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- 176 pages
- French
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eBook - ePub
Coming In
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Citations
Ă propos de ce livre
« Le coming out n'est pas la solution, mais le problĂšme. Il fallait arrĂȘter mon coming out, arrĂȘter mon implosion. Tant qu'il en Ă©tait encore temps.Et Ă supposer que je n'implose pas, que se passerait-il aprĂšs avoir dit Ă tous ma part obscure? Si ce qui se trouvait cachĂ© en moi Ă©mergeait au grand jour, que se passerait-il dans la minute, l'heure, le jour suivant?Non, j'avais besoin de l'inverse. D'un coming in. Pour pouvoir dĂ©cider ce que je voulais faire, il me fallait rĂ©parer ma fracture. De l'intĂ©rieur, et non pas de l'extĂ©rieur. In et non pas out. Prendre le temps de plonger en moi pour comprendre comment et pourquoi j'Ă©tais passĂ© Ă cĂŽtĂ© de moi-mĂȘme⊠»
Foire aux questions
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Informations
Sujet
Sciences socialesSous-sujet
SociologieEN TERRES INDIENNES
15
JâĂ©tais dans les airs, ni parti ni arrivĂ©. Ailleurs. Un sas entre Paris et Delhi. Un lieu thĂ©orique, une abstraction, un pont entre les deux. Un vortex mâavait absorbĂ© et me recracherait dans quelques heures. ProbablementâŠ
Que trouverais-je Ă lâautre bout ? Je ne voulais pas le savoir. Je nâaimais ni les guides, ni les histoires pensĂ©es Ă lâavance. Jâirais au hasard. Jâavais simplement choisi trois Ă©tapes : BĂ©narĂšs, Calcutta et Hampi. Et emportĂ© une pile de livres avec moi, dont plusieurs sur les neurosciences. Envie de comprendre un peu mieux comment fonctionnaient mon foutu cerveau et mes Ă©motions contradictoires. Recherche de clĂ©s de lecture Ă dĂ©faut de rĂ©ponses toutes faites.
La cabine était immobile, coupée de tout, une bulle virtuelle. La vitesse et le mouvement étaient virtuels, extérieurs. Ici, rien ne bougeait. Une salle de cinéma emboitée dans un tunnel métallique. A peine une sourde vibration.
Si câĂ©tait mon premier voyage en Inde, jâavais lâhabitude des longs vols en avion. Jâaime ces parenthĂšses. TrĂšs propices au songe ou Ă la rĂ©flexion. Jây suis toujours intellectuellement productif. Aucun tĂ©lĂ©phone ne risque dây sonner, les voisins nâont pas lâoutrecuidance de mâadresser la parole. La durĂ©e connue et fixĂ©e Ă lâavance stimule ma crĂ©ativitĂ©, comme pour un examen ou un concours. Je sais quand jâaurai Ă rendre ma copie.
Ce temps suspendu Ă©tait cette fois celui dâune grossesse. Huit heures pour accoucher de lâInde, câĂ©tait court. Trop court. Beaucoup trop court. Je fermai les yeux.
Je suis dans un bateau qui avance lentement, fendant lâeau dans une traversĂ©e qui dĂ©licieusement nâen finit pas. Non, il ne la fend pas, il glisse sur elle, lâeffleurant doucement. LâĂ©quipage, complice de ma volontĂ© dâune croisiĂšre paresseuse, a rĂ©glĂ© la vitesse au minimum.
A la diffĂ©rence de lâavion, lâavancĂ©e nây est pas thĂ©orique : par la fenĂȘtre de ma cabine, je vois lâeau ruisseler sur la coque. Des escales rythment la progression et la ralentissent. Je prends plaisir Ă les multiplier, Ă aller Ă terre et y inventer des visites inutiles afin de retarder le moment du dĂ©part.
Descendre la cĂŽte italienne, se perdre dans les ruelles napolitaines et les pentes du VĂ©suve, tourner autour de la botte, jouer dans le chapelet des Ăźles grecques, dorer longuement sur une crique isolĂ©e, atteindre la cĂŽte turque, mâimprĂ©gner de la moiteur des hammams, trainer le long de la Palestine, mâinsinuer dans le canal de Suez, exiger dâaller voir les pyramides, pĂ©nĂ©trer dans la mer Rouge, ne pas rĂ©sister aux appels des muezzins de MĂ©dine et de la Mecque, remonter les terres arides du YĂ©men et du sultanat dâOman, ne pas mâattarder dans DubaĂŻ lâartificielle, profiter dâune derniĂšre halte au Pakistan, et finir par apercevoir lâIndian Gate de Bombay. Dommage je suis arrivĂ©.
