La drĂŽle de guerre et l'enfant
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La drĂŽle de guerre et l'enfant

Pierre Bernard

  1. 152 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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La drĂŽle de guerre et l'enfant

Pierre Bernard

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À propos de ce livre

L'heureux temps des soldats de plomb est rĂ©volu. La guerre bouleverse l'Ăąme sensible de l'enfant, elle lui impose de tragiques dĂ©couvertes. De multiples questions se tĂ©lescopent dans sa tĂȘte. Des rĂ©fugiĂ©s sans dĂ©fense sont mitraillĂ©s sur les routes, des forteresses volantes bombardent villes et villages, la guerre serait-elle autre chose que des combats entre soldats sur un champ de bataille? Elle est aussi la premiĂšre confrontation de l'enfant avec le chagrin d'ĂȘtres chers. Comment la guerre rĂ©ussit-elle Ă  arracher des larmes Ă  un grand-pĂšre? En revanche, le passage des trains de matĂ©riel militaire attise sa curiositĂ©, tandis que les exercices de maniement d'armes de la troupe d'occupation le divertissent Ă  la sortie de l'Ă©cole.La chaleur de l'amour familial confortĂ©e par la sollicitude maternelle de tout un village parviendra-t-elle Ă  apaiser les tourments et les inquiĂ©tudes de l'enfant?

