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Récits de jeunes issus des migrations - en France et en Allemagne

  1. 334 pages
  2. French
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Récits de jeunes issus des migrations - en France et en Allemagne

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Table des matières
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À propos de ce livre

Cet ouvrage est l'aboutissement d'une recherche centrée sur les histoires de vie de jeunes issus des migrations, vivant en France ou en Allemagne. Que nous disent ces jeunes de leurs expériences culturelles et sociales, de leurs parcours en matière de formation, des rapports qu'ils entretiennent avec l'institution scolaire, du pays d'accueil? Comment perçoivent-ils leur avenir personnel et professionnel? Sommes-nous tous finalement « condamnés à l'interculturel »?

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Téraèdre
Année
2016
ISBN
9782336759210

Sixième partie

À la recherche du chercheur :
implications interculturelles

Anissa Ben Hamouda, Martin Bittner,
Vera King, Delphine Leroy et Elvin Subow

Notre dispositif est en lui-même
un objet de recherche

Anissa Ben Hamouda et Delphine Leroy

La première phase de cette recherche franco-allemande s’est axée autour du recueil de données sur les terrains puis sur de premières ébauches d’interprétation par le collectif de chercheurs. C’est sur cette première étape fondamentale de notre formation-recherche que nous allons à présent nous recentrer. Cette dernière partie est à entendre comme une forme de méta-recherche, de recherche sur la recherche par la recherche.
Cette histoire, c’est l’histoire d’un projet tel qu’il a été ressenti par ses acteurs. C’est l’histoire d’une rencontre, d’un défi interculturel à différentes échelles : de la constitution d’un groupe, sujet à ses propres dynamiques internes, et objet d’un contexte sans cesse mouvant à la formation de chercheurs par une pratique collective.
À travers un écrit réflexif et impliqué, nous proposons de mettre en lumière ce qui nous a semblé particulièrement intrigant – dans le sens d’intriguer : « embarrasser en donnant à penser, en excitant la curiosité » – pour nous, jeunes chercheurs en sciences de l’éducation, dans cette expérience collective. Dépeindre cette démarche originale de la recherche par la recherche, c’est poursuivre le processus enclenché dès notre inscription dans ce projet. C’est aussi tenter de promouvoir une certaine approche de la formation à la recherche.
L’implication, notre fil d’Ariane
La question de l’implication et de ses multiples modalités d’expression dans un dispositif de recherche à l’image du chercheur collectif1 de René Barbier nous offre l’opportunité d’interroger sous un angle différent, en faisant un pas de côté, la variété des enjeux d’une telle recherche sur les projets et histoires de vie de jeunes avec arrière-plan migratoire. Considérons
l’implication comme un engagement personnel et collectif du chercheur dans et par sa praxis scientifique, en fonction de son histoire familiale et libidinale, de ses positions passées et actuelles dans les rapports de production et de classe, et de son projet sociopolitique en acte, de telle sorte que l’investissement qui en est nécessairement la résultante est partie intégrante et dynamique de toute activité de connaissance […]. J’appelle implication aujourd’hui le système de valeurs ultimes (celles qui rattachent à la vie) mises en jeu en dernière instance d’une manière consciente ou inconsciente par un sujet en interaction dans sa relation au monde, et sans laquelle il ne saurait y avoir de communication. (Barbier, 1997 : 260-261)
Ainsi l’implication interviendra-t-elle en tant que fil d’Ariane des propos qui vont suivre. Questionner l’implication est primordial dans toute recherche en sciences humaines et sociales, d’autant plus lorsqu’elle est empirique et qualitative. Elle oriente les fondements épistémologiques, les choix méthodologiques et théoriques du chercheur. Elle peut être frein ou moteur selon que le chercheur a travaillé ou non sa propre distance. Elle doit toujours faire l’objet d’une réflexion, d’un effort d’explicitation, parce que garante de la légitimité des résultats de la recherche.
Dans l’après-coup, il apparaît que c’est un travail proche d’une épistémologie de la complexité (Morin, 1986) qui transcende les appartenances et les enjeux scientifiques. Ainsi Pagès précise-t-il que « le choix de la complexité suppose un difficile travail de deuil de la croyance en la possibilité d’une explication universelle, qui se joue au confluent de l’histoire individuelle et collective » (Pagès, 2006 : 32).
Une entrée dans l’interculturel
Cette étape s’est d’emblée inscrite dans une dynamique interculturelle dès lors que de jeunes chercheurs français et allemands ont été amenés à se rencontrer, à se reconnaître à partir d’un matériau lui-même inscrit dans la diversité.
Ainsi pouvons-nous concevoir « l’interculturalité » comme l’ensemble des processus – psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels… – générés par les interactions de cultures, dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle des partenaires en relation. (Clanet, 1993 : 21)
Si l’on s’en tient à cette proposition de Claude Clanet, c’est bien en ces conditions que notre formation-recherche fut menée.
