Russie d'hier et d'aujourd'hui
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Russie d'hier et d'aujourd'hui

Perceptions croisées

  1. 322 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Russie d'hier et d'aujourd'hui

Perceptions croisées

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À propos de ce livre

Les Français nourrissent volontiers l'image d'une « Sainte Russie », chargée d'histoire et de tradition, mais ils sont en même temps souvent tentés de voir dans la Russie contemporaine une puissance énigmatique et inquiétante. Ainsi l'âme de la vieille Russie n'est-elle pas aussi celle qui anime un peuple que nous appréhendons chaque jour plus difficilement? Cet ouvrage se propose d'analyser les relations qu'entretient la Russie avec la France, à la lumière d'approches historique, politique ou encore littéraire.

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Informations

Éditeur
SPM
Année
2016
ISBN
9782336770253

Troisième partie

Une histoire commune

Chapitre VII

Denis Diderot et le Nakaz de Catherine II

Guillaume Bernard

INTRODUCTION

Les enjeux d’une instruction

La princesse Sophie-Auguste (1729-1796), rebaptisée Catherine par l’impératrice Élisabeth1 (1740-1761), monta sur le trône impérial de Russie en 1762 au bénéfice du coup d’État des frères Orloff qui avaient renversé son époux, Pierre III (1728-1762)2. Dans le cadre des rapports entre la France et la Russie au XVIIIe siècle3, les relations entre Catherine II et les philosophes des Lumières, notamment Diderot (1713-1784)4, tiennent une place relativement importante dans l’histoire des idées politiques.
Quelques années après son accession au pouvoir, l’impératrice rédigea une instruction, appelée Nakaz, à l’intention d’une commission législative, dans laquelle elle définissait ses orientations philosophiques. Le terme Nakaz sert « à désigner, dans un style administratif, toute instruction donnée à un inférieur ou à tout autre commis, par exemple par un seigneur à son intendant » ; il est usité « en particulier pour désigner – outre la Grande Instruction de Catherine – les cahiers de doléances remis par leurs électeurs aux députés de 1767-1768 »5. Ainsi, l’Instruction de Catherine II, dénommée aussi « bulle d’or »6, était-elle destinée à guider les délibérations de l’assemblée connue sous le nom de « Grande Commission Législative »7.
En effet, Catherine II avait constaté une assez grande désorganisation du droit et de la justice8. Si Pierre Ier avait été « grand », c’est pour avoir été législateur ; Catherine II, pour se montrer digne de lui, devait aussi le devenir9. Aussi, convoqua-t-elle, par un manifeste du 14 décembre 1766, une commission législative. Cette assemblée représentait toutes les catégories sociales de l’empire (nobles, citadins et paysans libres), y compris des minorités non chrétiennes, à l’exception des serfs et des membres du clergé10. En effet, pour ce qui concerne ces derniers, l’Église y avait sa place non pas en tant qu’institution indépendante, mais par l’intermédiaire du Saint Synode. L’assemblée fut donc composée de 564 personnes représentant la population (un député urbain par ville, un député noble par district, un député par province) et de 28 représentants de l’administration, issus des principaux corps de l’État. La commission commença à délibérer à l’été 1767 ; elle siégea d’abord à Moscou puis à Saint-Pétersbourg (à partir de février 1768) ; ses travaux furent arrêtés en janvier 176911. Avant d’analyser la position de Diderot vis-à-vis du Nakaz, quelques points doivent d’abord être précisés.

L’élaboration du Nakaz

La rédaction (et la traduction) du texte de l’Instruction suivit les étapes suivantes12. En mars-avril 1766, la première ébauche composée en français par l’impératrice fut traduite en russe par les secrétaires de Catherine II. Cette dernière continua, alors, son travail en russe. La version officielle fut publiée dans cette langue en 1767. Quant à la version française du Nakaz, elle connut deux versions différentes. Il y eut, en 1769, une traduction du texte officiel, ce qui explique des différences entre certains articles de l’Instruction et les passages des sources, comme L’Esprit des lois, qui y sont citées. Ensuite, une édition quadrilingue (russe, français, allemand et latin, cette dernière traduction étant l’œuvre de Gregori Vassilievitch Kozitski13) vit le jour en 1770 ; la transcription française de certains articles fut corrigée : la fidélité aux sources fut, dans quelques cas, améliorée mais, dans d’autres, dégradée.
Des imprécisions quant à l’objet du Nakaz doivent être corrigées : ni Catherine II ni Diderot ne rédigèrent un code. D’une part, la première écrivit une instruction pour la rédaction de lois ; le Nakaz n’était pas, contrairement à ce qu’a pu écrire Voltaire, un code pour lequel la souveraine avait consulté le peuple russe14. Le philosophe, thuriféraire de Catherine II, mettait, là, « en place une lecture partiale de la réalité » permettant d’affirmer la reconnaissance internationale de la pensée moderne en faisant l’apologie de la tsarine15. En outre, contrairement à ce qui est généralement cru16, ce n’était pas dans le but de leur demander de confectionner eux-mêmes un code que Catherine II avait réuni les représentants des provinces à Moscou ; cette commission devait faire connaître au pouvoir central les doléances du peuple et proposer des textes devant être soumis à la sanction impériale17. D’autre part, Diderot rédigea (en août 1774) un commentaire du Nakaz18 et non un code comme cela a pu être évoqué19.

