L'économie de la jouissance
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L'économie de la jouissance

  1. 228 pages
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L'économie de la jouissance

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À propos de ce livre

Ce livre est une alerte pour prévenir les citoyens que nous sommes, psychanalyste ou non, pour mettre en garde sur des risques inquiétants qui pèsent désormais sur nous, ou plus précisément sur l'énonciation d'un désir.

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2019
ISBN
9782806661647

IV. LA TRANSMISSION DU NOM-DU-PÈRE
DANS LA FAMILLE ET DANS LA SOCIÉTÉ
AUJOURD’HUI, CLINIQUE DU NŒUD
BORROMÉEN GÉNÉRALISÉ

Le matriarcat derrière nous et devant nous

Je voudrais en quelques pages souligner ce qui se dégage de décisif pour la psychanalyse aujourd’hui de la lecture de la partie consacrée au complexe d’Œdipe dans Les Complexes familiaux. Ce texte date de 1936 ; il faisait partie d’un article destiné à une encyclopédie et n’a, sur bien des points, pas pris une ride, comme on dit. Certes un détour par les derniers séminaires de Lacan permet de mettre en évidence une évolution certaine sur la fonction paternelle, mais cette évolution s’appuie sur un socle qui, depuis 1936, n’a en fait jamais varié et se retrouve inchangé à la fin. Nous verrons quel est ce socle.
Lacan commence cet article par l’intention déterminée de « situer dans l’histoire la famille paternaliste et d’éclairer plus avant la névrose contemporaine ». Que dit-il de la famille paternaliste ?
Elle repose sur le complexe d’Œdipe : l’enfant fixe son désir sexuel sur l’objet qui lui est le plus proche, à savoir le parent du sexe dit opposé, le parent du même sexe représentant un obstacle à la satisfaction de ses pulsions. La frustration qu’il éprouve est rapportée à ce tiers objet dans la relation triangulaire qu’il entretient avec ses parents. La thèse est freudienne.
Cette frustration s’accompagne de la répression éducative « qui a pour but d’empêcher tout aboutissement de ces pulsions », en particulier masturbatoires.
Mais la tension qui en résulte se résout pendant la phase de latence liée au refoulement de la tendance sexuelle jusqu’à la puberté, rendant possibles des intérêts neutres favorables aux acquisitions éducatives et surtout la sublimation de l’image parentale qui perpétue l’idéal. L’instance qui refoule est le Surmoi, celle qui sublime est l’idéal du Moi. La thèse est encore freudienne.
En bref, les développements de la répression sexuelle et du sexe psychique sont soumis pour Lacan à la régulation et aux accidents du drame psychique de la famille. Force est de constater pour Lacan à la suite de Freud que, pour le garçon, le complexe de castration s’exerce du père au fils et qu’il est fondé de ce côté par le caractère universel de l’interdiction de l’inceste.
L’itinéraire de la petite fille, quant à lui, n’offre pas la même simplicité, même s’il crédite les femmes du détachement plus net de la tendance génitale par rapport aux tendances primitives, c’est-à-dire d’un destin moins chaotique sur ce plan que celui du garçon. Il ne variera pas jusqu’à la fin sur ce point précis, comme sur la description du fantasme de castration.
« Le fantasme de castration se rapporte à ce même objet : sa forme, née avant tout repérage du corps propre, avant toute distinction d’une menace de l’adulte, ne dépend pas du sexe du sujet et détermine plutôt qu’elle ne subit les formules de la tradition éducative. Il représente la défense que le Moi narcissique, identifié à son double spéculaire, oppose au renouveau d’angoisse qui, au premier moment de l’Œdipe, tend à l’ébranler : crise que ne cause pas tant l’irruption du désir génital dans le sujet que l’objet qu’il réactualise, à savoir la mère. » Fille et garçon partagent pour Lacan sur ce point au début le même destin.
Il est vrai qu’avec les séminaires qui vont suivre, ce n’est plus ni à un complexe, ni à un fantasme que le sujet va avoir affaire, mais à la castration exprimée ainsi simplement, pour désigner une expérience symbolique fondamentale. Elle trouve écho dès Les Complexes familiaux dans les rites traditionnels qui manifestent que cette répression tient aux racines du lien social : rites de fête orgiaque qui un temps libèrent la sexualité ; ou à l’inverse circoncision qui, « pour sanctionner la maturité sexuelle, manifeste que la personne n’y accède qu’au prix d’une mutilation corporelle ».
