Petit essai impertinent sur l'internement
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Petit essai impertinent sur l'internement

L'expérience de la Forêt de Soignes

  1. 108 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Petit essai impertinent sur l'internement

L'expérience de la Forêt de Soignes

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Citations

À propos de ce livre

À contre-courant des idées reçues, les auteurs, qui travaillent au quotidien avec des personnes internées libérées à l'essai, vous invitent à découvrir une autre réalité, loin des lieux communs et des préjugés. Ce petit essai s'adresse à tous les curieux, les inquiets, les indignés, ceux qui savent et ceux qui apprennent, qu'ils soient médecins, juristes, prisonniers ou simples citoyens, fous ou sains d'esprit... Arrêtez-vous, le temps de quelques pages, et venez rencontrer cesfous dangereux. Voici leur histoire... LA VRAIE.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2018
ISBN
9782806122315

CHAPITRE 1

Surveiller et prescrire ?

 
 « La seule certitude que j’ai, c’est d’être dans le doute. »
 
Pierre Desproges
 
Image 3
 
« L’état psychotique, échappatoire à la prison ? »1. Voilà ce qu’on pouvait lire à la une de Libération le 29 novembre 2011 lors du procès du norvégien Anders Behring Breivik, dit le tueur d’Oslo, terroriste norvégien ayant perpétré et revendiqué les attentats terroristes du 22 juillet 2011 en Norvège. Lors de son procès, la question de la responsabilité pénale s’est posée et a suscité de vives réactions dans la presse. Considéré comme pénalement responsable de ses actes, Anders Behring Breivik a finalement été condamné à vingt et un ans de prison.
Quatorze ans plus tôt, c’est un autre criminel qui fait la une du même quotidien : « Le garagiste bruxellois accusé de l’enlèvement et du viol de Loubna Benaïssa, la petite Marocaine de neuf ans retrouvée morte en mars dernier, a été déclaré “irresponsable” par les experts psychiatres. Ceci va vraisemblablement arrêter les poursuites contre ce récidiviste de trent-quatre ans, dont les aveux avaient déclenché en Belgique une vague d’émotion et de colère comparable à celle provoquée en août 1996 par l’affaire Dutroux »2. Interné jusqu’à son dernier souffle, Patrick Derochette décèdera le 14 décembre 2016.
Y a-t-il un quelconque intérêt pour un criminel à se faire interner ? « Cela va vraisemblablement arrêter les poursuites »… Nous semblons, pour la plupart d’entre nous, animés par l’idée que l’internement permettrait d’échapper à la prison, voire à la justice. Cette idée reçue crée souvent dans l’opinion publique et dans le vécu des familles un énorme sentiment d’injustice mêlé à de l’insécurité. On s’interroge sur la raison pour laquelle certains auteurs de crimes parfois violents s’en sortent « si facilement » et l’on crie à l’injustice.
Il semblerait donc que plaider la folie soit une bonne tactique pour passer entre les mailles du filet d’une justice répressive. Et cette rumeur a la peau dure. Outre l’opinion publique, certains professionnels véhiculent cette idée jusque dans la presse. C’est le cas d’un expert psychiatre qui déclare dans La Capitale le 18 février 2013 : « Il n’est pas le seul, parmi les détenus, à faire semblant d’entendre des voix pour échapper à la justice »3. Les détenus eux-mêmes n’échappent pas à cette contamination. Tout comme le personnage de Randle P. Mc Murphy (Jack Nicholson) dans Vol au-dessus d’un nid de coucou4 qui choisit de se faire interner pour échapper à la prison alors qu’il est accusé de viol sur mineur, certains détenus sont convaincus que l’internement leur évitera de longues années de prison. En réalité, Mc Murphy, ainsi que tous ceux qui sont finalement internés, réalisent progressivement que l’internement n’est pas vraiment un bon plan… et ce n’est rien de le dire !
Tout au long de notre parcours dans les méandres de l’internement, il nous a été donné de découvrir des patients, des justiciables, d’entendre des histoires et d’être confronté à des non-sens voire à l’ABSURDE. Nous nous sommes senti tour à tour impuissants, compétents, touchés, désemparés, soulagés, inquiets, étonnés… Novices dans le domaine (voir chapitre trois) et, déjà outrés, nous ne sommes toutefois pas encore découragés par la manière dont la justice belge traite nos malades mentaux. C’est cette énergie nouvelle qui nous donne aujourd’hui l’envie d’informer sur une réalité, la nôtre, celle de l’internement en Belgique. Afin de parler un même langage, il nous semble important de resituer clairement ce que représente pénalement cette mesure prise à l’encontre des « criminels malades mentaux ».

