L'archiviste dans quinze ans

Nouvelles attentes, nouvelles responsabilités, nouveaux défis

Paul Servais, Françoise Mirguet

• Éditeur: Academia
• Année: 2016
• ISBN:
  9782806120694
• Sujet: Histoire
• Sous-sujet: Histoire du monde

Le rôle et le profil de l'archiviste évoluent. Ses pratiques sont en pleine révolution. Quatre interrogations principales rythment cet ouvrage. 1° Quelle est la place de l'archiviste dans la société contemporaine, dite de l'information? Quelles sont les attentes vis-à-vis de la fonction, de la profession et du métier? Quel rôle jouent les représentations sociales et mentales? 2° Quelles sont les nouvelles modalités d'exercice de ses responsabilités et comment s'exercent-elles? 3° Quels sont les besoins de nouvelles formations pour l'archiviste en devenir? 4° A quels grands chantiers et défis va-t-il être confronté dans les quinze années à venir.

Le rôle stratégique de l’archiviste à l’ère
de la gouvernance informationnelle

Natasha ZWARICH, Dominique MAUREL
et Christine DUFOUR

1. Introduction

La profession d’archiviste a connu d’importantes transformations et est, encore aujourd’hui, en constante mutation sous la poussée de l’évolution des pratiques et des contenus au cœur de ses activités. Bien que les fonctions archivistiques (classification, description, indexation, préservation, diffusion) demeurent fondamentalement les mêmes, leur mise en application demande des adaptations à ces nouvelles réalités organisationnelles et technologiques qui requièrent une collaboration étroite avec d’autres types de professionnels. Ces efforts de collaboration témoignent de l’évolution et de la complexification des besoins des organisations en matière de création, de traitement, de conservation, d’accessibilité, d’intégrité, de sécurité et d’utilisation de l’information produite dans la réalisation des processus d’affaires.

La réponse à ces besoins implique l’intégration de plusieurs fonctions d’information qui portent tant sur les contenus informationnels que sur les technologies d’information soutenant la gestion des contenus1. La réussite de cette intégration nécessite l’élaboration et l’implantation d’un cadre de responsabilité organisationnel comme un système de gouvernance informationnelle. Un tel système devrait s’inscrire dans une perspective stratégique qui tienne compte des objectifs, des valeurs et de l’environnement caractérisant l’organisation2.

Parmi les acteurs organisationnels qui doivent être impliqués dans un système de gouvernance informationnelle se trouvent les archivistes3. Selon les participants à un colloque sur la gouvernance informationnelle tenu à Montréal en 20144, les archivistes doivent, au plan organisationnel, jouer un rôle stratégique et décisionnel accru, et ne plus se contenter du rôle de soutien qui leur est traditionnellement attribué. Ils doivent, pour ce faire, modifier la perception qu’ont d’eux les professionnels intervenant dans d’autres types de gouvernance (des données, des technologies…) au sein des organisations. La planification, la mise en place et la coordination de la gouvernance de l’information devraient leur servir de levier pour mieux se positionner et assurer un rôle clé dans l’alignement stratégique de l’information avec les objectifs et la mission de l’organisation.

L’objectif de cet article consiste à discuter de la nouvelle réalité de la gouvernance informationnelle qui commence à être mieux connue et implantée dans les organisations, des rôles stratégiques et décisionnels que doivent adopter les archivistes dans ce contexte, ainsi que des compétences requises pour ce faire.

Les réflexions présentées s’inscrivent dans les travaux du Groupe interdisciplinaire de recherche en gouvernance informationnelle (GREGI) qui se veut un espace favorisant la recherche, la concertation et la diffusion des travaux de chercheurs, tant académiques que professionnels, intéressés par la gouvernance informationnelle dans les organisations.

2. La gouvernance informationnelle

Le concept de « gouvernance informationnelle » peut comporter plusieurs connotations. Il peut être compris de manière très large, incluant tout ce qui touche Tech Target Company, 2010 ; M. KOOPER, R. MAES, R. et E.E.O. Roos LINDGREEN, « On the governance of information : introducing a new concept of governance to support the management of information », International Journal of Information Management, 2011, vol. 31, no 3, pp. 195-200. à l’information dans l’organisation, ou plus ciblée (par exemple, des préoccupations pour la gestion des documents d’activité)5.

2.1. Quelques perspectives sur la gouvernance informationnelle

Des définitions de la gouvernance informationnelle sont proposées par des associations ou des firmes de consultants. La firme Gartner la définit comme « un cadre de structure de prise de décisions et de reddition de compte qui encourage des comportements souhaités dans l’organisation en ce qui a trait à la valeur de l’information, sa création, son stockage, son utilisation et sa disposition. Cela inclut les processus, rôles, normes et mesures de performance qui assurent l’utilisation efficace et efficiente de l’organisation pour atteindre ses objectifs »6. Certains groupes ou associations s’inspirent de cette définition, comme le groupe EDRM7 qui en reprend les grandes lignes. GouvInfo et 3org Conseil8 voient la gouvernance comme « l’ensemble des mesures, des règles, des organes de décision, d’information et de surveillance qui permettent d’assurer le bon fonctionnement et le contrôle d’un système », le système étant ici l’information. On note dans ces définitions la présence d’éléments clés comme un cadre de responsabilité (ou de responsabilisation) ; des structures, règles et processus ; les comportements souhaités ; et les fonctions liées au traitement de l’information.

