Décentrement et travail de la culture
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Décentrement et travail de la culture

  1. 292 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Décentrement et travail de la culture

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À propos de ce livre

La notion de décentrement, qui organise la logique de ce recueil, permet, à travers la multiplicité des champs disciplinaires, de repenser les grandes questions littéraires, philosophiques, anthropologiques, en s'efforçant chaque fois d'effectuer un léger déplacement, particulièrement fécond en ce qu'il oblige à poser, penser autrement le regard sur les cultures contemporaines.
Ont contribué à la rédaction de cet ouvrage: Sihem Arfaoui, Catherine Bitoun, Thibaut Chaix-Bryan, Alya Chelly-Zemni, Julien Defraeye, Chantal Dhennin-Lalart, Béchir Ghachem, Anne-Lucile Gérardot, Jonathan Highfield, Christiane Legris-Desportes, Luisa Messina, Diana Mistreanu, Naïma Rachdi, Jacopo Rasmi, Olivier Tonneau, Souad Yacoub-Khlif, Jérémy Zucchi.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2017
ISBN
9782806121257

DEUXIÈME PARTIE :
désorientation,
désoccidentalisation

Désorientation, Désoccidentalisation
Les articles qui suivent abordent la question spécifique de la confrontation des cultures. En effet, l’expérience du décentrement consiste communément dans la rencontre, voulue ou forcée, avec l’autre, qui fascine, suscite la curiosité, repousse, invite au repli vers l’entre-soi. Le choc auquel l’individu est confronté un jour tient dans la découverte que ce qui enracine le plus profondément, à savoir, le territoire, le système de croyances et de valeurs, peut n’avoir aucune signification ailleurs. Ce qui a bercé l’enfance, façonné le rapport au monde, n’a finalement pas d’universalité et se trouve mis en cause dans ses fondements mêmes du simple fait de la confrontation. L’instrument qu’est la littérature contribue en grande part à ce travail, permettant, par le voyage intellectuel et mental, d’acquérir ce sens du relatif. Le déplacement modifie la perspective rendant visible ce qui était auparavant invisible. Ce chapitre met en présence les grandes scissions traditionnelles Orient/Occident, permet de franchir les lignes de démarcation entre l’Europe et les États-Unis, l’Europe de l’Est et de l’Ouest, faisant se superposer les images et se heurter les principes.
Parfois, les choses s’enclenchent de manière étonnante, comme le montre Alya Chelly-Zemni, indiquant comment un écrivain auquel on a longtemps apposé l’étiquette de régionaliste, Jean Giono, s’est trouvé subitement en correspondance avec un autre écrivain, celui des grands espaces américains qu’est Faulkner ; tout l’éblouissement vient de ce qu’à distance et dans des contextes résolument différents, les préoccupations fondamentales s’entendent comme identiques. Le mouvement d’extériorisation s’accompagne d’un mouvement réflexif, la pensée de l’autre imprègne la pensée de l’un, selon la logique du transfert culturel. La traduction facilite ces passages qui prennent d’autant plus d’intensité que le traducteur n’est pas seulement un traducteur mais un auteur à son tour. Le lecteur assiste donc à une circulation de connaissance, le brassage des idées s’accomplit plus librement. En indiquant comment les Égyptiens du XIXe siècle, et notamment Tahtâwî ou Mahmûd Taymût, ont abordé la culture française, ou nord-américaine, Naïma Rachdi détaille ce que l’on pourra appeler la réceptivité à l’autre. L’ingestion symbolique du colonisateur indique une appropriation culturelle qui n’implique pas le renoncement à sa propre singularité. En effet, approcher un autre continent, un nouveau système, peut s’accomplir suivant des formes de disponibilité ou de fermeture s’expliquant par les relations historiques entretenues par les parties. L’étude de Maupassant révèle constamment cette alternative. Vu de loin, tout apparaît aisément simplifiable, résumable, assimilable, mais un examen minutieux dévoile une extrême complexité qu’une certaine façon d’observer peut n’avoir pas souligné. De la curiosité, de la disponibilité, de la condescendance ou du mépris et ce sont des siècles de connivence ou d’errance au contraire. L’observation du nouveau se révèle profondément conditionnée par l’apprentissage antérieur et la manière dont celui-ci prépare à l’ouverture, l’attention, au désir, ou freine à l’inverse toute absorption ou tout risque de contamination. En outre, le mouvement inconscient peut être de rétrospection, ou de prospection, de réaffirmation, autant que d’abandon de soi. Cependant, cette préparation subjective, comme le montre Chantal Dhennin-Lalart, ne trouve pas nécessairement confirmation lors de l’expérience réelle : le héros Victor Lefranc, de l’écrivain Alcide Ramette, éprouve la guerre comme l’étonnant moyen par lequel échapper à l’expérience très limitée du paysan tenu à sa terre et à l’étroitesse de son village. Une opposition imaginaire entre ici et là-bas s’instaure très vite, qui laisse espérer l’Orient comme échappée mais se heurte rapidement à la désillusion.
Les romans contemporains de Diana Abu-Jaber, The language of Baklava, Crescent, explorent à leur tour un mythe orientaliste, celui du désert, la commentatrice, Sihem Arfaoui, analyse comment donner au lecteur d’Amérique du Nord une représentation du Bédouin ou de l’Arabe qui n’en passe pas par des stéréotypes lourds et attendus. L’originalité du portrait, l’approfondissement de l’investigation offrent la possibilité de modifier le schématisme habituel et donc de déplacer le point de vue dans lequel le spectateur américain tend à se complaire. Le roman constitue à cet égard un extraordinaire mouvement sur les formes, puisqu’à la différence du journal ou de l’essai il n’agit pas sur le mode de la conviction mais celui de l’émotion. C’est ce qui fait dire à Diana Mistreanu que l’écrivain est par essence un décentré, qu’il œuvre précisément à la mise en rapport, permet simultanément la confrontation symbolique et la confrontation réelle. En s’appuyant sur Andreï Makine, le propos tend à manifester l’écart entre une France imaginée comme idéal culturel, spirituel, littéraire, une Russie se parant à distance des mêmes atouts et le constat d’une autre vérité. L’intérêt de cette découverte n’entraîne pas un désaveu, mais un nécessaire réajustement, qui d’une certaine façon neutralise et humanise de ce fait une réalité qui apparaissait inatteignable. Ce concept d’écart est justement productif d’une manière générale lorsqu’il s’agit d’examiner la façon dont chaque observateur est victime de sa nature d’observateur. On saisit ce qu’il y a de déchirant, qu’on prenne le terme dans son sens concret ou métaphorique, dans le fait de penser entre les cultures et non pas dans l’une ou dans l’autre. Luisa Messina aborde la question par un autre biais, mais pour en arriver aux mêmes enseignements, lorsqu’elle prend comme terrain d’enquête le conte de fées et comment celui-ci devient un instrument du libertinage au XVIIIe siècle. La parodie permet ainsi de jouer avec la morale et de dénoncer les exigences de la convention. Là où sévit l’interdit et où s’exprime difficilement une relation plus audacieuse au réel, il faut trouver des biais, faire en sorte que l’indicible se dise, l’infaisable se fasse, l’inaccompli s’accomplisse. Le décentrement s’entendrait alors comme un outil méthodologique suscitant de nouveaux objets de recherche, dont les conséquences épistémologiques restent à mesurer.