UNE TRAJECTOIRE PÉNALE PARMI D’AUTRES…

Il existe actuellement dans le droit pénal belge, différentes trajectoires possibles. Certaines s’avèrent statistiquement plus présentes, tel le circuit pénal classique dans lequel une personne ayant commis un fait est jugée et condamnée à une peine. Cependant, bien que moins courante, l’internement n’en reste pas moins une trajectoire pénale à part entière. Cela permet d’ores et déjà d’affirmer que la mesure d’internement ne permet pas d’échapper à la justice !
Avant toute chose, il s’agit de différencier deux types de prises en considération de la maladie mentale par la justice, afin de ne pas les confondre : la mesure d’internement (loi relative à l’internement du 5 mai 2014) et la mise en observation (loi relative à la protection de la personne des malades mentaux du 26 juin 1990). Ce dont il est ici question, c’est l’internement comme trajectoire pénale. C’est-à-dire la décision judiciaire prise face à quelqu’un qui a violé la loi, et qui dans ce cadre-là est déclaré « fou » et « dangereux ». L’actualité regorge de faits divers du genre un « fou » a commis une infraction grave. Par exemple, ce patient du centre Hospitalier Jean Titeca qui, en janvier 2016, blesse sept personnes à l’arme blanche dans le service où il résidait. À ne pas confondre avec la mesure de protection prévue par la loi du 26 juin 1990 qui peut être prise à l’égard d’une personne reconnue « malade mentale », qui met en péril sa santé et sa sécurité et/ou constitue une menace grave pour la vie ou l’intégrité d’autrui sans qu’aucun traitement ne soit possible. Cette mesure de protection, soumise à l’appréciation du juge de paix, n’a rien d’une trajectoire pénale. Elle est prévue pour le « fou » potentiellement dangereux mais qui n’a pas enfreint la loi.

L’INTERNEMENT QUÉSACO ?

Précision faite, entrons dans la réalité judiciaire de l’internement en droit belge. Bien que légèrement rébarbatif pour les non-initiés, le cadre pénal est essentiel, puisque, comme nous l’avons vu, un interné est un fou certes, mais un fou décrété « dangereux ». Ce qui le place d’emblée dans une double réalité : à la fois judiciaire et clinique. Avec une difficulté supplémentaire : ces deux mondes ne parlent pas la même langue, ce qui permet de comprendre pourquoi, parfois, elles ne s’entendent pas.
Il reste à comprendre comment la justice se prononce sur le « diagnostic » de « fou dangereux ». Tout d’abord, pour être établie, une infraction doit réunir deux éléments : un élément matériel (l’accusé a-t-il commis les faits ?) et un élément moral (savait-il ce qu’il faisait ?). Cette deuxième question est examinée par un expert psychiatre désigné par un magistrat. Si le juge répond « oui » à ces deux questions, cela signifie qu’il estime que les deux éléments fondateurs de l’infraction sont réunis et que l’auteur était responsable de ses actes au moment des faits. Dans le cas précis de l’internement, le juge répond non à la deuxième question, considérant ainsi que l’auteur « n’avait pas toute sa tête » au moment des faits. En effet, selon l’article 71 du code pénal, « il n’y a pas d’infraction, lorsque l’accusé ou le prévenu était en état de démence au moment des faits ». Autrement dit, on reconnaît qu’il y a eu une infraction mais on estime que l’état mental de la personne ne nous permet pas de le considérer comme pénalement responsable de son acte et donc de faire l’objet d’une peine.
Il semble que le discours médiatique s’arrête là, comme si ce constat d’irresponsabilité pénale était en soi une échappatoire à la prison. C’est par exemple le cas d’un quotidien belge qui (en novembre 2015) publie un article sous le titre suivant : « Jean-Philippe Dhainaut sera interné sans être jugé », faisant référence à un matricide qui avait provoqué l’effroi en mars 2015 à Mons. Un trentenaire diagnostiqué schizophrène a mis fin aux jours de sa mère sans pouvoir expliquer son geste. « Déclaré irresponsable, il ne sera finalement pas jugé par une juridiction d’assises mais sera interné dans un établissement spécialisé. Ses troubles mentaux ainsi que la faiblesse de ses facultés intellectuelles lorsqu’il a commis son acte meurtrier présageaient ce placement en hôpital psychiatrique. »5
Lorsque la presse précise que cet auteur ne sera pas jugé devant la cour d’Assises, cela ne signifie absolument pas que la justice belge laisse cet acte sans réponse. Que du contraire, jugé irresponsable et dangereux, le système pénal belge cherche pour cet auteur une réponse adéquate tant à la folie qu’à la dangerosité. Et ce, en partant de l’idée émise par Marc Metdepenningen, chroniqueur judiciaire dans le journal Le Soir, qu’« un état démocratique ne poursuit pas pénalement ses fous dangereux, il a le devoir de les prendre en charge pour que plus jamais ils ne sévissent ».6 C’est précisément dans cet esprit que s’inscrit la loi relative à l’internement.

