Mes Pépins et mes pépites
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Mes Pépins et mes pépites

  1. 93 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Mes Pépins et mes pépites

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Table des matières
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À propos de ce livre

Qu'est-ce qu'un récit de vie? Comment l'écriture trouve-t-elle sa place dans l'équilibre fragile d'un protocole de soin? Au delà même de la dimension cathartique, salvatrice de l'exercice, vécu et mené par un(e) patient(e), le récit personnel, dans sa brutalité humaine et sociale, questionne le citoyen. Psychiatrie, psychologie, communication, à travers leurs échanges, bâtissent des dispositifs de soins, à chaque fois originaux, parce que chaque patient a son histoire, ses cris, ses silences, ses victoires aussi.Derrière le chemin de reconstruction décrit dans le livre, chacun doit s'interroger sur le drame de l'inceste et son cortège de silences coupables.Un récit bouleversant et encourageant

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2016
ISBN
9782806660756

Chapitre 1
Dire « non »

La première fois que j’ai essayé de dire « non », ce n’était pas pour moi, c’était pour ma sœur ; et pourtant cela faisait bien longtemps que j’aurais aimé être capable de dire « non ».
Il y a ce jour où le père dormait (mais toujours sous l’emprise de l’alcool) une de tes sœurs était sur le canapé, seule (tu ne te souviens pas où étaient les autres). Le Père s’est jeté sur ta sœur qui s’est vite retirée (elle au moins a réussi à le repousser) il te semble que tu arrivais du travail, elle est sortie en pleurant. Après vous êtes allées à la gendarmerie où ta sœur a porté plainte, et toi tu as parlé. Mais cette plainte (il n’y en a plus de trace) elle n’a jamais abouti.
Pendant tous ces temps, je n’ai jamais réussi à dire « non ». J’ai réussi quand même à m’interposer un jour, pour protéger la mère. La mère… elle, m’avait-elle protégée de mes bourreaux ?
Au retour d’un voyage de la mère, un voyage à Tahiti que tu lui avais offert, en octobre 1989, le père et l’oncle étaient sortis comme tous les samedis et dimanches. Et ils sont rentrés complètement bourrés. Le père a tenu des propos terribles à la mère. Comme quoi elle s’était fait sauter par des noirs, et qu’elle était enceinte. Il avait ce regard méchant et mauvais. Comme il rentrait de la chasse, il avait son fusil à la main et il voulait tuer la mère. Tu as dit à ton petit frère (tu crois, mais tu n’en es pas très sûre) d’aller te chercher le grand couteau dans la cuisine, et tu l’as caché derrière ton dos. La mère était sur le canapé ; il y avait deux de tes sœurs, et ton petit frère ; et le père devant la télé à côté de la porte de sa chambre avec le fusil chargé. Il a fini par tomber tellement il était bourré. Vous avez appelé les pompiers qui s’y sont mis à cinq pour pouvoir le tenir tellement il se débattait. Vous avez aussi appelé la gendarmerie qui n’a pas voulu se déplacer.
C’est à ce moment-là que l’on se demande à quoi ça sert d’appeler s’ils ne peuvent rien faire. Il faut qu’il y ait coup, blessure, meurtre, pour qu’ils viennent.
Et il a bien failli y en avoir un…
… si le père s’était approché plus près de la mère, car tu étais entre les deux, tu lui aurais peut-être mis ce coup de couteau dans le ventre.
« Gentille », tu es gentille disait le père. On n’a pas le droit de ne pas être gentille, il fallait que je sois « gentille ». Quand on est une fille bien élevée, on est gentille. Sinon… la peur, la peur qui colle à la peau.
Tu as toujours cette peur du fusil et de cette méchanceté qu’ils ont quand ils sont complètement bourrés, ou entre deux vins.
Comment réapprendre qu’on a le droit de dire non ? Il a fallu qu’on m’aide. Quelques-uns l’ont fait. J’ai eu beaucoup de pépins, plus que mon compte, mais heureusement j’ai eu aussi quelques pépites dans ma vie.
La pépite Flavienne, toujours à mes côtés, que j’ai longtemps appelée « Madame ». C’est elle qui m’a dit un jour, Valérie, ça suffit, ils n’ont pas le droit ! C’est vrai qu’à ce moment-là, le puits de larmes était plein, mon âme était morte. La petite flamme de mon existence vacillait dangereusement. Mais il était lourd ce « non » ; il était puissant, ravageur, destructeur ! un cri ! Pour cela il faut utiliser le stylo rouge ! Le procès, la condamnation des bourreaux. Et d’autres qui, eux aussi, disent non, qui me soutiennent, me défendent, à ma grande surprise. Le procès… Tous les journaux en ont parlé.
Il a fallu subir tout cela. Maintenant je sais dire non. Enfin, j’essaie… Pour réapprendre à dire oui, il m’a fallu d’abord apprendre à dire non. Aujourd’hui encore, c’est si difficile de dire non. Le docteur Falklands, un jour, m’a montré comment faire.
… un lundi matin, le Dr Falklands, le médecin psychiatre qui me suit, m’a demandé comment s’était passé le week-end, et si j’étais prête à recevoir Monsieur Le Boëdig, celui qui doit m’aider à écrire tout ça, à 14h. L’entretien que j’ai eu avec M. Le Boëdig, ses mots, le psychiatre, les infirmiers m’ont fait beaucoup réfléchir ce fameux lundi. Le lendemain j’allais en finir, mais je ne l’ai pas fait. J’ai jeté les médocs dans les toilettes. Et j’ai raconté ce que je voulais faire ensuite. Je me suis ouverte un peu plus. J’étais beaucoup plus agréable et souriante (c’est en tout cas ce que l’on m’a dit). Et j’ai continué ainsi, jusqu’à la fin de mon hospitalisation, à être plus ouverte. J’avais demandé à quitter la clinique le 5 février 2016. Ce que j’ai fait. J’ai toujours mes rendez-vous avec M. Le Boëdig, le lundi et le jeudi, ainsi que des rendez-vous avec le psy ou le médecin.