Il existe, à notre connaissance, peu de recherches théoriques ou empiriques sur le concept de gouvernance informationnelle. Kooper et al.9 s’y sont intéressés, et avancent que la gouvernance de l’information « implique de déterminer un environnement, des opportunités, des règles et des droits de décision pour l’évaluation, la création, la collecte, l’analyse, la diffusion, le stockage, l’utilisation et le contrôle de l’information ». Pour ces auteurs, l’information représente un actif d’affaires intangible et, à ce titre, doit être considérée pour son contenu informationnel, indépendamment des technologies de l’information qui soutiennent ce contenu.

Différentes composantes doivent être prises en compte lors de la planification et de l’opérationnalisation d’un système de gouvernance informationnelle :

– les rôles des acteurs organisationnels concernés par la gouvernance informationnelle ;

– les normes et principes de gouvernance informationnelle ;

– les processus à mettre en place, en lien avec les différentes fonctions (gestion des documents d’activité, gestion des risques…) à considérer pour opérationnaliser la gouvernance informationnelle ;

– les indicateurs de mesure permettant d’évaluer les résultats de la gouvernance informationnelle et, ainsi, le soutien apporté par celle-ci aux objectifs et activités de l’organisation.

Ces composantes doivent tenir compte des particularités des domaines de spécialisation qui interviennent dans la gouvernance de l’information.

Celle-ci est souvent assumée par plusieurs unités administratives qui agissent en conformité avec leurs propres cadres juridiques, réglementaires et normatifs10. Il s’agit d’une approche compartimentée, où les unités concernées poursuivent leurs objectifs propres selon les priorités de leur domaine de spécialisation, souvent sans concertation entre elles. Le rattachement de la gouvernance informationnelle à l’une ou l’autre de ces unités peut influer sur l’approche adoptée (archivistique, j...

Table des matières

• Couverture
• 4e de couverture
• Dans la même collection
• Titre
• Copyright
• Table des auteurs
• Introduction Paul SERVAIS et Françoise MIRGUET
• Les archives au futur : entre politique et économie, Bertrand MÜLLER
• Suivez le lapin blanc ! L’archiviste à la croisée des chemins ? Anouk DUNANT GONZENBACH et PIERRE FLÜCKIGER
• Archives, communauté et partage : L’archiviste dans la société numérique, Anne KLEIN
• L’archiviste dans la société numérique : apprendre des pratiques en marge. Le cas du cinéma de réemploi, Annaëlle WINAND
• L’archiviste dans la société. Perception et représentation, Fabien ZEPPARELLI
• Les nouvelles responsabilités des archivistes. Éclatement ou repositionnement du métier ? Jean-Marie YANTE
• De nouvelles responsabilités qui dépassent le champ strictement des archives ? Réflexion sur le rôle des Archives de l’État du Valais dans l’écosystème du Service de la culture du canton du Valais, Alain DUBOIS
• Archiver les données de recherche dans quinze ans Magalie MOYSAN
• L’archiviste… un acteur de transition !? Freddy VAN HOVE
• Pour poursuivre la réflexion… Bruno LEMAY
• L’archivistique en quête de formation, Martine CARDIN
• Les outils web des Archives de la Ville de Montréal au service de la formation. Un exemple de collaboration, Nicolas BEDNARZ
• Quelle(s) formation(s) pour quel(s) métier(s) ? Retour d’expérience sur la profession d’archiviste en Belgique francophone, Nicolas DELPIERRE
• Quelle formation continue pour relever les défis de l’hybridation de la pratique archivistique ? Frédéric NOYER
• Âge de l’information, révolution numérique, évolutions sociétales… Enjeux et nouvelles perspectives pour les archivistes, Claire SIBILLE-DE GRIMOÜARD
• De la collecte des archives à la gouvernance de l’information Défis et opportunités d’un nouveau positionnement, Alexandre GARCIA
• L’archiviste dans quinze ans, mobilis in mobilii, Charlotte MADAY
• Le rôle stratégique de l’archiviste à l’ère de la gouvernance informationnelle, Natasha ZWARICH, Dominique MAUREL et Christine DUFOUR
• « Les grands chantiers et les défis » Un aperçu des discussions de la table ronde, Barbara ROTH
• Entre idéal-type et question éthique Remarques conclusives pour un colloque, Frédéric SARDET
• Table des matières
• Dans la même collection (suite)