Corps, religion et diversité
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Corps, religion et diversité

  1. 276 pages
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Circoncision, voile, alimentation, le religieux suscite régulièrement le débat, notamment sur la façon dont les différentes religions s'inscrivent dans le rapport au corps de leurs fidèles. Dans une société à la pluralité religieuse grandissante, de multiples usages différents se font voir. Pourquoi une telle présence du religieux dans nos sociétés occidentales sécularisées?? Il est temps d'explorer les liens riches et complexes qui existent entre corps, religion, et diversité.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2019
ISBN
9782806122773

Partie 1

Penser le corps : corps et religion

1

Lionel Obadia

Les relations de la religion au corps humain, à ses formes, usages, esthétiques, modulations ont déjà reçu, c’est peu de le dire, une attention très importante et le champ des réflexions scientifiques sur ce thème est maintenant bien balisé. Nombreuses sont les perspectives déjà ouvertes, certaines très classiques, d’autres plus modernes, évoquent la normativité scripturaire des corps (ce que les textes religieux disent des corps et leur imposent), le corps comme site de socialisation et d’endoculturation de la religion (comment la religion est apprise « par cœur et par corps »), ou procèdent d’une lecture des mutations religieuses à travers le corps (ou comment les variations esthétiques et praxéologiques des corps traduisent des transformations à plus vaste échelle)… qui confirment toutes, ce que l’on imaginait sans problème : que les religions n’ont jamais été insensibles au corps et aux préoccupations charnelles, bien au contraire.
Le dossier du corps normé par les religions est très bien documenté car chaque religion imprime en effet à sa manière des usages, des signes, des prescriptions ou des inclinations aux corps individuels au sein des sociétés et des cultures. Mais celui de la traduction, sur le plan corporel, de la diversité religieuse inhérente à des sociétés culturellement mosaïques l’est bien moins, sauf à mentionner, ce qui est le plus souvent le cas, les variations d’habitus religieux observables à l’échelle des minorités visibles : en Europe, les corps musulmans enrobés ou voilés, les sikhs porteurs de turbans, les bouddhistes au crâne rasé, les femmes juives orthodoxes arborant jupe longue et perruque… cette focale sur les formes les plus visibles et minoritaires, pour intéressante qu’elle soit, ne rend pas justice à la grande complexité des manières dont les religions travaillent les gestuelles et symboliques du corps, pas simplement dans le cadre d’une délimitation de frontières sociales, culturelles et ethniques par le religieux mais aussi par l’œuvre du religieux. Si on fait ici l’économie d’une définition de la religion (un travail qui mène souvent d’ailleurs à un renouvellement très limité de l’heuristique du terme, et donc à énoncer à nouveaux frais des choses rebattues) pour un usage nominal (conventionnel), c’est sur le corps que la perspective doit être la plus précise. Là encore, non pas pour dire ce qu’« est » le corps du point de vue de sa nature propre et sous l’angle d’une discipline ou d’une théorie particulière, mais pour situer le corps dans sa relation à la religion, à une religion : c’est là qu’il se dévoile comme site et/comme ou instrument performatif à travers des gestuelles, des transformations morphologiques, des dispositions attitudinales, une subjectivité incarnée dans un ensemble organique sensible et mobile.
L’idée ici défendue est que le corps, cette enveloppe charnelle et cadre de l’expérience de soi et du monde, est plutôt engagé dans un rapport de trivialité au monde : trivialité des corps euxmêmes, non pas imaginés ou symbolisés selon telle ou telle cosmologie ou théologie, mais simplement observés dans leurs usages ou rythmes ordinaires, de même que, pour l’anthropologue, la « religion » (quel que soit le sens que l’on donne à cette notion) ne s’observe jamais mieux que dans ses formes ordinaires (Piette, 1999). Pourtant, s’il a été souvent question des rapports entre corps et religion, d’un côté, diversité et religion, de l’autre, il est plus rare de parler de Corps – religion – diversité.
Le point de départ de l’analyse est forcément pratique et nécessairement empirique : que disent les corps de la diversité religieuse et quel rôle (éventuel) jouent-ils dans son expansion ou dans la réduction de sa sphère d’influence dans les sociétés ? Et, partant, le corps est-il instrument de la diversité ou outil de résistance à celle-ci ?