Le vendredi, deux jours après avoir fait ma crise, j’ai dit au Dr Falklands que je m’excusais encore et que j’en avais marre de ne pas savoir dire non et que cela m’énervait.
Est-ce que tous les hommes sont des salauds me demande tout à coup le Dr Falklands ?
Ben non ! Pas tous, je lui réponds.
Il m’a posé une deuxième question, mais je ne m’en souviens plus. Vous voyez bien que vous savez dire non, m’a-t-il dit. J’ai rigolé…
Maintenant, je vais raconter
Je vais raconter ce à quoi il aurait fallu dire non. Les victimes, les bourreaux, les victimes-bourreaux. Les pépins et les pépites. Je vais ouvrir cette valise sans fermeture, sans poignée, que je traîne avec moi, en vrac, depuis trente ans. On va remettre de l’ordre là-dedans, il le faut. Pas pour être gentille avec les autres. Pour enfin être gentille avec moi. Peut-être me réconcilier avec moi-même.
Dans mon récit, il est parfois trop dur de dire « je ». C’est donc parfois un dialogue avec moi-même qui s’engage ; comme si j’acceptais de me reparler à moi-même après un long silence ; les lecteurs m’en excuseront, il y avait si longtemps que je ne m’étais plus adressé la parole à moi-même.
La famille d’abord. Pour me rappeler tout cela, j’ai retrouvé des photos sur un CD. Un moment difficile, Frédéric, mon compagnon d’alors, a bien vu que plein de choses tragiques remontaient à la surface. Et je me suis rendu compte qu’il n’y a quasiment pas de photos de moi… C’était quoi ma place dans cette famille ?
Mercredi 23, j’ai cherché des papiers, pour retrouver certains souvenirs. J’ai retrouvé des CD/DVD que je n’avais jamais vus. Le premier c’était les photos du mariage de Virginie, ma nièce, avec X*** en 2005. C’est moi qui avais payé son mariage, en grande partie. Bien sûr je n’y étais pas. Il y avait la mère et son compagnon ; il y avait aussi deux de mes sœurs, Sandrine, ses filles et son compagnon, Dominique ; et Sophie, son mari et ses garçons.
Le deuxième CD c’était des photos anciennes, en noir et blanc, d’autres plus récentes. J’en ai pleuré parce qu’il y avait très peu de photos de moi petite et en famille. Le père non plus. Si cela se trouve j’étais en train de lui faire toutes ces saloperies quand ces photos ont été prises. J’ai pleuré quand j’ai vu tout cela ; pas de joie, mais de colère et je me suis dit que la mère ne devait pas beaucoup m’aimer, que le père avait raison.
Les seules photos où j’ai pleuré de joie, c’était les rares photos où j’ai vu ma petite Nini, la chienne. J’étais anéantie. (…)
J’ai dit à Frédéric que j’aurais mieux fait de ne pas regarder ce deuxième CD. Il m’a alors prise dans ses bras…
La famille
Aujourd’hui, à part un des frères, Ludovic, tout ça, c’est fini. Pour la plupart des gens, la famille, les frères et sœurs, c’est le bonheur, l’affection, la complicité, la paix. Pour moi, cela aura été le malheur, la violence, l’indifférence.
Je suis née d’une famille d’ouvriers agricoles dont je suis le huitième enfant. Et celle par qui le scandale est arrivé ce fameux jour du 29 août 1998. Le jour où j’ai porté plainte contre mon père et mon oncle pour crime d’inceste et viol.
Ma mère est née le 3 septembre 1945 à Plassac en Gironde. Le père, Yves est né le 29 décembre 1938 à Tauriac, Gironde.
De cette union est née Christine, le 4 mars 1962 ; elle a été élevée par les grands-parents maternels. Je me souviens des yeux méchants de cette grand-mère, avec sa canne ; je n’ai pas de bons souvenirs avec elle, on l’appelait Mamie. Son mari était lui tout le contraire : gentil, généreux, nous l’adorions. La mère adorait son père ; il était surnommé Papé.
Ensuite est né Bruno, le 9 avril 1963 ; il travaille depuis l’âge de 14 ans au Domaine viticole du Bourgeais et jusqu’à ce jour.
Puis Nathalie, le 13 juin 1964, aujourd’hui mariée à un cousin germain de la mère. (…)
François, dit « le breton », est né le 27 décembre 1965, également ouvrier au Domaine viticole du Bourgeais. Je ne sais pas s’il y est encore.
Puis Didier, né le 18 mars 1967, qui travaillait dans un garage automobile.
Puis Sylvie, surnommée Manie, née le 23 janvier 1969 (je ne sais pas si elle travaille, ni où). Elle a donné naissance à l’âge de seize ans à une petite fille, le même jour qu’elle, un 23 janvier, en 1986, une petite fille prénommée Virginie (surnommée Nini), que la mère a élevée jusqu’à très tard. Ce qui fait que le père avait encore un peu plus de « liberté » et des rapports encore plus forts avec moi. La mère ne couchait plus vraiment dans le même lit que son mari.
Ensuite est née Sandrine, dite Chochotte, le 14 mars 1970. Elle travaille dans une serre de tomates à Brest. Elle a deux ados. C’est elle que j’aide beaucoup financièrement depuis des années. Et je continue de le faire parce que la mère, avant de nous quitter, le 13 octobre 2008, lui avait dit que si elle en avait besoin, il fallait qu’elle s’adresse à moi, Valérie, que je ne la laisserai pas tomber. Pourtant, à cette époque, je ne parlais pas trop avec la mère et certains autres membres de la famille.
Ensuite c’est moi. Née le 15 mai 1971. Puis Thierry, dit Néné, ouvrier agricole. Sophie, dite Manou, le 9 septembre 1974, Suzy, dite Mady, née le 4 janvier 1976, que j’ai un peu aidée aussi et qui travaille comme intérimaire en Vendée dans une usine de poulets et œufs. Ludovic né le 28 août 1977, agent de voirie à Anglet, que j’ai aidé aussi.
Puis Fabrice dont je ne connais ni la date de sa naissance, ni celle de son décès ; je n’en ai jamais entendu parler à la maison. J’ai lu cela une fois sur le livret de famille.