Si cette explication se dérobe à la psychogenèse intellectualiste, ce complexe dit psychologique par Lacan contribue à la constitution de la réalité, et le vacillement de ladite réalité dans la maladie mentale suffit à démontrer l’importance de cette dimension quand elle doit être, dit Lacan, « reconstruite » : nous avons là les prémices de ce qu’il va avancer vingt ans plus tard dans Les Structures freudiennes des psychoses autour de la forclusion du Nom-du-Père et de la fonction du délire.
Quoi qu’il en soit, s’il rappelle le lien établi par Freud entre le totem et les tabous qui en résultent pour penser l’origine de l’ordre patriarcal, il prend toutefois ses distances avec Freud et ses mythes fondateurs. Il estime en effet, comme le montre dès cette époque l’anthropologie naissante, que le mythe de la tyrannie exercée par le chef de la horde se réduit « à un fantôme de plus en plus incertain à mesure qu’avance notre connaissance des anthropoïdes » et que, bien au contraire, ce sont « les traces et la survivance étendue d’une structure matriarcale de la famille » qui sont les plus frappantes. Celles-ci se traduisent spécialement « par une répression souvent très rigoureuse de la sexualité », en manifestant qu’ordinairement « l’ordre de la famille humaine a des fondements soustraits à la force du mâle ».
Constatons à ce stade que l’anthropologie désigne, à l’époque de Lacan, les mères pour être les chefs de famille et que les sociétés qu’elles dirigent répriment très rigoureusement le sexe. La comparaison avec notre époque est intéressante, qui voit renaître sous nos yeux la régie d’un ordre matriarcal entièrement façonné par les femmes, où la sexualité masculine fait l’objet d’une interdiction levée dans des conditions extrêmement restrictives et où la loi des pères a cessé de prévaloir dans les liens familiaux. Nous sommes en train de revenir à un stade antérieur à celui de la famille patriarcale, parfaitement repéré par les anthropologues dont Lacan connaissait bien les travaux. Le site « Balance ton porc » est un symptôme social éloquent. Une morale « néovictorienne », quasi identique à celle qui a sévi en Angleterre sous le règne de la reine Victoria, et bien après d’ailleurs, s’installe donc pour longtemps dans les sociétés occidentales pour donner une armature « éthique » à la haine du sexe, incarné, comme il se doit, par le désir masculin nécessairement bestial et féroce, ou en tout cas à son strict contingentement au seul bénéfice de la reproduction.
Notons que la reproduction elle-même pourra bientôt se passer de tout acte sexuel, à condition que des donneurs de sperme anonymes consentent, sans doute au nom d’arguments philanthropiques, à répandre leurs bienfaits (sous forme de paillettes) sur cet ordre matriarcal renaissant, qui s’annonce d’ores et déjà implacable pour les hommes avec la judiciarisation et la pénalisation croissantes de leurs relations avec les femmes. Si le féminisme contemporain a été pour l’essentiel le vecteur de ce sursaut « moral », ses fondatrices doivent désormais se retourner dans leurs tombes, tant les principes initiaux de la liberté sexuelle qui les avaient initialement inspirées semblent aujourd’hui voués aux oubliettes et aux gémonies. Comme Lacan le dit dans RSI, avec la reine Victoria, nous sommes entrés dans l’ère du « vagin denté », vieux mythe des sociétés antiques. Il a désormais ses nouveaux admirateurs et admiratrices, mais, attention aux phallophores, ils risquent d’y laisser leur membre… Les gueules ouvertes des bêtes féroces sur les affiches, à défaut de parler du harcèlement sexuel, disent clairement à quoi les hommes sont maintenant exposés s’ils se hasardent à faire la cour aux femmes.
C’est sur cette comparaison avec le matriarcat des sociétés dites primitives que le texte de Lacan s’avère essentiel, puisqu’il nous donne des clés pour comprendre notre présent.

