Apprentissage et développement professionnel en situation de travail et de formation

Christine Delory Momberger

• Éditeur: Téraèdre
• Année: 2019
• ISBN:
  9782336888484
• Sujet: Éducation
• Sous-sujet: Formation des enseignants

Dans le contexte actuel des mutations économiques, techniques et sociales, le travail a profondément changé et, avec lui, les besoins de formation et d'apprentissage. Le présent numéro du Sujet dans la Cité vise à identifier, en s'appuyant sur les mutations à l'œuvre, comment des adultes apprennent et se développent aussi bien en situation de travail qu'en situation de formation lorsqu'ils s'orientent en cours de trajectoire dans des pratiques nouvelles impliquant à la fois l'acquisition de compétences spécifiques et l'abandon de certains comportements antérieurs.

dossier
apprentissage et
développement professionnel
en situation de travail
et de formation

présentation

France Merhan et Anne Jorro1

Dans le contexte actuel des mutations économiques, techniques et sociales, le travail a profondément changé et, avec lui, les besoins de formation et d’apprentissage. Le présent numéro du Sujet dans la Cité vise à identifier, en s’appuyant sur les mutations à l’œuvre, comment des adultes apprennent et se développent aussi bien en situation de travail qu’en situation de formation lorsqu’ils s’orientent en cours de trajectoire dans des pratiques nouvelles impliquant à la fois l’acquisition de compétences spécifiques et l’abandon de certains comportements antérieurs.

À partir de cette perspective, une équipe internationale de chercheurs, réunie à l’occasion d’un symposium du Réseau de recherche en éducation et en formation (RÉF) de Paris en juillet 2017, a cherché à comprendre, d’une part, les processus d’apprentissage et de développement professionnel dans la durée d’une formation, quelles que soient les modalités de cette dernière (en alternance, sur le poste de travail, dans le cadre d’un stage de formation ou d’un processus d’autoformation) et, d’autre part, les stratégies mobilisées par ces adultes pour réaliser les apprentissages nécessaires aux transitions qu’ils vivent. Les auteurs des différentes contributions se sont par ailleurs donné la possibilité d’approfondir les interactions entre ces apprentissages et les transformations biographiques identitaires en jeu chez ces adultes notamment dans les processus d’évolution ou de reconversion professionnelle dans lesquels ils sont engagés.

Ces processus s’apparentent, dans une certaine mesure, à un saut dans l’inconnu où les individus doivent se former, redéfinir leurs liens d’appartenance et parfois revoir leur projet de vie en fonction de leurs buts. Les transitions comportent en effet à la fois des éléments de rupture, plus ou moins nets ‒ en termes de pratiques professionnelles, de manières de voir le monde, de redéfinitions de valeurs, d’identité personnelle et professionnelle ‒ et des éléments de continuité ‒ en termes de pratiques professionnelles par exemple.

Selon cette orientation, l’attention des auteurs s’est notamment concentrée sur les processus d’engagement dans le travail ou dans l’apprentissage du travail ainsi que sur les conditions individuelles et situationnelles susceptibles de les favoriser. Cet engagement nécessite un intense travail d’ajustement des façons de penser et d’agir acquises durant la formation des personnes et/ou durant leur activité professionnelle, impliquant des médiations professionnelles susceptibles de favoriser les processus d’apprentissage et de développement professionnel. Ces médiations sont envisagées par les chercheurs du point de vue des étayages, des postures, des gestes professionnels de tuteurs, de formateurs, de référents, montrant ainsi à travers quels processus et sous quelles conditions les métiers se transmettent.

Les différentes contributions mettent notamment en lumière les formes concrètes que prennent les différentes modalités d’apprentissage en situation de travail en lien avec les changements que vivent les sujets. Il peut s’agir de modalités d’apprentissage qui relèvent soit de la transmission verbale entre novice(s) et expert(s) et pouvant avoir lieu avant, pendant et/ou après l’activité sous la forme de consigne, guidage, explication, récit… Les fonctions de cette transmission, qu’elles soient productives, pragmatiques, épistémiques ou acculturatrices, jouent un rôle central dans les apprentissages au travail. Ces modalités d’apprentissages relèvent aussi souvent d’un apprentissage par imitation ou d’un apprentissage social qui suppose l’investissement par le sujet d’un autrui (expert, pair) comme « modèle » auquel il peut suffisamment s’identifier pour observer au plus près son comportement et ses conséquences. Elles correspondent aussi à un apprentissage par essais-erreurs où apprendre signifie alors augmenter ou diminuer la fréquence d’un comportement adopté par le sujet en fonction de ses conséquences. Le choix de ce comportement n’étant pas guidé au départ par un calcul hypothético-déductif et ne requérant pas de modèle à disposition.

Enfin, nous verrons, dans les différentes études présentées, que la réflexivité joue un rôle essentiel avec les modalités d’apprentissage. Il peut s’agir soit de la réflexion sur l’action comme mode de cognition de type « délibératif-analytique » qui consiste en un travail rationnel d’explicitation et d’analyse réalisé a posteriori de l’action soit de la réflexion dans l’action comme cognition de type « rapide et intuitif » se produisant dès que le cours d’action est perturbé ou interrompu. Selon Dewey, l’expérience est aussi le processus de construction de sens autour de l’activité qui englobe le sujet en constante interaction avec son environnement ainsi que le mettent en évidence les contributions ici rassemblées.

