Numérique : de la révolution au naufrage ?
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Numérique : de la révolution au naufrage ?

  1. 144 pages
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Numérique : de la révolution au naufrage ?

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La révolution numérique s'attache aujourd'hui au futur, par le biais des Big Data (données personnelles) et des algorithmes prédictifs. L'exploitation des Big Data permettront bientôt de classer, en temps réel, la compatibilité de chaque individu avec des normes prétendument collectives. Que faire des individus qui ne correspondent pas aux normes? Faut-il laisser à ces algorithmes le soin de proposer des solutions au regard de ce qu'ils considèrent être l'homme idéal, ou la norme socialement acceptable? Pour Fabrice Lorvo, il est urgent de légiférer: tout ce qui a trait à la norme humaine, et notamment les normes du comportement humain idéal ou du comportement social moyen, doit faire l'objet d'une validation préalable par un comité national d'éthique. Un essai pour penser le défi démocratique de la révolution numérique.

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Informations

Année
2016
ISBN
9791030201697

Le numérique : nouvelle arme de destruction massive ?

La révolution numérique a vaincu le passé. En avonsnous mesuré les conséquences ? Le dialogue qui suit, totalement fictif, a eu lieu le 28 février 2016 entre deux jeunes adultes.
Lui :
La galère, je n’arrive pas à trouver un appart à louer.
Elle :
Tes parents ne se sont pas portés caution ?
Lui :
Bien sûr que si, et à chaque fois que je présente un dossier, l’agent immobilier me dit qu’il est en béton mais je n’arrive jamais à avoir de réponse positive du propriétaire. J’ai pourtant un contrat à durée indéterminée après période d’essai, des fiches de paye continues depuis plus de 6 mois ; mon salaire est supérieur à 3 fois le montant du loyer, mes deux parents travaillent et sont chacun caution…
Elle :
Effectivement ! As-tu été voir sur Google ce que l’on dit de toi ? Car tous les proprios le font !
Lui :
Je sais mais je ne poste plus rien depuis que je travaille, c’est-à-dire depuis une éternité, au moins depuis plus de 6 mois…
Elle :
Oui mais avant ?
Lui :
Avant, c’était il y a trop longtemps, lorsque j’étais en école de commerce ! tu sais que j’ai été élu 3 ans de suite Président du bureau des élèves ! Il y a les photos de toutes les « teufs trop destroy » que j’ai organisées mais c’était avant que je sois devenu sérieux.
Elle :
Ne cherche pas, c’est encore le syndrome « kyabu » !
Lui :
Comment ?
Elle :
« Qui a bu boira », si tu as fait la fête dans le passé c’est que tu recommenceras, ce qui est à la fois un risque de dégradation pour l’appartement et de recours de la part des voisins contre le propriétaire.
Lui :
Trop débile, c’était avant ! Et je fais comment moi ? je zone ?
Elle :
Non tu restes chez MOMANNN et avec l’argent économisé du loyer, tu te payes un pro pour qu’il te refasse ta e-réputation…
Lui :
Mais c’est dègue… et en plus, les proprios, ils n’ont pas le droit !
Elle :
Ils ont droit de surfer sur le net et de faire connaissance avec leur futur candidat. De toute façon, ils ne t’écriront pas pour te dire que « les caractéristiques de votre e-réputation ne nous permettent pas de donner une suite favorable à votre demande ».
Lui :
Mais moi, je dois avoir le droit à l’oubli !
Elle :
Sûrement ! Lorsqu’il sera inventé ! Et puis, c’est quand même toi qui les a mises ces photos ! Pratique pour gérer les meufs ?
Lui :
Et ça coûte cher de se faire refaire sa e-réputation ?
Elle :
Moins cher que d’être obligé de zoner ou de vivre chez ta reum !
Du temps de l’Homo Sapiens, l’oubli des données se faisait d’abord naturellement. L’oubli pouvait résulter de l’action du temps qui entraînait la disparition du support de la donnée. En effet, la donnée devenait inaccessible à la masse des individus du fait de la disparition des témoins (un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle) ou de la destruction de son support, que cette destruction soit volontaire (l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie) ou involontaire (désagrégation naturelle du papier, catastrophe naturelle etc.).
L’oubli pouvait résulter ensuite de l’action du temps qui conduisait à l’enfouissement du support (un journal succède à un autre journal) ou de son inaccessibilité (éloignement géographique). Il existait bien sûr des archivistes qui pouvaient toujours retrouver une trace mais il s’agissait d’une minorité qui s’adressait à une autre minorité (les puissants, les savants et/ou les riches).
L’oubli pouvait résulter enfin de la loi. Le droit à l’oubli est en effet, un concept très ancien qui remonte au moins au droit romain, et qui n’a eu de cesse de prendre de l’importance dans notre société.
Avec l’ère du numérique, les données sont omniprésentes. En effet, les supports de données deviennent permanents (sous réserve d’électricité) et indestructibles (à l’échelle humaine). De plus, ces données sont, avec les moteurs de recherches, immédiatement accessibles par toute personne connectée, ce qui rend désormais impossible ce phénomène ancestral et humain qu’est celui de l’oubli.
L’oubli des données est pourtant un phénomène nécessaire qui a été remis en cause par le numérique (I) de sorte qu’il a été nécessaire de créer un droit à l’oubli numérique qui n’est pas encore très efficace (II).