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Informations

Année
2020
ISBN
9782336890951

SOUS L’OCCUPATION

Les Allemands Ă©taient arrivĂ©s Ă  Entrains-sur-Nohain et la guerre n’était pas finie.
Invraisemblable ! Surtout pour les anciens qui avaient connu la Grande Guerre. Ils n’imaginaient pas que la guerre puisse survivre à la prise de Paris.
L’ennemi avait dĂ©passĂ© la capitale, il s’était enfoncĂ© deux cents kilomĂštres plus au sud, et l’on continuait Ă  se battre, une situation qui dĂ©fiait la raison ! Le bon sens des anciens Ă©tait aussi pris en dĂ©faut par la progression rapide de l’armĂ©e ennemie. Elle s’était faite sous leurs yeux Ă  la vitesse d’un camion, sans rencontrer la moindre rĂ©sistance ni l’ombre d’un soldat habillĂ© en kaki. Vraiment une drĂŽle de guerre !
Le lendemain matin de l’arrivĂ©e de l’envahisseur allemand, ouvrant la fenĂȘtre de ma chambre, je ne me suis pas reconnu. Je m’étais retournĂ© afin de m’assurer que j’étais bien dans ma chambre. Un comportement jamais oubliĂ©.
Le dĂ©cor n’était plus le mĂȘme. Certes, les bouleaux avec leur fin feuillage frĂŽlĂ©s la veille par l’avion Ă  la croix noire Ă©taient toujours lĂ , mais la grande prairie oĂč une ou deux vaches habituellement paissaient, elle, avait disparu. Ce n’était partout que des camions, des canons tournĂ©s vers le ciel et, dans un coin proche de la maison, une roulante dont la cheminĂ©e laissait Ă©chapper une timide fumĂ©e bleue. Des hommes grouillaient, certains terminaient de camoufler le matĂ©riel.
Camoufler, je savais ce que signifiait ce verbe pour en avoir dĂ©jĂ  demandĂ© le sens au passage des trains qui transportaient du matĂ©riel militaire sous de hauts filets censĂ©s le dissimuler au regard de l’aviation ennemie. Maintenant que la guerre Ă©tait gagnĂ©e par l’occupant Ă  quoi lui servait-il de se camoufler ? Une interrogation qui n’était pas uniquement suscitĂ©e par la curiositĂ© d’un enfant. Mon grand-pĂšre se la posait. Il ne sut me dire que quelques mots qui justifiaient sa propre ignorance.
Le seul danger venant du ciel Ă©tait trĂšs hypothĂ©tique. AprĂšs le survol de l’avion de reconnaissance allemand, il semblait bien que l’ennemi eĂ»t la maĂźtrise du ciel.
En ce dĂ©but de matinĂ©e, dans la vaste propriĂ©tĂ©, les soldats allemands me parurent moins gentils que la veille dans leurs camions. En poursuivant leurs travaux de camouflage, ils s’acharnaient Ă  dĂ©truire le paysage qui embellissait mon quotidien. Ces arbres et ces arbustes appartenaient Ă  mon cƓur d’enfant et nul n’avait le droit de me les dĂ©rober, sans une vĂ©ritable raison. Or le camouflage n’en Ă©tait pas une. La guerre faisait suffisamment de victimes, de saccages et de massacres de toutes sortes, sans encore y ajouter le sabotage des paysages.
Jetant un regard sur ma gauche, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©. Que venaient faire ces maisons toutes proches ? Je passais devant elles chaque jour en me rendant Ă  l’école, mais je ne les voyais qu’aprĂšs m’ĂȘtre engagĂ© sur la route dĂ©partementale. De ma chambre, je ne les apercevais pas, cachĂ©es qu’elles Ă©taient par des taillis et des branchages que l’ennemi avait sauvagement coupĂ©s ou arrachĂ©s. ConsĂ©quence : le massif forestier Ă©tait trouĂ© de larges ouvertures Ă  travers lesquelles les maisons se faufilaient. La guerre ne respectait rien. La vie d’un ĂȘtre humain ne comptait pas pour elle, alors que pouvait reprĂ©senter un sous-bois au regard de l’inventaire de la folie meurtriĂšre des hommes ? Rien.
Je percevais le dĂ©sarroi, la stupeur des adultes devant le tour pris par une guerre insaisissable Ă  leur entendement ; elle leur posait, Ă  eux aussi, trop d’interrogations sans rĂ©ponse.
J’étais restĂ© longtemps, plus longtemps que d’habitude, le regard perdu, Ă  la fenĂȘtre de ma chambre ! Au-delĂ  de l’installation et du camouflage de l’ennemi Ă  quelques mĂštres sous mes yeux, la mĂ©tamorphose de tout ce qui m’entourait me plongeait dans l’inconnu. Un mĂ©lange de crainte et de danger m’envahissait ; il s’accompagnait d’une dĂ©sarmante tristesse. Dans ma poche, je froissais mon mouchoir.
Ces hommes en uniforme m’étaient imposĂ©s comme voisins. Pour combien de temps ? Personne ne rĂ©pondrait Ă  ma lancinante question. Venus d’un pays Ă©tranger pour envahir le nĂŽtre, ces soldats sous ma fenĂȘtre me dĂ©concertaient. Contrairement Ă  l’impression qu’ils m’avaient donnĂ©e quand je les avais vus pour la premiĂšre fois dans leurs camions, ils m’apparaissaient le lendemain matin trĂšs diffĂ©rents des hommes que je rencontrais habituellement au village.
Qu’allais-je devenir ?
Je ne pourrais plus jouer sur le chemin des Crots, je ne pourrais plus aller au village. Il y aurait des Allemands partout, dans les moindres recoins, des Allemands effrayants avec leurs lourdes bottes aux pieds, leurs fusils et leurs baĂŻonnettes, Ă  l’image de l’homme en armes qui longeait le grillage de clĂŽture de la propriĂ©tĂ© d’en face.
Je m’étais enroulĂ© dans le rideau derriĂšre la fenĂȘtre de peur qu’il me voie. Comment se sentir en sĂ©curitĂ©, avec des soldats qui se comportaient, Ă  peine arrivĂ©s, comme s’ils Ă©taient chez eux ? Ils se permettaient tout.
Et le cordier ? Qu’arrivera-t-il au cordier ?