Je rouvris les yeux. LâobscuritĂ© dans la cabine de lâavion Ă©tait totale. Chaque passager Ă sa place. Pas de cris, pas de paroles plus hautes les unes que les autres. Le trajet Ă©tait aseptisĂ©, un accouchement sous pĂ©ridurale. Tout Ă©tait feutrĂ©, artificiel. Juste le temps qui sâĂ©coulait sans bruit.
Les fenĂȘtres sont des hublots hermĂ©tiques. Nous sommes trop loin de la terre des hommes pour pouvoir y vivre : le dehors est dangereux et impur, froid et lĂ©tal, dĂ©nuĂ© dâoxygĂšne, chargĂ© de rayonnements nocifs. Aucune molĂ©cule ne doit ni rentrer, ni sortir. Nous sommes dans un espace que nous ne pouvons que traverser et en aucun cas habiter. PlongĂ©s dans un milieu dangereux sans air et sans vie. La peau de lâavion est la nĂŽtre, une nouvelle peau protectrice, dont les fenĂȘtres sont tout sauf des pores. Nous sommes isolĂ©s, protĂ©gĂ©s, coupĂ©s de nos racines, pris en charge et infantilisĂ©s.
Je dĂ©couvris plus tard combien dans les trains indiens tout y Ă©tait lâinverse : la paroi nây est pas une peau qui isole, mais une peau qui relie. Des cloisons poreuses, un organisme mĂ©tallique vivant, un Ă©change omniprĂ©sent. Les vitres sont des grilles, des liens entre dehors et dedans. MĂȘme les portes ne sont pas fermĂ©es. Sans cesse, des arrĂȘts. Partout des corps. AllongĂ©s, debout, assis, immobiles, piĂ©tinĂ©s, piĂ©tinant, montant, descendant, dormant, mangeant, buvant, rotant, parlant, chantant, criant. La vie en mouvement.
Plus que deux heures. Je me plongeai dans « Le Nouvel Inconscient » de Lionel Naccache.
16
BĂ©narĂšs est une hydre Ă deux tĂȘtes, Jekyll et Hyde, deux mondes parallĂšles, juxtaposĂ©s et entremĂȘlĂ©s, un cĂŽtĂ© lumineux, un cĂŽtĂ© obscur.
Au bord du Gange, le pays des Dieux et de la lumiĂšre. Le soleil y balaie la moindre marche, le moindre recoin. Aucun arbre, aucun abri pour sâen protĂ©ger, juste des berges en pierres nues et sans artifices. Aucune sculpture. Aucune ombre. Rien pour se cacher. CaĂŻn assujetti pour toujours au regard des Dieux. Aucune chance de se soustraire ni au fleuve, ni au ciel. Ătre au bord du Gange, câest ĂȘtre Ă©corchĂ© vif et mis Ă nu. VulnĂ©rable et soumis Ă la puissance des Ă©lĂ©ments. Lâeau et le feu.
Fait de calme et dâĂ©nergie, source de vie, le fleuve coule lentement et majestueusement. Il se nourrit des boues et des algues qui soulignent son avancĂ©e. A la fois, dernier vĂ©hicule pour les morts et bain pour les vivants, il est le cĆur et le poumon. Un Dieu fluide au service duquel tout est organisĂ©. Les rives, les Ă©chappĂ©es des ghĂąts, les façades des maisons, tout est dĂ©cor, tout est offrande, tout est supplication. MĂȘme le soleil se courbe Ă lâhorizon.
Les berges sont respectueuses et silencieuses. Pas de cris, pas de voitures, pas de courses. Des hommes, des femmes et des enfants y marchent, prient, chantent, mĂ©ditent, ou, plus prosaĂŻquement, sây lavent ou lavent. Aucun formalisme, aucun cloisonnement. Un divin inclusif. Rien, ni personne nâest rejetĂ©. Le vivant est un. Les buffles, les vaches et les chiens le savent, et se mĂȘlent naturellement au lent ballet de lâexistence.
Tel est lâunivers des Dieux, celui de lâouverture. Câest lĂ quâils accueillent, enseignent et consolent.
A lâautre extrĂ©mitĂ© du monde, tout lĂ -haut, loin, se trouve la rue. Elle serpente sur la cime, singeant sinistrement le cours du fleuve. Ici, ce nâest plus de lâeau qui coule, mais des excrĂ©ments. Ici, ce nâest plus la lumiĂšre qui domine, mais le noir Ă©ternel. Ici, ce nâest plus le pays des Dieux, mais celui des hommes.
Coincée entre les maisons ...
Table des matiĂšres
- Couverture
- 4e de couverture
- Titre
- Copyright
- MARC
- POUSSER DES PORTES
- EN TERRES INDIENNES
- ĂPILOGUE