I/ L’oubli des données est un phénomène nécessaire remis en cause par le numérique

Pour bien comprendre la situation actuelle, on doit rappeler que dans l’histoire de l’humanité, l’oubli est consubstantiel à l’Homme, c’est un régulateur social à géométrie variable et il est peu probable que l’Homo Numericus puisse vivre sans oublier.

a. L’oubli est consubstantiel à l’Homme

Le passé est ce « Temps, cette époque qui précède le moment présent » (Trésor de la Langue Française ciaprès désigné « TLF »). Le passé était « jusqu’à présent » un abysse où coexistaient l’oubli et la mémoire.
L’oubli est défini comme un « Phénomène complexe, à la fois psychologique et biologique, normal ou pathologique (dans ce cas, relevant de l’amnésie) qui se traduit par la perte progressive ou immédiate, momentanée ou définitive du souvenir » (TLF) et la mémoire comme la « faculté qu’à l’esprit de fixer, de conserver et de rappeler des idées, des connaissances acquises, des évènements, des images, des sensations, des états de conscience antérieurs » (TLF).
L’oubli porte toujours sur quelque chose, c’est-à-dire au moins sur une donnée. Vis-à-vis de la donnée, l’oubli serait l’obscurité totale qui règne sur la majorité des données alors que la mémoire serait un projecteur qui en illuminerait une petite partie. La coexistence de l’oubli et de la mémoire résulte de mécanismes complexes qui s’opèrent différemment chez l’individu ou au sein d’une société.
Hâtons-nous de préciser que l’Homo Sapiens n’a jamais eu la prétention de la mémoire absolue. L’homme sait qu’il n’en a pas, physiquement, la capacité. Un écrivain (Jorge Luis Borges) a imaginé dans une nouvelle (Funès ou la mémoire ; 1942) la vie d’un homme qui pouvait se souvenir de toutes les données. Dans cet exercice romanesque, le sort de Funes n’est pas enviable, il finit sa vie seul et solitaire et disparaît précocement.
Jorge Luis Borges nous propose comme réflexion que la pensée humaine (et peut être la communication humaine) nécessite la généralisation, l’abstraction, le dépassement des données. L’accumulation de données submergerait donc l’Homme et l’empêcherait de penser. À l’inverse, l’oubli des données permettrait donc à l’Homme de penser. Cette mémoire, qui ne peut donc qu’être partielle, est variable selon chaque individu. Certaines perceptions, peuvent ne jamais être oubliées (comme l’odeur de l’encre dans une classe pour Marcel Pagnol), d’autres ont été complètement oubliées et surgissent de l’oubli, un beau jour, de manière aléatoire (comme le rappelle « la madeleine » de Marcel Proust). Enfin, certaines données que vous utilisez tous les jours (comme le code de votre carte bancaire) peuvent être, un jour, temporairement oubliées (c’est le « trou noir ! »).
Chez l’individu, l’oubli est donc utile ou porteur d’aspect positif lorsqu’il permet par exemple de dépasser une expérience douloureuse, il est aussi préjudiciable lorsqu’il conduit à la perte d’une connaissance, d’un gain de l’expérience passée (qu’elle soit individuelle ou collective). Dans tous les cas, la mémoire et l’oubli sont donc chez l’Homme en interaction permanente. On peut cependant prétendre que chez l’Homo Sapiens, l’oubli est la règle et la mémoire est l’exception. Outre l’oubli qui s’opère chez un individu, l’homme a parfois besoin « de se faire oublier » des autres pour pouvoir vivre en société.

b. L’oubli, un régulateur social indispensable mais à géométrie variable

Pour bien apprécier l’impact de la disparition récente de l’oubli chez l’Homo Numericus, on rappellera que chez l’Homo Sapiens, au niveau collectif, c’est-à-dire au niveau des relations entre l’individu et la société, la loi a imposé progressivement, l’oubli de certaines données. En effet, l’oubli a été rapidement considéré comme un facteur nécessaire à la cohésion sociale, au vivre ensemble. La loi est donc intervenue pour que la société oublie un fait individuel, que ce soit en droit pénal ou en droit civil.

