Territoires européens : discours et pratiques de l'élargissement
eBook - ePub

Territoires européens : discours et pratiques de l'élargissement

  1. 282 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Territoires européens : discours et pratiques de l'élargissement

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Cet ouvrage analyse les caractéristiques des pratiques d'élargissement de l'Union européenne. S'appuyant sur une vaste recension des discours accompagnant les processus d'élargissement depuis le début de la construction européenne, l'auteure offre un éclairage politique et transhistorique sur les conditions de possibilité de la répétition pacifique de l'élargissement en Europe, et propose une réflexion approfondie sur l'impossibilité d'y tracer frontière sans mettre en péril le projet européen de paix, de prospérité et de stabilité.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Territoires européens : discours et pratiques de l'élargissement par Marie-Eve Bélanger en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Politics & International Relations et European Politics. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Academia
Année
2015
ISBN
9782806120595

CHAPITRE III

Le discours de l’européanité :
processus d’élargissement
de l’Union européenne

Dans les chapitres précédents, il a été montré comment il était possible d’envisager la construction européenne comme la performance discursive de l’européanité. Cette européanité a été définie comme « les Européens en train de parler Europe », c’est-à-dire associant, dans un acte de langage, le nous à la communauté européenne, créant par-là les conditions de possibilité de son existence. Cette création intersubjective du territoire de l’européanité se performe dans un éternel devenir de l’UE : le territoire européen de référence au « nous » est en constante expansion dans le discours, et ce surplus est périodiquement cristallisé, mais jamais endigué, par l’expansion du territoire juridique de la communauté européenne. C’est ce processus discursif, plus communément désigné sous le nom d’« élargissement », qui constitue toute l’originalité de la construction européenne par rapport à la construction de l’État et ce, d’une double manière.
D’une part, la qualité intersubjective de la production du discours de l’européanité génère toujours un surplus de sens. S’appuyant sur une analyse synchronique du discours qui prétend que le sens des mots se situe dans les relations infinies qui s’établissent entre eux à l’intérieur d’un système discursif, on remarque que plus le discours de l’européanité est prononcé, plus il est partagé, plus il s’étend, de manière à la fois verticale (approfondissement) et horizontale (élargissement). Comme l’excédent est un concept qui s’oppose à celui de nécessité, la présence même de ce surplus cause une rupture dans le cycle de la nécessité de répondre à la violence par la violence, caractéristique du fondement de l’État. C’est ce surplus qui permet l’élargissement pacifique des frontières de l’européanité, abandonnant au passé les stratégies étatiques d’expansions territoriales violentes, telles l’annexion, la conquête et la colonisation.
D’autre part, une reconfiguration du lien entre légalité et légitimité dans la construction de l’ordre territorial est générée par le principe discursif de la création de l’espace politique européen. En effet, dans son illustration classique au sein de l’État, la légitimité de l’ordre politique repose sur sa conformité à la loi, qui est le produit de la volonté du souverain législateur. Or, au fondement de la construction européenne, point de souverain, mais un acte politique performatif, un discours, établissant les bases de la légitimité sur lesquelles la légalité se construira ensuite. Ce discours, celui du « plus jamais ça ! », inaugure l’ère du politique à travers l’avènement d’une européanité fondée sur la construction d’un « nous » non délimité par une frontière étatique, l’existence de ce nous reposant plutôt sur la légitimité du projet politique commun : la préservation de la paix. Ce bouleversement du lien entre légitimité et légalité dans la construction de l’ordre modifie les paramètres du vivre-ensemble et influence les actes politiques menés ultérieurement par la communauté, actions politiques parmi lesquelles l’élargissement tient une place de choix.
C’est entre autres la méconnaissance de ces marques théoriques de la spécificité de la construction européenne qui explique que les outils classiques de l’analyse de l’État achoppent sur la question générale de l’intégration européenne : ils n’y sont pas conceptuellement adaptés. Il importe donc de poursuivre cette quête théorique qui, dans ce chapitre, adoptera un virage plus résolument empirique. Le développement d’outils conceptuels, qui a été entamé au cours du chapitre précédent, sera donc reconduit ici à travers une réflexion spécifiquement centrée sur l’élargissement de l’Union. Ce chapitre sera divisé en deux sections dont la première servira à formuler une pensée historique et critique sur la frontière et, par extension, sur le processus d’élargissement du territoire politique européen. Ce travail constituera en quelque sorte la synthèse des divers chemins théoriques que nous avons empruntés jusqu’à présent pour tenter de construire le récit généalogique de l’histoire européenne, et qui nous ont invariablement ramenée vers la notion d’élargissement. Au terme de cette première section, la pertinence analytique des études de cas qui seront menées dans les chapitres suivants sera clairement établie.
La seconde section de ce chapitre sera consacrée à un commentaire détaillé sur les sources qui ont été retenues pour l’analyse discursive, sur les critères méthodologiques qui en détermineront les contours ainsi que sur les indicateurs qui formeront le corps de l’analyse proprement dite. C’est là que seront présentés et décrits les textes retenus pour le travail d’analyse, et défendues les raisons de la sélection sévère des sources, qui a été rendue nécessaire par la nature extensive de cette recherche d’une part, et par les contraintes d’accessibilité d’autre part. Mais avant d’élaborer davantage sur la méthodologie utilisée pour l’analyse de l’élargissement, il importe de démontrer comment, à travers tout l’éventail des études sur l’intégration européenne, l’étude de l’élargissement est la plus à même de nous renseigner sur la nature du processus de construction européenne.