Le premier des nombreux soucis empiriques que suppose cette approche relève de la sémiotique. La signalétique complexe de la corporéité religieuse dans le monde actuel passe significativement (mais pas exclusivement) par les corps : ils sont tout autant mobilisés pour l’affichage des signes de la fierté confessionnelle (voile, kippa, barbe, turban…) ou la vitrine des souffrances et des stigmates socioreligieux (mutilations intentionnelles ou pas, scarifications…) et ce, dans différents types de sociétés, même si les contextes monothéistes s’y prêtent plus. C’est aussi la corporéité qui explique le succès des religions de l’intériorité et des techniques gymniques (de l’hindouisme et du bouddhisme) hors de leur domaine culturel de naissance, l’Asie (Obadia, 2007), et parallèlement, les religions de l’extase et de la transe (mysticisme, chamanisme) sont évidemment des cas exemplaires d’une inscription corporelle (fût-elle temporaire) du sacré dans la société (Tarabout & Assayag, 1999). Sous la surface de l’immédiateté empirique, l’anthropologue se penche alors sur les logiques sousjacentes, la grammaire non pas des signes mais des processus, qui révèlent l’existence de plusieurs niveaux d’analyse imbriqués : la surface visible des formes et la profondeur recélée des logiques ou des structures. Avec, finalement, l’intention explicite de saisir des jeux sociaux et des variations d’échelles entre les logiques des corporéités en contexte religieux et les dynamiques de la diversité.
1. Modèles et modélisations
Évoquer ces questions suppose de s’interroger assez logiquement sur la pertinence des choix conceptuels. A minima, la distinction sémantique entre les trois options lexicales justifie que l’accent se porte sur le terme de « diversité », qui a, à la fois, une base empirique et des résonnances idéologiques et culturelles, plutôt que sur celui de « pluralisme », dont les formes sont plutôt de nature sociale, et enfin sur le troisième terme proche, celui de « multiculturalisme » qui est nettement plus inscrit dans l’ordre du juridique et du politique. Il est également utile d’ouvrir la focale pour rappeler que, si la question de la diversité (culturelle et religieuse, notamment) tend à être examinée d’un point de vue souvent centré sur un plan national (en France, Wieviorka, 2008), et dans le cadre d’une « diversification » du paysage religieux considérée sous l’angle de l’histoire des monothéismes, elle figure aussi et surtout une réalité non-occidentale et non-monothéiste. En effet, la diversité culturelle et religieuse caractérise depuis longtemps les sociétés d’Afrique ou d’Asie, si bien que, si on tentait de dresser une géographie morale (forcément simplifiée) des régions en tant qu’elles sont plus ou moins marquées par la diversité religieuse, l’Occident et en particulier l’Europe mais aussi, désormais, une partie de l’Afrique et de l’Asie Mineure, pourraient faire figure d’exception historique. Ces régions ont été dominées par une religion en position hégémonique, avant que celle-ci ne cède du terrain à d’autres traditions – un schéma qui est évidemment beaucoup trop simple pour une réalité bien plus complexe, et une distribution qui obéit à des règles nettement plus localisées. De surcroît, les situations de diversité occidentales et non-occidentales admettent de singulières variations dans leurs formes, les trajectoires historiques de leurs traditions et l’acceptabilité sociale et culturelle des croyances marginales ou des nouvelles religions. Et, en la matière, la géographie de la diversité religieuse ne correspond aucunement à une géographie des systèmes démocratiques (Obadia, 2017).
Du point de vue de l’analyse, on peut dire qu’il existe deux types de diversités religieuses, ou des diversités différentes en tant qu’elles renvoient à deux statuts selon qu’elles sont statiques ou dynamiques : certaines diversités sont en effet instituées, d’autres instituantes. Dans la première catégorie, il faut ranger les formes religieuses multiples installées par le temps et les processus sociaux. Relèvent de cette catégorie les syncrétismes (cultes afro-brésiliens, la Santeria, par exemple), les synthèses spirituelles fondées sur un mode combinatoire, comme la « religion chinoise » et la « religion japonaise », toutes deux constituées de sous-systèmes singuliers (bouddhisme, confucianisme, taoïsme, shintoïsme, et croyances plus populaires), mais on peut y ajouter la « religion de Java », elle aussi composée d’un agencement de traditions officielles (théismes) et de « petites » croyances (magiques) (Geertz, 1960). La théorie des « métissages », comme tension dynamique pour allier des éléments épars (Laplantine & Nouss, 1998), injecte dans les premières, plutôt morphologiques, le facteur politique qui leur manque. C’est dans le domaine des diversités instituantes, qui sont des diversités en marche, en train de se faire, processuelles (mais pas des diversifications), que s’inscrivent les « bricolages » et « hybridités », le choix de l’un ou l’autre terme relevant d’une préférence théorique ou même idiomatique, le premier vocable étant plutôt répandu dans les sciences d’expression francophone, le second étant préféré dans le monde anglophone. On peut ajouter que le bricolage est de la diversité dans le cadre d’une sociologie de l’acteur et à échelle de l’individu (Hervieu-Léger, 1993, Schlegel, 1995) alors que l’hybridité est une diversité qui agit sur des emprunts observables à l’échelle des systèmes de croyances (Luca, 1999).
