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- 80 pages
- French
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eBook - ePub
Le miroir, du voir au savoir : outil de connaissance
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Citations
Ă propos de ce livre
On peut se chercher toute une vie, dans le reflet du miroir, sans jamais se trouver. Surtout si le miroir est de verre. Car la plus fidĂšle des images est l'inverse de celle que nous y voyons, et dans cette rĂ©flexion, le regard de l'autre est nettement plus juste. AprĂšs vous ĂȘtre lu dans le miroir, plus jamais vous ne vous y regarderez de la mĂȘme façon! NĂ© Ă Bruxelles en 1961, Boris Nicaise est Ă©crivain, poĂšte et dentiste. Ancien assistant de l'UniversitĂ© Libre de Bruxelles, il est l'auteur...
Foire aux questions
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Informations
Sujet
Sciences socialesSous-sujet
SociologieLe miroir des zoos
« Tu tâes dĂ©jĂ vu dans un miroir ? »
Propos lapidaire de cours dite de rĂ©crĂ©ation, moult fois entendu dans nos Ă©coles. Propos destructeur, voire mortel, lorsquâinfligĂ© de façon collective.
Au jardin zoologique dâAnvers, parmi les cages dâanimaux prisonniers des mercredis aprĂšs-midi, trĂŽne au tournant dâune allĂ©e, un miroir immense rayĂ© de bambous, en maniĂšre de barreaux.
Enfant, je mây suis souvent croisĂ©, Ă peine masquĂ© par le relief des rayures horizontales, exposant ma turbulence aux singes placides assis non loin de lĂ .
En grands caractĂšres, un Ă©crit annonce au bas du miroir : « Attention, ceci est lâanimal le plus dangereux du monde ! ». Ce qui se confirme un peu plus chaque aurore.
Lâan passĂ©, la directrice du zoo de Berlin installa provisoirement, dans une cage, un couple dâhumains (payĂ©s), vacants Ă quelques occupations plus ou moins intĂ©ressantes, sous le regard de visiteurs (payants) auxquels il fut prĂ©cisĂ© que, sâil Ă©tait autorisĂ© de tenter dâentrer en communication avec les encagĂ©s, il Ă©tait en revanche strictement interdit de jeter de la nourriture.
Je ne connais pas le rĂ©sultat de cette derniĂšre expĂ©rience, mais point nâest besoin dâĂȘtre Michel de Nostredame pour voir dâici nos mĂąles frapper de leur alliance les vitres, pour attirer le regard de la femelle, et nos femelles zoomer et dĂ©zoomer frĂ©nĂ©tiquement pour immortaliser un mĂąle enfin sous contrĂŽle. Les singes du miroir naissent du refus de ses signes. Quant aux enfants, cela fait longtemps quâils ont quittĂ© la cage, mĂȘme si câest au profit dâautres.
Se pose automatiquement la question de la diffĂ©rence (ou de la similitude) entre ces deux regards : le miroir-cage et la cage-miroir, la seconde nâintĂ©ressant en rien les enfants, et le premier ne connaissant que de rares solitaires. Au zoo, le miroir rayĂ© a encore moins de succĂšs que les enclos Ă poules et Ă lapins. Ni les enfants ni les parents ne sâinstallent devant lui. Seul lâesseulĂ© sây arrĂȘte un instant : enfant perdu, ou adulte le cherchant.
Alors que le miroir nous concerne tous, tout se passe comme si nous pensions quâil ne concerne que nous seul ! Sans doute parce que, dĂšs que nous nous voyons dans le miroir, nous nous disons que si ce gars-lĂ a des rĂ©ponses, elles sont forcĂ©ment faites Ă notre exclusive intention, et nous sommes tellement prĂȘts Ă les accepter que nous en excluons toute autre personne !
La légende du miroir-cage avertit justement.
