L'image des langues
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L'image des langues

Vingt ans aprĂšs

  1. 270 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Vingt ans aprĂšs

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À propos de ce livre

Contributeurs: Marinette MATTHEY, Alain KAMBER, Maud DUBOIS, Philippe HUMBERT, Alexei PRIKHODKINE, Laurent GAJO, Anne-Christel ZEITER, Antonia VEILLON, Henri BOYER, Bénédicte PIVOT, Sara COTELLI KURETH, Liliane MEYER PITTON, Simone MARTY, Martina ZIMMERMANN, Annette BOUDREAU, Etienne MOREL, Clara MORTAMET, Marion DIDELOT, Isabelle RACINE, Alice KRIEG-PLANQUE

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2019
ISBN
9782806661746

LA VARIATION AU CƒUR DES REPRÉSENTATIONS

« Pas d’place pour les fote d’ortho » : la rĂ©paration en *et l’accomplissement situĂ© des reprĂ©sentations langagiĂšres dans la communication par WhatsApp

Etienne MOREL
Université de Neuchùtel/Zurich
1. Étudier les pratiques graphĂ©matiques :
ortho et néo pour qui ?
L’échange de textos par le biais d’applications installĂ©es sur les tĂ©lĂ©phones intelligents occupe une place centrale dans les interactions quotidiennes : en juillet 2017, la messagerie instantanĂ©e WhatsApp comptait environ 1 milliard d’utilisateurs actifs quotidiens dans le monde et permettait l’échange de 55 milliards de messages par jour1. Quoique trĂšs apprĂ©ciĂ©e par les utilisateurs, la communication par texto2 est aussi une source d’inquiĂ©tudes en ce qu’elle semble dĂ©fier les normes de la langue telles qu’elles ont Ă©tĂ© institutionnellement mises en place et telles qu’elles sont diffusĂ©es et dĂ©fendues par les institutions, notamment par l’école. Dans une rĂ©cente enquĂȘte menĂ©e par les universitĂ©s de Berne et NeuchĂątel auprĂšs de 631 participants3 Ă  propos des reprĂ©sentations sociales sur l’orthographe dans le contexte de l’écrit numĂ©rique, le jugement Ă  propos de l’impact de l’utilisation de WhatsApp sur la maitrise de l’orthographe est sĂ©vĂšre : 60,5 % (N=307)4 des participants sont d’accord ou plus ou moins d’accord pour dire que les services de messagerie numĂ©rique ont une mauvaise influence sur les compĂ©tences des individus en termes d’orthographe.
Si les participants Ă  l’enquĂȘte affirment majoritairement attacher de l’importance Ă  l’orthographe, il est intĂ©ressant de noter que les attentes normatives des participants sont nettement plus Ă©levĂ©es pour les Francophones que pour les autres langues : Ă  la question quelle importance ils attachaient Ă  leur propre orthographe dans la communication par WhatsApp, 76,2 % (N=147) des Francophones indiquent y porter beaucoup ou Ă©normĂ©ment d’importance, alors que 64,8 % (N=46) des Italophones, 64,4 % (N=40) des Germanophones et 46,8 % (N=37) des Dialectophones donnent la mĂȘme rĂ©ponse (pour une prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e de l’enquĂȘte, voir Morel & Natale 2019)
Le fait que l’orthographe française, peut-ĂȘtre plus que celle d’autres langues encore, puisse ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une « question sociale » (Paveau & Rosier 2008) s’explique en grande partie par les tensions qui dĂ©coulent de la combinaison de principes phonographiques et idĂ©ographiques qui lui sont propres (Blanche-Benveniste & Chervel 1969). En français, l’orthographe ne se limite en effet guĂšre Ă  rendre la prononciation d’un Ă©lĂ©ment (principe phonographique), mais elle encode des informations supplĂ©mentaires par des ressources purement graphiques (principe idĂ©ographique). Il s’agit notamment d’informations d’ordre grammatical, de morphogrammes grammaticaux, liĂ©s Ă  la dĂ©sinence verbale (tu marches) ou nominale (de bons livres). D’autre part, l’orthographe française encode aussi souvent des informations d’ordre dĂ©rivationnel et Ă©tymologique, elle recourt donc Ă©galement Ă  des morphogrammes lexicaux (Catach 1980) ; Ă  titre d’exemple, le mot tard contient la lettre d qui, bien que non prononcĂ©e, permet de renvoyer Ă  la racine latine du mot (tarde) et de maintenir une certaine homogĂ©nĂ©itĂ© graphique Ă  l’intĂ©rieur de la mĂȘme famille dĂ©rivationnelle (notamment avec l’adjectif tardif ou le verbe retarder).
