L'individu, sujet de lui-même
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L'individu, sujet de lui-même

  1. 328 pages
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L'individu, sujet de lui-même

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À propos de ce livre

Cet ouvrage comporte deux parties, selon le double point de vue historique et sociologique. La première consiste à retrouver la trace de l'individu sujet de lui-même dans la longue histoire de la culture européenne depuis la Grèce archaïque: d'où vient cette conviction si impérative aujourd'hui? La seconde, sociologique, consiste à analyser en profondeur l'histoire personnelle de neuf individus de notre société, pour tenter de comprendre ce qu'ils font pour échapper à la destinée sociale et essayer d'être davantage sujets et acteurs de leur existence personnelle.

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2019
ISBN
9782806661814

DEUXIÈME PARTIE :
L’INDIVIDU SUJET DE LUI-MÊME SOUS LE RÈGNE DU MODÈLE SUBJECTIVISTE

INTRODUCTION
LE PROJET DE LA SOCIO-ANALYSE

La socio-analyse cherche à éclairer la “boîte noire” située entre, d’une part, la pratique des relations sociales et, d’autre part, les conduites des acteurs sociaux. Entre les deux, en effet, il n’y a pas – et il n’y a jamais eu – un rapport de causalité efficiente, directe, mécanique : des individus ayant été socialisés par des relations sociales et dans des milieux semblables peuvent se conduire pourtant de manières très différentes. Pourquoi ? On peut faire ici deux hypothèses opposées. La première fut longtemps celle de la sociologie dite “classique” : s’il n’y a pas de causalité efficiente, c’est parce que deux acteurs, surtout si ce sont des individus, ne sauraient avoir pratiqué les mêmes relations, donc, avoir reçu exactement la même socialisation. Cette hypothèse implique une croyance au déterminisme socioculturel : ce serait bien les différences de socialisation qui expliqueraient celles qu’on peut observer dans les conduites, mais ces conditionnements n’étant jamais comparables, on comprend bien qu’ils ne sauraient engendrer exactement les mêmes conduites ; cependant si l’on pouvait affiner l’analyse, on constaterait qu’il s’agit bien d’une causalité directe. La seconde hypothèse est celle que défend la socio-analyse : il ne peut y avoir de causalité mécanique entre la pratique des relations et les conduites, parce que l’individu est toujours quelque peu sujet de lui-même. Dès lors, il interpose sa conscience intuitive (instinctive/ expressive et intelligente/réflexive : voir plus loint) entre, d’une part, les contraintes structurelles (sociales et culturelles) qui orientent ses relations et, d’autre part, ses conduites : il gère son conditionnement, il décide toujours en partie de ce qu’il fait, dit, pense et même de ce qu’il ressent ; par conséquent, son comportement est toujours partiellement imprévisible.
Cette seconde position théorique est devenue incontournable aujourd’hui à cause de la mutation du modèle culturel, qui valorise l’individu sujet de lui-même. Le corollaire de cette affirmation est qu’avant cette mutation, la sociologie n’avait guère de raison de s’intéresser à l’individu en tant que sujet de lui-même (même s’il l’était déjà) : changer de vie n’était pas considéré alors comme un problème social. Elle se contentait, comme le rappelle justement Marc-Henry Soulet, d’insister sur « l’emprise de la socialisation sur les conduites », de « rappeler la force des déterminismes sociaux », de « rendre compte de ce qui fait que nous continuons à être ce que nous sommes devenus, malgré de récurrentes envies d’être quelqu’un d’autre et de vivre autre chose ». La sociologie s’occupait donc de « l’habitus traçant au crayon noir la voie du probable dans le chemin des possibles » (Soulet, 2011, p. 9). La mutation du modèle culturel régnant contraint maintenant les sociologues à prendre pour objet d’étude cette capacité intuitive de l’individu, qu’ils ont longtemps négligée, et qui était donc restée une “boîte noire”. La socio-analyse est une proposition théorique, parmi d’autres, visant à éclairer cette “boîte noire”, en analysant les conduites d’individus vivant aujourd’hui sous l’emprise du modèle subjectiviste.
Les neuf personnes, qui constituent le fondement empirique de cette seconde partie, ont toutes été socialisées avant la mutation culturelle qui a instauré le règne du modèle subjectiviste, et huit d’entre elles ont connu cette mutation dans le cours de leur existence. Quand je les ai interrogées (entre 2008 et 2011), je les ai trouvées toutes profondément imprégnées par la conception de la vie bonne à laquelle ce modèle les invite à se conformer, et toutes avaient, à un moment donné de leur vie, remis en question la destinée sociale à laquelle leur socialisation les avait d’abord préparées : elles avaient, ou elles auraient voulu, changer de vie. Toutes avaient aussi, à l’occasion de ce changement (ou de cette perspective de changement) assez radical, vécu un malaise identitaire plus ou moins difficile à surmonter, ou toujours en cours, et qui leur ont laissé des séquelles. Avant d’aborder les résultats de la recherche, il est nécessaire de présenter la démarche générale de la socio-analyse et de préciser quelques concepts fondamentaux.