b1. L’oubli en droit pénal

L’oubli d’une faute pénale n’est pas naturel. Le premier réflexe de l’être humain est de ne pas oublier, soit pour se venger s’il est victime, soit pour se protéger, s’il est simple citoyen. Or, il a été progressivement considéré, au cours des siècles, que l’intérêt collectif était dans l’oubli et dans l’effacement de certaines données.
L’oubli a été imposé par le droit d’une part en faveur du délinquant, et ce, que la sanction ait été exécutée ou pas, et d’autre part, dans certaines règles qui régissent la communication au sein de la société.
L’oubli en cas de sanction exécutée
Pour illustrer cette évolution, commençons par rappeler le temps où l’oubli n’existait pas. On peut citer pour ce faire le tableau intitulé « Caïn » peint par Corman en 1880 (musée d’Orsay ; RF 280 http://www.musee-orsay.fr/index.php?id=851&L=0&tx_commentaire_pi1%5BshowUid%5D=8826&no_cache=1) qui décrit l’errance de Caïn et de sa famille à la suite du meurtre d’Abel. Cette errance symbolise tant l’absence d’oubli que l’absence de personnalisation de la peine. Il n’y a pas d’oubli possible ni pour l’auteur de l’acte, ni pour sa descendance. Le fait commis par un seul rejaillit sur la tribu entière. C’est l’oubli impossible de l’acte et la sanction permanente pour le responsable et sa descendance.
La première évolution vers l’oubli peut être trouvée dans la loi du Talion (c’est-à-dire œil pour œil / dent pour dent ; Exode XXI. 22). Le commencement de l’oubli débute par l’introduction de la personnalité et la proportionnalité des peines. À ce titre, on ne peut être tenu pour responsable que des faits que l’on a commis et on ne doit réparation qu’à proportion desdits faits. Une fois la réparation obtenue, l’oubli s’impose car le tort a été réparé.
Si cette loi a (assez) rapidement limité la responsabilité de l’individu au seul acte commis, le besoin de ne pas oublier que certains faits avaient été commis a perduré. L’objectif était de pouvoir reconnaître certains types de délinquants qui avaient fauté dans le passé. À cet objectif, correspondait la peine de la flétrissure, que nous gardons dans nos mémoires par la plume d’Alexandre Dumas (Milady de Winter dans Les trois mousquetaires).
La flétrissure faisait partie des peines afflictives et infâmantes et consistait à marquer au fer rouge le délinquant dans sa chair (d’abord sous forme d’une fleur de lys puis à partir de 1724 d’un V pour voleur, M pour mendiant récidiviste et GAL pour galérien). Cette peine permettait donc de conserver une trace permanente, pour ne pas oublier le type d’acte qui avait été commis.
Rappelons que cette pratique, supprimée en 1791 par la Révolution française, avait été rétablie par Napoléon en 1810 sous l’appellation de « marque » dans le Code Pénal. (Article 7 : « La marque… peut être prononcée concurremment avec une peine afflictive… » et article 20 : « Quiconque aura été condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité, sera flétri, sur la place publique, par l’application d’une empreinte avec un fer brûlant sur l’épaule droite… Cette empreinte sera des lettres T.P. pour les coupables condamnés aux travaux forcés à perpétuité, … La lettre F sera ajoutée dans l’empreinte si le coupable est un faussaire. »)
Cette marque a été de nouveau supprimée de la liste des peines lors de la réforme du code pénal en 1832. Pour justifier cette suppression, le rapport de la commission de la Chambres des députés indiquait : « La marque, flétrissure ineffaçable, est inconciliable avec une peine temporaire et ne se concilie pas mieux avec une peine perpétuelle que la grâce peut abréger, que la réhabilitation peut effacer. La marque dégrade le condamné de l’humanité ; supplice irréparable que les souvenirs du criminel lui retracent et lui infligent à toute heure ; qui décourage le repentir et désespérerait la vertu ; et qui, n’ayant pas même l’utilité d’un avertissement public, puisque l’empreinte est cachée, n’a d’autre avantage que d’être un moyen de police en cas de soupçon, et un signalement d’infâmie ! La suppression de la marque a été presqu’unanimement approuvée par les cours royales. » (Code Pénal Progressif, par A. Chauveau ; 1832 commentaires page 90)
La marque qualifiée d’ineffaçable a donc été supprimée car elle ôtait au délinquant le pouvoir de se racheter. Le rachat de l’individu et son retour dans la société (objectif ultime de la sanction pénale) passe donc par l’oubli du passé une fois la dette payée. Notons que la marque était aussi considérée comme un moyen de police permettant de reconnaître et donc de classer un individu. L’abandon de la marque dans la chair n’a cependant pas sonné le glas de l’identification du délinquant (même lorsqu’il a exécuté sa peine) par la société.
Cette volonté de la société de garder une trace, et donc de ne pas oublier certains actes commis par un individu, a persisté. D’autres mécanismes ont été mis en place, notamment par la police, comme le passeport jaune du Forçat. Ainsi, dans Les Misérables de Victor Hugo, même après avoir subi s...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Remerciement
  6. Préface
  7. Introduction
  8. Le numérique : nouvelle arme de destruction massive ?
  9. La donnée immédiate, un mildiou virtuel pour la démocratie ?
  10. Les Big Data vont-ils redéfinir implicitement notre conception de l’homme et de la société ?
  11. Conclusion
  12. Table des matières