1. Le discours de l’européanité, la frontière et son dépassement : nature et genèse du territoire en Union européenne

L’objet élargissement a déjà été abordé à de nombreuses reprises. Il a été présenté comme le surplus du discours de l’européanité et comme l’expression juridique périodique du devenir européen. Nous avons vu que l’idée d’élargir le territoire de l’européanité, c’est-à-dire du « nous » européen, est littéralement constitutive de la légitimité européenne puisqu’elle est l’une des conditions sur lesquelles se bâtit l’ordre européen, un ordre qui a vocation à inclure tous les « États européens » (Traité de Lisbonne, 2010), idée entourée d’un flou conceptuel que personne n’a cru bon devoir dissiper depuis plus de soixante ans. Nous avons également vu que l’élargissement était récursif mais non pas récurrent, c’est-à-dire qu’il doit être étudié non pas en tant que phénomène à chaque fois nouveau, mais bien dans une continuité conceptuelle prenant pour base l’idée de « répétition » deleuzienne, telle que la répétition de la performance crée ou renforce la légitimité. Nous avons vu enfin que les frontières de l’Union étaient toujours d’abord élargies dans le discours avant de l’être juridiquement, faisant de l’européanité un espace toujours plus vaste dans le discours que dans les Traités européens.
L’importance de l’élargissement dans la construction européenne semble de plus en plus indéniable. Or, le nombre limité d’études ayant été menées sur la théorie de l’élargissement et, a fortiori, d’études transversales sur toutes les répétitions de l’élargissement, exige que la démonstration de la pertinence de l’élargissement en tant qu’outil analytique de la spécificité de la construction européenne et des processus d’intégration soit menée de manière méthodique. C’est pourquoi cette section comprendra deux parties qui permettront de cerner l’élargissement dans son acceptation européenne afin de lui octroyer enfin la place centrale qu’il mérite dans l’analyse. Dans un premier temps, c’est l’impossibilité nouvelle de « tracer frontière » en Union européenne qui sera présentée à travers une analyse historique comparative des Traités de paix. Partant de ces conclusions, le lien entre l’absence de frontières, l’élargissement et la création de l’ordre sera clairement établi à travers l’étude du discours de l’européanité dans une seconde partie.

