SACRIFICE D'ANDREI TARKOVSKI (LE)
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SACRIFICE D'ANDREI TARKOVSKI (LE)

  1. 472 pages
  2. French
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SACRIFICE D'ANDREI TARKOVSKI (LE)

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À propos de ce livre

L'œuvre du grand cinéaste russe Andreï Tarkovski (1932-1986) n'a pas la réputation d'être facile d'accès auprès du grand public, et sans doute est-ce déjà une raison suffisante pour en explorer les énigmes et les mystères afin de la rendre plus accessible. En effet, celui qui prend la peine de scruter la richesse impressionnante de ses films découvre comme les strates multiples d'une vie et d'une œuvre entremêlées, qui ne se laissent pas sonder par les seules ressources de la raison.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2017
ISBN
9782806121479

CHAPITRE II
LE SACRIFICE : ANALYSE ET INTERPRÉTATION

Introduction

Nous allons maintenant aborder le dernier film d’Andreï Tarkovski, Le Sacrifice (1986)1. Cette œuvre importante dans l’histoire du cinéma mérite qu’une étude approfondie lui soit consacrée. Une première approche, socio-historique, exposera la genèse de l’œuvre : de la formation de l’idée cinématographique, jusqu’au tournage et à la réception du film au Festival de Cannes de 1986. Comme il s’agit du dernier film du cinéaste, nous accompagnerons le réalisateur lui-même jusqu’à son dernier souffle. Les derniers moments de sa vie montrent à quel point son existence et son œuvre ont été intimement mêlées.
L’analyse d’un film suppose de distinguer deux dimensions. Il y a presque toujours une partie descriptive. Il ne s’agit pas de décrire les images de tout un film, travail fastidieux et souvent inutile, mais d’en retenir les éléments les plus significatifs selon l’analyse que l’on se propose de faire. Le travail du découpage après montage est la manière la plus exhaustive de procéder. La deuxième dimension s’articule à la première : de la description il faut parvenir à l’observation : relever ce qui pourra servir la visée que l’on se propose dans l’interprétation, à savoir, en ce qui nous concerne, relever les éléments spirituels et théologiques du film et les mettre en perspective.
L’observation demande, dans un premier temps, de trouver des cadres et des structures dans lesquelles enregistrer les données quantitatives. Nous proposerons des méthodes et grilles d’analyse qui, par leur efficacité, certes relative, permettront de prendre la mesure d’un certain nombre d’éléments à examiner par la suite plus attentivement. À mesure que le travail avancera, l’interprétation jouera un rôle de plus en plus important, jusqu’à en éprouver les limites.
Nous proposons plusieurs méthodes de travail : deux méthodes attentives à la structure du film s’appuyant sur le découpage après montage en séquences, scènes et plans, et ensuite un séquençage à la manière de la sémiologie du cinéma. On complètera le dispositif par une analyse de la bande son, une analyse plan par plan, et une analyse thématique.
Si, théoriquement, une distinction subsiste entre analyse et interprétation, dans la pratique, les textes produits par les critiques contiennent souvent ces deux dimensions. Nous avons aussi appris de Tarkovski sa défiance à vouloir chercher un sens en dehors des impressions subies par le film, ce qui conduirait trop facilement, par exemple, à chercher des symboles là où il est surtout important de « vivre » un film2.
Dans ce travail, nous avons cependant essayé autant que faire se peut de distinguer l’analyse de l’interprétation dans un souci d’objectivation. Dans les deux premières méthodes que nous avons évoquées plus haut, découpage et séquençage, il est plus facile de s’en tenir à des éléments objectifs. L’analyse de la bande son oblige déjà à déborder l’unilatéralisme de ces deux structures : certains sons jouent un rôle essentiel, porteurs de sens, et se font entendre tout au long du film. L’analyse par plan, et plus encore l’analyse thématique (qui reprend de manière transversale le contenu de nombreux plans), nous plonge plus profondément encore dans l’interprétation. Finalement l’interprétation se justifiera toujours par l’excès de sens d’une image, qui tend à l’infini.
Une note de l’auteur peut éclairer la structure complexe du Sacrifice, elle-même liée à une intention, qui donne un certain style au film. C’est dans cette dernière œuvre que Tarkovski a voulu porter le plus loin possible l’accord qu’il voyait entre le cinéma et la poésie, ou pour le dire plus clairement, faire résonner les possibilités poétiques du cinéma comme manière de comprendre et aimer la vie.
En élaborant Le Sacrifice, je ne me suis plus limité à travailler chaque scène d’après ma propre expérience et les lois de la dramaturgie : j’ai essayé de construire tout le film dans un sens poétique, en unissant toutes les scènes entre elles. J’y avais attaché beaucoup moins d’importance dans mes autres films. Voilà pourquoi la structure générale du Sacrifice est devenue sensiblement plus complexe et a pris la forme d’une parabole poétique3.
C’est de cette structure complexe que nous allons essayer de donner idée en l’abordant sous les différents angles que nous avons mentionnés et en tâchant de les ouvrir sur autant d’interprétations possibles. Mais commençons par la genèse du film.