Par ailleurs, comme le précise Martine Abdallah-Pretceille dans L’Éducation interculturelle (1999), en tant que philosophie intimement liée aux expériences sociales, l’interculturel s’articule sur une double dynamique de pensée et d’action qui autorise à l’introduction d’une hétérogénéité qui fait norme. L’interculturel – en tant que mode spécifique de cheminement de la pensée et de l’action – vient ici favoriser la mise au travail du groupe franco-allemand à partir de ces angles de prédilection :
– le premier vient questionner les modes d’entrée dans la recherche et les implications qui lui sont afférentes. En matière d’entrée(s) dans la recherche, ce sont les implicites, allants-de-soi et stéréotypes « culturalistes » qui gagnent à être dépassés ;
– le deuxième ouvre à l’appréhension de la complexité de notre approche et ses incidences sur nos choix et orientations méthodologiques. Il pointe les interactions du groupe de chercheurs sur les outils et les postures de la démarche d’analyse des données. Ces interactions ouvrent à l’apprentissage de la recherche et de ses finalités, condensées dans la question : apprendre à chercher et… à trouver ?
– le suivant aborde les efforts de compréhension mobilisés pour la réalisation d’un travail commun, qu’ils soient linguistiques ou plus largement culturels. L’enjeu est alors d’accéder à une intelligibilité effective et efficiente dans l’interaction, elle-même déjà source d’apprentissages transculturels. Qu’est-ce qu’apprendre à chercher sinon apprendre à (se) comprendre ? Voici notre manière d’entrer dans cette problématique. Il s’agira aussi de questionner ce qui est de l’ordre des apprentissages informels, véritable socle de savoirs porteurs de sens en matière de représentation du monde comme d’inscription professionnelle ;
– enfin le dernier tente de clarifier ce que les termes liés à l’interculturel ont pu recouvrir comme réalités pour notre projet. Réelles opportunités d’une mise en abîme exceptionnelle car la focalisation sur l’objet de l’enquête actionne un va-et-vient entre les jeunes interrogés et les jeunes chercheurs en situation de travail interculturel, parfois eux aussi issus des migrations. Il s’agit d’interroger l’interculturel au sein de notre formation à la recherche, comme moyen et outil de recherche.
En ce sens, nous considérons que les
données interculturelles [sont] des données construites qui correspondent à des attributs. Désigné comme un discours, comme une problématique, ou une approche, l’interculturel relève d’un mode d’interrogation spécifique et non d’un champ d’application particulier. (Abdallah-Pretceille, 1999 : 52-53)
Alors émerge cette richesse que représente « toute pensée du divers » fondée sur le réel qui ouvre l’universel au singulier et le singulier à l’universel.
Entrées en recherche et implications
Du discours à la méthode
C’est dans une double dynamique que s’est inscrit le projet de formation à la recherche par la recherche : entre investigations autour d’un objet de recherche aux contours communs et investigations autour d’une multiplicité de modes d’approche et d’appréhension de la recherche en sciences humaines et sociales.
D’une part, le choix de l’entrée dans l’objet par le récit de vie nous aura confrontés à une historicité aux multiples dimensions : celle du parcours de vie du sujet lui-même et de sa famille, celle de la société dite d’origine, et celle de sa société dite d’accueil. Les différences en termes de traitement politique de l’immigration ont été pointées, différences ayant une influence certaine sur la construction du sujet.
D’autre part, la prise en compte de l’hétérogénéité des modes d’entrée en relation avec l’objet chez les chercheurs et apprentis chercheurs aura favorisé la mise en exergue de la dimension interculturelle centrale de ce dispositif par l’analyse des implications culturelles qui accompagnaient les positionnements de chaque apprenti chercheur. Ce sont bien des visions du monde et des manières distinctes d’envisager des contenus identiques qui ont été mises en avant. Ces différences ont fait l’objet d’un travail d’analyse, car en tentant de comprendre les mécanismes d’autrui, l’effort de décentration nécessaire à toute démarche de recherche a été rendu possible.
Mais cette double affirmation associant primauté du récit et mise au travail des subjectivités nous permet à présent de mettre en avant les paradoxes formateurs qui ont vu le jour du fait des obstacles rencontrés tout au long de ce dispositif. Et c’est, in fine, la question de l’implication qui émerge comme cœur du dispositif.
Le choix des entretiens
Un premier niveau de l’implication se situe dans les modalités de sélection des sujets interviewés : au cadre commun se juxtaposent des interprétations et postures multiples venant questionner la légitimité des approches et des contenus obtenus. Il s’agit alors de saisir les enjeux de la relation du chercheur à son objet, enjeux inscrits dans une temporalité diachronique. Quatre pôles majeurs nous apparaissent opportuns pour expliciter ces biais à la fois constitutifs et constructifs de l’accès à l’objet.
Premièrement, selon le mode d’entrée en relation de l’interviewer, la posture sera différente. L’interviewer connaît-il le sujet et de quelle nature sont leurs relations ? Ou bien est-il introduit par un tiers et quelle est la nature de la relation entre le tiers et le sujet ? C’est en arrière-plan la question des rapports de domination, d’ascendance qui est posée. Toute méthode qualitative est confrontée à ce problème. Les modes de mises en scène de soi, inhérentes à toute interaction sociale comme l’indique Erving Goffman (1975), vont alors être d’une variabilité importante et le collectif réuni aura à établir une certaine « norme relationnelle » tout au long des processus d’analyses.
