Paul Hillig de Cloyes à Auschwitz
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Paul Hillig de Cloyes à Auschwitz

  1. 216 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Paul Hillig de Cloyes à Auschwitz

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À propos de ce livre

Cet ouvrage, qui comporte un cahier de photos d'une trentaine de pages, concerne Paul Hillig, petit Parisien d'origine étrangère, arrivé en Beauce avec sa drôle de famille, à Cloyes où Zola trouva naguère l'inspiration pour son roman La Terre. Il réussit dans le commerce, gagne la confiance des habitants, dirige bientôt le club de football et l'harmonie municipale. Ce juif assimilé est frappé par la législation antisémite dès décembre 1940. Sa famille et lui-même périront à Auschwitz. Reconstitution de la vie quotidienne en Beauce dans la première moitié du XXe siècle et galerie de portraits où l'on observe des Cloysiens de tous âges et de toutes conditions.

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Informations

Année
2020
ISBN
9782336890340

Paul Hillig de Cloyes à Auschwitz

Paul Hillig est un homme comblé : une charmante épouse qui lui a donné deux enfants, une entreprise florissante à Cloyes et maintenant un magasin d’antiquités au centre-ville, un succès footballistique qu’il fête avec ses joueurs le 1er juillet 1939.
Un but à zéro : le score est serré mais la victoire est belle. La Cloysienne a terrassé le Sporting Club de Chartres, David a vaincu Goliath au stade Saint-Jean de Châteaudun, remportant ainsi la finale du championnat d’Eure-et-Loir. Le président Hillig, toujours aussi éloquent, félicite le capitaine Barbetti, brillante recrue, et son ami le coiffeur Marcel Noulin, directeur sportif. Les 160 convives semblent vibrer à l’unisson, on festoie, c’est un repas gargantuesque, à l’ancienne. Unanimité de façade ? Une poignée d’envieux et de grincheux nourrit peut-être en secret des pensées venimeuses…
Paul aimait le football. Tous les dimanches il mettait son camion à la disposition des footballeurs locaux, répartis en trois équipes les années fastes (première série, juniors et minimes). Michel Noulin, fils de Marcel, se souvient des dimanches frileux dans le camion bâché… et des poils de lapin qui s’agrippaient aux habits. Une vieille dame qui veut rester anonyme se rappelle les bancs spécialement aménagés pour les joueurs en déplacement.
Remontons à la source, et d’abord à Abel Hillig, son père, un Juif né à Kiev en 1872, qui semble avoir cheminé à pied d’Ukraine jusqu’à Paris. Abel ? Un prénom d’emprunt, assurément. Voilà un personnage biblique, un Juif archétypal, et cependant un prénom très en vogue en France en ce XIXe siècle finissant – beau compromis, n’est-ce pas ? Dans la ville lumière, notre pseudo-Abel est tapissier puis ébéniste. Il a perdu son père Abraham, « rebaptisé » Abel lui aussi. Quant à sa mère, Rachel Koretski qui en France a choisi le prénom de Marie, elle vit peut-être déjà à Fontenay-sous-Bois.
Un frère, prénommé Henri, semble accompagner Abel fils dans les grands moments – maigre consolation devant la terrible épreuve qui frappe soudain celui-ci. Sa première femme, une Russe prénommée Maria, est morte au domicile conjugal, dans un petit immeuble de deux étages sis 18 cité Marcadet1. La défunte avait 18 ans. Désespoir – qui trouve un écho dans deux journaux parisiens de l’époque2. Le 4 septembre 1897, Abel accompagne son épouse jusqu’à sa dernière demeure au cimetière de Pantin, tête basse, le corps secoué de sanglots, soutenu par des amis ou des parents. Soudain, rue de Flandre, il se jette sous les roues du corbillard. Il est transporté à l’hôpital Lariboisière, très grièvement blessé, ses jours sont en danger.
Abel se rétablit. Mais a-t-il gardé des séquelles ? Est-il toujours un veuf éploré ? Il reprend en tout cas le travail, habite désormais au 8 rue Boinod, toujours dans le 18e arrondissement.
Celina Rakowski, future épouse d’Abel, est une juive polonaise née à Bakalarzewo en 1876. Sa mère, Dina Kalechstein, est décédée à une date inconnue, mais son père Elias est toujours de ce monde, commerçant à Bakalarzewo. Celina est sous la protection vigilante de son oncle Jacob Rakowski, un personnage clé dans cette histoire familiale.
La jeune fille habite chez son oncle, avec son épouse et leurs trois enfants survivants, au 9 rue Charles V dans le 4e arrondissement, dans un petit immeuble de deux étages qui existe toujours, hôpital psychiatrique jusqu’à la fin du Premier Empire, où vivent au moins deux autres familles juives, dont les Bereck qui ont beaucoup d’enfants.