2.1. Genèse du Sacrifice

2.1.1. De l’idée au tournage

2.1.1.1. Une histoire longue à mûrir
Du premier long-métrage de Tarkovski, L’Enfance d’Ivan (1962) au dernier, Offret (1986) ou Sacrifice en suédois, un très long chemin a été parcouru par le réalisateur. Comment est née l’idée du Sacrifice ? En parcourant son Journal, on trouve une série d’indications et de notes à différentes époques qui permettent de découvrir une partie de la genèse du film.
Le 3 juillet 1975, le réalisateur a déjà en tête des éléments proches de la figure du futur Alexandre du Sacrifice, en travaillant sur E. T. A. Hoffmann (1776-1822). « Une chose est claire, c’est que l’une des strates de son œuvre, c’est lui-même, sa maladie, son amour malheureux, sa mort. Une autre, c’est le monde de son imagination, de ses œuvres qui n’ont pas encore vu le jour… »4. Comme Hoffmann, Alexandre est une figure de l’artiste complet : esthète, écrivain, essayiste, philosophe, acteur. Mais un événement s’est produit pendant cette même année 1975, qu’il est important de noter. Le 26 septembre, en effet, il note dans son Journal :
Je n’ai pas encore trouvé une minute pour consigner un petit événement qui a eu lieu ici, un mardi du mois d’août. À 8 heures 15 du soir, Larissa et Tiapa5 sont sortis pour accompagner Nikolaïev (le procureur) et le juge d’instruction, qui regagnaient leur voiture. Ils étaient venus avec des amis pique-niquer au bord de la rivière, près de chez nous. Les voilà debout près de la voiture, à bavarder. Soudain l’un d’entre eux aperçoit dans le ciel un éclat inhabituel, étrange. (Il y avait aussi, avec eux, V. Lipatkine, un ouvrier-maçon de Chilovo). Cette lumière s’avance vers eux, semblable à un champignon cerné par un contour plus lumineux, comme produit par la lune. Cet éclat a tout envahi autour, en s’approchant tout près, en s’aplatissant – puis s’est dissipé. Il s’est mis alors à faire tout à fait sombre. Le ciel était plein d’étoiles. L’un des observateurs – le procureur, je crois – a évoqué la guerre nucléaire et dit qu’il valait mieux mourir chez soi plutôt que n’importe où6. Ils sont montés aussitôt en voiture et sont partis (tous les trois). Rien de semblable, ni avant, ni après, n’eut lieu. Tiapa a eu très peur, et, durant plusieurs jours, il n’a parlé que de cela, cherchant à faire dire aux grandes personnes la raison d’un tel phénomène. Mais personne, évidemment, n’a su la lui dire. Tout cela s’est produit en l’espace de quelques minutes, donc dans une certaine durée. Je note tout cela d’après ce que m’ont raconté Larissa, Tiapa et V. Lipatkine7.
Événement inexpliqué mais significatif pour l’époque8. Il a pu influencer Tarkovski dans l’écriture des scénarios de Stalker et du Sacrifice, et même Nostalghia, en intégrant l’idée de fin du monde ou d’événements, signes mystérieux, évoquant la fin.
Pour revenir au Sacrifice proprement dit, nous trouvons encore une trace dans son Journal de notes préliminaires de ce qui ne constitue pas encore un scénario, mais seulement des impressions et idées. Ainsi, en juin 1979, il écrit :
