Se rêver rescapé
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Se rêver rescapé

Essai sur des faussaires de la Shoah

  1. 136 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Se rêver rescapé

Essai sur des faussaires de la Shoah

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Citations

À propos de ce livre

Plus d'un demi-siècle après la fin de la Seconde Guerre mondiale, parurent deux témoignages de rescapés de la Shoah, Fragments de Benjamin Wilkomirski et Survivre avec les loups de Misha Defonseca. Deux faux qui sont les miroirs de l'usage contemporain de la mémoire des camps, du témoin et de la propension à la victimisation médiatisée. Néanmoins, au-delà d'une dénonciation d'un scandale, quelle lecture autre permet l'apport de Jacques Lacan? En quoi les deux livres restent-ils des témoignages?

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2018
ISBN
9782806661432

Témoigner

Le puzzle de Benjamin Wilkomirski ‒ Fragments

En 1995 paraît à Zurich Fragments écrit par un certain Benjamin Wilkomirski. Très vite, l’ouvrage suscite un engouement tout à la fois éditorial, médiatique et littéraire et prend place dans le panthéon des témoignages au même titre que ceux de Primo Levi. La force du récit est telle que les survivants y reconnaissent « enfin quelqu’un qui parle notre langage et qui a le courage de dire ceci »5.
« Ceci », c’est l’histoire d’un enfant d’origine lettonne qui, dès son plus jeune âge, est traqué et pris dans la barbarie nazie : Maïdanek et Auschwitz seront ses terrains de jeu et d’apprentissage où la constante férocité des adultes n’aura de cesse de le mener aux portes de la mort. Ayant survécu au pire, à la libération des camps, il est d’abord envoyé dans un orphelinat à Cracovie avant que d’être confié par une femme à la Croix-Rouge suisse. Il est par la suite adopté par la famille Dösseker, couple sans enfants. Le camp l’aura marqué à jamais colorant le reste de sa vie de la couleur de l’enfer.
Le scepticisme de certains journalistes tels qu’Hanno Helbling dès 1995 et d’historiens comme Raoul Hilberg tant à l’encontre de la monstruosité des faits relatés6 que vis-à-vis de l’identité de l’auteur dissone dans le concert de louanges. Voire, en raison de la ferveur populaire entourant le livre et de l’aura de l’auteur, il ne peut être taxé que de malveillance sinon de jalousie. Le livre bénéficie des cautions intellectuelles, morales et historiques nécessaires pour que la publication soit maintenue ‒ moyennant l’adjonction d’une postface qui coupe court à toute critique.
Rideau : en 1998, le journaliste Daniel Ganzfried démonte pièce par pièce le bel assemblage. Le livre de Stephan Maechler The Wilkomirski Affair ‒ A study in biographical thruth analyse les tenants et aboutissants.
D’une vie à son écriture :
L’histoire officielle de Benjamin Wilkomirski alias Bruno Dösseker alias Bruno Grosjean tient en quelques lignes.
Né en le 12 février 1941 dans le canton de Berne, d’Yvonne Grosjean et d’un père qui ne le reconnût jamais, le petit Bruno vivra ses premières années, ballotté d’institution en famille d’accueil jusqu’à son adoption par la famille Dösseker.
Voué à être médecin et à s’inscrire ainsi dans la dynastie familiale adoptive, Bruno préfère s’orienter vers la musique et la fabrication de clarinettes. La vie d’adulte n’est pas exempte d’épreuves : un premier mariage qui tourne court, une longue maladie… mais surtout, un pressentiment qui dès son arrivée chez ses parents adoptifs se muera très vite en un postulat : Bruno n’est pas celui que l’on voudrait qu’il soit. L’effacement de sa véritable identité serait à la source de ses nombreux cauchemars et expliquerait la réticence de ses parents adoptifs à évoquer certains faits du passé.
Vision furtive d’objets liés à la tradition juive, conversation avec un ami juif de la famille lequel lui dévoilera son origine juive, confrontation avec un garçonnet qu’il pense être le véritable Bruno Grosjean, demande de ses parents de ne penser autant au camp, étonnement de son père quant au choix d’une fiancée non juive : autant de souvenirs écrans qui le confortent dans l’idée qu’il a été échangé contre un certain Bruno Grosjean et que son passé réside forcément ailleurs. Bruno va alors réorganiser la trame narrative de sa propre existence afin de restaurer face au monde la légitimité de son patronyme : Wilkomirski.
Du sentiment d’une vie usurpée dont Benjamin W. s’acharnera à en démontrer le mensonge, il en aboutira à l’imposture d’une œuvre qui est celle d’une vie. « Je ne suis pas celui que vous dites que je suis » : fort de ce paradigme, Benjamin se dévoue, corps et âme, à donner consistance au personnage qu’il est censé incarner. Il traque voire invente le moindre signe qui ajusterait la réalité à son dire : il n’est pas le fils Dösseker, reprenant le cabinet médical paternel mais l’enfant juif rescapé qu’il n’a jamais cessé et ne cessera jamais d’être.
La justification de cette conviction passe alors par une fable soutenant celle-ci et s’orchestre dans une dramaturgie où l’autre se prend complaisamment dans le miroir aux alouettes. Benjamin Wilkomirski réécrit l’Histoire et la contresigne dans l’existence d’une œuvre dépassant largement le cercle familial.