Le contenu du Nakaz

Véritable « catéchisme de la raison et traité de science politique »20, le texte de l’Instruction impériale fut pensé, préparé, écrit et réécrit par Catherine II. Elle y donna un écho aux « idées françaises » ; représentante de ce qu’il est convenu d’appeler le despotisme éclairé21, elle s’est voulue partisane de l’esprit des Lumières en Russie22. L’impératrice y prônait, par exemple, l’égalité de tous devant la loi23 et considérait que les institutions avaient pour tâche de l’assurer24. Elle prit position contre la question25 et le droit d’aubaine26, mais pour la tolérance religieuse27 (au sens moderne du terme)28 et la liberté de commerce29. Ainsi, l’influence d’auteurs comme Montesquieu30, Beccaria31 ou des physiocrates à l’instar de Mercier de la Rivière (qui passa l’hiver de 1767-1768 à Saint-Pétersbourg)32, y est-elle explicite33. Si Catherine II n’a sûrement pas rédigé le Nakaz exclusivement pour changer l’image de la Russie que le baron de La Brède (en particulier sur la question du despotisme34) en avait donnée, cela a tout de même eu une importance non négligeable35 : l’impératrice avait très vraisemblablement lu Montesquieu dans les éditions critiques établies par Élie Luzac36. Au final, l’Instruction de Catherine II apparaît comme « une mosaïque philosophique », une œuvre assurément brillante mais pouvant manquer de cohérence, un travail témoignant plus de l’érudition de son auteur qu’il n’offrait de solutions pratiques37.
Il semble qu’il ne soit pas juste d’accuser l’impératrice d’hypocrisie ou de manœuvre politique – se drapant dans la pensée des Lumières pour justifier son pouvoir –, en comparant les idées du Nakaz, la réalité russe et les mesures prises par la suite38. Deux raisons peuvent être inventoriées : d’une part, le Nakaz n’était pas un programme législatif mais un exposé d’idéaux et, d’autre part, la pensée de Catherine II évolua. Deux décennies plus tard, son opinion sur les Philosophes était devenue manifestement moins amicale39.

La destinée du Nakaz

L’Instruction ne connut en Russie qu’une diffusion restreinte (auprès des députés de la commission et des instances gouvernementales et administratives les plus élevées)40. Il devait cependant être, par la suite, intégré au Sobranie établi par Spéransky41, ce qui témoigne de son importance dans l’histoire de la codification russe. Toutefois, l’engouement fut surtout très grand dans l’Europe éclairée, l’impératrice ayant d’ailleurs recherché l’approbation des étrangers42 ; le Nakaz fut, par exemple, utilisé, en France, par doctrine parlementaire43.
À l’exception de Charles-Louis de Secondat, les Lumières – en particulier Voltaire44 – prirent fait et cause pour une association des pouvoirs forts et des Philosophes contre l’ancienne alliance du trône et de l’autel45. Ainsi, Diderot passa-t-il l’hiver de 1773-1774 à Saint-Pétersbourg46. Mais, la rupture avec Catherine II se profila vite47. Le philosophe fut alors très sévère pour l’impératrice : ses Observations sur le Nakaz se situent dans cette phase critique. Dans ses Essais sur les règnes de Claude et de Néron, il compara même la tsarine à un empereur romain et lui-même à Sénèque48. Diderot appartenait au courant des Lumières le plus radical qui finit par considérer l’impératrice comme, pour le moins, trop prudente.
Les appréciations de Diderot sur le Nakaz consistèrent plus en une critique, souvent vive, d’un certain nombre d’assertions de Catherine II qu’en une analyse complète et systématique du texte. Il approuva ou contesta, régla en tout cas ses comptes. Ainsi, pour les questions économiques, Diderot prit-il plusieurs fois position contre les physiocrates : tout en affirmant que « la condition de l’agriculteur » était « la plus essentielle de toutes »49, il considérait que le « principe des économistes porté à l’excès condamnerait une nation à n’être que des paysans »50. Il prit, de même, position contre Rousseau en affirmant que ce ne furent pas les « sciences » qui avaient « dépravé les hommes »51.
Il s’agissait donc surtout pour lui d’avoir l’occasion de développer ses propres idées plus que de commenter celles de l’impératrice (le Nakaz étant composé de 655 articles répartis en vingt-deux chapitres). Si le fait de prendre comme amorce de son texte celui de Catherine II ne fut sans doute pas un s...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Citation
  6. Préface. – Douce France et sainte Russie Jean-Louis Backès
  7. Introduction. – Anne Pinot et Christophe Réveillard
  8. Première partie – La géopolitique russe
  9. Deuxième partie Perceptions françaises d’une Russie orthodoxe
  10. Troisième partie Une histoire commune
  11. Quatrième partie Littérature et âme des peuples
  12. Cinquième partie Repères contemporains
  13. Les auteurs
  14. Table des matières