La phraséologie entre fixité et congruence
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La phraséologie entre fixité et congruence

Hommage à Salah Mejri

  1. 374 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La phraséologie entre fixité et congruence

Hommage à Salah Mejri

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À propos de ce livre

Ce livre est un ouvrage en hommage à Salah Mejri, Professeur à l'Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité, et ancien Directeur du laboratoire Lexiques, Dictionnaires, Informatique (UMR 7187). Les deux concepts de fixité et de congruence représentent l'axe théorique autour duquel Salah Mejri a développé ses recherches. La fixité intervient aussi bien dans la création lexicale que dans celui de la phraséologie...

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2018
ISBN
9782806121967

chapitre 1
Traduire un texte médical, une tension entre mots et termes

Christian BALLIU
Pour Salah Mejri,
avec mon amitié et mon admiration
Quiconque exerce aujourd’hui dans le domaine de la traduction, au titre de traductologue, traducteur ou professeur de traduction, reconnaîtra la toute-puissance de la traduction (dite) spécialisée au détriment de la traduction littéraire, cette dernière incluant, outre les textes de littérature stricto sensu, les textes religieux ou philosophiques. Si ce n’est la traduction de best-sellers dans de grandes maisons d’édition, la traduction littéraire ne nourrit guère son homme et les traducteurs littéraires seraient les derniers à me contredire. Par ailleurs, la rapidité d’exécution des traductions, un paramètre incontournable qui est le premier ennemi d’une traduction de qualité, rend encore moins service à la traduction littéraire – une traduction qui se digère – qu’à la traduction spécialisée.
La traductologie, discipline ancienne mais qui ne prend véritablement son essor que dans les années 1950 avec des pionniers comme Nida, Mounin et autres Vinay et Darbelnet, ne considérait que la seule traduction littéraire, confinant en quelque sorte la traduction spécialisée (économique, juridique, scientifique, technique…) à la piétaille des traducteurs et ne lui prêtant aucune attention jusque dans les années 1970. Nida s’occupait de traduction biblique et Mounin de traduction littéraire.Vinay et Darbelnet ont intitulé leur somme traductologique Stylistique comparée du français et de l’anglais (1958).
Le titre de l’ouvrage de Vinay et Darbelnet est évocateur et caractéristique d’une époque où l’on considérait que seuls les textes littéraires sont des textes « écrits », empreints d’une stylistique qui échapperait aux textes de spécialité. On y trouve la connotation qui serait – curieusement – absente des textes de réflexion, marqués par une dénotation omniprésente, une terminologie rigoureuse, un rejet de la subjectivité.
Je m’attacherai dans les pages qui suivent à montrer les limites de ces préjugés, en prenant pour exemple la littérature médicale (le mot « littérature » y trouve tout son sens) et en puisant des exemples dans un des plus grands traités de médecine interne du XXe siècle, écrit par l’immense Henri Mondor. On verra que la notion même de « langue spécialisée » (ou encore « langue de spécialité ») s’en trouve ébranlée.
1. La langue spécialisée : un leurre ?
La notion de « langue spécialisée » fait l’objet d’un consensus chez les linguistes qui analysent les textes spécialisés, notamment les terminologues. L’idée fondamentale est qu’un texte spécialisé se caractérise essentiellement par une terminologie particulière qui en est la signature. Cette terminologie fait appel à un stock lexical dont ne dispose pas et où ne puise pas la majorité des locuteurs d’une langue donnée. Il s’agit en quelque sorte d’une chasse gardée cognitive et dénominative de certains initiés et les profanes en sont donc exclus. Il m’apparaît qu’on peut voir en filigrane de ce phénomène une notion de caste linguistique, le décryptage terminologique n’étant réservé qu’aux connaisseurs du domaine ou aux terminologues, en d’autres mots à ses usagers ou à ses observateurs.
