Le regard esthétique
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Le regard esthétique

Perspectives croisées philosophie sociologie

  1. 162 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le regard esthétique

Perspectives croisées philosophie sociologie

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À propos de ce livre

Cet ouvrage, fruit d'une étroite collaboration entre des enseignants-chercheurs appartenant aux laboratoires GEPECS et C3S ainsi qu'au Pôle Arts, culture, théâtre, musique de l'université de Franche-Comté, porte sur le regard esthétique. Les contributions retenues, présentées pour la plupart lors d'un colloque interdisciplinaire qui s'est tenu à Besançon le 21 octobre 2011, ont été regroupées en deux grandes parties...

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2012
ISBN
9782806634092

CHAPITRE 1
EXERCICE DU REGARD ET EXPÉRIENCE ESTHÉTIQUE

Bernard VALADE3
On connaît la série de ruptures dont s’est accompagné l’avènement de la « modernité ». Parmi les divorces qu’elle a suscités figure en bonne place celui du domaine de l’objectivité – exactement circonscrit, décrit, mesuré – d’avec l’espace de la subjectivité aux configurations imprécises, ce dernier étant dévalorisé par rapport au premier. De la promotion accélérée de l’objectif, du rationnel, du quantitatif a notamment résulté une modification des rapports susceptibles d’être entretenus avec l’œuvre d’art. Celle-ci s’est trouvée rangée dans le monde des formes stables, rapportée à une structure ordonnée et finalement détachée des forces souvent erratiques qui ont présidé à sa production, c’est-à-dire de l’énergie créatrice. Un intellectualisme croissant l’a rendue justiciable d’un double commentaire, historique destiné à la situer dans le temps, esthétique explicitant sa visée. Une pensée positive, le jeu déductif des concepts, telle « théorie de l’art » portant sur la répétition des formes, tel dogme esthétique décrétant, par exemple, que « la beauté sera convulsive ou ne sera pas », ont fait passer à un plan très secondaire le sens intuitif, l’appréciation subjective, la connaissance vécue.
Paul Valéry a enregistré la perte paradoxalement inscrite au passif de la pensée : penser, c’est appauvrir, réduire, ignorer ; on ne peut connaître qu’à la condition de ne connaître qu’en partie : « Il ne peut exister de physique que par abstraction de ce qui n’est pas mesurable et mesuré. » La réduction au quantitatif opérée par le travail scientifique a été étendue à « l’objet » artistique, affectivement perçu, par l’application du même modèle matérialiste sinon d’une identique métrique. Sans doute cette extension se réclamera-t-elle d’une haute tradition inspirée d’une mystique du nombre, le Nombre d’Or, annexion par le calcul de la qualité esthétique pensée en termes de rapports harmonieux et qui pose que la qualité subjectivement perçue peut être ramenée à une proportion objective. René Huyghe (Huyghe, 1983) a cependant bien noté que la Section d’Or, sublimation de la mesure, n’est fascinante que parce qu’elle est le croisement du quantitatif, exprimé par le nombre, et du qualitatif, manifesté par l’harmonie. Reste la disposition, qu’il a aussi relevée, à se « garder de l’appréciation subjective due au libre jeu des perceptions sensibles ». Reste également l’opposition entre deux tendances plus générales qui consistent, pour l’une, subjective, à rechercher les composantes du plaisir esthétique, à discerner la communication entre l’expérience interne tentée par le créateur et celle vécue par le spectateur, pour l’autre, qualifiée d’objective, à repérer les conditions d’apparition, de réception, d’appropriation d’une œuvre d’art en en dégageant la signification.
Ainsi appréhendé comme champ de tensions multiples, le domaine artistique l’est-il, comme tel, par ses visiteurs soumis au comptage des pratiques culturelles ? Il semble plutôt le lieu d’un consensus sur ce qui est à voir, ce qui doit être vu, ce qui est appelé à être retenu. On s’équipe de catalogues, lestés d’une massive documentation et richement illustrés, qui dirigent la pensée et orientent le regard, mais qui font écran. L’indifférence reste grande aux problèmes que pose l’association de perceptions et de connaissances. Une remarque de Valéry les a mis bien en lumière : « L’œil est un organe de vision, mais le regard est acte de prévision, il est commandé par ce qui doit être vu, veut être vu, et les négations correspondantes. » Qu’est-ce donc qui est à voir ? Comment regarder une peinture, un monument, une sculpture ? Quelle part faire, d’un côté, à l’observation, à ce qui est vu dans une œuvre d’art, et de l’autre, à l’imprimé, aux textes lus qui s’y rapportent ? Les réponses sont contrastées à ces questions intéressant la jouissance esthétique. On se propose ici de revenir sur celles données par Stendhal, au fil de ses promenades dans Rome, et par Burckhardt, au cours de sa carrière d’historien de l’art. Elles se situent dans une perspective ouverte au XVIe siècle par Vigenère et élargie, au seuil du XIXe, par Schlegel.
***