Comme dit Paul ValĂ©ry en ses Cahiers (XVIII, p. 305 / 1, p. 1187), « Dieu sait quelles mĂ©taphysiques et gĂ©omĂ©tries lâinvention des miroirs et des vitres a pu engendrer chez les mouches ! »
Aucun entomologiste nâa trouvĂ© Ă ce jour, au cĆur dâune termitiĂšre, un miroir sous-titrĂ© dâun lumineux : « Le termite est le plus dangereux⊠». A nâen point douter, les termites ont leurs caches, bien secrĂštes.
Mais Ă quoi pensent les animaux face au miroir ? Ou tout au moins que font-ils lors de cette confrontation ?
Interrogeons lâanimal, qui demeure en nous : mettons-le en prĂ©sence du miroir.
Pour Ă©chelonner notre propos tout en le limitant, nous allons examiner sept ĂȘtres.
Dâabord, Saturnin. Oui, le canard. Ayant perdu rĂ©cemment sa femelle, il se colle Ă son image dans le miroir. Il est heureux ainsi.
Passons Ă Rantanplan, pas si bĂȘte quâil en a lâair. Ce chien est troublĂ© par lâincohĂ©rence de son double, qui rĂ©agit bizarrement Ă ses provocations ; mais quand, dans son dos, Lucky Luke vient le caresser, il se retourne sur lâhomme.
Nous connaissons un chien qui observe Ă distance, dans un miroir, ses maĂźtres manger, pour ne venir achever les assiettes que lorsquâil a repĂ©rĂ© dans le reflet la fin des agapes. Faut-il que le reflet des reliefs lui semble bien rĂ©el !
Dumbo ? LâĂ©lĂ©phant auquel une tache macule le torse, tente de lâeffacer avec sa trompe, si et seulement si le miroir reflĂšte lâimage de son corps en entier : il passe avec la plus grande indiffĂ©rence devant un miroir plus petit.
Quant au dauphin, il semble⊠Flipper, devant son image marquĂ©e, passant et repassant devant la glace, ralentissant rĂ©guliĂšrement sur la tache ajoutĂ©e pour lâexpĂ©rience.
Certains chercheurs soutiennent que les animaux qui se reconnaissent au miroir seraient aussi ceux qui manifesteraient le plus dâempathie Ă lâĂ©gard de leurs semblables. Mais comment le prouver durablement ?
Piggy la cochonne nâaccorde aucune importance Ă ses tatouages, et attaque lâintrus du miroir. Mais si de la nourriture cachĂ©e (sous une hotte aspirante, car elle a un fameux odorat) en ce monde se reflĂšte au miroir, elle la dĂ©niche prestement ! La motivation dĂ©veloppe le talent.
Et Sheeta ? Le singe devient vite furieux, jusquâĂ lâautodestruction. Pour les Hindoux, sa colĂšre vient du fait quâil pensait ĂȘtre un homme, ce que lui refuse le miroir. Lâhomme nâenrage-il pas parfois de mĂȘme sur son image peu flatteuse, lorsquâil sây regarde dâun peu prĂšs ? DâoĂč les masques, dont nous affublons notre visage et notre corps, pour ĂȘtre un peu moins nus, moins vrais sans doute, mais aussi comme nous pensons ou voulons ĂȘtre, devant les autres.
Mais le singe essaye aussi de passer de lâautre cĂŽtĂ© de la surface quâil sent, et sâil parvient Ă la contourner, se calme.
Et Mowgli, donc ?
Lâenfant dĂ©couvrant le miroir connaĂźt trois pas. Au premier, il voit un autre, et rĂ©agit en ce sens : il veut jouer avec lui, puis lui envoie sa locomotive Ă la figure.
Au second pas, mesurant que cet autre nâexiste pas, il lâignore. Enfin, troisiĂšme pas, il comprend quâil sâagit de sa propre image, et commence alors Ă lâutiliser pour se construire⊠une identitĂ©.