Quelqu’un – un écrivain – a atteint les sphères spirituelles supérieures. Il est honnête. Solitaire. Il a connu le succès, l’agitation. Il constate sur sa figure des symptômes de lèpre. Il attend toute une année avant que la maladie se déclare ouvertement. Et c’est alors que les médecins lui déclarent qu’il est sain. Il rentre chez lui. De la poussière. Du papier tout usé, « mangé », que le crayon traverse. « Ça ne fait rien, ça ne fait rien ! C’est bien ! » Mais il est déjà vidé par la peur qui l’habite depuis un an. Son attitude de philosophe à l’égard de la vie s’est effondrée sous l’effet de la peur devant une maladie mortelle. Et il comprend que (et pourquoi) le pire des péchés est l’orgueil. Il ouvre le livre et lit Au commencement était le Verbe. Un géant pétrifié (Bagno Vignoni). Un homme qui a oublié que la mort lui était apparue. Il se torture pour se souvenir9.
De nouveau la question de la maladie le hante, puis celle de l’orgueil. Il y a surtout un verset biblique qui traversera toutes les versions des scénarios : « Au commencement était le Verbe » (Jn 1,1). En date du 20 avril 1980, il écrit :
Aujourd’hui je ne sais pourquoi, m’est revenue l’idée de Les deux ont vu le renard : peut-être qu’à la fin, après qu’ils ont regardé la télé et vu l’allocution d’un quelconque Capo, lequel parle du déclenchement de la guerre, l’un des deux se donne la mort, la nuit, après quoi l’on comprend que c’était un film et non point la vraie guerre10.
On retrouvera la scène de la télévision et l’annonce faite de la guerre dans Le Sacrifice. Sur ce qui suit, c’est la différence entre réalité et fiction qui est accentuée, Tarkovski en modifiera l’idée. Plus tard, le 28 décembre de la même année (1980), il note : « Je voudrais faire autre chose. Je voudrais faire : un écrivain à qui on a diagnostiqué une maladie mortelle. J’en ai parlé à Nekhorochev : il est pour, et ça plaît aussi à Strougatski »11.
Arrive alors l’année 1981. La collaboration avec A. Strougatski s’organise, bien qu’elle ne dure que jusqu’au mois de mai12. Tarkovski explique alors qu’il ne s’agit pas seulement d’une guérison physique mais aussi spirituelle, une « renaissance spirituelle » incarnée par l’image d’une femme. Pendant que Tarkovski travaille et réfléchit par à-coups à ce futur film, toutes sortes d’autres idées et de projets lui traversent l’esprit. Il travaille sur Nostalghia en novembre 1981, il a des idées pour un film sur saint Antoine13, père du désert, une idée qui perdurera jusqu’en 1986, l’année de sa mort.
Début 1982, il lit des textes des Pères de l’Église (Vies des Pères)14. Et c’est de là que l’idée de l’arbre sec qui reprend vie lui est venue. Nous en avons une trace dans son Journal, aux mois de février et mars 1982. Il y recopie texto l’apophtegme de Jean Colobos (ou Kolov) en date du 5 mars15. En juin 1982, il fait un rêve :
Je me suis endormi et j’ai rêvé de la campagne, de Miasnoié : un ciel lourd, sombre, menaçant, violet fo...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. COLLECTION
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Dédicace
  7. RÉSUMÉ
  8. PRÉFACE
  9. LISTE DES ABRÉVIATIONS
  10. INTRODUCTION
  11. CHAPITRE I – L’ESTHÉTIQUE TARKOVSKIENNE
  12. CHAPITRE II – LE SACRIFICE : ANALYSE ET INTERPRÉTATION
  13. CHAPITRE III – ENJEUX THÉOLOGIQUES
  14. CONCLUSION GÉNÉRALE
  15. BIBLIOGRAPHIE
  16. ANNEXE DÉCOUPAGE PLAN / SCÈNE / SÉQUENCE
  17. CRÉDITS DU FILM « OFFRET : SACRIFICATIO »
  18. Table des matières
  19. Titres parus dans la collection