"Ils disent que c'est un collège poubelle"
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"Ils disent que c'est un collège poubelle"

Construire son parcours à l'école entre histoire singulière et récits collectifs

  1. 136 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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"Ils disent que c'est un collège poubelle"

Construire son parcours à l'école entre histoire singulière et récits collectifs

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Table des matières
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À propos de ce livre

Faisant suite à "J'ai rien à raconter". Une éducation narrative pour apprendre à s'orienter, cet ouvrage vise à mettre en évidence les interactions entre parcours singulier de l'élève et récits collectifs et s'attache à rendre visibles à travers les dits et récits des élèves les processus d'appropriation de la forme scolaire. Sans remettre en cause certaines déterminations sociales, il s'agit de donner à comprendre les modalités de leur dépassement, en particulier en permettant aux élèves d'accéder à un statut d'auteur.

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Informations

Éditeur
Téraèdre
Année
2020
ISBN
9782336893259

Préambule aux parties 1 et 2

Les traces de modèles fictionnels sont particulièrement visibles dans l’entretien collectif et analytique réunissant les élèves des deux établissements lors de la seconde phase de recherche. Il sera le support des réflexions menées dans les deux premières parties de cet ouvrage.
Cet entretien collectif, enregistré avec l’accord des élèves, s’est déroulé sur une journée. Il a eu pour objet une discussion autour des transcriptions des premiers entretiens avec les élèves, notamment en ce qui concerne leurs établissements respectifs et l’écart constaté entre mon hypothèse selon laquelle une éducation narrative s’appuyant sur l’expérience des élèves faciliterait la mise en projet et la subjectivation du parcours, et ce que les premiers entretiens réalisés avec chaque groupe ont révélé : des élèves ayant bénéficié d’une éducation narrative prenant en compte leur expérience ne développent pas tous les mêmes compétences en matière de projection de soi et de subjectivation de leur parcours.
Pour analyser cet entretien collectif, je me suis notamment appuyée sur les thèmes récurrents abordés par les élèves et sur l’observation des marqueurs d’énonciation qu’ils utilisent, révélateurs de leur degré d’auteurisation.
J’entends par le terme « auteurisation », la « capacité de s’autoriser, de se faire, soi-même au moins co-auteur de ce qui sera produit socialement » (Ardoino, 2000). Lainé rappelle que « la modification du rapport au savoir est solidaire d’une transformation fondamentale du rapport de pouvoir, de telle sorte que l’apprenant passe du statut d’objet au statut de sujet-auteur du savoir qui se produit » (Lainé, 1998, p. 74). Il s’agit ici pour les élèves de développer un savoir sur eux-mêmes et leur environnement qui leur permettra de s’orienter lucidement plutôt que d’être orientés.
Dans le premier groupe, le discours s’est co-construit en s’appuyant notamment sur les nombreuses prises de parole de Marioushe, Leïla et Lina. Manel et Ouria se sont montrées un peu plus discrètes tout en restant attentives et en répondant volontiers aux questions posées.
Dans le groupe d’élèves fréquentant le collège B, Camille s’est rapidement trouvée en position de leader. Son assurance et sa capacité d’analyse ne sont certainement pas sans avoir influencé les interactions. Il m’a semblé à plusieurs reprises que Marie et Antoine, qui acquiesçaient le plus souvent à ses propos, ne pouvaient pas « mieux » dire que Camille. Cette élève disposait en effet d’un vocabulaire très riche et précis et d’une certaine aisance à manier le langage. Les regards des élèves de A, leur façon de prendre la parole en rebondissant volontiers sur ses propos, en l’approuvant ou en l’interrogeant, en témoignaient. Me rendant compte de la place occupée par Camille, j’ai tenté, aussi souvent que possible de distribuer la parole, afin d’entendre tous les acteurs présents. Mais j’ai aussi fait le choix de ne pas être trop dirigiste, respectant, dans la mesure où je pouvais les saisir, les personnalités de chaque élève et considérant que les silences, les évitements, les réponses brèves étaient tout aussi significatives que les paroles prononcées et pouvaient aussi témoigner d’un récit que l’interlocuteur ou non-interlocuteur se faisait de lui-même, dans lequel, par exemple, il n’occupait pas une place de sujet-auteur.
Il n’est pas toujours aisé de distinguer dans le dialogue, de quel degré d’auteurisation témoigne une prise de parole. Les propos tenus peuvent parfois aussi bien relever d’un récit mimétique élaboré dans l’instant que témoigner de modèles fictionnels. Par ailleurs, mes questions ou mes propositions d’interprétation ont pu participer à une modélisation du récit produit par les élèves.
Pour autant, le croisement de certains thèmes abordés avec les marqueurs de l’énonciation met clairement en lumière un entremêlement de modèles fictionnels et l’articulation de l’histoire singulière avec des histoires collectives qui révèlent l’élaboration d’une histoire commune aux élèves, pouvant selon les cas être positive ou péjorative.
Les propos des élèves mettent en évidence les modalités de construction de récits communs. Ils s’appuient sur des modèles fictionnels et des représentations véhiculées par l’environnement proche ou les médias, dont ils deviennent co-auteurs en se les appropriant ou en les transformant partiellement, ne serait-ce que dans la mesure où ils les nourrissent avant de les transmettre à leur tour.
Ces récits véhiculent aussi des représentations des établissements scolaires du secteur mises en rapport avec les quartiers dans lesquels ils se trouvent implantés et l’architecture urbaine. Elles déterminent en partie l’histoire que mes interlocuteurs peuvent se raconter d’eux-mêmes et par conséquent les figures d’élèves qu’ils construisent et les types d’agir dans lesquels ils inscrivent leur rapport à l’école.
D’une manière générale, on sent la réticence des élèves à parler en leur propre nom au sein d’un collectif : comme nous l’avons vu, ils ont souvent recours au pronom généralisant « on » ou à des pronoms qui représentent un groupe dont ils livrent volontiers l’histoire et les expériences communes. Il semble évident que chacun des élèves présents s’est adressé au groupe autant qu’à moi, construisant prioritairement un récit « entendable » par ses camarades, en tenant compte d’une règle implicite : on ne parle pas beaucoup de soi aux adultes devant d’autres élèves. Mes questions concernant leurs expériences singulières les ont parfois déconcertés, intimidés, dérangés.

