Sa guitare et son chat
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Sa guitare et son chat

L'histoire de Mike

  1. 120 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Sa guitare et son chat

L'histoire de Mike

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Mike a vingt-deux ans quand il se fait tabasser dans une rue de Bruxelles. C'est le début d'un long parcours qui se terminera par son suicide. Mike a toujours été rebelle. Une phrase devient son leitmotiv: «Ma vie, c'est ma guitare et mon chat!». Mais il est diagnostiqué borderline, et le mal qui le ronge finira par avoir le dessus. Son parcours se termine là où le mien commence. Comment vivre après le suicide d'un fils? Ce livre est le récit d'un combat et d'une renaissance.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2019
ISBN
9782806122711

TEARS
DJANGO REINHARDT

Et après ?
De ma fenêtre au quatorzième étage, je regarde la rue où habitait Mike. Il y a habité à deux adresses différentes. Au numéro 7, il a été heureux. Il n’avait pas encore ses névralgies, partait en « tournée » avec son groupe, y recevait ses amis, avait Spoutnik auprès de lui et des projets de musique plein la tête.
Au numéro 35, il a plongé au plus profond de la souffrance, et y a laissé sa vie.
Deux cents mètres séparent ces deux adresses, et dix ans. Pour Mike, dix années d’un combat acharné pour survivre, avant de finalement rendre les armes. Pour moi, dix ans d’espoirs et de désillusions, avant de devoir accepter l’inacceptable.
Une réaction fréquente lorsqu’on a perdu un proche par suicide est de chercher un coupable, je n’y ai pas échappé. Mais le suicide est multifactoriel, il ne résulte jamais d’une seule cause.
Il y avait chez Mike une grande fragilité, sans doute génétique, aggravée par un sentiment d’abandon dont je suis en grande partie responsable. Les événements douloureux de sa vie, les agressions, les névralgies, l’ont fait sombrer. Et les médicaments n’ont rien arrangé, bien au contraire.
Mike est parti en criant sa colère contre les médecins. Qu’il ait eu raison ou pas, je tiens à dire aussi ma méfiance à l’égard des médicaments psychotropes, qui sont prescrits à tour de bras, non seulement par les psychiatres, mais aussi par des généralistes qui sont souvent influencés par l’industrie pharmaceutique.
On a fait « essayer » à Mike des dizaines de molécules différentes. Pas une seule fois je ne l’ai vu aller mieux. Au contraire, je l’ai vu se transformer petit à petit en une sorte de zombie, toujours en proie aux mêmes idées noires, et à des effets secondaires de plus en plus agressifs : tremblements, nausées, angoisses, difficultés de concentration qui ont fini par le rendre incapable de jouer.
Et ce n’est pas tout, il y a un effet secondaire dont je n’ai pas encore parlé. Car si la musique était plus importante pour Mike que les filles, cela ne l’empêchait pas d’avoir de temps en temps une relation d’un soir. Jusqu’au jour où il s’est rendu compte qu’il était devenu impuissant, à trente-quatre ans. Il l’a écrit dans un cahier que j’ai trouvé chez lui.
Cet effet secondaire figure sur la notice de nombreux psychotropes, dont le Risperdal, celui sur lequel il faisait des recherches sur Internet, quelques jours avant de se suicider.
La psychiatrie moderne est basée sur le DSM, une notice universelle venue des États-Unis, qui répertorie les différents symptômes et permet au médecin d’établir son diagnostic, la main déjà sur le carnet d’ordonnances et l’œil sur l’horloge pour ne pas dépasser le quart d’heure réglementaire.
Le professeur Maurice Corcos, psychiatre français, dénonce les failles et les dérives de ce système dans un livre édifiant :