Le patriarcat, invention bénéfique

Qu’est-ce qui a caractérisé, depuis son émergence affirmée avec Rome, la famille paternaliste ?
« L’imago du père concentre en elle la fonction de répression avec celle de la sublimation ; mais c’est là le fait d’une détermination sociale, celle de la famille paternaliste. »
Le père qui désigne la mère comme objet de désir à ses enfants les contraint à réprimer leur désir, parce qu’elle est interdite, et à choisir de sublimer dans l’identification à l’idéal qu’il représente, à travers le développement de talents centrés sur des objets sociaux ou culturels, auxquels l’éducation donne accès.
À l’inverse, que se passe-t-il dans les cultures matriarcales ?
L’autorité familiale n’est pas représentée par le père. C’est le système de l’avunculat, étudié par Malinowski, qui dicte les conduites. L’oncle maternel est en charge de la fonction répressive à travers les tabous dont il a la garde, tandis que le père en est déchargé, ne jouant, dit Lacan, qu’« un rôle de patronage plus familier, de maître en techniques et de tuteur de l’audace aux entreprises ».
Quelle conséquence a ce dédoublement ?
Une heureuse conséquence : l’anthropologue ne note aucune névrose dans les groupes qu’il a observés aux îles du nord-ouest de la Mélanésie. Lacan cependant nous met en garde contre le mirage d’une société apparemment paradisiaque, en soulignant que le dédoublement de ces fonctions a un revers très significatif : l’élan de la sublimation est dominé par la répression sociale, quand ces deux fonctions sont séparées. Le résultat, c’est, nous dit-il, « la stéréotypie qui marque les créations de la personnalité, de l’art à la morale ». Donc le temps est plus immobile que celui de la famille paternaliste, car les progrès dans les pratiques et les techniques ne s’y trouvent pas valorisés, comme dans cette forme de civilisation. Comment ne pas voir dès aujourd’hui l’apparition de cette stéréotypie dans le discours courant ? L’ère du politiquement correct impose à l’ensemble des acteurs politiques et sociaux un discours où se mêle la glorification du modèle néolibéral, des conquêtes de l’égalité et du progrès scientifique et de la libération des mœurs. Gare à celui qui émet la moindre objection à ce modèle dominant : une censure implacable et violente venue des élites, des foules, des lobbies et des médias ligués entre eux s’abat sur lui, et il est immédiatement taxé avec rage de réactionnaire et d’antiprogressiste, avant même d’avoir pu prononcer un mot. Ainsi, comme à son corps défendant, ce brillant intellectuel qu’est Alain Finkielkraut dans son combat désespéré pour faire entendre cette parole Autre, issue de la tradition patriarcale qui refuserait la stéréotypie du nouveau modèle matriarcal dominant.
Lacan a donc l’audace dans ce texte de désigner comme un progrès dans la civilisation la famille paternaliste : « C’est au contraire parce qu’elle est investie de la répression que l’imago paternelle en projette la force originelle dans les sublimations mêmes qui doivent la surmonter ; c’est de nouer en une telle antinomie le progrès de ces fonctions que le complexe d’Œdipe tient sa fécondité. » Ses effets de progrès dépassent de beaucoup, dit Lacan, ce qu’occasionne le supposé drame familial, « intégrés qu’ils sont dans un immense patrimoine culturel : idéaux normaux, statuts juridiques, inspirations créatrices ». Et d’ajouter, s’il y avait le moindre doute sur la question, que « le psychanalyste comme le sociologue peuvent reconnaître dans l’interdiction de la mère la forme concrète de l’obligation primordiale, de même peuvent-ils démontrer un procès réel de “l’ouverture” du lien social dans l’autorité paternaliste et dire que, par le conflit fonctionnel de l’Œdipe, elle introduit dans la répression un idéal de promesse ». Nous avons là la thèse principale des Complexes familiaux ; ce progrès va de pair pour Lacan avec « l’exaltation apothéotique que le christianisme apporte aux exigences de la personne », puisque « l’Église a intégré cette tradition dans la morale du christianisme, en mettant au premier plan dans le lien du mariage le libre choix de la personne, faisant ainsi franchir à l’institution familiale le pas décisif vers sa structure moderne, à savoir le secret renversement de sa prépondérance sociale au profit du mariage ». L’institution du mariage, hétérosexuel il va sans dire, tel que l’Église le consacre, est une étape essentielle de ce progrès dans la civilisation.
« Un mouvement subversif et critique trouve son germe dans trois conditions de la famille conjugale », nous dit Lacan.
Premièrement, la famille conjugale met cette autorité à la portée immédiate de la subversion créatrice, quand l’enfant s’autorise par exemple à se substituer au parent ou au grand-parent pour prolonger l’héritage d’une lignée.
Deuxièmement, elle permet en elle que le psychisme soit autant formé par l’image de l’adulte que par sa contrainte : « Cet effet s’opère par la transmission de l’idéal du Moi, et le plus purement, nous l’avons dit, du père au fils ; il comporte une sélection positive des tendances et des dons, la progressive réalisation de l’idéal dans le caractère. » En témoignent les lignées d’hommes éminents dans une même famille.
Enfin troisièmement et surtout, il y a un paradoxe dont se nourrit littéralement la vie psychique de chacun : « L’évidence de la vie sexuelle chez les représentants des contraintes morales, l’exemple singulièrement transgressif de l’imago du père quant à l’interdiction primordiale exaltent au plus haut degré la tension de la libido et la portée de la sublimation. » C’est parce qu’il y a eu du désir, du désir sexuel refoulé, qu’il y a de la sublimation et du désir.
Or que constate-t-on ?
Que le progrès de cette subversion rendue possible par la famille patriarcale risque de s’interrompre du fait du déclin de l’imago paternelle. Les causes de ce déclin sont multiples. Elles prennent leur source dans le lien social : c’est le retour sur l’individu d’effets extrêmes du progrès social liés à la concentration économique et aux catastrophes politiques. Lacan a explicitement en vue dans son texte le développement fulgurant du capitalisme depuis un siècle, l’avènement des totalitarismes et implicitement la Première Guerre mondiale, qui a détruit l’Europe et ses pères de famille, mais aussi la montée aux États-Unis au sein de la famille conjugale des exigences matrimoniales d’une American way of life devenue dès cette époque un modèle mondialisé où les femmes dictent leurs lois aux couples, en particulier à travers les procédures de divorce dont l’esprit s’est généralisé au monde occidental depuis lors.