I. Vers une pédagogie du regard

Il revient à un diplomate au service de Marie de Médicis, traducteur érudit de nombreux textes anciens et amateur d’art, Blaise de Vigenère (1523-1596), d’avoir posé les premiers jalons, dans son commentaire aux Images de Philostrate (Images ou tableaux de platte peinture, 1578), d’une pédagogie du regard. Comme le souligne Richard Crescenzo (Crescenzo, 1999), il est le témoin, en cette fin du XVIe siècle, du réveil de la vue qui était devenue la servante du Verbe. C’est une éducation de l’œil, assortie d’un apprentissage du regard, qu’il introduit dans ses descriptions. Ses annotations, où se marque une constante attention aux détails traités comme des signes propres à éclairer la signification globale de l’oeuvre, ne s’agencent pas seulement en une théorie artistique : le livre de Vigenère inaugure « une certaine façon de contempler et de lire les tableaux ». Il transmet également un imaginaire, déployé dans la description de monuments ruinés où il passe constamment « du présent des choses vues [au] passé de l’intertexte ». Mais de même qu’il indique la manière de déchiffrer les tableaux, il fournit les moyens de structurer cet imaginaire. Ainsi que le note encore Crescenzo, « c’est chez Vigenère, entre autres, que s’est nourrie l’imagination des peintres du XVIIe ». Beaucoup moins cité par la suite, il apparaît aujourd’hui comme l’annonciateur, dans l’Europe moderne, de l’émergence du sens visuel qui fut ultérieurement théorisé.
On retrouve, à l’époque des Lumières, les tensions évoquées entre connaissance et sensibilité, objectivité et subjectivité, le rationnel et l’émotionnel. Une esthétique de l’émotion est exposée par l’abbé Du Bos dans ses Réflexions critiques sur la poésie et la peinture (1719). Elle implique une critique des certitudes plus ou moins probables issues du raisonnement, et conduit à l’éloge de la certitude des vérités naturelles connues par la voie des sens. Elle est fondée sur l’analyse des effets des passions représentées, de l’excitation qui active l’émotion et conjure l’ennui en occupant l’âme simultanément divertie et avertie. Position originale si on la compare à celle de Baumgarten qui rapporte l’« esthétique », terme nouvellement introduit dans les deux volumes de son Aesthetica (1750-1758), à une faculté intermédiaire située entre les deux pouvoirs d’appréhension du réel : l’un, sensible et confus ; l’autre, rationnel et clair. Les conceptions de Du Bos ne sont pas, en fait, dissociables du débat d’idées sur le beau, le sublime, l’émotion, auquel Kant et Burke ont principalement contribué. Il sera entendu : que le jugement de goût manifeste l’accord entre imagination, entendement et raison, le beau étant objet d’une satisfaction universelle ; que le beau est source de plaisir, en ce qu’il convient à nos facultés, tandis que le sentiment du sublime fait naître un conflit entre imagination et raison dont celle-ci sort victorieuse ; que l’émotion est nécessaire à l’expérience esthétique, car une œuvre ne s’adressant qu’à l’intellect n’est pas satisfaisante, sans pour autant dégénérer en abandon à la sensiblerie. On discerne assez combien l’intérêt attaché au « conçu » passe celui pour le « perçu ».
« Partout l’acte de regarder doit être privilégié ; lorsque le texte marque une pause, les conclusions tirées de l’observation s’ordonnent spontanément en principes généraux dont l’homogénéité et l’unité interne sont immédiatement lisibles à quiconque se donne la peine de réfléchir. » Ainsi s’exprime Friedrich Schlegel dans ses Descriptions de tableaux de Paris et des Pays-Bas qui paraissent, par livraisons, entre 1803 et 1805. Avec lui s’affirme le primat du regard. Comme le souligne Bénédicte Savoy (Savoy, 2001) qui a récemment procuré une édition des Descriptions, « il donne à l’acte de voir une primauté inédite dans la littérature européenne ». Il se propose, précise-t-elle, « d’éduquer les yeux de ses contemporains ». Par le regard, on accédera soi-même à une connaissance intime des œuvres, de leur histoire et de leurs caractères particuliers. Schlegel fait, en effet, du face à face avec l’œuvre la condition même de ses études historiques et critiques. Il faut voir beaucoup et avec grande attention, d’où la méfiance à l’égard des tableaux vus trop vite. On notera, avec Bénédicte Savoy, que l’exercice du regard est ici inséparable de l’expérience du musée, et que la démarche de Schlegel s’inscrit dans un contexte qui n’a pas encore été modifié par la reproduction technique des œuvres d’art, modification dont Walter Benjamin tirera toutes les conséquences. Il s’ensuit des considérations originales, marquées au coin d’une prudente modestie et d’un certain scepticisme, qu’on retrouvera chez Stendhal et chez Burckhardt.
Schlegel prend acte, par exemple, de ce qu’en raison de la grande dispersion des œuvres, on doit « se contenter d’embrasser un fragment de la divine totalité picturale » : « Il est évidemment impossible à l’heure actuelle de proposer une analyse systématique des œuvres de peinture qu’il nous est donné à voir. » Ce caractère fragmentaire de l’observation n’empêche cependant pas d’accéder à une vision d’ensemble, les œuvres d’art s’éclairant réciproquement. Au reste, « le regard que nous portons sur l’art ne peut être que fragmentaire, parce que l’art lui-même n’est rien d’au...

