Monde de l'Islam et Occident

Les voies de l'interculturalité

Gobillot Geneviève

• Éditeur: EME Editions
• Année: 2015
• ISBN:
  9782875253613
• Sujet: Théologie et religion
• Sous-sujet: Théologie islamique

Outre la mise en évidence de l'aspect artificiel d'une telle division, quelques espoirs raisonnables en la paix et en l'ouverture à « l'autre » émanent de leurs recherches. Patrick Denoux montre que la relation interculturelle est avant tout une expérience de vie, dont la réussite dépend essentiellement de la volonté de ceux qui l'entreprennent. Raymond Kassis prouve, philosophiquement parlant, que l'homme possède, dans l'essence même de son être, toutes les aptitudes nécessaires à cette ouverture...

Préface

Cet ensemble de contributions correspond à l’édition de la seconde partie des actes du colloque organisé du 1er au 3 février 2007 par le CRCI (Centre de Recherches sur la Circulation des Idées, responsable Bruno Pinchard) et le CRITIC (Centre de Recherches sur les Idées et les Transferts Inter Culturels, responsable Geneviève Gobillot), tous deux intégrés depuis à l’IRPHIL (Institut de Recherches Philosophiques de Lyon, responsable Jean-Jacques Wunenburger), sous l’égide duquel est réalisée cette publication.

L’intitulé général de la rencontre était : « Comment vivre l’interculturel Islam/Occident ? Obstacles et perspectives d’ouverture ». La première partie des actes a été publiée sous le titre suivant : Islam et Occident, rencontres et conflits1. Elle est élaborée, à quelques exceptions près, autour de la problématique de la différentiation envisagée surtout du point de vue des dogmes. Cette seconde partie, bien qu’elle ne perde rien en réalisme ni en objectivité, est plus nettement orientée vers les représentations positives de la question, les solutions possibles, les espoirs raisonnables et les perspectives d’ouverture qui demeurent, même dans des situations semblant a priori inextricables. En un mot, elle est plus philosophique dans sa démarche, même si elle accorde une place importante au religieux.

Les huit contributions rassemblées ici sont, soit entièrement consacrées à la période moderne et contemporaine, soit conçues dans une perspective qui en fait le point d’aboutissement de leurs démarches. Quatre d’entre elles (P. Denoux, R. Kassis, G. Gobillot et H. Redissi) accordent une place prépondérante à l’aspect méthodologique en proposant de définir l’essentiel des outils d’analyse et des données préalablement nécessaires à tout dialogue interculturel, en particulier lorsque celui-ci inclut le domaine religieux, et plus spécifiquement comme ici, dans le cas où la sphère de l’islam est directement concernée. Les quatre contributions suivantes (Mahmoud Massoud, Bruno Pinchard, Danielle Delamaire et Emmanuel Persyn, Rita Rached) offrent des études approfondies d’œuvres, de discours et d’événements sociaux ou politiques mettant en scène les univers de pensée du monde majoritairement musulman et de celui dominé par une culture d’inspiration chrétienne dans laquelle se reconnaissent de nombreux juifs, désigné, d’une manière qui peut parfois prêter à confusion, par le terme d’Occident.

1- Patrick Denoux, professeur, spécialiste de psychologie interculturelle, présente une grille méthodologique inédite pour réaliser l’approche de l’interculturalité. Il distingue trois manières d’aborder l’interculturel : en premier lieu la manière exclusiviste et auto-centrée, qui fait que celui qui aborde l’autre le considère comme l’étranger, l’allogène, l’objet de l’étude. C’est ce qu’il appelle : « vivre sans l’interculturel ».

La deuxième manière est la recherche de paramètres communs, de comparaisons et de termes de réciprocité. Elle consiste à mettre l’autre à égalité avec soi et à voir comment chacun se définit en termes de différence, comme de rapprochement, par rapport à une situation donnée. Il appelle cette attitude : « vivre avec l’interculturel ».

La troisième approche, qu’il a baptisée « vivre l’interculturel » consiste à créer, à deux ou à plusieurs, une nouvelle forme culturelle, comme dans le cas d’un enseignant qui demanderait à ses élèves d’écrire un conte dans lequel chacun introduirait certains éléments de sa propre culture en les harmonisant avec ceux des autres.

Ces critères permettent d’ores et déjà de situer de façon nuancée les tendances qui traversent chacun des articles suivants, que ce soit au niveau de la méthode ou du sujet étudié. Au-delà, ils offrent un point de départ appréciable pour toute démarche future se réclamant, d’une façon ou d’une autre, de l’interculturel.

2- La réflexion proposée par Raymond Kassis, maître de conférences d’arabe, mais aussi spécialiste de philosophie allemande, prolonge en quelque sorte les deuxième et troisième volets de la recherche de P. Denoux, en posant au centre de la réflexion la question du sujet de l’échange et en mettant en évidence le fait que tout dialogue doit nécessairement passer par une démarche subjective individuelle. Il présente comme seuls ressorts possibles de cette démarche les deux phénomènes de phantasia et d’empathie (Einfühlung) et aboutit à la conclusion que l’objet de la perception objectivante par empathie ne peut en aucune manière être un objet d’intuition directe (semblable à celle de soi-même), mais nécessairement un objet imaginé (phantasiert), présentifié, (vergegnwärtigt), projeté (projeziert) et transposé (hineinversetzt) sur la base d’un raisonnement par analogie (Analogieschluss). Cet objet est déduit par un raisonnement construit sur le modèle du propre, et transposé par phantasia dans le « corps là-bas », le situant au rang d’un moi ayant ses propres vécus dérobés au regard perceptif simple. Grâce à ces deux facultés fondamentales de la conscience, la phantasia et la perception par empathie, il est possible à l’homme de se varier au point de voir dans cette variante de lui un autre ego sans pour autant sacrifier l’eidos qui fait de lui un tel être et de l’autre une telle autre variante d’être. Dans ce cas de figure, la légitimité de la phantasia qui opère cette variation est inconditionnellement assurée par l’universalité de l’essence conservée et reconnue dans chacune de ses variantes. L’ego propre se découvre alors, dans son attitude solipsiste, comme n’étant pas vraiment seul. Il en est ainsi, non pas parce qu’il découvre que l’autre est une variante de lui, ou que lui est une variante de l’autre, mais parce qu’il n’est fondamentalement, dans sa solitude, qu’une variante d’un ego essentiel, unificateur, transcendantal et invariable. Paradoxalement, on peut dès cet instant affirmer qu’il n’est jamais seul, même en l’absence de l’autre variante puisque, par sa consti...

Table des matières

• Préface