1  http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-l-etat-psychotique-echappatoire-a-la-prison-5414.html.
2  http://www.liberation.fr/planete/1997/09/27/patrick-derochette-le-pedophile-belge-declare-irresponsable215205.
3  Propos d’un expert psychiatre recueillis dans La Capitale le 18 février 2013 lors du procès du jeune Fiston Nyongabo accusé d’un meurtre commis en mars 2002 à Ixelles.
4  Zaentz S. Et Douglas M. (Prod.), Forman M. (Réal.). (1975). One Flew Over the Cuckoo’s Nest (Film).
5  Publié le 30 novembre 2015 dans La Dernière Heure.
6  Marc Metdepenningen (chroniqueur judiciaire) Le Soir, vendredi 5 mars 1999. Une défaite et une victoire.

CHAPITRE 2

La Clinique de la Forêt de Soignes,
une folle histoire !

« On ne va jamais aussi loin que lorsqu’on ne sait pas où on va. »
Christophe Colomb
Image 4

IL ÉTAIT UNE FOIS, UNE HISTOIRE FOLLE,
UNE HISTOIRE DE FOUS.

Après que la directrice générale de la clinique Docteur Dersheid, soit venue, courant 2006, me proposer de quitter le confort, certes tout relatif, du service de psychiatrie d’un grand hôpital du Brabant Wallon que je dirigeais à l’époque pour piloter un nouveau projet à Dersheid, je fus pour le moins perplexe. Dersheid ?! Cette énigme nichée au cœur de la forêt de Soignes qu’invitait à rejoindre une plaque signalétique « Dr Dersheid », que tout navetteur empruntant le ring de Bruxelles a dû croiser mille fois du regard. Dersheid ?! Cette clinique qui a fait les beaux jours et les fous rires de feu l’émission humoristique phare de la première de la RTBF, Le jeu des dictionnaires. Dersheid ?! Cette clinique que tout le monde de la santé mentale connaissait sans savoir si elle existait vraiment. Dersheid ?! Cette clinique dont on ne savait plus si elle était gériatrique ou psychiatrique. Le deal était le suivant : « Je te donne nonante lits et tu y construis un projet thérapeutique psychiatrique cohérent, innovateur, avec carte blanche totale ». Indubitablement, cela méritait une petite visite.
Alors, j’ai fait ce que peu de gens ont fait, quitter la routine du ring po...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Illustratrice
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Sommaire
  7. Playlist
  8. Exergue
  9. Introduction
  10. CHAPITRE 1 Surveiller et prescrire ?
  11. CHAPITRE 2 La Clinique de la Forêt de Soignes, une folle histoire !
  12. CHAPITRE 3 De la psychose à la psychopathie
  13. CHAPITRE 4 Tous fous ? Tous dangereux ?
  14. CHAPITRE 5 « Amor Fati »16 : parcours d’internement
  15. CHAPITRE 6 L’internement, un circuit de non-soins ?
  16. CHAPITRE 7 Les prisons, extensions du domaine de la folie
  17. CHAPITRE 8 Les internés sont parmi nous
  18. CHAPITRE 9 Fou dangereux, une condamnation à vie ?
  19. CHAPITRE 10 Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
  20. Bibliographie
  21. Présentation des auteurs
  22. Parus dans la même collection