Jeu d'acteur et corps artificiels
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Jeu d'acteur et corps artificiels

Effets de coprésence à la scène et à l'écran

  1. 212 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Jeu d'acteur et corps artificiels

Effets de coprésence à la scène et à l'écran

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À propos de ce livre

Des spectacles scéniques et des récits filmiques faisant figurer marionnettes, objets animés et acteurs ensemble, que retenons-nous? Le robot, la marionnette critiquent-ils le comédien vivant? En désignent-ils les failles et les habitudes? L'amènent-ils à modifier son jeu ou le complètent-ils?Il s'agit, ici, en termes d'enjeux narratifs, d'interroger ce qu'il en est des représentations du comédien, de sa contestation ou de sa réévaluation.

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Informations

Année
2019
ISBN
9782336883564

Corps augmentés

Le drame de l’homme multiplié au théâtre :
F. T. Marinetti face
au « préjugé de la théâtralité »

ROMAIN BIONDA
Lorsque par exception la machine est présente dans le théâtre de Filippo Tommaso Marinetti, elle ne semble pas en mesure d’endosser toutes les facettes du rôle qu’on s’attendrait à lui voir jouer suite à l’injonction du Manifeste des auteurs dramatiques futuristes (1910) :
Le drame moderne doit exprimer le grand rêve futuriste qui se dégage de notre vie contemporaine exaspérée par les vitesses terrestres, marines et aériennes et dominée par la vapeur et l’électricité.
Il faut introduire sur la scène le règne de la Machine, les grands frissons révolutionnaires qui agitent les foules, les nouveaux courants d’idées et les grandes découvertes scientifiques qui ont complètement transformé notre sensibilité et notre mentalité d’hommes du vingtième siècle1.
En fait, Marinetti propose dans ses « romans », ses « poèmes » et ses « manifestes » une vision des interactions entre l’homme et la machine (entre le règne animal et le « règne de la Machine2 ») qu’il exploite assez peu dans ses textes dramatiques. Figure de l’homme-machine futuriste peuplant l’imaginaire de Marinetti, « l’homme multiplié » paraît en effet absent de son théâtre – alors même que le théâtre est censé jouer un rôle de premier plan dans la « propagande » pour son avènement. Ces premiers constats étonnent suffisamment pour mériter une investigation qui reste largement à entreprendre.
Il ne s’agira pas de déclarer l’œuvre dramatique de Marinetti décevante en regard des manifestes censés la programmer, mais bien plutôt d’attirer l’attention sur le fait que l’homme multiplié entretient des liens avec le drame et même le théâtre… ailleurs qu’au théâtre. Ce paradoxe apparent invite alors à considérer la rencontre malheureuse entre la « nouvelle théâtralité futuriste3 » voulue par Marinetti et « le préjugé de la théâtralité » auquel il s’est senti confronté – survol des conditions du théâtre aussi risqué que la traversée entreprise par Blériot (car il s’agira bien en partie d’aviation) environ six mois avant la publication du Manifeste des auteurs dramatiques futuristes.
Étendue du drame dans l’œuvre de Marinetti
Pour Marinetti, dans les années 1910, les mots « livre » et « roman » sont plus ou moins équivalents4. Si son usage des catégories littéraires n’est pas rigoureux, c’est aussi parce que ses œuvres – en tout cas avant 1914 – sont transgénériques. On a souvent remarqué que son travail se nourrit des principes « verslibristes » et « motlibristes » théorisés dans plusieurs manifestes. On peut dès lors se demander dans quelle mesure il est pertinent de traiter la poésie de Marinetti séparément de l’ensemble d’une production littéraire qu’elle innerve – et notamment de son théâtre. Le futuriste déclare qu’« il n’y a pas d’art dramatique sans poésie, c’est-à-dire sans ivresse et sans synthèse5. » L’inverse paraît aussi vrai. Aurait-il dit qu’il n’y a pas d’art poétique, ou de littérature, sans drame, c’est-à-dire sans vie et sans action ? L’auteur dramatise en tout cas une grande partie de ses œuvres dites romanesques et dites poétiques : le « poème épique » La Conquête des étoiles (1902)6, les « poèmes lyriques » de Destruction (1904)7 et le « livre d’amour » La Ville charnelle (1908)8 présentent par exemple des vers en partie dialogués. Dans La Conquête des étoiles, le Je lyrique alterne avec les voix des Vagues ou de la Mer Souveraine, encadrées par des guillemets. Dans certains des onze « Petit[s] drame[s] de lumières » qui constituent ce qu’on pourrait comprendre comme l’une des trois sections de La Ville charnelle (hors épilogue), le dialogue est accompagné d’un texte didascalique. Dans Destruction, Marinetti alterne entre vers et prose, ainsi qu’entre les codes de la « poésie », du « roman » et du « drame », notamment dans le « chant qui finit en prose grossière » intitulé « Dans les cafés de nuit » (p. 143-159) :
Nous entrâmes… Suspendue à mon bras,
floche et disloquée comme un fantoche,
mon Âme se penchait, à droite, à gauche, battant l’air
de ses bras, accrochant les tables et les passants !…
UN MONSIEUR (bousculé, levant la canne). – Eh ! dites donc ?…
MON ÂME (chantonnant). – Tra la la !… Tra la la !.
MOI. – Excusez donc, monsieur, je vous prie… Mon ami est un peu gris.
[…]
