Recherches et pratiques en santé mentale suite aux violences politiques
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Recherches et pratiques en santé mentale suite aux violences politiques

Répondre d'Autrui

  1. 236 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Recherches et pratiques en santé mentale suite aux violences politiques

Répondre d'Autrui

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Comment oeuvrer ensemble à restaurer les possibilités psychiques et sociales de répondre d'Autrui après qu'on ait tenté de le détruire? Ce livre collectif est un partage interdisciplinaire de réflexions, d'expériences, de recherches et de pratiques touchant la santé mentale dans les suites de violences collectives (guerre, génocide, dictature...) et des traumatismes psychosociaux qu'elles provoquent. Un tel partage est indispensable tant les violences collectives attaquent la possibilité même de parler, de vivre et de collaborer avec autrui.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2018
ISBN
9782806122391

Méthodes de recherche

Co-naître, une voie clinique qui ouvre vers l’intime silence des ventres dans les familles rwandaises rescapées du génocide

Christine Lebon

Introduction
En 2012, j’ai terminé un travail de thèse de doctorat en psychologie, recherche de plusieurs années, qui porte sur la transmission psychique de la survivance dans les familles rwandaises rescapées du génocide. Durant ces années de recherche, des parents rescapés m’accueillent, certains d’entre eux durant mes séjours rwandais, d’autres en Belgique, à l’occasion de l’une ou l’autre rencontre. Dans ces familles, empreintes de survivance, je suis donc à la recherche de la transmission psychique, je veux en apprendre sur son déploiement. À partir de ces plongées sur le terrain, je ressens l’envie de transmettre ce vécu et tout travail d’écriture m’offre un espace où déposer ce que j’ai reçu, espérant créer ainsi un terreau vivace au sein duquel le lecteur peut à son tour saisir quelque peu ce qu’il m’a été donné de recevoir. Par ailleurs, encadrant depuis plusieurs années, à la Faculté de psychologie de Louvain-la-Neuve, des étudiants belges partis faire leur stage au Rwanda et qui poursuivent parfois celui-ci par un mémoire, j’observe que ce désir de transmission est partagé par ceux qui, comme moi, reviennent d’une rencontre avec les survivants de 1994. Ce désir de transmission colore d’ailleurs parfois singulièrement les travaux académiques, et il teinte également mon propre écrit final d’une subjectivité très spécifique. Les rescapés rencontrés me parlent eux-mêmes de leur désir d’écrire et, en regard de ma question de recherche, je ne peux que saisir l’occasion offerte par cet article pour m’interroger sur ce désir de transmission et sur la transmission psychique elle-même.
Un ressenti initial d’inquiétante étrangeté
En 1997, je séjourne pour la première fois au Rwanda. Je suis là pour aller à la rencontre de personnes qui ont survécu et suivre ainsi une première question de recherche qui interroge le vécu psychique de ceux qui sont revenus de la mort. Le cadre de cette étude est mon mémoire de fin de licence, je suis étudiante en psychologie et je récolte effectivement les récits de rescapés du génocide, qui témoignent de cette errance psychique entre vie et mort, de cette survivance. J’entends ces narrations terribles mais surtout je suis imprégnée de tristesse, d’impuissance, de colère et surtout d’angoisse. En 1997, le Rwanda est un pays qui sort d’une guerre et d’un génocide, cela se voit, s’entend et se ressent. Il est donc question d’angoisse, celle-ci s’insinue partout et, au Rwanda, chacun me semble devoir composer avec elle et avec cette question qui me contamine également, celle de savoir qui est l’autre. De plus, je suis à plusieurs reprises saisie par un mélange de connu et d’inconnu, une fugace impression de me retrouver chez moi, au milieu de repères architecturaux ou culturels familiers, d’ambiance universitaire partagée… Et je fais l’hypothèse que la colonisation, qui a donné à nos deux pays un pan de passé commun, n’est pas étrangère à cette sensation. Ce ressenti familier est vite détrompé mais, dans cette ambiance flottante d’angoisse, ce mélange d’intime et d’étranger est troublant. Par ailleurs, durant tout mon séjour, les gens m’accueillent avec chaleur et je crée avec certains des liens qui vont s’avérer durables. Lors de ce premier voyage, je suis intensément touchée par ce pays que je trouve magnifique, par les rencontres faites et par les récits que j’emporte avec moi.
Lorsque, quelques années plus tard, l’occasion m’est offerte de réaliser un doctorat, je pars de cette expérience initiale, et renouant avec le fil laissé en suspens, je continue de m’interroger sur cette angoisse prise de face en 1997 et propose alors d’envisager celle-ci comme m’ayant été transmise, là où je m’en suis, par ailleurs, faite le réceptacle. Je prends ainsi connaissance de la littérature psychanalytique qui traite de la transmission psychique, notamment en ce qui concerne les familles juives, rescapées de la Shoah1, et je m’interroge dès lors sur ce qu’il en est au Rwanda. Mais s’il m’apparaît qu’étudier les processus de transmission psychique entre les parents rescapés du génocide et leurs enfants s’avère pertinent et même urgent, la question qui s’impose à moi est celle de savoir comment approcher ces phénomènes. Vient