La tentation est alors grande de céder aux sirènes de la prescription, même si la terminologie se veut avant tout descriptive. On conseille une terminologie à adopter qui équivaudrait à la dénomination idéale dans un contexte donné. Le mot vient d’être lâché : le contexte. Depuis quelques années déjà, les terminologues ont élargi leur champ d’action, confiné au départ au terme ; ils ont pris en compte la dimension syntagmatique et « dilaté » leur centre d’intérêt à la phraséologie (Mejri, 2011 : 112-113). Inconsciemment ou non, ils reprennent ainsi l’idée d’unités de traduction ou d’unités de sens, si chères à Vinay et à Darbelnet, lesquelles renvoient à une cohésion terminologique large.
Une des préoccupations majeures de la terminologie est « ce qu’il convient de dire », plutôt que ce qui se dit. En traduction, il s’agira de terminologie multilingue et, souvent, de protéger la langue française contre les influences étrangères. Dans le domaine médical (et dans de nombreux autres domaines aussi bien entendu), il s’agit d’éradiquer l’influence anglo-saxonne. Il est vrai, pour résumer sans caricaturer, que la médecine occidentale est anglo-saxonne depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle était allemande dans l’entre-deux-guerres et française dans la seconde moitié du XIXe siècle. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à ces grands noms de la médecine que furent Claude Bernard (l’inventeur de la médecine expérimentale), René Laënnec (l’inventeur du stéthoscope), Louis Pasteur (qui signa avec l’épopée des vaccinations la grande entrée de l’immunologie en médecine) ou encore Xavier Bichat, dont les aphorismes sont restés célèbres1.
L’immense majorité des publications qui comptent aujourd’hui en recherche médicale se font en anglais, dans les grandes revues comme The Lancet, The New England Journal of Medicine (NEJM), le British Medical Journal, le Journal of American Medical Association (JAMA) et bien d’autres encore. Quoi d’étonnant à ce que la terminologie anglo-saxonne transpire sur les modes d’expression française.C’est ainsi que l’on vérifiera la « compliance » au traitement chez le patient et qu’on parlera plus rarement de suivi ou encore d’observance de la prescription et de la posologie. On considérera que « compliance » est un terme, dans la mesure où il est méconnu dans le vocabulaire courant et où il est réservé à un domaine de spécialité, la pharmacothérapie. « Suivi » et « observance » sont des mots ; ils appartiennent au langage courant, ne renvoient pas a priori à un domaine de spécialité et doivent donc, pour faire sens et être raccrochés au domaine, être précisés par l’adjonction de lexèmes qui focaliseront leur emploi. Dans la langue anglaise, « compliance » n’est pas un terme, l’entrée signifie simplement « conformité », « accord ». En langue française, c’est l’emprunt en soi qui terminologise le terme et le restreint à un domaine du savoir.
Il n’y a pas de langue(s) de spécialité2, il n’y a que des usages, des emplois. Il n’y a pas de langue médicale, il y a un sociolecte qui permet à un groupe social, les médecins en l’occurrence, de se distinguer, voire d’exclure par le langage celles et ceux qui n’en font pas partie. Il y a derrière cela une notion d’initiation, de caste, qui existe par la connaissance qu’elle partage mais aussi par le codage linguistique de l’information. Ainsi, entre confrères ou pour asseoir une supériorité cognitive par rapport au malade, l’hépatologue dira : l’échographie du foie montre une stéatose. En langage courant, le médecin dira au patient : vous avez le foie gras. La réalité nosologique est identique. Si le terme « stéatose » est économique linguistiquement, le syntagme « foie gras » est transparent. Cependant, l’affection dont souffre le patient, les symptômes, le traitement et le pronostic sont les mêmes. On peut dire que « foie gras » fait partie de la terminologie médicale ; le syntagme s’utilise couramment en médecine et le périmètre sémantique du syntagme correspond en tous points à celui de la stéatose. Des mots courants, ordinaires, peuvent avoir une signification et un emploi précis en médecine.