J’ai pris soin, dans l’introduction de la première partie de ce livre, de définir ce que signifie pour un individu, être sujet en général, et l’être de soi-même en particulier. Je crois utile cependant de rappeler l’essentiel : l’individu est pleinement sujet de lui-même quand il se fonde uniquement sur sa propre conscience pour orienter et donner du sens à ses conduites, quand il n’obéit qu’à son intuition, c’est-à-dire à son instinct et à son intelligence. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’il soit appelé par le modèle culturel subjectiviste à se situer hors de la culture, puisque ce modèle en fait lui-même partie : aujourd’hui comme hier, sa conscience est toujours conditionnée par les interprétations du modèle culturel régnant, proposées/imposées par des exégètes, considérés comme légitimes dans la société où il vit. Même s’il s’appuie uniquement sur son intuition, la culture lui propose/impose toujours des “biens” que ses instincts sont censés prendre pour objets de ses désirs et que son intelligence est censée s’appliquer à rechercher. Ces deux capacités de la conscience – l’instinct et l’intelligence – ont beau être innées et héréditaires, elles sont toujours cultivées par la pratique des relations sociales et donc culturalisées : elles ne s’exercent jamais à l’état pur, dans un vide culturel ; elles ne peuvent pas faire abstraction de la culture dans laquelle elles se forment ; elles se développent toujours dans un cadre de référence éthique qui leur propose/ impose des objets concrets sur lesquelles s’investir. L’intelligence et l’instinct, les deux faces de l’intuition, seraient donc, ici et aujourd’hui, culturalisées par le modèle subjectiviste. Je proposerai, dans l’analyse qui va être présentée dans cette seconde partie, de désigner par la notion de réflexivité, l’intelligence culturalisée par le modèle subjectiviste, et par la notion d’expressivité, l’instinct culturalisé par le même modèle. Il convient de justifier et de définir ces deux termes, car ils reviendront souvent par la suite :
a. la réflexivité est l’intelligence culturalisée par le modèle subjectiviste : s’inspirant des injonctions de ce modèle, elle s’attache à réfléchir sur le bien-fondé de toute injonction culturelle, quel que soit le modèle qui la fonde, y compris le modèle subjectiviste lui-même ; elle les soumet à sa critique avant de les rejeter ou de les adopter. Sous d’autres modèles culturels, l’individu se servait de son intelligence pour résoudre d’autres problèmes : bien gérer ses rapports avec la nature, la surnature et/ou la société, de manière à ce qu’il puisse jouir d’une vie bonne. Bien entendu, il continue toujours à s’en servir à ces fins-là, mais celles-ci sont désormais subordonnées à, et redéfinies par un nouvel impératif régnant : être davantage sujet de lui-même. Ainsi conçue, la réflexivité lui permet de poser des actes partiellement libres, c’est-à-dire des actes plus ou moins conscients, volontaires, libérateurs et sociaux (Bajoit, 2010) ;
b. l’expressivité est l’instinct culturalisé par le modèle subjectiviste. Selon la psychanalyse l’instinct est « un schème de comportement hérité, propre à une espèce animale, variant peu d’un individu à l’autre, se déroulant selon une séquence temporelle peu susceptible de bouleversements et paraissant répondre à une finalité » (Laplanche et Pontalis, 1967, p. 203). Ainsi, porté par son instinct, par « sympathie » avec lui-même (comme disait Bergson), l’individu sent sourdre en lui une énergie, que sa culture canalise vers certains “biens” qu’elle désigne à ses désirs comme étant “bons” pour lui. Il exprime ses désirs instinctifs en investissant son énergie vitale, son impulsion profonde, sur ces “biens” que le modèle culturel régnant lui indique comme susceptibles de l’épanouir. Ce qui précède semble pertinent, quel que soit le modèle culturel régnant : cela aide à comprendre comment des individus peuvent, au nom des principes édictés par leur culture, devenir des héros ou des traîtres, des saints (avec stigmates) ou des pécheurs, des travailleurs ou des marginaux. Mais, quand c’est le modèle culturel subjectiviste qui règne, leurs désirs instinctifs s’investissent sur des “biens” que ce modèle valorise : ils veulent posséder les “biens” qu’ils croient susceptibles de les aider à être eux-mêmes, à choisir leur vie, à vivre avec passion et plaisir, à être autonomes. Si la réflexivité permet de poser des actes libres, ce n’est pas le cas, nous le verrons, de l’expressivité. Nous pouvons retrouver, dans l’analyse proposée par Charles Taylor (voir le chapitre 1), l’idée d’un « tournant expressiviste », chez les penseurs de la modernité qui ont combattu la raison instrumentale au nom de la défense de la raison expressive : ce sont les philosophes des “contre-lumières”, les écrivains et poètes inspirés par « la nature-source » et les penseurs politiques inspirés par l’opposition à l’industrialisation capitaliste.