Les dimensions existentielles de l’apprentissage sont souvent passées sous silence au profit de dimensions plus techniques, plus opératoires. Les auteurs éclairent notamment la part des processus biographiques dans la construction d’un soi professionnel avec les effets de reconnaissance produits par un travail réflexif sur les composantes identitaires.

In fine, les pistes explorées donnent de précieuses indications sur les modifications du monde du travail perçues par les sujets et les effets du retour de la personne en formation vers le milieu de travail. Les apprentissages peuvent être soit discutés, partagés, passés sous silence, déniés par les pairs… Ce qui pose la question de la reconnaissance pour ces sujets engagés dans des processus de transformation et donne à penser sur la manière dont les personnes apprennent un nouveau métier, et ce faisant, gèrent les tensions que les différentes conceptions, pratiques et modes organisationnels du travail génèrent au plan identitaire.

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1. France Merhan est chargée d’enseignement dans la section des sciences de l’éducation à l’Université de Genève, Courriel : France. [email protected]

Anne Jorrro est professeure en sciences de l’éducation et de la formation au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), membre de l’équipe de recherche Formation et apprentissages professionnels (FAP), Hesam Université, CNAM.

engagement et apprentissage en situation de travail
le cas de sages-femmes libérales

Claire Neukermans, France Merhan et Étienne Bourgeois1

Résumé

Cette contribution vise à examiner un certain nombre de conditions susceptibles de favoriser ou pas l’engagement et l’apprentissage au travail des sages-femmes libérales novices du point de vue de leur accès aux affordances disponibles dans l’environnement de travail. L’analyse des entretiens de type compréhensif et biographique avec six sages-femmes libérales diplômées entre 2008 et 2014 montre que leur accès aux affordances résulte de l’interaction entre des facteurs individuels et situationnels, dont l’apprentissage par les pairs. Cet apprentissage, qui ne fait l’objet d’aucune formalisation, révèle certaines limites des alliances coopératives dans un environnement concurrentiel, surdéterminé par un contexte macrosocial de faible légitimité.

Abstract

Commitment and learning in the workplace. The case of liberal midwives

The purpose of this contribution is to examine a number of conditions that may or may not promote novice midwives’ on-the-job engagement and learning regarding the accessibility of affordances available in the work environment. The analysis of comprehensive and biographical interviews with six liberal midwives graduated between 2008 and 2014 suggests that their access to affordances results from the interaction between individual and situational factors, including peer learning. This type of learning, which is not subject to any kind of formalization, reveals certain limits of cooperative alliances in a competitive environment, over-determined by a macrosocial context of low legitimacy.

MOTS CLÉS : sages-femmes libérales, engagement professionnel, apprentissage par les pairs en situation de travail, affordances.

KEYWORDS : liberal midwives, professional commitment, peer learning in the workplace, affordances.

Introduction

Le métier de sage-femme (SF) a connu ces dernières décennies dans les pays industrialisés de profondes mutations avec l’avènement des maternités hospitalières et la médicalisation qui s’ensuivit. Dans cette mouvance, la pratique libérale de la SF, autrefois majoritaire et légitimée par tous, a subsisté mais au prix de transformations majeures qui la distinguent aujourd’hui du modèle médical dominant. Citons pour exemple l’accouchement extrahospitalier, vivement décrié dans le discours médical et sociétal. Il représente néanmoins pour ses usagers (professionnels de santé et bénéficiaires de soin) une alternative possible à la surmédicalisation de la naissance que ces derniers dénoncent depuis les années 1970, invoquant ses effets iatrogènes et la perte du sens de l’enfantement (Jacques, 2007).

Ce contexte particulier conduit à penser que l’engagement dans la profession en tant que sage-femme libérale (SFL) suscite un intense travail d’ajustement des manières de penser et d’agir acquises durant la formation et/ou durant l’activité professionnelle antérieure. Mais comment ces professionnelles2 apprennent-elles leur nouveau métier de SFL ? De quelles ressources disposent-elles dans leur environnement de travail pour gérer cette transition et qu’en est-il de l’accessibilité effective de ces ressources pour en tirer réellement profit ?

Traiter cette problématique de l’accessibilité effective des ressources potentielles pour l’apprentissage dans le contexte présent nous paraît important dans la mesure où, avec S. Billett (2001, 2010), nous pouvons considérer que tout apprentissage en situation de travail suppose, outre l’engagement du sujet dans une démarche d’apprentissage, la présence dans l’environnement de ressources et conditions propres à favoriser l’apprentissage (les « affordances ») mais aussi l’accès effectif de l’apprenant à ces affordances. Ce que nous observons empiriquement suggère que l’environnement de travail n’est pas donné en soi. Il apparaît au contraire façonné par les individus en fonction de facteurs directement liés à l’environnement de travail, dont l’apprentissage par les pairs, mais aussi de facteurs qui leur sont propres à la fois comme personne et comme acteur social (sentiments d’efficacité personnelle et d’autonomie, valeurs, représentations de soi et du métier, etc.). Nous formulons ainsi l’hypothèse que l’accessibilité effective aux ressources résulte de l’interaction entre des facteurs situationnels et/ou contextuels, des facteurs interpersonnels et des facteurs individuels.

Dans la continuité de notre questionnemen...

Table des matières

• Couverture
• 4e de couverture
• LE SUJET DANS LA CITÉ
• Directrice scientifique
• Conseil scientifique international
• dossier apprentissage et développement professionnel en situation de travail et de formation
• varia
• recensions d’ouvrages