Comprendre la vieillesse

Carvallo Sarah, Giroux Elodie

• Éditeur: EME Editions
• Année: 2012
• ISBN:
  9782806603265
• Sujet: Sciences sociales
• Sous-sujet: Sociologie

Nous n'avons sans doute jamais autant parlé des personnes âgées et du vieillissement des populations qu'aujourd'hui. Nos connaissances médicales, biologiques et sociologiques se sont certes multipliées, mais cette prolifération souligne encore davantage nos lacunes et la diversité des conceptions et des perspectives sur la vieillesse et le vieillissement. Nos institutions médicales et sociales s'attachent à prendre en charge les personnes âgées en respectant leur dignité, mais elles hésitent...

Préface

Sarah Carvallo, Élodie Giroux

Partout dans les pays développés, la vieillesse constitue l’un des défis majeurs du vingt-et-unième siècle. Cette nouvelle prise de conscience tient à plusieurs raisons : accroissement de l’espérance de vie, restriction des naissances et proportion accrue des personnes âgées dans nos sociétés, demande médicalisée d’une amélioration des conditions du vieillissement, coût individuel et social de la prise en charge des personnes âgées, mais aussi souffrance et solitude de ces dernières. Dans ce nouveau contexte, nos inquiétudes contemporaines rejoignent aussi des interrogations consubstantielles à la condition humaine.

À un niveau existentiel, la vieillesse caractérise l’âge de la vie où notre finitude se manifeste radicalement ; socialement, elle met en cause la solidarité intergénérationnelle, à la fois dans les familles et dans les sociétés ; médicalement, elle s’accompagne souvent de troubles, déficiences et maladies qui interrogent la fonction de la médecine (guérir ? soigner ? améliorer ? accompagner ?) mais aussi la distinction classique et fondamentale entre le normal et le pathologique ; économiquement, elle sollicite l’intervention des fonds publics, mais aussi la responsabilité des individus envers leur propre vieillesse ou celle de leurs parents, par la charité ou par l’obligation ; politiquement, elle pose la question de la solidarité envers la personne dépendante, particulièrement cruciale dans nos sociétés démocratiques, mais aussi celle du respect et de la considération de sa dignité. Vieillir constitue donc un phénomène global qui met en cause l’homme dans ses multiples dimensions, à la fois comme individu et groupe social.

Cet ouvrage cherche à comprendre la vieillesse. À cet effet, il convoque plusieurs regards sur les personnes âgées, plusieurs manières de penser et dire le vieillissement. En effet, il ne s’agit pas seulement de connaître la vieillesse ou les personnes âgées comme on connaît des faits ou des théories : on décrit les faits, on les explique, mais cela ne veut pas encore dire qu’on en a compris le sens. Au-delà de nos connaissances, la vieillesse demande à être comprise. Bien loin de se réduire à un simple fait naturel ou social, la vieillesse constitue une fausse évidence, qui cristallise nos valeurs et notre vision du monde. Elle renvoie à notre construction de la subjectivité, à notre rapport à la mort, au monde, aux autres et à soi. Sa compréhension requiert donc de tenir compte de sa globalité et de sa complexité en sollicitant différentes disciplines qui pensent la vieillesse et prennent en charge les personnes âgées : la génétique, la biologie, la médecine, le droit, la sociologie, la philosophie. Chacune d’entre elles constitue autant de regards qui interrogent les connaissances, les représentations et les valeurs aujourd’hui mises en jeu pour dire et penser la vieillesse et justifier nos actions envers elle.

Trois convictions ont présidé à la constitution de ce collectif. Une première est qu’une bonne appréhension de la vieillesse aujourd’hui ne saurait éluder cette complexité. Deuxièmement, une bonne manière d’appréhender cette complexité est de partir de cette diversité des regards portés sur la vieillesse et de leur spécificité. Cette pluralité est probablement irréductible au point d’interroger l’unité même du concept de vieillesse. Peut-être serait-il en effet plus juste de parler des vieillesses. Toutefois, et c’est notre troisième conviction, c’est dans le croisement des regards et le dialogue entre disciplines qu’un concept commun, ou tout au moins un ensemble de traits communs à ce qu’on désigne par « vieillesse », peut émerger comme une sorte d’horizon régulateur. En tout cas, la confrontation de différents regards sur la vieillesse permet de mieux la comprendre, à la fois comme fait et comme catégorie sociale et mentale.

Trois chapitres structurent ce volume. Un premier chapitre rassemble divers regards philosophiques portés sur la vieillesse. Traditionnellement, la philosophie a traité de la vieillesse comme d’une question fondamentale à la fois de l’expression qu’elle constitue de notre finitude humaine, du fait de son lien étroit avec la mort, mais aussi parce que certaines représentations de la vieillesse l’ont souvent associée à une forme de sagesse, la quête originelle de la philosophie. Outre cette relation naturelle et ancienne de la philosophie avec la question de la vieillesse, le mode de raisonnement philosophique permet d’apporter un éclairage sur cette notion. Il s’agit alors de s’interroger sur les possibilités et les enjeux de sa définition mais aussi sur le problème du statut pathologique de cette dernière.

L’article de Sarah Carvallo, qui peut être lu comme une introduction générale à ce volume, pose la question d’une possible définition de la vieillesse. À travers une interrogation sur le sens des mots pour dire le vieillissement, il s’agit de montrer que la vieillesse est une catégorie qui se situe à la confluence des sciences de la nature et des sciences de l’homme. Ce double ancrage permet de comprendre en quoi la vieillesse désigne un problème philosophique, au sens où elle ne se réduit ni à un fait ni à une évidence mais caractérise une catégorie anthropologique fondamentale pour penser l’homme, sa finitude, à la fois dans sa singularité et dans ses rapports sociaux.

À partir des analyses et définitions philosophiques des concepts de santé et de maladie, Élodie Giroux s’intéresse à la question du statut (normal ou pathologique ?) de la vieillesse et du vieillissement. Elle montre en quoi ces catégories si usuelles et généralement dans une relation logique de contrariété (le normal est le contraire de l’a-normal), ou même de contradiction (la santé est l’absence de maladie) se trouvent aujourd’hui en porte à faux pour caractériser la vieillesse. Elle examine alors si les notions de vieillesse réussie et usuelle, de dépendance et de fragilité, qui ont été développées particulièrement en gériatrie, permettent de dépasser certaines limites de cette dichotomie.

De son côté, Jean-Yves Goffi situe la question de la vieillesse dans la discussion entre transhumanistes et bio-conservateurs pour rappeler son statut pathologique contesté et mettre en évidence les nouvelles utopies à l’œuvre dans nos sociétés technoscientifiques.

Puis, Jean-Jacques Wunenburger reprend à nouveaux frais le thème de la finitude dans la perspective ph...

Table des matières

• Préface
• Qu’est ce qu’être vieux ?
• Vieillir : normal ou pathologique ?
• L’éternité devant nous
• Représentations temporelles du dernier âge
• Approches scientifiques de la sénescence
• Le vieillissement cérébral
• Le soin gériatrique : quelle spécificité ?
• Les déterminants sociopolitiques de la vieillesse
• L’attention portée par le droit aux personnes âgées
• Les auteurs
• Dans la collection « éthiques en action »