Cette tension entre phonographie et morphographie devient particuliĂšrement visible dans un contexte communicationnel comme celui du texto, qui est souvent associĂ© Ă  la rapiditĂ© et Ă  la spontanĂ©itĂ© : c’est dans un tel contexte que les participants, pour des raisons liĂ©es Ă  l’efficacitĂ©, mais aussi Ă  la crĂ©ativitĂ©, procĂšdent Ă  des modifications orthographiques diverses. Ainsi, en plus de recourir Ă  des procĂ©dĂ©s abrĂ©viatifs et expressifs avec impact sur l’identitĂ© sonore des Ă©lĂ©ments concernĂ©s, les participants peuvent Ă©galement omettre (ils parle pour ils parlent), permuter (mĂ©son au lieu de maison) ou mĂȘme ajouter des graphĂšmes (seau riz pour sorry) sans que cela ait forcĂ©ment une influence sur la prononciation prĂ©sumĂ©e de l’item (voir BĂ©guelin 2012 ; Cougnon & Fairon 2014 ; Panckhurst 2009 ; Reinkemeyer 2013).
Contrairement aux idĂ©es reçues, la recherche s’accorde Ă  dire que ces types de variation graphĂ©matique ne reprĂ©sentent pas un danger pour la maitrise de l’orthographe par les individus (Cougnon et al. 2017) et qu’elle ne mĂ©rite donc pas la rĂ©probation sociale dont elle fait souvent l’objet. En rĂ©alitĂ©, elle serait une ressource de valorisation sociale permettant aux participants de s’inscrire dans une mĂȘme catĂ©gorie collective et de s’afficher comme membres pleinement lĂ©gitimes d’un certain groupe social (Jaffe et al. 2012 ; Morel 2017). Ce constat est corroborĂ© par le fait que les participants sont le plus souvent capables d’identifier les normes de l’écrit momentanĂ©ment pertinentes et qu’ils dĂ©ploient alors les ressources qui sont en adĂ©quation avec celles-ci (Cougnon et al. 2017). Ainsi, les scripteurs sauraient faire la diffĂ©rence entre diffĂ©rents types d’écrit, notamment entre un Ă©crit traditionnel (Bernicot et al. 2015) et, par exemple, un Ă©crit conforme aux attentes sociales de la communautĂ© de « texteurs ». Cependant, alors que la recherche a soulignĂ©, de façon certes adĂ©quate, la lĂ©gitimitĂ© de la variation graphĂ©matique, elle a Ă©galement contribuĂ©, de maniĂšre plus problĂ©matique, Ă  Ă©chafauder une vision bien homogĂšne Ă  propos des pratiques graphĂ©matiques considĂ©rĂ©es comme propres Ă  la communication par texto : la recherche concourt en quelque sorte Ă  renforcer des reprĂ©sentations sociales hautement stĂ©rĂ©otypĂ©es Ă  propos de pratiques langagiĂšres prĂ©tendument caractĂ©ristiques pour ce contexte communicationnel.
En effet, lorsqu’il s’agit de dĂ©crire la variation graphĂ©matique, la recherche mobilise des concepts tels que la nouveautĂ© (d’oĂč le terme nĂ©ographie), l’acceptabilitĂ© (Meredith & Stokoe 2014), l’écriture non conventionnelle (Anis 2007) et distingue entre textismes, intentionnĂ©s et lĂ©gitimes, et ratages orthographiques, implicitement sous-entendus comme problĂ©matiques (voir Maskens et al. 2015). Ce faisant, elle court le risque de dĂ©crire la variation en appliquant des dispositifs de catĂ©gorisation en soi hautement normatifs, utilisĂ©s en surplomb des activitĂ©s auxquelles s’adonnent les participants et en nĂ©gligeant la maniĂšre dont les pratiques sont catĂ©gorisĂ©es, en tant que dĂ©viantes ou non, nouvelles ou non, lĂ©gitimes ou non, par les participants eux-mĂȘmes.