Le cordier Ă©tait l’attraction du chemin des Crots. Je ne comprenais pas le travail de l’artisan. Certes, il fabriquait des ficelles, des cordes qu’il chargeait sur ses Ă©paules, la journĂ©e de travail terminĂ©e, afin de les transporter Ă  son domicile, mais comment parvenait-il Ă  les confectionner Ă  partir d’un Ă©cheveau de chanvre ? Cela demeurait pour moi un mystĂšre. L’ennemi acceptera-t-il ce voisinage ? À l’instar de ce que j’entendais dire depuis le dĂ©but des hostilitĂ©s, sera-t-il, lui aussi, rĂ©quisitionnĂ© ? Dans le cas contraire, oĂč se procurera-t-il le chanvre, maintenant que les Allemands Ă©taient partout ?
Si les soldats s’affairaient dans la propriĂ©tĂ© d’en face, en revanche le chemin des Crots Ă©tait dĂ©sert. Chacun Ă©tait calfeutrĂ© chez soi. Mon grand-pĂšre Ă©tait descendu silencieusement donner Ă  manger Ă  la volaille et Ă  ses lapins.
La vie semblait s’ĂȘtre arrĂȘtĂ©e. Une atmosphĂšre lourde amplifiait mes angoisses.
L’occupation de notre sol par l’ennemi marquerait une nouvelle frontiĂšre dans l’histoire de la guerre. Il y avait dĂ©jĂ  « avant la guerre », il y aurait dorĂ©navant « avant l’occupation ».
Plus tard, au cours de ma carriĂšre professionnelle, j’entendrais parler de la vertu de l’Ɠil neuf. Je penserai souvent Ă  cette matinĂ©e, au lendemain de l’arrivĂ©e des troupes de l’envahisseur. L’enfant dispose non seulement d’un Ɠil neuf, mais aussi d’une oreille neuve qui avaient eu pour vertu d’allĂ©ger mon chagrin d’enfant aux prises avec la guerre.
La guerre, je l’apparentais Ă  un monstre, Ɠuvre d’un sorcier du mal que je ne parvenais pas clairement Ă  identifier. Les grandes personnes dĂ©signaient les boches, mais ceux-ci, bien que diffĂ©rents de nous, Ă©taient malgrĂ© tout des hommes. Alors
 ?
Je m’apprĂȘtais Ă  fermer la fenĂȘtre. Une hirondelle vint se poser sur le fil Ă©lectrique qui desservait les maisons situĂ©es le long du chemin. L’oiseau inclina la tĂȘte en me regardant et m’offrit en signe de bonjour son gazouillis reconnaissable entre tous. L’hirondelle Ă©tait-elle venue partager ma peine ? Elle me fit comprendre que la vie continuait et qu’il me fallait faire de mĂȘme. Chanter Ă©tait la meilleure façon de mĂ©priser les soldats habillĂ©s de vert et de leur montrer qu’ils ne me faisaient pas peur.
Merci, petite hirondelle. Je m’armai de courage, je m’arrachai Ă  ma fenĂȘtre et m’en allai embrasser ma grand-mĂšre dans la cuisine.
L’amour familial fortifiait les cƓurs opprimĂ©s et meurtris par la guerre.
Les jours qui suivirent ne firent qu’accroĂźtre tourments et inquiĂ©tudes. L’école avait fermĂ© ses portes plus tĂŽt que d’habitude, mais la prĂ©cocitĂ© des vacances n’était pas un gage de rĂ©jouissance. En temps de paix, elle aurait Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©e, en temps de guerre il en Ă©tait tout autre. La guerre bouleversait tout, accaparait tout. Comment les vacances chĂšres aux Ă©coliers auraient-elles pu Ă©chapper Ă  l’horrible glouton ?
J’aurais aimĂ© reprendre le chemin de l’école et retrouver l’instituteur, le tableau noir, les jeux de billes dans la cour de rĂ©crĂ©ation, ainsi que le prĂ©au des jours de pluie, afin de ne plus penser Ă  la guerre et Ă  ses malĂ©fices. À tout le moins, j’espĂ©rais recevoir d’une vie d’écolier une bienfaisante contrepartie Ă  des Ă©motions qui n’étaient pas de mon Ăąge et qui me faisaient mal.
Mais le choix ne m’était pas donnĂ©.
Le grand-pùre et l’oncle Gabriel semblaient avoir perdu leur calme et leur patience. Ils ne supportaient pas de devoir se soumettre à l’occupant ou
 presque !
Le tambour de ville lui Ă©tait Ă  la fĂȘte. Il ne se passait pas de jours sans qu’il annonce aux quatre coins de la ville de mauvaises nouvelles, des nouvelles contraignantes dictĂ©es par l’occupant, comme s’il craignait que la population ne l’oublie !
Alors, je m’en allais courir jusqu’à la Croix, afin de mieux l’entendre. Mon grand-pùre ou ma grand-mùre me suivait, compte tenu de l’importance et de la nature des informations du moment.
Ce jour-lĂ , le traditionnel avis Ă  la population clamĂ© par le garde champĂȘtre intimait aux habitants de la ville de se rendre immĂ©diatement Ă  la mairie afin d’y dĂ©poser toutes les armes en leur possession, fusils de chasse inclus.
Les visages s’étaient fermĂ©s, personne n’avait dit mot, y compris tante Françoise et oncle Gabriel qui Ă©taient restĂ©s sur le pas de leur porte, attendant que nous leur transmettions l’information.
De longues explications sont parfois inutiles. Les deux frĂšres s’étaient rapidement mis d’accord. Deux mots avaient conclu leur court Ă©change : Ă  demain matin.
– OĂč est grand-pĂšre ?
– Dans le jardin de l’oncle Gaby.
Je me prĂ©cipitai dans l’escalier.
Dans le jardin, armĂ©s de bĂȘches, de pioches, de pelles, de seaux et de rĂąteaux, mon grand-pĂšre et son frĂšre creusaient un grand trou. À en juger par sa profondeur, ils avaient dĂ» commencer de bon matin. Pour ces hommes de la campagne, est-il nĂ©cessaire de prĂ©ciser que le soleil Ă©tait leur horloge ?
AprĂšs un bonjour Ă  voix basse, je n’osai pas leur demander Ă  quoi allait servir ce trou profond, Ă©trangement creusĂ© dans le jardin. À en juger par leur silence, par l’ardeur et la vivacitĂ© dĂ©ployĂ©es pour l’approfondir, il s’agissait lĂ  d’une affaire entre grandes personnes Ă  laquelle il ne m’appartenait pas de me mĂȘler.
