte préexistant ;
— Le commentaire peut prendre la forme d’un texte à part entière (décliné en plusieurs genres : littéraire, philosophique, historique, biblique…) ou bien d’une pratique générale d’annotation des textes, raison pour laquelle le terme est souvent employé comme un hypéronyme de toutes les formes de l’activité de gloser.
Le commentaire comme technologie intellectuelle
On voit donc bien que si le langage, qu’il soit écrit ou oral, autorise naturellement la réflexivité, l’activité plus complexe du commentaire est le produit du développement de nouvelles aptitudes dues à l’écriture, qui vont conduire les sociétés lettrées à la raison critique, selon l’hypothèse de Jack Goody (2000). Dans son livre The Domestication of the Savage Mind, l’anthropologue avance que l’écriture a rendu possible l’examen minutieux du discours en favorisant l’activité critique et donc la rationalité, le doute et la logique :
It increased the potentialities of criticism because writing laid out discourse before one’s eyes in a different kind of way ; at the same time increased the potentiality for cumulative knowledge, especially knowledge of an abstract kind, because it changed the nature of communication beyond that of face-to-face contact as well as the system for the storage of information ; in this way, a wider range of “thought” was made available to the reading public. No longer did the problem of memory storage dominate man’s intellectual life ; the human mind was freed to study static “text”, a process that enabled man to stand back from his creation and examine it in a more abstract, generalised, and “rational” way. By making it possible to scan the communications of mankind over a much wider span, literacy encouraged, at the very same time, criticism and commentary on the one hand and the orthodoxy of the book on the other (Goody 2000 : 37).
Ici, le commentaire est compris non comme un produit (nous y reviendrons) mais comme une pratique d’annotation plus large5, qui a comme conséquence de réifier le médium et de déplacer la quête de sens du locuteur vers l’écrit :
The interpretation of a spoken utterance is first and foremost the interpretation of the speaker’s unintended meaning. The focal question is what the speaker means by the utterance. Once words are engraved in stone or clay tablets, inscribed on parchment and paper and thus given a stable physical presence, the focal question about their interpretation becomes what do the words mean. The meaning no longer resides in the speaker but in the text (Coulmas 1989 : 12-13).
Ce faisant, le code lui-même devient objet et favorise le développement d’un métadiscours. En tant que pratique d’annotation, il est intéressant de remarquer que le commentaire émerge à un moment qui voit « apparaître la canonisation d’un corpus d’auteurs et [correspond] à la quête des sources identitaires, d’ouvrages de référence où l’activité interprétative peut s’affirmer » (Rico 2003 : 1-2). C’est en quelque sorte l’autorité du texte qui appelle le commentaire. Dans le monde grec, les tentatives d’expliquer Homère aux écoliers donnent naissance aux ancêtres des scolies (Dickey 2007 : 3). Le commentaire philologique va fleurir à Alexandrie, « où les premiers bibliothécaires posent les principes de la critique textuelle dans leurs éditions des poètes et dramaturges classiques » (Rico 2003 : 4), développant une herméneutique focalisée sur le sens du mot tel que façonné par l’intentionnalité de l’auteur. Pour leur part, les écoles philosophiques grecques pratiquent une herméneutique plutôt tournée vers le sens du texte, son enseignement.
La pratique du commentaire évoluera suivant le développement des supports, qui ne permettent pas tous au même degré les annotations péritextuelles. Ainsi, le codex aux grandes marges facilite l’annotation (Manguel 1996 : 127), alors que le rouleau de parchemin ou de papyrus oblige le lecteur à utiliser les deux mains pour le dérouler, empêchant l’écriture dans les marges (Labarre 2001 : 12). Le changement de support représente en effet un événement d...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. SOMMAIRE
  6. LE COMMENTAIRE : CONTINUITÉS ET MUTATIONS D’UN OUTIL AU SERVICE DE LA LECTURE ET DE L’ÉCRITURE
  7. À LA RECHERCHE D’UNE FORME TYPE DU COMMENTAIRE D’ANCIEN RÉGIME L’EXEMPLE DES CLEFS DE LECTURE
  8. ÉCRIRE AVEC AUTRUI : COMMENTAIRES ET OPÉRATIONS MÉTADISCURSIVES DANS LES PROCESSUS D’ÉCRITURE COLLABORATIVE
  9. CHATEAUBRIAND JUGE DE FRANÇOIS-RENÉ. MODALITÉS ET ENJEUX D’UN AUTOCOMMENTAIRE
  10. « Y A-T-IL UN RELECTEUR DANS LA RÉDACTION ? » QUAND L’INTERNAUTE COMMENTE LA LANGUE DES JOURNALISTES
  11. LA PRATIQUE DU COMMENTAIRE : UN GESTE APPAREILLÉ
  12. LES MODALITÉS LINGUISTIQUES DU COMMENTAIRE SUR INTERNET COMME PRISE DE POSITION (« STANCE-TAKING ») : L’EXEMPLE DES COMMENTAIRES SUR YOUTUBE
  13. LE FORUM DE DISCUSSION DE FRANCE 2 : ENTRE CONVERSATION TV ET COURRIER DES LECTEURS
  14. COMMENTAIRES EN LIGNE ET TÉLÉVISION SOCIALE : L’EXEMPLE DE L’ÉMISSION DES PAROLES ET DES ACTES (FRANCE 2)
  15. VARIA
  16. LES COMMENTAIRES DANS LES LIVRES D’OR D’EXPOSITION : UNE FENÊTRE SUR LA VERBALISATION DES EXPÉRIENCES ESTHÉTIQUES ET DES REPRÉSENTATIONS EN ART
  17. LES INCIDENTES COMMENTATIVES
  18. INTERROGATIVES : TENSION, DISTANCE ET EFFETS DE SENS DANS LE JOURNALISME POLITIQUE
  19. COMPTE-RENDU JEUX DE MOTS ET CRÉATIVITÉ. LANGUE(S), DISCOURS ET LITTÉRATURE, BETTINA FULL ET MICHELLE LECOLLE (ÉDS), BERLIN/BOSTON, DE GRUYTER
  20. UN BOUQUET DE REVUES DE LINGUISTIQUE FRANÇAISE