Première partie

Les modélisations fictionnelles

Chapitre 1

Une histoire commune

Élaboration de l’histoire commune

Énonciation et histoire commune

À de nombreuses reprises, l’utilisation en position de sujet du pronom « on », généralisant, mais aussi du « nous », ou du « vous », rendent manifeste l’inscription de l’histoire singulière dans une histoire commune aux élèves.
On le constate dès le début de l’entretien, lors du rappel de l’appartenance passée à un groupe ayant fréquenté la même école Freinet :
Marioushe : Moi personnellement, quand j’ai revu Camille, j’ai repensé tout de suite à… On avait écrit, je sais pas si je vous ai raconté… une longue histoire. On avait fait avec Monsieur…
Marioushe : Une longue histoire et on était dans son groupe. Ben ça fait ben… Ben, ben je sais pas, je crois que c’était en fin d’année. Moi, ça m’a rappelé ça.
Camille : Moi ça m’a… je sais pas pourquoi, mais ça m’a rappelé quand je vous ai revus, ça m’a rappelé euh… quand on faisait de la musique et de l’art le vendredi, le vendredi après-midi. Je sais pas pourquoi…
Mais l’extrait suivant révèle que le « on » peut aussi les réunir dans une hypothèse narrative visant à faire un lien entre l’histoire passée de leur scolarité commune et le moment présent qui les réunit de nouveau, alors que Camille essaie d’expliquer comment les élèves de A et de B se sont perdus de vue :
Ben, on se voyait de temps en temps, mais… Quand on est partis de l’école, on avait quel âge ? On avait 10 ans ? Du coup, on n’avait pas de Facebook. Pendant un ou deux ans, on s’est pas parlé. Et après ben… On a pas, on a pas commencé direct un Facebook. On avait pas le téléphone et tout ça, parce que ça fait deux ans qu’on s’est pas parlé. Donc après, ben c’est pas facile de renouer le lien parce que ça fait deux ans qu’on s’est pas parlé, ça fait bizarre.
Un autre élément de cette histoire commune vise à établir des ressemblances entre les élèves présents : les emplois du temps, les technologies dont disposent leurs établissements (rétroprojecteurs, caméras…) sont comparés :
Leïla : Mais nous y en a partout. Y en dans la cour. Y en a dans l’établissement. Et y en a dehors, même devant l’entrée.
Camille : Oui, nous aussi. C’est pareil. Et y en a au niveau du parking des profs aussi.
Autres élèves : Oui. Nous aussi.