Je fis mine de me promener dans le jardin ; je me penchai sur des planches de lĂ©gumes fraĂźchement plantĂ©s, sans manquer de jeter un Ɠil discret en direction des deux terrassiers matinaux.
Mon attente fut brĂšve. Ils se dirigĂšrent vers la cabane oĂč Ă©taient rangĂ©s les outils de jardinage, et en ressortirent chacun avec un grand sac dans les bras. ArrivĂ©s Ă  proximitĂ© du trou et de l’important tas de terre tĂ©moin de sa profondeur, les deux hommes posĂšrent leur chargement et marquĂšrent un temps d’arrĂȘt. Silencieusement, ils regardĂšrent autour d’eux comme s’ils craignaient d’ĂȘtre vus. Alors prestement, ils ouvrirent les sacs et vidĂšrent leur contenu. Je devinai. Soigneusement emballĂ©s dans une toile de jute, il s’agissait de fusils et de quelques autres objets que je ne sus identifier. Rapidement, oncle Gaby et grand-pĂšre entreprirent de reboucher le trou. Je m’étais tenu encore quelques instants Ă  l’écart, puis j’étais reparti comme j’étais venu sans qu’une parole, autre que la rĂ©ponse Ă  mon bonjour, me fĂ»t adressĂ©e.
J’avais beau me rĂ©pĂ©ter que la guerre n’était pas une affaire d’enfants, et mĂȘme si je comprenais les bonnes intentions de mes grands-parents de m’en tenir Ă©loignĂ©, je finissais par douter de leur comportement facilement assimilable Ă  une forme de mĂ©fiance Ă  mon Ă©gard. La confiance que je leur portais allait-elle en souffrir ? L’interrogation m’accablait. Elle Ă©tait suivie de remords insoutenables.
Quelques heures plus tard, rendant visite Ă  ma grand-tante, je sus immĂ©diatement le contenu des fameux sacs enfouis le matin dans le jardin. Le tableau des trophĂ©es pendu au-dessus de la porte qui donnait accĂšs Ă  la cuisine avait disparu. Les sacs contenaient les deux fusils de l’armĂ©e allemande que le grand-oncle avait rapportĂ©s de la Grande Guerre ainsi que les deux casques Ă  pointe. La cache dans le jardin Ă©tait facile Ă  comprendre au lendemain de l’annonce demandant Ă  la population de se dessaisir de toutes les armes en sa possession.
Les armes arrachĂ©es Ă  l’ennemi au cours de la Grande Guerre n’étaient pas mentionnĂ©es, mais, a contrario, le grand-oncle pouvait craindre, fort lĂ©gitimement, de ne bĂ©nĂ©ficier d’aucune mansuĂ©tude de la part de l’occupant en les lui restituant. Sa dĂ©marche risquait d’ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme une provocation, une bravade, une façon de narguer les vainqueurs d’aujourd’hui.
Grand-pĂšre avait un rĂ©volver dans le tiroir d’une table de nuit. Il me l’avait montrĂ© un jour « que j’avais Ă©tĂ© sage ». À cĂŽtĂ© de l’arme, une petite boĂźte en carton contenait des balles bien alignĂ©es dans leur Ă©tui. Je ne sus jamais ce que le rĂ©volver et ses munitions Ă©taient devenus ; ce dont j’étais certain c’est qu’ils n’avaient pas pris le chemin de la mairie ainsi que l’avait exigĂ© le tambour de ville.
Sans le savoir, mon grand-pĂšre et mon grand-oncle, ainsi d’ailleurs que bien d’autres villageois, venaient d’accomplir leur premier acte de rĂ©sistance.
La guerre 1914/1918 n’avait pas pris fin ainsi que le traitĂ© de paix le stipulait. Elle s’était poursuivie dans les tĂȘtes et dans les cƓurs.
L’arrivĂ©e des soldats vert-de-gris avait provoquĂ© un sursaut de refus de l’inĂ©luctable, pourtant concrĂ©tisĂ© par l’occupation du village.
Je souffris les jours qui suivirent d’un manque de libertĂ©. Mes grands-parents imposĂšrent de nouvelles rĂšgles dans ma vie de tous les jours que je devais respecter scrupuleusement, la moindre dĂ©sobĂ©issance Ă©tant susceptible d’avoir de graves consĂ©quences. C’est ainsi que je ne pouvais plus m’éloigner de la maison alors que j’aurais aimĂ© constater les changements intervenus dans le dĂ©cor qui m’était familier, depuis l’arrivĂ©e des Allemands. Je n’osais plus m’aventurer jusqu’au passage Ă  niveau, sauf si le battement du tambour de ville m’y invitait. Heureusement, il continuait de ne pas s’en priver. L’information Ă©tait variĂ©e, depuis le recensement du bĂ©tail, en particulier la rĂ©quisition de chevaux, jusqu’à la distribution du ravitaillement en passant par les rĂšgles de protection Ă  observer impĂ©rativement face au danger ennemi. Par ennemi, il fallait entendre l’armĂ©e française et ses alliĂ©s.
Je n’y comprenais pas grand-chose. Tout s’embrouillait dans ma tĂȘte. Je ne savais plus contre qui on se battait, j’ignorais mĂȘme si on se battait encore contre quelqu’un. Sans doute, contre ces soldats qui s’étaient installĂ©s dans la prairie d’en face, mais leur comportement Ă©tait si Ă©loignĂ© de celui que j’imaginais d’une troupe en guerre, que je finissais par douter. Je m’efforçais de tendre l’oreille, en quĂȘte de propos Ă©changĂ©s entre les grandes personnes. Sans rĂ©sultat. La situation se complexifiait au lieu de s’éclairer.
Ma mĂ©moire m’a toujours Ă©garĂ© dĂšs que je cherchais Ă  mettre un peu d’ordre dans mes souvenirs des quelques mois qui suivirent l’occupation du village.
De l’arrivĂ©e de l’occupant Ă  la signature de l’armistice le...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Les ImpliquĂ©s Éditeur
  4. Copyright
  5. Titre
  6. Du mĂȘme auteur
  7. Remerciements
  8. ONZE NOVEMBRE 2018
  9. AVANT-GUERRE
  10. SIGNES AVANT-COUREURS
  11. 2 SEPTEMBRE 1939
  12. ÉTRANGE DÉFILÉ MILITAIRE SUR VOIE FERRÉE
  13. ILS ARRIVENT