Loulou, une très jolie fille, nous appelle d’un geste, à sa table… C’est la maîtresse de mon Âme : l’air très comme il faut, vêtue de noir, bouche en cœur, prunelles jouisseuses. Elle minaude avec grâce sous de lourds cheveux noirs qui enténèbrent délicatement la pâleur de son visage.
Loulou. – Mes amis, asseyez-vous donc, je vous prie (à mon Âme) ; comment ça va, chéri ?… À propos, j’ai lu ton nouveau poème. (p. 152-153)
Le mode dramatique de présentation de l’action (ou en tout cas le texte signalé comme tel) permet la dissociation du Je en différentes instances (ici MOI et MON ÂME, ailleurs MA VOIX9) : il embraye d’une part une lecture allégorique qui autorise LOULOU à s’adresser directement à l’âme du poète, d’autre part une lecture spatialisée qui extériorise l’âme comme agissant indépendamment de MOI. Il encourage enfin, par un effet d’hypotypose soutenu par le passage du passé simple au présent, une lecture en apparence immédiate de l’échange, car momentanément débarrassée du narrateur.
Dans Le Monoplan du Pape (1912)10, qui raconte le vol d’un aviateur italien qui enlève le Pape avant de le larguer dans l’Adriatique et d’aller faire la guerre à l’Autriche, le procédé s’avère encore plus frappant, dans la mesure où ce « roman politique en vers libre », qualifié plus tard de « recueil11 », est à la première personne du singulier et au présent :
Mes leviers sont fermes entre mes doigts, cependant que je hurle :
MOI
O Volcan (p. 31)
S’opère alors la dissociation entre le Je lyrique et un MOI qu’on pourrait être tenté d’appeler « dramatique ».
L’usage répété mais localisé de didascalies (notamment d’attribution) pour encadrer des dialogues ou pour mettre en évidence ce qui devient des « tirades », comme dans l’exemple précédent, dans ces textes qui ne sont pas proprement dramatiques, suggère que Marinetti reconnaissait à ce dispositif une efficacité propre pour la lecture. En effet, le passage au mode dramatique dans ces textes signale moins la disponibilité scénique d’une séquence qu’il favorise certaines lectures – si toutefois l’on admet que lire le drame est susceptible de produire des effets privilégiés, sinon spécifiques.
La reconfiguration moléculaire du Moi
Le Moi chez Marinetti n’est pas homogène, à l’image des corps qui, dans l’art notamment futuriste des avant-gardes, se fragmentent sous l’effet de la lumière et de la vitesse pour se recomposer avec ce qui les environne. C’est ce que prévoit d’ailleurs la onzième et dernière12 injonction du Manifeste technique de la littérature futuriste (1912) :
Détruire le « Je » dans la littérature, c’est-à-dire toute la psychologie. […] Le remplacer enfin par la matière, dont il faut atteindre l’essence à coups d’intuitions, ce que les physiciens et les chimistes ne pourront jamais faire13.
L’écrivain se place désormais au niveau microscopique – moléculaire, comme nous le verrons – de la matière.
Singulièrement, ce changement d’échelle sous-tend la conceptualisation même du règne de l’homme multiplié dans L’Homme multiplié et le règne de la machine (1910)14, dans la mesure où Marinetti déduit la création prochaine du « type inhumain et mécanique de l’homme multiplié » (l’auteur souligne) de « l’hypothèse transformiste de Lamarck » et de l’étude des « phénomènes de volonté extériorisée qui s’opèrent continuellement dans les salles spirites » (p. 211). Résultant selon lui du contact intime entre l’homme et la machine, de leur « échange continuel d’intuitions » (p. 210), l’homme multiplié diffère de l’homme à la fois par l’esprit et le corps. Il bénéficie d’une « intarissable énergie vitale », avantageusement libérée des « interrupteurs de notre puissante électricité physiologique » que sont « la douleur morale, la bonté, la tendresse et l’amour », et « sera doté d’organes inattendus : des organes adaptés aux exigences d’une ambiance faite de chocs continus » – il est à « prévoir dès aujourd’hui un développement du bréchet sur la face externe du sternum, qui sera d’autant plus considérable que l’homme futur sera meilleur aviateur, comme cela arrive au meilleur voilier chez les oiseaux » (p. 211). C’est parce que Marinetti croit en la perméabilité des corps que l’homme multiplié pourra exister… à moins qu’il n’existe déjà : « Avec nous commence le règne de l’homme aux racines coupées, l’homme multiplié, qui se mêle au fer, se nourrit d’électricité et ne comprend plus que la volupté du danger et de l’héroïsme quotidien15. » Il radicalise en un sens ce que Franz Kafka avait observé de son côté : « Un long moment s’écoula, puis Blériot est en l’air, on voit le haut de son corps, très droit, qui dépasse le fuselage, ses jambes sont tout en bas et font partie de la machinerie16. »
Cette reconfiguration de la « matière » (le processus d’hybridation entre l’organique et l’inorganique) s’observe très bien dans Le Monoplan du Pape. L’aviateur de ce « roman » est déjà un homme multiplié, dans la mesure où il témoigne d’un changement dans l’expérience humaine en s’émancipant du temps et de l’espace : il peut « doubler [s]a montre en montant dans le ciel » (p. 262) et « allonger / à l’infini / la laisse dont tu [l’Espace] me tiens encore » (p. 271), c’est-à-dire l’horizon. Mais il est également un homme multiplié car il ne fait qu’un avec son « cœur-monoplan » (p. 21). Les limit...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Comparaisons
  5. Titre
  6. Déjà parus
  7. Avant-propos Après Kleist : rivalités et artifices
  8. Corps absentés
  9. Corps augmentés
  10. Corps réinventés