Achevons notre esquisse, il mérite bien un portrait en pied, ce Jacob, alias Jacques, né à Bakalarzewo comme Céline. Plongeons donc un peu en arrière, à la fin des années 1870, pour observer ce jeune homme qui habite à Paris avec sa mère prénommée Esther (son père, Moïse, est mort en Pologne). En 1879 il épouse une juive russe appelée Rosalie Orscovich – encore un personnage mystérieux dont personne ne semble jamais avoir entendu parler. Au moins sept enfants naissent de cette union, dont quatre meurent à la naissance ou en bas âge. Comme beaucoup de Juifs polonais émigrés, notre Jacob est d’abord casquettier dans le 4e arrondissement, dans un petit atelier insalubre où il trime pour un maigre salaire. Travailleur, ambitieux, rêvant d’intégration, il obtient la nationalité française dès le 1er septembre 1893. En 1901 au plus tard, il a déjà gravi plusieurs échelons sur l’échelle sociale : désormais il est marchand de meubles, au 46 rue des Gobelins, à quelques mètres de la fameuse Manufacture3.
Abel Hillig et Céline Rakowski ? Une histoire d’amour ? Une histoire de meubles ? Peut-être les deux à la fois. L’Ukrainien et la Polonaise se marient le 21 avril 1898 dans le 18e arrondissement. Ils emménagent au 14 rue Lacépède, dans un quartier du 5e arrondissement beaucoup moins huppé qu’aujourd’hui, près de la Sorbonne et des grands lycées. On ne vit pas dans le luxe, mais on n’est pas non plus dans le besoin. Madame travaille, met du beurre dans les épinards. Simple couturière, puis femme de ménage, Celina semble néanmoins avoir été aidée financièrement par son père ou son oncle.
Un premier enfant naît le 26 mars 1899, une fille prénommée Henriette, grand-mère de l’auteur. Abel est absent ce jour-là, mais Jacob Rakowski, figure tutélaire, assiste à l’accouchement de sa nièce.
Les époux Hillig ont déménagé quelques mois avant la naissance de leur fils Paul, peut-être craignaient-ils d’être un peu à l’étroit. Ils habitent désormais au 31 rue Le Brun dans le 13e arrondissement, à deux pas de la Manufacture des Gobelins.
Paul Hillig est un enfant blond aux yeux bleu foncé. Il est né le 28 décembre 1900 à huit heures du matin, au 76 rue de Picpus dans le 12e arrondissement de Paris, dans un hôpital israélite construit par James de Rothschild. Abel est encore absent à la naissance. A-t-il été pris au dépourvu ? L’enfant est sans doute un prématuré puisqu’il est né neuf mois et deux jours après sa sœur, chose tout à fait exceptionnelle. Le petit Paul est déclaré à la mairie par trois hommes qui habitent dans l’hôpital, leur lieu de travail. Sur l’acte de naissance, l’officier d’état civil a écrit par erreur « Hili ». Il a aussi écorché le patronyme de la maman… Distraction, ou difficulté à comprendre des noms à consonance étrangère ? En tout cas, il a fallu porter l’affaire devant le Tribunal civil de la Seine pour obtenir une double rectification quatre ans plus tard.
La famille Hillig paraît avoir mené une vie tumultueuse dans ce Paris de 1900 où s’est tenue la fameuse exposition universelle. On change de métier, on déménage, on s’aime, on ne s’aime plus.
Abel quitte le domicile conjugal peu après la naissance de Paul et s’installe au 49 boulevard Barbès. Est-il déjà amoureux de Jeanne Guéry, une Française de vieille souche qu’il épousera en 1904 ? Quoi qu’il en soit, Céline entreprend une démarche pour le moins inhabituelle à l’époque : elle demande le divorce. Elle a osé ! 1901, c’est d’ailleurs la date du premier congrès d’une nouvelle association : le Conseil national des femmes françaises, qui regroupe une trentaine de sociétés féminines ou féministes. Abel, éternel absent, ne répond pas à la convocation du juge et Céline obtient gain de cause, le divorce est prononcé en sa faveur le 12 mai 1902.
Henriette et Paul vivent sans doute avec leur mère après le divorce, au 21 rue du Moulins-des-Prés dans le 13e arrondissement. Une photographie de cette époque, couverte de taches pas très jolies, mais qui ont une histoire secrète et presque émouvante, a survécu – un des rares souvenirs conservés par Henriette dans ses vieux jours, maintenant en ma possession, plus pour très longtemps, bientôt je verserai tous mes documents dans un dépôt d’archives. Qui d’autre que le frère cadet d’Henriette ? Même visage ovale, mêmes yeux en amandes, mêmes cheveux blonds et bouclés. Le garçonnet, âgé de trois ou quatre ans, dans ses plus beaux atours, tient un cerceau. Il a été photographié à la Maison de la Belle Gabrielle, chez A. Zagel, au 76 rue de Rivoli à Paris. On imagine la fierté de la maman, peut-être aussi du papa qui s’est éloigné.