Chapitre 2
Cracher les pépins

Noir
Tout ce qui va venir sera écrit en noir, avec la couleur noire de mon stylo quatre couleurs ; celui avec lequel j’ai commencé à écrire tout ceci. Le noir, c’est la pourriture. Le bleu c’est le ciel, le « pourquoi pas la vie », les pépites, la vie qui pourrait continuer, qui doit continuer ; les bons moments. Le vert, je ne sais pas encore à quoi il va servir. Demain ? Oui demain peut-être en vert. Le rouge, c’est les cris, ça, c’est bien clair dans ma tête… mais je ne sais pas bien crier… Souvent le cri s’arrête dans ma gorge… Je ferme les volets et les rideaux, je me mets dans le noir… genre la Valérie numéro 2… J’ai mon scénario… Mais même dans ce mode-là, il faut que je m’excuse.
… ce mercredi-là, quand le Dr Falklands est passé dans ma chambre, il m’a dit qu’il fallait que j’arrête de rester dans le noir. Ce même mercredi, le matin, il m’avait énervée : quand il est parti vers 11h30, je me suis accroupie par terre en larmes et bien sûr dans le noir. Quelques secondes plus tard, ça frappe à la porte de la chambre ; je n’ai même pas eu le temps de réagir, c’était le Dr Falklands qui était revenu. Il s’est mis contre le mur en face du lit : qu’est-ce que vous faites là ? me demande-t-il. Ouvrez-moi ce rideau s’il vous plaît. J’étais tellement énervée que, de colère, j’ai ouvert son rideau, je suis passée devant lui en claquant les portes, puis dans le couloir où Cécilia et Laurence étaient en train de discuter. Ensuite j’ai passé la porte menant à l’extérieur. (…)
Plus tard j’ai demandé à voir le Dr Falklands le soir. Quand il est venu me voir, je me suis excusée de mon comportement. Je lui ai dit que j’essaierai de ne plus rester dans le noir ; ce que j’ai fait. Il m’a demandé comment j’allais et m’a dit qu’il espérait que (…)
Il espère quoi ? Qu’espèrent-ils tous ? Et toi, la Valérie numéro 2, t’espères quoi ? Que ça s’arrête ! Que ça s’arrête ! Ton scénario comme tu me le dis… Ton scénario à toi que tu as là, bien dans la tête, mais aussi bien au bout de ton stylo, heureuseme...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Dédicaces
  6. Avertissement au lecteur, à la lectrice
  7. Prologue
  8. Chapitre 1 – Dire « non »
  9. Chapitre 2 – Cracher les pépins
  10. Chapitre 3 – Apprivoiser
  11. Chapitre 4 – Donner
  12. Chapitre 5 – Réparer
  13. Chapitre 6 – Partir
  14. Chapitre 7 – Vivre
  15. Épilogue
  16. Annexe
  17. Parus dans la même collection