Table des matières

  1. INTRODUCTION
  2. CHAPITRE 1 EXERCICE DU REGARD ET EXPÉRIENCE ESTHÉTIQUE
  3. CHAPITRE 2 L’ESTHÉTIQUE DE L’IDÉOLOGIE
  4. CHAPITRE 3 ÉLÉMENTS POUR UNE ESTHÉTIQUE DU CONTEMPORAIN
  5. CHAPITRE 4 L’ESTHÉTIQUE ET LA PENSÉE CONTEMPORAINE
  6. CHAPITRE 6 L’esthétique comme objet sociologique
  7. CHAPITRE 7 Le Serment du jeu de paume
  8. CHAPITRE 8 PROUDHON, VERS UNE RÉVOLUTION DU REGARD ?
  9. CHAPITRE 9 Freud sur l’Acropole.Lecture analytique d’une expérience esthétique
  10. CHAPITRE 10 LA TRAHISON DE JEAN MESSAGIER OU L’ABANDON D’UNE ÉTHIQUE DE L’ABSTRACTION
  11. CHAPITRE 11 « L’INVITATION » ESTHÉTIQUE DANS LES REPRÉSENTATIONS DE DEUX ÉVÉNEMENTS HIPPIQUES DE PRESTIGE : LE PRIX DU JOCKEY CLUB ET LE PRIX DE DIANE LONGINES
  12. CHAPITRE 12 ACTIVITÉS PHYSIQUES : ESTHÉTIQUES ET MISES EN SCÈNE
  13. Dans la collection « Proximités – Sociologie »