« C’est ainsi qu’ils (les étudiants en psychiatrie) avancent, guidés uniquement par les doctrines établies par la bible diagnostique du moment, le DSM, avec la froideur d’une machine qui ne connaît qu’un seul mouvement, celui de la marche en avant, jamais en arrière, écartant tous les symptômes secondaires que l’échantillon humain en face d’eux, s’ingénie à exposer en contradiction totale avec les théories. »10
Et plus loin :
« Les états limites (borderline) sont les nouveaux “monstres” en tant qu’ils échappent à la logique classificatoire et aux grilles qui veulent les enfermer dans des cases. »
Le DSM est un « work in progress » qui est adapté régulièrement. Sa dernière édition, parue en mai 2013, continue à susciter de nombreuses critiques dans le monde de la psychiatrie. Plusieurs livres et articles l’accusent de servir la toute-puissante industrie pharmaceutique, et de provoquer des surmédicalisations dangereuses.
Mike se serait-il suicidé, s’il n’avait pas pris tous ces psychotropes ? Peut-être.
Mais peut-être pas.
Le comédien Patrick Chesnais a écrit un livre en hommage à Ferdinand, son fils de vingt ans mort dans un accident de voiture. Il l’a intitulé : Il est où, Ferdinand ?11
Cette question, je me la suis posée tout de suite, le soir du 7 octobre. Il est où, Mike ?
Hors d’atteinte, oui, mais où ? Il y a seulement quelques jours, il était là, à portée de main, de voix, de téléphone. Mais maintenant ?
Attends, Mike ! J’ai encore tant de choses à te dire, tu ne peux pas partir comme ça. Dis-moi au moins où te joindre, laisse-moi un numéro !
Dix fois, cent fois, j’ai formé son numéro, ne fût-ce que pour entendre sa voix :
Ouais, laisse-moi un p’tit message…
Je ne fais que ça, Mike, je ne fais que ça.
Alors j’ai commencé à lui écrire, tous les jours une lettre, comme Patrick Poivre d’Arvor à sa fille Solenn, en insistant : « Tu connais le numéro, n’hésite pas. »12
J’ai continué à lui écrire, pendant plusieurs mois.
Banjo, le chat de Mike que j’ai recueilli, est le seul témoin des derniers instants de la vie de son maître. Quand il me fixe de ses yeux verts, je me dis que j’aimerais entrer dans sa mémoire de chat.
Je ne saurai jamais si Mike a souffert, s’il a eu peur, s’il n’a pas regretté au dernier moment. Je ne saurai jamais quelle musique le berçait au moment de faire le grand saut. Était-ce Born Under a Bad Sign ? Était-ce Freedom ? À quoi a-t-il pensé en dernier lieu ?
Je n’ai pas d’autre choix que d’accepter de ne jamais avoir de réponse à mes questions.
Un mois après la mort de Mike, je suis allée au concert de Chuck Berry avec une amie qui, elle aussi, a perdu un fils. J’ai invité cette amie parce qu’elle aimait beaucoup Mike. Elle avait su voir, derrière son mutisme et son air rébarbatif, celui qu’il était vraiment. Mike l’avait senti, et l’aimait bien aussi.
Elle savait que j’aurais dû aller à ce concert avec lui. Je lui ai demandé de m’excuser si je me mettais à pleurer. Elle m’a répondu que ce n’était pas un problème, que je ne devais pas me gêner pour pleurer devant elle.
En entrant dans la salle du Cirque Royal, une chose m’a immédiatement sauté aux yeux, là sur la scène, juste devant nous : l’énorme ampli. Le même, exactement le même que celui de Mike.
Je l’ai tout de suite entendu me dire ce qu’il m’aurait dit s’il avait été là :
T’as vu, M’man ? T’as vu l’ampli ? Je t’avais dit que c’était le meilleur ! Et tu n’as pas voulu me croire, comme toujours !
Oui, Mike, tu avais raison. C’est vraiment un ampli « de la mort ».
J’ai eu l’impression qu’il était à côté de moi pendant tout le concert, et je n’ai pas pleuré.
Une nuit, quelques semaines après la mort de Mike, je me suis réveillée en sueur.
Je venais de rêver qu’on me sciait une jambe. Je me suis dit que c’était exactement ça : on m’a enlevé une partie de moi-même. Je suis invalide, pour toujours.