La construction de son personnage ne commencera véritablement à ne prendre forme qu’au lycée où il clame être enfant réfugié et ce n’est que dans le milieu des années 60 que sa judéité s’affirme à travers le port d’attributs typiques (croix de David, mezouzah,…). Son identité est déjà vacillante puisqu’il dit s’appeler aussi Nils Raiskin. Par ailleurs, interpellé des années plus tard par la journaliste Elena Lappin, quant au choix de Benjamin comme prénom, il lui rétorque qu’il aurait pu tout aussi bien se prénommer Andrezj7.
Cette recherche d’un autre nom s’inscrit dans une contextualisation bien particulière : l’Holocauste constitué comme événement matriciel et mythe second des origines. L’enquête de Stephan Maechler et plus particulièrement les entretiens menés avec Benjamin révèlent qu’au sein de la cellule familiale des Dössekker, prévaut le silence autour des années de guerre. Cette amnésie est le reflet de l’époque où la société suisse jette un voile sur ce qui s’est passé, un tabou que Benjamin va reprendre pour lui et qui va le concerner intensément.
Les années précédant sa consécration verront toute une mise à l’épreuve des rudiments d’une histoire en devenir qu’il s’agira d’ordonner en un tout cohérent. Historien de sa propre cause, étant son propre secrétaire, objet de ses études et de son champ d’investigation, il explore les possibilités offertes par l’Holocauste pour que sa personnalité soit fin prête à se produire sur scène : enrichissement de son bréviaire personnel par la constitution de son mémorial concentrationnaire, collecte de documents, visionnage de films, voyages en Pologne, etc. Il esquisse les brouillons de son personnage et laisse échapper quelques bribes étonnantes : il serait agent du Mossad et vit dans la crainte que ses parents ne fassent des expérimentations médicales sur lui, etc. En somme, il donne corps au mythe individuel en s’appropriant les histoires des autres et les images d’archives collectives.
À partir de 1972, celui qui dit n’avoir jamais été Bruno Dösseker s’épanouit progressivement en « Benjamin Wilkomirski ». Cette nouvelle appellation s’origine dans une accroche à une image et à un signifiant qui font appel. En effet, lors d’un voyage en Pologne, on lui fait remarquer sa ressemblance physique avec la violoniste Wanda Wilkomirska. Littéralement, Bruno Dössekker se mire dans son double féminin, accroche des portraits d’elle un peu partout tandis que la trame de Fragments et de son roman familial continue à prendre forme.
Dössekker ne lâchera plus Wilkomirski au point tel qu’il demande à des marchands d’art que lui soit gardée toute iconographie provenant de la ville de Wilkomir.
En 1979, Elitsur Bernstein, psychologue israélien, venu chez lui pour des leçons de clarinette, reconnaît l’identité du portrait accroché au mur comme étant « celui du dernier Rabbin de Wilkomir avant l’Holocauste. Sur ce, toujours selon Bernstein, Bruno répondit : « Je pourrais m’appeler Wilkomirski »8.
Si les années 1980 sont marquées par une série de déboires personnelles (maladie, échec de son mariage…), elles assoient aussi Benjamin W., l’enfant survivant. En 1983, un documentaire lui est consacré en tant que musicien et survivant et le met en scène sur différents lieux mémoriels (Cracovie, Maïdanek…). Or, à la fin du film ‒ qui ne sera pas diffusé ‒, le désormais Benjamin W. parle clairement de la nécessité du médium du film, de la musique ou de l’écriture pour tenter de se comprendre : la musique, il l’a, le film n’ayant abouti, il ne lui reste que l’écriture.
Ce sera Fragments, monstre protéiforme, fruit d’une rencontre, produit d’une thérapie, succès éditorial et médiatique et finalement imposture.
Rencontre tout d’abord avec Elitsur Bernstein, mentionné auparavant. D’élève musicien, Bernstein se muera en confident des cauchemars qui hantent Wilkomirski et le poussera à aller en thérapie. Il est le récipiendaire dès 1991, des dizaines de feuillets que Benjamin lui envoie en pleine nuit. À en croire Benjamin, celui-ci se refusait à publier ses mémoires. Une version que conteste Bernstein : tandis que, lui, conseillait de restreindre la diffusion des mémoires au cercle familial, Benjamin tenait, au contraire, à une large publicité « pour aider d’autres enfants survivants »9.
Produit d’une thérapie dans la mouvance de celles dites « de la mémoire retrouvée » où les productions fantasmatiques, parfois suggérées par le thérapeute, sont prises pour argent comptant. Par la suite, Benjamin W. se défendra de l’aspect remémoration : « jamais dans ma vie, je n’ai oublié ce que j’ai décrit dans mon livre »10.
Monnaie sonnante et trébuchante remportée par ce qui est incontestablement un succès éditorial : les prix qui se succèdent, les traductions, les invitations à parler aux tribunes des universités et des fondations aussi prestigieuses que l’United States Holocaust Memorial Museum… consacrent Benjamin Wilkomirski en tant que héraut des enfants survivants.
Jusqu’à ce que le masque tombe et ne dévoile que Bruno Grosjean, fils d’Yvonne Grosjean né de père inconnu.

L’odyssée de Misha Defonseca ‒ Survivre avec les loups

Certains l’ont appelée la Wilkomirski belge…
Comme pour Benjamin W., le nom « Misha Defonseca » est étroitement lié au récit de sa « vie » : Survivre avec les lo...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Les appas de l’enfer
  6. Introduction
  7. Témoigner
  8. L’enfant aux rats
  9. La femme aux loups
  10. Conclusion
  11. Remerciements
  12. Bibliographie
  13. Table des matières