Voyageurs d’Orient et d’Occident
Regards croisés

Alors qu’au XIXe siècle les écrivains voyageurs occidentaux voulaient concrétiser un rêve en venant chercher un Orient dont ils avaient trouvé la description, le plus souvent fantasmatique, dans les livres de l’époque, les voyageurs orientaux étaient partis en Occident au même siècle pour « dévoiler » le secret des Européens1 qui avaient prouvé quelques années auparavant leur supériorité militaire en occupant l’Égypte. Un écrivain voyageur comme Guy de Maupassant (1850-1893) a laissé un témoignage qui illustre bien la complexité de la relation que la France entretenait avec « l’Orient », à une époque dite « fin-de-siècle », où l’Europe était engagée dans l’ère de l’industrialisation, et où les écrivains venaient chercher en Orient une nouvelle inspiration ou un apaisement qui semblaient quelquefois difficile à trouver en Occident.
À partir de la même époque, du côté oriental, des voyageurs arabo-musulmans allaient à la découverte de l’Occident. Leurs récits de voyage nous éclairent sur la vision qu’ils avaient de l’Occident à une époque où ils commençaient à s’ouvrir aux échanges avec cette partie du monde jadis envisagée comme lointaine et hostile. Après Rifâ’a al-Tahtâwî (1801-1873), qui découvrit l’Europe à l’époque des premières missions culturelles égyptiennes en France, ce fut au tour d’un auteur comme Mahmûd Taymûr, « le Maupassant égyptien » (1894-1973) de faire découvrir l’Occident à ses compatriotes. Cette deuxième génération d’écrivains-voyageurs nourris de cultures étrangères, avait une démarche différente, obéissant moins au besoin de dévoiler un secret ou de justifier une « quête », qu’à celui de découvrir « l’Autre ».
Ces voyages, entrepris de part et d’autre, que ce soit dans un but littéraire, journalistique, d’apprentissage ou pour accompagner des entreprises coloniales, donnent souvent lieu à des récits qui peuvent aujourd’hui nous renseigner à la fois sur le pays visité et sur ses habitants, mais aussi, et surtout, sur le voyageur lui-même, sur son histoire culturelle et sur ses propres représentations.

Voyageurs d’Orient et d’Occident

Alors qu’au XIXe siècle les voyageurs venus d’Occident, habitués aux représentations littéraires de l’Orient, cherchaient à confronter un rêve à la réalité, les voyageurs arabes se rendaient en Europe, sans idées préconçues, pour découvrir le pays des Occidentaux, qui, en 1798, avaient fait irruption en Égypte, révélant ainsi la vulnérabilité du pays. À partir de ce moment-là, l’Orient, et notamment l’Égypte, se décida à compter avec l’Europe et surtout avec la France, qui n’était pas envisagée seulement comme une puissance colonisatrice, mais aussi comme le pays de la science et de la technologie. La France exerça, en effet, la plus forte influence en Égypte par rapport aux autres puissances occidentales comme le précise Anouar Abdel Malek qui distingue parmi les voyageurs et écrivains français : les savants et les hommes de lettres, ainsi que les philosophes et les philologues. La présence de ces voyageurs ne fut pas négligeable quant au développement d’une influence réciproque2. La France devint ainsi une destination de choix pour les missions d’études en Europe dont l’objectif était de former des cadres égyptiens qui allaient par la suite servir l’État. De nombreuses réformes furent entreprises, tant religieuses que culturelles et politiques, témoignant de l’effort considérable de modernisation du pays qui lui permit d’entrer dans une période de renaissance, qu’on appela la Nahda3. Dans la course de l’Orient à la modernité, l’Occident était désormais perçu comme un modèle. L’image d’une Europe décimée par la peste et vivant dans l’obscurantisme pendant que les califats arabes prospéraient, et qui a longtemps nourri l’imaginaire arabe, appart...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Avant-propos
  6. PREMIÈRE PARTIE : Décentralisations, Décolonisations
  7. DEUXIÈME PARTIE : désorientation, désoccidentalisation
  8. TROISIÈME PARTIE : Délocalisations, Déterritorialisations
  9. Table des matières