Les émotions
Les premiers émois
Dans le tournoi de la classe, la grande finale opposait Estéban (8 ans) et Martin (6 ans). Les enfants avaient le choix entre jouer ou assister au match sur grand échiquier avec moi comme commentateur.
– Albin : « Le tirage au sort a désigné Martin avec les blancs. C’est donc Martin qui va commencer. »
– Martin : « J’hésite pour mon premier coup. »
– Esther (6 ans) dans un élan du cœur destiné à Martin : « Vas-y mon amour ! »
Martin a perdu le match mais il avait l’air ravi…
Je ne sais pas à partir de quel âge on peut être amoureux. En tout cas, dès les premières années, il semble qu’un enfant soit capable de manifester certaines préférences. Avant le CM1, les questions se concentrent souvent sur les différences entre garçons et filles. Un jour, je croise un CP dans la cour. Je ne l’avais jamais vu de ma vie mais il entame une discussion de fond avec moi :
– Le CP (6 ans) : « Je peux te dire un truc ? »
– Albin : « Oui ? »
– Le CP : « Les filles, quand elles crient, ça fait trop de bruit. On les entend à plusieurs mètres. »
– Albin : « Tu trouves ? Mais quand les garçons crient, ça fait du bruit aussi, non ? »
– Le CP : « Non, parce que mon petit frère, quand il pleure, ça fait du bruit comme une fille. Mais ça, c’est quand on est bébé. Après, quand on est des garçons, ça ne fait pas du bruit comme les filles. »
– Albin : « OK. En tout cas, tu n’aimes pas quand les gens crient ? Ça te fait mal à la tête ? »
– Le CP : « Oui, voilà. »
– Albin : « Oui, moi aussi. »
Il avait l’air assez satisfait de ma réponse puis il est parti. On ne s’était jamais vu auparavant, j’ai oublié de lui demander son prénom, lui ne m’a rien demandé du tout.
Même chez les CP, les premières questions sur les différences filles/garçons peuvent faire place à de la séduction. Beaucoup d’adultes pourraient prendre des cours :
– Issa (6 ans) : « Moi, je suis un magicien et je vais te faire un tour de magie. »
– Talya (6 ans) : « Quoi ? »
– Issa : « Abracadabra, je t’ai transformée en reine. »
Talya avait l’air ravie…
Certaines questions peuvent être plus embarrassantes :
– Florent (10 ans) : « M’sieur, c’est quoi les zones sensibles de la femme ? »
– Albin (très embarrassé) : « Hum… euh… Je ne donne cours que sur les échecs, moi. Pourquoi tu me demandes ça ? »
– Florent : « Ben, parce que, elles, elles savent où nous frapper pour faire mal et nous, on ne sait pas. »
Vous imaginez mon soulagement quand j’ai compris qu’il voulait « simplement » les frapper là où ça fait mal.
Bien entendu, il y a le grand classique du CP amoureux de sa maîtresse :
– Antoine (6 ans) : « Moi, je vais redoubler. »
– Albin : « Mais non, Antoine, il n’y a pas de raison. Pourquoi tu redoublerais ? »
– Antoine : « Parce que j’adore ma maîtresse. »
Ces questions garçons/filles prennent une tournure plus assumée à la préadolescence :
– Albin : « Pourquoi le roi ne peut pas manger la dame ? »
– Faly (10 ans) : « Parce que c’est sa femme. Ça ne se fait pas. »
Cela peut même influencer les appariements12…
– Albin : « Garance, tu vas jouer avec David. »
– Garance (14 ans) : « Ah non, je joue avec Cédric. Il est plus beau. »
J’ai conscience de ne pas être le bon interlocuteur sur ces sujets : je fais souvent semblant de ne pas comprendre o...