L’individu disposerait ainsi, pour agir selon sa conscience, de deux capacités psychiques : sa capacité réflexive et sa capacité expressive qui, ensemble, forment son intuition. Une fois posée cette hypothèse (qui reste bien sûr à vérifier), les questions, que soulève la socio-analyse, sont évidemment de savoir comment (dans quelles conditions et selon quels processus) ces capacités d’être sujet de lui-même sont activées dans la conscience de l’individu, comment elles lui permettent d’agir sur son conditionnement socioculturel et comment il peut ainsi orienter et donner du sens à ses conduites afin d’être davantage sujet de lui-même ?
Les processus qui seraient mis en œuvre dans la conscience de l’individu, et qu’il gère par réflexivité et par expressivité, peuvent, au moins provisoirement, être explicités par les huit propositions ci-dessous (j’entends par “proposition” une affirmation qui est plus qu’un hypothèse mais moins qu’une certitude) :
– Prop. 1) la pratique des relations sociales, en socialisant l’individu, l’incite à s’engager dans une destinée sociale ;
– Prop. 2) l’engagement dans sa destinée sociale réveille chez lui des attentes relationnelles de reconnaissance sociale et d’épanouissement personnel : certaines sont satisfaites, d’autres le sont moins ou pas du tout ;
– Prop. 3) les attentes satisfaites forment le noyau central de son identité ; celles qui sont insatisfaites alimentent des tensions existentielles dans les zones périphériques de cette identité ;
– Prop. 4) certaines conditions fragilisent son identité et produisent des malaises identitaires, qui l’incitent à remettre en question la destinée dans laquelle il s’est engagé ;
– Prop. 5) l’individu construit alors un récit du sujet, par lequel il s’explique son malaise identitaire et projette ce qu’il envisage de faire pour le soulager ;
– Prop. 6) il construit les raisons du sujet : ses motivations pour passer à l’acte et les résistances qui s’y opposent ;
– Prop. 7) il met en œuvre des ressources psychiques qui affaiblissent ses résistances et lui permettent de poser des actes libérateurs ;
– Prop. 8) il passe à l’acte : il redéfinit plus ou moins profondément ses relations sociales… et il paie le prix de sa libération toujours partielle !
Pour la clarté, le schéma ci-dessous synthétise le raisonnement théorique proposé par la socio-analyse pour éclairer la “boîte noire” de la sociologie.
Processus mis en œuvre dans la conscience de l’individu
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Petite remarque sarcastique : des dizaines de fois tout au long de leur vie, les individus parcourent ce cercle, vertueux pour les uns, vicieux pour les autres, jusqu’à ce qu’ils tombent de fatigue en essayant d’« être soi » (comme dit Alain Ehrenberg). Certains deviennent un peu plus sujets d’eux-mêmes à chaque tour ; d’autres, au contraire, tournent en vain, ou même régressent. C’est là ce que le modèle culturel subjectiviste attend d’eux, ici et maintenant. Mais ce n’était pas plus facile, en d’autres temps, de vouloir devenir un héros, un citoyen, un saint, ou tout simplement un « homme ordinaire ».
Après avoir présenté les parcours singuliers des neuf personnes qui ont apporté le substrat empirique de cette seconde partie (chapitre 3), les chapitres suivants vont reprendre et développer, une à une, les huit propositions ci-dessus, en s’appuyant sur cette base empirique et en tentant d’aboutir à des conclusions théoriques, au moins provisoires. Ces huit derniers chapitres constituent le fil conducteur (et du même coup, la grille d’analyse que j’ai reproduite en annexe) de la démarche théorique et méthodologique de la socio-analyse. Il s’agira de comprendre comment leurs relations sociales ont assigné à ces individus une destinée sociale (chapitre 4), comment se sont formées leurs attentes relationnelles (chapitre 5), comment s’est structurée leur identité personnelle (chapitre 6), comment ils ont vécu leur malaise identitaire (chapitre 7), comment ils ont été sujets d’eux-mêmes, d’abord en élaborant un récit identitaire (chapitre 8), ensuite en se donnant des motivations pour agir (chapitre 9), afin de se libérer de leurs résistances internes (chapitre 10) et enfin, comment ils ont été acteurs, en tentant de reconstruire leurs relations sociales (chapitre 11). Chacun de ces huit chapitres a été structuré de la même manière : partant des informations empiriques contenues dans les rapports de recherche que j’ai rédigés avec ces neuf personnes, j’ai tenté d’élaborer des concepts théoriques, et enfin, de me servir de ces concepts pour comparer et analyser les cas.
Les personnes choisies pour participer à ma seconde rech...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Dédicace
  6. REMERCIEMENTS
  7. Sommaire
  8. INTRODUCTION GÉNÉRALE
  9. PREMIÈRE PARTIE : L’INDIVIDU SUJET DE LUI-MÊME DANS LA CULTURE DE L’EUROPE OCCIDENTALE
  10. DEUXIÈME PARTIE : L’INDIVIDU SUJET DE LUI-MÊME SOUS LE RÈGNE DU MODÈLE SUBJECTIVISTE
  11. CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
  12. CONCLUSION GÉNÉRALE
  13. ANNEXE
  14. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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