Deuxièmement, selon la place du sujet dans l’histoire migratoire familiale, les données recueillies se situeront à des niveaux d’analyse différents. Deux générations de migrants ont été interviewées : des jeunes ayant fait eux-mêmes l’expérience de la migration et des jeunes dont les parents ou grands-parents ont migré. Sans tenir compte de la singularité de chaque parcours migrant – apportant une perte ou un gain dans le mode de vie selon les motivations en amont (guerre, génocide, ascension sociale, emploi, regroupement familial, etc.) –, cet élément de différence apporte une forme de regard transgénérationnel sur le rapport à la mobilité des jeunes dont la migration fait partie de l’histoire familiale.
Troisièmement, selon le statut social des sujets interviewés apparaît encore un nivellement des modes de comparaison possibles. Nous avons constaté un écart d’appartenance de classe entre les sujets « français » et les sujets « allemands » : les premiers étant majoritairement inscrits dans un processus d’insertion sociale réussie alors que les seconds regroupaient un nombre important de jeunes en situation précaire, voire en situation d’échec.
Quatrièmement, selon la proximité des trajectoires de vie et des appartenances ethniques visibles ou non du sujet interviewé et de l’apprenti chercheur intervieweur, c’est toute la conduite de l’entretien qui sera différente. Le degré d’explicitation dans le discours de cette proximité – qu’elle soit d’ordre historique, culturelle, linguistique ou sociale d’ailleurs – orientera nécessairement le récit du sujet. Nous verrons plus tard combien une distinction entre apprentis « français » et apprentis « allemands » en termes de communauté d’appartenance avec le sujet de l’investigation peut avoir des effets sur le mode d’analyse.
Ces quatre pôles nous laissent entrevoir une distinction franco-allemande en de multiples aspects qui complexifie ce dépassement des frontières dans l’appréhension des projets et histoires de vie de ces jeunes issus des migrations.
Français/Allemands ?
À partir d’un socle commun de consignes, les jeunes apprentis français et allemands sont donc allés à la rencontre de leur objet. La multiplicité des approches a révélé des subjectivités culturelles porteuses en matière de comparaison franco-allemande. Progressivement, le dépassement d’une vision binaire France/Allemagne s’est construit.
Notons une certaine disparité quant aux motivations face au projet de formation à la recherche par la recherche. Elles sont tout aussi variées que les parcours de vie peuvent l’être. Mais ici, un élément de distinction majeure est à pointer dans la mesure où il s’agit d’une implication qui aura été fondamentale tout au long du processus : de chaque côté du Rhin, les groupes se sont formés selon des critères différents. En Allemagne, les apprentis chercheurs ont été composés d’étudiants de différents niveaux (master 1 à doctorants), de postdoctorants, de jeunes actifs et de professionnels du terrain socio-éducatif (ayant à un moment de leur parcours de formation suivi des enseignements de pédagogie au sein de l’université de Hambourg ou de Hildesheim). En France, le groupe a été bien plus homogène : étudiants de deuxième et troisième cycle (master 2 ou doctorat), tous membres du laboratoire EXPERICE de l’Université Paris 8. Dans le premier groupe, l’hétérogène domine donc en termes de champs de références. Dans le second, malgré la diversité des orientations de chaque participant, est apparue une certaine communauté de référence propre à la communauté universitaire des membres du groupe. Cela a permis à ces derniers une forme de prise de conscience de leur appartenance à un courant spécifique porté par des savoirs et des pratiques.
Prenons l’exemple de la mise en exergue d’un point de discorde fondamental : la notion de « jeune avec arrière-plan migratoire » n’obtenait pas l’unanimité en matière d’appréhension. La notion d’« arrière-plan migratoire » est largement intériorisée en Allemagne alors que l’expression « issu de l’immigration » est plus largement utilisée en France : si l’idée est la même – permettre une catégorisation opérante des populations dont la migration est inscrite dans la trajectoire familiale –, il reste qu’elle n’induit pas les mêmes représentations et stéréotypes. Le groupe français a beaucoup résisté à la notion « d’arrière-plan », entendant par là une relativisation de l’appartenance malgré des représentations sociales la mettant au premier plan. C’est ici la question de la traducti...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Dialogues – Dialoge
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Auteures et auteurs
  7. Sommaire
  8. Présentation – Lucette Colin, Delphine Leroy et Anna Terzian
  9. Première partie – Intégrés et alors ?
  10. Deuxième partie – Apprendre à l’école et ailleurs : quels enjeux ?
  11. Troisième partie – Positionnement de soi à l’adolescence face à une double exigence de transformation
  12. Quatrième partie – Entrer dans la vie adulte ?
  13. Cinquième Partie – Les enjeux de la reconnaissance à l’adolescence en contexte migratoire
  14. Sixième partie – À la recherche du chercheur : implications interculturelles
  15. Annexe
  16. Bibliographie
  17. Ouvrages parus dans la même collection