L’analyse des dĂ©tails de l’interaction peut alors offrir un complĂ©ment descriptif intĂ©ressant en ce qu’elle donne Ă  voir la maniĂšre dont les reprĂ©sentations sociales de la langue sont localement mises en pratique. Si l’on considĂšre l’exemple (1), tirĂ© d’un large corpus de messages WhatsApp (voir infra pour une prĂ©sentation du corpus), on observe comment l’étude des structures mĂȘmes de l’interaction peut servir de base Ă  une telle approche praxĂ©ologique des reprĂ©sentations linguistiques (Petitjean 2011).
images5
Dans le message [3], le participant corrige un item du message prĂ©cĂ©dant ([2] faut) en envoyant un nouveau message contenant l’élĂ©ment corrigĂ© accompagnĂ© d’un astĂ©risque (faux*). Par la reprise, il montre Ă  son interlocuteur que l’item qu’il corrige est potentiellement problĂ©matique et rend par lĂ  visible quelles sont les attentes normatives localement valables. C’est prĂ©cisĂ©ment en nous intĂ©ressant Ă  ce type d’activitĂ© interactionnelle que nous explorerons ici les implications d’une perspective praxĂ©ologique sur les reprĂ©sentations sociales liĂ©es Ă  « l’écrire juste ».
L’activitĂ© corrective rĂ©alisĂ©e par le recours Ă  l’astĂ©risque peut ĂȘtre comprise comme disposition spĂ©cifique du phĂ©nomĂšne interactionnel appelĂ© rĂ©paration. La rĂ©paration peut ĂȘtre dĂ©finie comme suit :
« [
] a conversational mechanism by which a speaker interrupts the ongoing sequence of talk in order to deal with problems in hearing, speaking, or understanding. »5 (Schegloff et al. 1977, 363)
À l’instar de Schegloff et al. (1977), nous utiliserons le terme de rĂ©paration plutĂŽt que celui de correction en ce qu’il est Ă  la fois plus englobant et plus descriptif. La correction prĂ©suppose d’une part qu’une erreur ait Ă©tĂ© faite et d’autre part que cette erreur soit remplacĂ©e par un Ă©lĂ©ment correct. En rĂ©alitĂ©, la rĂ©paration est souvent aussi effectuĂ©e en l’absence d’erreur et un remplacement de l’erreur par un item correct n’est pas toujours proposĂ© (Schegloff et al. 1977, 363). Par ailleurs, la question de la perspective sur le statut du rĂ©parable en tant qu’erreur avĂ©rĂ©e ou non pose problĂšme : Meredith & Stokoe (2014, 186) considĂšrent par exemple que la correction est une classe de rĂ©paration spĂ©cifique oĂč l’élĂ©ment rĂ©parĂ© contient une « erreur effective » (actual error). L’existence d’une norme objective, indĂ©pendante de l’activitĂ© situĂ©e des participants, est alors prise comme point de dĂ©part de la distinction. Nous prĂ©fĂ©rons ici subsumer notre objet d’étude sous l’étiquette de la rĂ©paration et utiliserons cette ressource analytique pour dĂ©crire non pas ce qui doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme faux du point de vue du chercheur, mais pour comprendre ce qui est traitĂ© comme rĂ©parable par les participants eux-mĂȘmes (repairable ou trouble source ; Schegloff et al. 1977, 363).
La question centrale de cette recherche est de comprendre quand les participants recourent Ă  la rĂ©paration et comment ils y procĂšdent pour comprendre Ă©galement pourquoi ils le font. Pour notre corpus et au vu de l’importante composante purement idĂ©ographique de l’orthographe française, il se pose la question de savoir si les participants rĂ©parent principalement lorsque la rĂ©paration a un impact sur l’identitĂ© phonographique de l’élĂ©ment (Meredith & Stokoe 2014, 192) ou si la rĂ©paration porte Ă©galement sur le « surplus orthographique » (Blanche-Benveniste 2003, 345) donc sur ces Ă©lĂ©ments idĂ©ographiques (morphogrammes grammaticaux et lexicaux) qui ne sont a priori pas essentiels Ă  la comprĂ©hension du message. Si...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Cahiers de Linguistique
  6. Sommaire
  7. Introduction
  8. DU CADRE POLITIQUE À L’INDIVIDU APPRENANT
  9. POLITIQUES LINGUISTIQUES EN CONTEXTE
  10. BILINGUISME VÉCU, PERCEPTION DES LANGUES EN CONTACT
  11. LA VARIATION AU CƒUR DES REPRÉSENTATIONS
  12. Un bouquet de revues de linguistique française