Mais il existe des béquilles qui permettent de se tenir debout et de marcher, même sur une jambe. J’ai utilisé toutes les béquilles que j’ai pu trouver.
J’ai pris rendez-vous avec un psychologue du Centre de Prévention du Suicide, et je me suis inscrite dans un groupe de parole pour rencontrer d’autres parents ayant vécu la même chose.
Là, dans les deux cas, j’ai pu parler sans qu’on essaie de me « changer les idées », sans qu’on me dise de « penser à autre chose », puisque j’en étais incapable. Là j’ai pu pleurer, sans qu’on me force à sécher mes larmes. Là j’ai pu dire ma rage d’entendre ces petites phrases qui font mal : « Il faut avancer », « Il faut tourner la page ». Ça veut dire quoi « tourner la page » ? Effacer trente-cinq ans de ma vie ? Oublier la personne que j’aimais le plus au monde ?
Quant à « avancer », on avance de toute façon, puisqu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Le deuil est un voyage qu’on fait malgré soi, et qui n’aime pas être bousculé.
J’ai réalisé que je n’avais fait que rejoindre la cohorte de ceux dont un proche a, un jour, franchi ce pas, et ils sont nombreux. J’ai appris qu’il y a six suicides par jour en Belgique. Peut-être était-ce mon destin d’accompagner un de ces êtres pour qui la vie était un fardeau trop lourd à porter. Un de ces êtres de souffrance, qui n’ont pas choisi le mal de vivre qui leur est un jour tombé dessus.
Dans le groupe de parole, on m’a dit qu’un jour, après un temps plus ou moins long, je « sentirais » la présence de mon fils en moi, et que cette présence ne me quitterait plus. Ça me semblait un peu loufoque, je ne « sentais » rien du tout. Mais je leur ai fait confiance. Eux, ils savaient. Ils étaient passés par là avant moi. Ils avaient vécu cette horreur et ils étaient là, souriants. Comment faisaient-ils ?
Ça s’est passé comme on me l’avait dit. Un jour, j’ai réalisé que Mike n’était plus hors d’atteinte. Il était en moi, j’avais « intégré » sa présence. Ce jour-là, j’ai compris les mots de Victor Hugo à sa fille Léopoldine : « Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis. »
Tenir son enfant mort dans ses bras est une expérience abominable. Pourtant, je pense que le pire m’a été épargné. Après s’être jeté sous le métro, Mike aurait pu se retrouver paralysé à vie, ou pire, dans un état végétatif.
Je pense à ces parents qui jour après jour, se retrouvent au chevet de leur enfant mort-vivant. À ces mères et à ces pères qui en sont parfois réduits à se battre pour qu’on accorde à leur enfant le droit à l’euthanasie. Ces parents-là sont en enfer.
Je pense malgré tout que le pire n’est pas de voir son enfant mort, mais de le voir souffrir sans pouvoir l’aider.
Est-ce que je me sens coupable ? Oui, bien sûr, et je le suis. Coupable d’avoir mis au monde un enfant sans père, de ne pas avoir été une mère attentive, de ne pas lui avoir donné toute la tendresse à laquelle il avait droit, et surtout, de ne pas l’avoir écouté.
Il m’a fallu avoir moi-même besoin d’être écoutée, pour réaliser à quel point une écoute bienveillante peut soulager.
On m’a dit que j’étais peut-être responsable, mais pas coupable, puisque je n...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Exergue
  6. Avant-propos
  7. Nuages Django Reinhardt
  8. Hey Joe ! Jimi Hendrix
  9. Stray Cat Strut The Stray Cats
  10. Born Under a Bad Sign Jimi Hendrix
  11. Swing Guitars Django Reinhardt
  12. Purple Haze Jimi Hendrix
  13. Voodoo Child Jimi Hendrix
  14. Manic Depression Jimi Hendrix
  15. Boys Don’t Cry The Cure
  16. Why Can’t I Run Away ? Down But Not Out
  17. Tears in Heaven Eric Clapton
  18. Freedom Jimi Hendrix
  19. Tears Django Reinhardt
  20. Wish You Were Here Pink Floyd
  21. Out of This World The Cure
  22. Lovesong The Cure
  23. Remerciements
  24. Annexe
  25. Table des matières