Je préfère en conséquence parler de langages de spécialité et de textes de spécialité, dans la mesure où ceux-ci font appel aux mots comme aux termes, au subjectif comme à l’objectif, à la polysémie comme à la biunivocité.
2. Le langage de la médecine
On conviendra que la médecine est un domaine de spécialité tout à fait particulier, puisqu’il traite de l’homme dans ce qu’il a de plus intime, son corps et son esprit. Il en va essentiellement de la santé et, in fine, de la vie. On comprendra dès lors que la notion de « texte médical » est fluctuante, vague, et ne concorde pas avec l’éclatement de la discipline. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la médecine s’est divisée en une multitude de spécialités, qui se sont elles-mêmes fragmentées en sous-spécialités de plus en plus pointues. Le généraliste ne dirige plus le patient qui souffre du foie vers un gastro-entérologue, mais vers un hépatologue. L’alcoolique suivra un traitement chez un alcoologue et l’accroc à la cigarette chez un tabacologue. La psychiatrie elle-même tend à s’effacer derrière plusieurs hyperspécialisations.
C’est la rançon des progrès médicaux, époustouflants sur le plan technique (les transplantations en sont un bon exemple) et sur le plan de la compréhension organique des pathologies. Dès lors, si certains termes relatifs à la médecine organique se retrouvent dans plusieurs spécialités médicales, il n’en va pas de même du vocabulaire de spécialité, de la symptomatologie ou du diagnostic. Quand on creuse cette idée, on entrevoit que la médecine est aussi une science du logos qui fait la part belle à l’anamnèse du patient ainsi qu’à la description clinique par le praticien. La reconnaissance de la psychiatrie au XXe siècle, et en aval celle de la psychanalyse, ont remis en selle l’importance du sujet, du cogito, en un mot du patient. D’où le rôle primordial de ce dernier dans la description des maladies et des antécédents cliniques.
Ce qui me paraît primordial, c’est l’idée que le malade restaure l’unité de la discipline médicale par la description des symptômes, lesquels traversent horizontalement la réalité pathologique. Le malade voit un ensemble de sig...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Sciences du langage : Carrefours et points de vue
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Préface
  7. chapitre 1 – Traduire un texte médical, une tension entre mots et termes
  8. chapitre 2 – De la langue à la culture par les classes d’objets et les domaines
  9. chapitre 3 – La part de la stéréotypie dans trois corpus francophones – hexagonal, maghrébin et subsaharien
  10. chapitre 4 – Regards croisés sur deux onomastiques situées
  11. chapitre 5 – Les noms d’artefact en français
  12. chapitre 6 – Nos langues sont des livres d’images ! Étude comparative de phrasèmes zoologiques en anglais et en français
  13. chapitre 6 – Les suffixes nominaux de l’argot
  14. chapitre 8 – L’actualité du figement linguistique
  15. chapitre 9 – Le figement dans l’expression de la temporalité
  16. chapitre 10 – Crayons
  17. chapitre 11 – Zoomorphisme et lexique rural brésilien
  18. chapitre 12 – Compétence phraséologique en langue française
  19. chapitre 13 – Conjonctions complexes du français, figement, et analyse syntaxique
  20. chapitre 14 – Les parenthèses nominales en français : études de cas
  21. chapitre 15 – Aux limites du limitrophe : à propos des catégories phraséologiques
  22. chapitre 16 – Traitement lexicographique des collocations à collocatif actanciel
  23. chapitre 17 – Charles Nodier, un lexicographe hors norme et pionnier digne de Salah Mejri qui rime avec l.d.i.
  24. chapitre 18 – Les énoncés paraproverbiaux
  25. chapitre 19 – Stéréotypie et phraséologie dans le Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert
  26. chapitre 20 – Le verbe faire et la théorie guillaumienne de la subduction
  27. chapitre 21 – L’impact du système d’écriture sur l’analyse du mot en français et en japonais
  28. Présentation des auteurs
  29. Table des matières