alors résonner un article de Freud, écrit en 1919 et intitulé Das Unheimliche, traduit généralement par « l’inquiétante étrangeté ». L’inquiétante étrangeté est définie par Freud comme « cette variété particulière de l’effrayant qui remonte au depuis longtemps connu, depuis longtemps familier » (1919, p. 215). Pour Freud, ce qui cause le ressenti d’inquiétante étrangeté, c’est le surgissement de l’étrange dans le familier, engendrant un sentiment de malaise. Par ailleurs, dans le dictionnaire de Psychanalyse de Chemama et Vandermersch (1998), il est précisé que l’inquiétante étrangeté survient là où certaines limites sont abolies, notamment celles entre vivants et morts (Diaz, 1998, p. 90). Au Rwanda, lorsque l’entremêlement de connu et d’inconnu me saisit, je suppose que, peut-être, le même phénomène agit. Ainsi, au Rwanda, je n’ai de cesse d’être interpellée par ce qui s’est passé en 1994. Il me semble en effet que, derrière la normalité quotidienne, la réalité du génocide est prégnante et rejaillit toujours. Je peux donner une image pour illustrer cela : au détour d’une balade, au sein du paysage idyllique des bords du lac Kivu, alors que je tente de prendre quelques jours de distance par rapport à mon travail de recherche, surgit l’église de Kibuye, autre lieu de mémoire, autre lieu de massacres. Le paysage et l’église sur la même photo et l’impossibilité pour moi, au Rwanda, de m’extraire même le temps d’une après-midi de ce qui s’est passé. Lors de mes séjours, il me semble donc avoir été prise dans une ambiance, une atmosphère particulière et le ressenti qui s’en dégage, celui d’inquiétante étrangeté, je le suppose, être le signe qu’une transmission s’effectue alors même que cette transmission est l’objet de ma recherche elle-même. Je suis donc prise dans le vécu de ceux qui sont aux prises avec la survivance. De là, j’accroche donc la transmission psychique, j’en saisis un bout d’existence.
Des entretiens enregistrés aux rêves…
Dès lors, l’objet de ma recherche trace une voie de récolte de données spécifique où il semble qu’il me faille oser accepter de lâcher prise pour entrer dans un univers relationnel d’échanges dans lequel la chercheuse que je suis ne peut faire l’économie du partage de sa propre subjectivité. Ainsi, lorsqu’un après-midi, la maman et la grand-maman de la petite Clémentine m’emmènent vers l’église de Nyamata, mémorial du génocide, j’ai quelque peu laissé de côté mes préoccupations doctorales puisque, passant le week-end dans la famille de la grand-maman, j’imagine très naïvement que se présente l’occasion de faire une pause dans ma récolte de données. Je n’ai pas encore réalisé qu’au Rwanda ma récolte de données est continue et ne se confine pas aux entretiens enregistrés. C’est donc tout à fait personnellement que j’entre dans l’église, sans la protection que pourrait m’offrir un statut de chercheuse. La confrontation avec les traces du génocide, je la prends de plein fouet et elle accentue encore cet oubli de la recherche. Dès lors, la maman me surprend lorsqu’elle me demande d’enregistrer et de faire des photos. C’est en effet la maman et la grand-mère de Clémentine, rescapées toutes deux du génocide, qui me rappellent mon identité de chercheuse. Et, à partir du moment où j’arrive à m’extraire quelque peu de ce qui m’assaille immédiatement dans ce lieu, je réalise l’importance d’accorder de l’attention à Clémentine, la petite fille de cinq ans qui s’est faufilée pour nous accompagner, et qui, comme moi, se trouve dans une position sujette à recevoir cette transmission. Ce faisant, je peux identifier qu’à partir de cette position de dépositaire qui m’est prêtée par la mère et la grand-mère, Clémentine accède à une autre dimension, celle du dire. Ainsi, la petite dit « Je vais dire à ma grande sœur que j’ai vu son père ! » Le père de sa grande sœur étant mort pendant le génocide, Clémentine atteste là que quelque chose ne peut se taire. Enfin, je suppose encore que la recherche qui m’amène jusqu’au Rwanda permet à la petite fille de se faufiler pour nous accompagner dans l’église que veulent me montrer sa mère et sa grand-mère.
De même, alors que, au cours de ma recherche, je me demande encore comment saisir les phénomènes de transmission, je me remémore ce cauchemar qui m’a plongée en plein génocide. Ce rêve, telle une « transmission radioactive » dont parle la psychanalyste Yolanda Gampel (2005), je l’ai fait après avoir rencontré pour la première fois Élise, une maman qui réside près de Nyanza. Cette maman, qui a perdu son mari et plusieurs enfants durant le génocide, m’a très facilement livré son témoignage, me permettant même de l’enregistrer. Cette facilité d’accès aux données m’avait étonnée, d’autant que, par ailleurs, je n’avais pas eu l’impression de réellement rencontrer le vécu d’Élise, ni d’avoir l’occasion de réellement le ressentir, alors même qu’il était terrifiant. Par mon rêve, qui me renvoie à l’hypothèse de « fond d...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Dans la même collection
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Table des matières
  7. Les auteurs
  8. Introduction : un colloque, un ouvrage
  9. Ouvertures interdisciplinaires
  10. Problèmes cliniques spécifiques
  11. Construction des pratiques sociales et cliniques
  12. Recours possibles aux ressources de la culture
  13. Méthodes de recherche
  14. Conclusion
  15. Bibliographie