2. Diversité : retour sur l’histoire et perspectives sociologiques
Dans la mesure où, quelle qu’en soit la forme, la diversité religieuse relève à la fois de réalités concrètes et observables et d’une catégorisation et/ou d’une conceptualisation problématique, il est important de revenir aux dimensions historiques et sociologiques qui les entourent. La diversité se trouve être positionnée aux deux pôles de l’histoire universelle de la religion. À l’image d’un modèle de phylogenèse des « races » et des « civilisations » qui prévalait de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe siècle, il a été suggéré dans le même temps, et dans le cadre de l’anthropologie, que la diversité serait une condition originelle de l’humanité religieuse (Lang contre Tylor, à la fin du XIXe siècle, voir Obadia, 2012). À l’opposé, et plutôt en sociologie cette fois, les modèles d’analyse développés par Weber, en particulier (1916), tendent plutôt à le situer à la fin de l’histoire – ou à une certaine fin d’une certaine histoire. un siècle plus tard, de nouvelles configurations du rapport entre religion et histoire ont été dévoilées et théorisées. Là encore, de manière un peu réductrice, mais pour les besoins de l’analyse, il est possible de considérer que deux grands modèles conceptuels se partagent l’espace des débats : le modèle de la modernité, qui est synonyme de « diversité » (culturelle, notamment) et le modèle de la mondialisation, qui est pour sa part associé à l’idée de « fragmentation ». Dans les deux perspectives, le religieux serait soumis à des effets de dislocation et de dispersion, ce qui semble aller dans le sens de toujours plus de diversité, la base de la théorie de la diversification (Obadia, 2010). Cette théorie repose cependant sur un modèle implicite de philosophie de l’histoire qui est foncièrement monothéocentré. En outre, les sources de la diversité (moderne ou mondiale) commencent à être bien repérées, synthétisées par Thomas Csordas sous les concepts de migrations, missions, médiatisation (Csordas, 2009), mais en ce qui concerne les impacts ou effets sociaux et politiques de la diversité religieuse, les résultats de la recherche sont nettement plus dispersés. La diversité se moule dans des horizons idéologiques qui façonnent aussi ses variantes locales : elle fait l’objet d’une promotion sociale (Europe), mais y rencontre différents régimes idéologiques et politiques (le multiculturalisme ou l’assimilationnisme), elle peut être assujettie à une régulation du religieux par le politique (en Chine, en Russie, par exemple), voire être soumise à un régime de liberté relative avec des ajustements par des dispositifs sociaux particuliers (en Amérique du Nord, en Inde, dans les Amériques du Sud…), ou, ailleurs, ressortir d’une combinaison entre régulations politiques et agencements sociaux du religieux (comme on le constate en Afrique du Nord et du Sud)…
3. « Diversité » : coexistence des normativités, mélange métanormatif ou normativité elle-même ?
La diversité n’est pas qu’un terme descriptif, même s’il est appliqué à la restitution (évidemment analytique) de formes empiriques du mélange ou de la coexistence des croyances et des pratiques religieuses ou sacrées. Le problème de la diversité peut néanmoins se reprendre en des termes dialectiques : est-il de l’ordre de la factualité, par son inscription au ras de son empiricité, ou, comme le suggèrent ceux qui discutent de la portée du concept, relève-t-il d’un modèle abstrait, une conception en suspension (mais pas en décalage) avec les faits ? Dans les sociétés qui se qualifient de modernes, en l’occurrence les sociétés occidentales et les autres sociétés hautement industrialisées, la diversité religieuse apparaît comme une question sociale qui intéresse la société civile et nourrit les débats publics mais, en même temps, a été traitée par les sciences sociales comme un problème scientifique. Sans abuser du slogan, on peut ainsi dire que la complexité de la diversité est liée aux rapports ambigus que le modèle social entretient avec le modèle scientifique et réciproquement.
Et dans le cadre de ces rapports, entre le concept et la réalité, entre la factualité et l’abstraction, la div...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Introduction
  6. Partie 1. Penser le corps : corps et religion
  7. Partie 2. Prendre soin du corps, l’utiliser
  8. Partie 3. Éprouver et transcender le corps
  9. Table des auteurs
  10. Table des matières