Énonciation et histoire partagée par chaque groupe
d’élèves (de A et de B)

Mais c’est aussi à travers l’expression des différences qu’une histoire partagée par chacun des deux groupes se construit.
Lorsque Camille affirme à propos des carnets de liaison, par exemple : « Ben, on a pas les mêmes », ou encore qu’elle décrit le collège A :
Mais non, mais c’est…, c’est grand, on circule, y a plus d’air. Et y z’ont des babyfoots avec les surveillants. Et nous, on n’a rien. On a une table de ping-pong…
Camille (à propos des surveillants) : Ben on peut aller leur parler mais genre… mais genre… Déjà, on a pas le droit de les tutoyer. On peut pas les appeler par leur prénom, des trucs comme ça. Avant aussi c’était comme ça, mais maintenant c’est tout strict et tout… Quand on rigole avec eux ou quoi… Ils commencent à nous charrier et nous, on répond, on se prend une heure de colle. En fait, ils sont plus stricts à B qu’ici. Ici ça a l’air plus convivial.
Les « on » viennent alors désigner successivement les deux groupes dont sont soulignées les spécificités en termes d’environnement scolaire.

Narration collective

À certains moments, l’histoire partagée par les élèves de A est tellement évidente qu’elle s’élabore à plusieurs voix rebondissant les unes sur les autres :
Lina : Parce qu’on a déjà visité en fait en CM2.
Manel : Ben ça fait, en fin de CM2, quand c’est leur collège de secteur, en fait ils sont obligés d’aller visiter B.
Ou encore :
Manel : On n’a pas voulu y aller et on a été à A.
Leïla : On a fait une demande.
Manel : On a fait une demande de dérogation.

Médiateurs de l’histoire commune

L’environnement proche

L’histoire s’écrit dans l’environnement proche des élèves par différents intermédiaires : les blogs et réseaux sociaux, les familles, les camarades, les relations de voisinage.

Les blogs et réseaux sociaux :

L’expérience du collège se partage sur les réseaux sociaux.
Anne : Est-ce que vous avez déjà vu des choses sur votre collège ? Des commentaires sur B ?
Camille, Antoine : Oui.
Anne : Par des gens de B ou de l’extérieur ?
Antoine : Les deux.
Anne : Y a beaucoup de choses qui circulent ? Sur l’école, sur le quartier ?
Camille : Non, sur le collège.
Anne : Des gens de votre âge ?
Camille : Des jeunes ou des qui étaient là avant. Ils critiquent ou ils racontent ce qui se passe.
[…]
Anne, aux élèves de A : Et vous, vous avez l’occasion de lire ces choses ?
Le...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Collection « Éclaboussements » dirigée par Christine Delory-Momberger & Béatrice Mabilon-Bonfils
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Préface
  7. Introduction
  8. Préambule aux parties 1 et 2
  9. Première partie – Les modélisations fictionnelles
  10. Deuxième partie – Construction de figures d’élèves et modélisations fictionnelles
  11. Troisième partie – Affirmation de soi et désir de conformation
  12. Quatrième partie – Pistes pédagogiques