DEUXIÈME PARTIE
ILLUSTRATION MATÉRIELLE
DE LA SPOLIATION
QUELQUES CONSTATATIONS
PRÉLIMINAIRES
Quand on examine leur profil, on est frappé par la singularité des entreprises contractantes avec l’État du Sénégal dans le domaine des hydrocarbures. Il est vrai qu’aujourd’hui, les compagnies majors s’investissent de moins en moins dans l’activité d’exploration et préfèrent laisser les juniors, ou même les petites compagnies indépendantes, prendre les risques importants inhérents à cette étape, pour ensuite négocier leur entrée sous forme de joint-venture ou de contrat d’affermage, à défaut de racheter tout bonnement les permis.
Nous pouvons donc admettre que les États non pétroliers recourent à ces dernières, pour explorer leur potentiel en hydrocarbures, en leur offrant d’ailleurs un cadre incitatif très attrayant.
Cependant, cela ne doit en aucun cas justifier de transiger avec les exigences de transparence, de crédibilité et des références de l’opérateur. Si l’on regarde attentivement le profil de la plupart des entreprises avec lesquelles le Sénégal a contracté, trois constats se dégagent :
Des sociétés à très faible capitalisation créées pour la circonstance
Le secteur des hydrocarbures, de l’amont à l’aval, est un secteur exigeant qui nécessite de gros moyens financiers et techniques. C’est pourquoi il est requis des entreprises qui soumissionnent pour un bloc donné de justifier de références techniques et de capacités ou garanties financières conséquentes.
Tel n’est pas le cas de certaines compagnies auxquelles ont été attribués certains des blocs les plus prometteurs du bassin sénégalais.
C’est le cas de PETRO-TIM Limited, créé le 19 janvier 2012 avec un capital social de seulement 25 millions de francs CFA (50 000 Dollars US). Cette entreprise, qui d’évidence n’était qu’un écran, rétrocéda à TIMIS Corporation les blocs de Cayar et Saint-Louis offshore profond à peine deux ans plus tard. TIMIS Corporation, elle-même également créée pour la circonstance, cédera un mois plus tard 60% de ses intérêts à KOSMOS, sous la forme d’une convention d’affermage.
C’est le cas ensuite de TENDER OIL AND GAS CASAMANCE SARL, créée le 5 septembre 2013 avec un capital social de 10 millions de francs CFA. C’est avec elle que le gouvernement a conclu des CRPP pour les blocs de Saloum et Sénégal Sud onshore, dans une totale opacité. Au moment où j’écris ces lignes, TENDER OIL a déjà rétrocédé la totalité de ses parts sociales à une société émiratie inconnue dénommée CONSULTANCY FZE. La cession est consentie et acceptée, curieusement, au prix de 10 millions de francs CFA, soit à peine le montant du capital social.
Des sociétés à la réputation souvent sulfureuse
Certains des hommes d’affaires tapis derrière ces compagnies trainent des réputations sulfureuses de mauvais garçons des affaires.
L’australo-roumain, Frank Timis, est un homme d’affaires pour le moins atypique. Sa ténacité est toutefois à saluer, il s’est lancé dans les affaires sur les quatre continents que sont l’Europe, l’Australie, l’Afrique et l’Amérique. Tout y est passé, de ses débuts dans le transport par camion, au pétrole maintenant, prolongement certes logique de ses activités minières.
Parmi ses entreprises phares, Gabriel Resources - African Minerals - Pan African Minerals - European Goldfields, pour les activités minières, et African Petroleum - Petroleum International - Regal Petroleum pour les activités pétrolières et gazières.
Mais l’homme a souvent essuyé des échecs et a toujours été controversé, tantôt pour ses méthodes dans les affaires, tantôt pour ses techniques d’exploitation.
De 1996 à maintenant, il s’est plus distingué par des pratiques peu orthodoxes telles :
– Difficultés financières avec ses créanciers, soupçons de collusion avec les autorités administratives et oppositions avec les populations et les organismes de défense de l’environnement ;
– Bulle spéculative autour du pétrole roumain, ukrainien mais surtout grec, et enquête pour soupçon d’appartenance au crime organisé ;
– Propension au sous-investissement et au non-respect des engagements souscrits dans les contrats.
– Il a même été déchu, depuis octobre 2014, de toute responsabilité exécutive de la compagnie African Petroleum, à laquelle deux licences d’exploration ont été ...