Céline qui ne s’est pas remariée attend bientôt un enfant ! Sa fille, Jeanne, naît le 29 août 1904 à onze heures du soir, chez une sage-femme qui habite au 9 rue du commandeur dans le 14e arrondissement. Sur l’acte de naissance, on lit avec surprise : « père non dénommé ». Aucun descendant de Céline ne semble jamais avoir mentionné cette enfant illégitime, découverte très récemment par une généalogiste passionnée. Un secret bien gardé, comme il en existe dans beaucoup de familles…
Céline, qui n’a toujours pas déclaré Jeanne, se rend à la mairie du 13e arrondissement le 21 février 1905, et l’enfant reçoit enfin le patronyme maternel4. La jeune femme est maintenant casquettière – comme son oncle jadis – et habite toujours au 21 rue du Moulin-des-Prés.
En 1906, peut-être avant, Jacob Rakowski a disparu ! Il a quitté son foyer parisien. Il a abandonné son épouse Rosalie. Il laisse derrière lui trois fils qui sont maintenant adultes, ou presque : Samuel, Léon et Albert. Quand Léon se présente au conseil de révision à Paris cette même année, il est bien obligé d’avouer aux autorités militaires qu’il ne connaît point l’adresse paternelle…
Mais nous qui avons accès à des archives souvent disponibles sur internet, nous savons beaucoup de choses – pas tout, hélas. Jacob, 49 ans, est parti en province avec sa nièce Céline, de 19 ans sa cadette, et avec la progéniture légitime et illégitime de cette dernière, à savoir Henriette et Paul, les deux Hillig officiels, et cette Jeanne plus mystérieuse que jamais. Direction : Cloyes, dans la Beauce, une petite ville agréable, pleine de charmes, je pense aux berges idylliques du Loir qui la traverse, aux maisonnettes anciennes et typiques, à la chapelle romane d’Yron et aux bâtiments adjacents de style Renaissance, au château de Montigny-le-Gannelon qui surplombe le Loir dans la commune voisine…
Tous les membres de cette famille atypique sont mentionnés dans un gros registre grâce au recensement de 19065. Ils habitent rue du Vivier, dans la maison à l’angle, dont la façade est percée de trois fenêtres. Que de surprises à la lecture de ce registre ! Jacob, le chef de famille, qualifié de « patron » et de « marchand de chiffons », est pourvu d’une épouse qui s’appelle Céline Celloi – drôle de nom qui ne sonne ni français ni polonais – et de trois enfants prénommés Henriette, Paul et Jeanne…
Allons-y… puisqu’il le faut. Posons une question abrupte : Jacob est-il le père de Jeanne ? On hésite, on voudrait se tromper. Disons que ce n’est pas certain. On doute davantage qu’il fût le père d’Henriette et de Paul. Une dernière question dont la réponse se trouve peut-être dans un dépôt d’archives polonais, réponse que je regrette de ne pas avoir obtenue car elle était susceptible d’atténuer l’éventuelle transgression : Elias Rakowski, le père de Céline, était-il seulement le demi-frère de Jacob6 ?
P our chacun des enfants, les parents ont choisi un prénom bien français, qui rattache les individus à une histoire nationale, très longue, souvent glorieuse, pétrie de foi catholique. À l’époque, beaucoup de Juives s’appellent d’ailleurs Henriette, un prénom royal, enraciné, pas trop ostentatoire cependant, sans foi chrétienne claironnée. Paul, Jeanne, c’est déjà beaucoup moins répandu : la volonté d’intégration n’est-elle pas criante ?
Notre personnage porte un nom germanique qui signifie « saint » en bas-allemand, la langue parlée jadis au nord de l’Allemagne et à l’est des Pays-Bas (« Heilig » en allemand classique). C’est tout de même curieux ! Les parents n’ont-ils jamais songé à saint Paul, ce pharisien persécuteur des chrétiens, foudroyé par le Christ sur le chemin de Damas, puis inlassable missionnaire jusqu’à son martyre ? L’explication la plus simple est peut-être la meilleure : avant son mariage, on l’a vu, Céline habitait dans le quartier Saint-Paul, à deux pas de la rue du même nom. Un lieu, un prénom : toujours une volonté d’enracinement.
Dans le même ordre d’idées, un beau jour, Celina est devenue Céline, comme il était d’usage dans la France républicaine et assimilatrice de jadis, quand les officiers d’état civil et autres fonctionnaires avaient coutume de franciser les prénoms des étrangers, une métamorphose peut-être indolore – un frein, me semb...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Du même auteur
  5. Titre
  6. Collection
  7. Dédicace
  8. Paul Hillig de Cloyes à Auschwitz
  9. Remerciements