Bien sĂ»r, lâenfant fait ces trois pas avec une lenteur qui dĂ©sespĂšre le bon dieu dans son atelier (dixit la chanson), pendant que le singe a criĂ© depuis longtemps : « Jâai pigĂ© ! »
O merveille, aprĂšs dix mille jours dâexpĂ©riences, lâhomme est capable dâessuyer une tache sur son visage en se regardant. Bon, le singe aussi, et beaucoup plus tĂŽt, mais lui, câest seulement sâil connaĂźt dâautres singes : le singe seul reste indiffĂ©rent Ă son point rouge sur le museau : la reconnaissance de soi passe par celle des autres (pour le singe, tout au moins).
On suppose que le singe ne va pas beaucoup plus loin dans le processus dâidentification. Mais on cherche encore. Gageons que les dĂ©couvertes Ă venir obligeront une fois de plus Ă revoir nos dĂ©finitions de lâhumanitĂ©.
Ce dont on est sĂ»r, câest que lâhomme moyen ne parviendra jamais, ses activitĂ©s frĂ©nĂ©tiques et son manque de sĂ©rĂ©nitĂ© le prouvent amplement, Ă sâidentifier totalement avec son corps. Son image nous emprisonne. Lâimage que nous rĂ©alisons donner aux autres limite notre ĂȘtre.
Ce nâest pas juste. Je ne suis pas un numĂ©ro, je veux ĂȘtre un homme libre. Et si vous nâĂȘtes pas libres parce que moi non plus, je ne suis pas libre parce que vous non plus !
FrĂ©dĂ©ric Dard fait dire Ă San Antonio : « Certaines gens, plantĂ©es devant le miroir, croient rĂ©flĂ©chir, alors que câest le contraire. »
Amie lectrice, ami lecteur, vous ĂȘtes-vous dĂ©jĂ souri, dans le miroir de votre salle de bain ? Voire mĂȘme, avez-vous dĂ©jĂ Ă©clatĂ© de rire, dans ce miroir ? Oui, pas juste sourire un instant, puis dĂ©tourner le regard. Non. Pas juste vous sourire. Vous rire. Et vous regarder. Etre heureux dâĂȘtre lĂ . De vivre. DâĂȘtre vous. DâĂȘtre avec vous.
Rire dây voir. A pleines dents. A vous. A votre ĂȘtre.
Comme un fou. Comme un forcené.
Auquel la guérison importe peu, vivre étant mortel de toute façon.
Le chanteur Matthieu ChĂ©did insiste : « Rire dâun miroir, câest rire de tout ! »
CinĂ©aste, romancier, et aujourdâhui peintre, Jean-François Comte rĂ©flĂ©chit : « Le moi est une cabine dâessayage. On sây enferme avec son miroir pour y choisir son image ».
Faites-la belle (plutĂŽt que la bĂȘte), pour vous-mĂȘme !
Un lieu magique quâil nous fut parfois donnĂ© dâinvestir, est cet extraordinaire ascenseur (rare, mais tellement ascenseur) oĂč deux miroirs se font face, oĂč instantanĂ©ment le vertige qui nous prend, liĂ© Ă lâinfinitĂ© de reflets oĂč nous nous reproduisons plus ou moins lamentablement, nous fait oublier si lâascenseur monte ou descend. Il est curieux de constater que, dans cet ascenseur vertigineux, on ne se cure pas le nez, remonte la braguette ou rĂ©ajuste la jupe, comme dans les autres. Non, ces miroirs en vis-Ă -vis nous rendent sĂ©rieux ...
Table des matiĂšres
- Illusion dâoptique ou optique de lâillusion ?
- Le miroir des zoos
- Le miroir des eaux
- Le miroir des autres
- Les zoos du miroir
- Les eaux du miroir
- Les autres du miroir
- Les miroirs du miroir : du voir au savoir
- Bibliographie
- Dans la collection « Explorations maçonniques »