  14. SOUS L’OCCUPATION
  15. DES RESTRICTIONS AU RAMASSAGE DES DORYPHORES !
  16. FRUSTRATIONS DE L’ARMISTICE
  17. LA FÊTE DES PRISONNIERS
  18. ILS ONT DÉBARQUÉ
  19. VIOLENTS SURSAUTS D’UNE DRÔLE DE GUERRE
  20. INHUMAINES TRAGÉDIES
  21. LIBÉRATION ET VICISSITUDES
  22. UN TEMPS DE VIE INOUBLIABLE PREND FIN
  23. 8 MAI 1945
  24. RÊVE D’ENFANT, LUMIÈRE D’ESPOIR

  25. TABLE DES MATIÈRES
Normes de citation pour La drĂŽle de guerre et l'enfant

APA 6 Citation

Bernard, P. (2020). La drĂŽle de guerre et l’enfant ([edition unavailable]). Les ImpliquĂ©s. Retrieved from https://www.perlego.com/book/3062833/la-drle-de-guerre-et-lenfant-pdf (Original work published 2020)

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Bernard, Pierre. (2020) 2020. La DrĂŽle de Guerre et l’enfant. [Edition unavailable]. Les ImpliquĂ©s. https://www.perlego.com/book/3062833/la-drle-de-guerre-et-lenfant-pdf.

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Bernard, P. (2020) La drĂŽle de guerre et l’enfant. [edition unavailable]. Les ImpliquĂ©s. Available at: https://www.perlego.com/book/3062833/la-drle-de-guerre-et-lenfant-pdf (Accessed: 15 October 2022).

MLA 7 Citation

Bernard, Pierre. La DrĂŽle de Guerre et l’enfant. [edition unavailable]. Les ImpliquĂ©s, 2020. Web. 15 Oct. 2022.