Destin des Noms-du-Père aujourd’hui

Il est vrai que Lacan accompagne ces remarques d’un propos ironique : « Nous ne sommes pas de ceux qui s’affligent d’un prétendu relâchement du lien familial », comme si déjà il se disait prêt à envisager l’évolution des mœurs avec une certaine sérénité. Mais il note que ce déclin constitue une crise psychologique et que l’on peut y rapporter comme sa conséquence l’apparition de la psychanalyse qui s’est développée grâce à un fils du patriarcat juif imaginant le complexe d’Œdipe. En tout cas, c’est dans ce complexe caractériel que l’on peut reconnaître « la grande névrose contemporaine ».
Lacan en reste-t-il là ?
Il ne redonnera plus ultérieurement son avis sur la famille patriarcale, mais déplacera son regard vers le « signifiant primordial » qui la fonde, selon ses propres termes quelque vingt ans plus tard, dans Les Structures freudiennes des psychoses : le Nom-du-Père. C’est autour de ce signifiant primordial que s’articule avec lui la distinction des névroses et des psychoses. Son inscription pour un sujet le situe dans le champ possible des névroses, sa forclusion dans celui des psychoses. Lacan sur ce point ne changera pas et apportera même avec la métaphore paternelle dans Écrits un approfondissement de la perspective linguistique et structurale de ce qui n’était dans Les Complexes familiaux qu’une approche conforme à la psychanalyse de son époque par l’imago. En ancrant le Nom-du-Père dans sa théorie du langage, il confère à la famille patriarcale et à c...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Dédicace
  6. Table des matières
  7. Préface - Claude Landman
  8. Introduction
  9. I. Le jouir de la mère est interdit
  10. II. À l’aise dans la perversion
  11. III. Jouir de l’objet ou de l’identité ?
  12. IV. La transmission du Nom-du-Père dans la famille et dans la société aujourd’hui, clinique du noeud borroméen généralisé
  13. V. Y a-t-il une juste intelligence de la jouissance ?
  14. Conclusion
  15. Postface - Bernard Stiegler