1.1. L’impossible construction discursive de la frontière en Union européenne

L’histoire de la construction de l’État est aussi celle d’une uniformisation de la création de l’ordre à travers une certaine forme d’appropriation du territoire. « La prise de terre, autant vers l’extérieur que vers l’intérieur, est le titre originel, celui qui fonde tout le droit ultérieur » (Schmitt, 2008 : 51). Cette prise de terre, dans son acceptation étatique, est opérée par le découpage de l’espace suivant un certain rapport de force, et le résultat de ce découpage est la juxtaposition d’entités que l’on qualifie de « souveraines », c’est-à-dire maîtresses de leur volonté dans les limites du droit qu’elles fondent. Dans ce système, la frontière représente la limite de la souveraineté, et elle divise sans équivoque ce qui est à l’intérieur de ce qui est à l’extérieur (Raffestin, 1986 : 5). La frontière est donc un outil de construction de l’État sans lequel celui-ci ne peut exister puisque son existence dépend de sa capacité d’exercer sa puissance sur le territoire délimité par cette frontière.
Dans le cadre d’une approche constructiviste, la frontière est considérée comme « un ensemble hétérogène de pratiques discursives ou non discursives et de régime de vérité ou de conduite » (Rigo, 2004 : 74). L’existence de la frontière est donc conditionnelle à une réitération incessante de son tracé. Au sein de l’État, les stratégies en ce sens sont multiples : de la production et la diffusion de cartes géographiques dans les manuels scolaires, au martellement télévisuel des frontières étatiques, spécialement à l’heure de la météo, à la création de fonctions liées à la frontière telles la douane et les patrouilles et à l’omniprésence des symboles rattachés à cette ligne imaginée (drapeaux, hymnes, histoire), le tracé de la frontière est inlassablement réactivé dans l’espace public étatique. Une fois ce processus tentaculaire engagé, les frontières de l’État prennent littéralement racine dans le discours et il devient difficile de les modifier. Or ces frontières, cicatrices laissées par le découpage forcé de l’espace, évoluent rapidement en des lieux de tension favorisant le développement de la violence (Raffestin, 1992 : 161). Cette violence ne tarde d’ailleurs jamais bien longtemps à se manifester, que ce soit sous la forme relativement bénigne de « contrôles », plus structurellement à travers les mécanismes d’exclusion et de refoulement ou alors, dans son expression peut-être la plus grave, par des disputes territoriales pouvant mener à des déclarations de guerres, des annexions et des appropriations unilatérales de terres.
En effet, si « on peut faire de toute chose une frontière » (Maron, 2007 : 113), la frontière n’est pas pour autant un lieu vide, désertique. Au contraire, la frontière est un lieu de passage, d’échange, de contrôle et même pour certains un lieu de vie, un lieu donc sujet aux mêmes conflits politiques qu’ailleurs, en plus d’être une zone tampon entre deux centres. La frontière signale à la fois une fin et un commencement : elle se veut précise, elle est pourtant insaisissable et son importance dans le monde étatique est disproportionnée par rapport à sa capacité à contenir effectivement la puissance et à diviser efficacement l’espace. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles elle devient très souvent un lieu d’affrontement. D’ailleurs en Europe, la Première et la Seconde Guerre mondiales ont toutes deux éclaté par des transgressions de frontières, l’Allemagne envahissant le Luxembourg et la Belgique au début du mois d’août 1914 dans le premier cas et assaillant la Pologne le 1er septembre 1939 dans le second cas. Sur le territoire européen, comme ailleurs dans le monde, l’histoire est étroitement liée à la prise de terre.
Si l’on procède à un retour historique, on note qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les conditions sont réunies pour une complète réorganisation des frontières sur le territoire européen : les États affaiblis sont à peine en mesure d’assurer la protection de leurs confins, et la reconstruction intérieure de ces mêmes États compte plus que les démonstrations de puissance associées à la « prise de terre » et au partage des restes des vaincus. Or, au milieu des années 1940, le contexte est aussi propice à la diffusion d’un « plus jamais la guerre ! », qui avait marqué les mouvements pacifistes nés sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale.
En effet, c’est cette idée de rendre la guerre entre les nations impensable qui a présidé à la création de la Société des Nations en 1919. Or, avec la montée des nationalismes, notamment allemand, durant les années 1930, le projet d’abolition de la guerre était très rapidement tombé dans l’oubli, vidant petit à petit la SDN de son sens. La désaffection progressive des grands États du projet pacifiste entretenu par la SDN durant l’Entre-deux-guerres a également contribué à reléguer au second plan les revendications politiques portées par les divers mouvements européens pour la paix1. Et c’est finalement l’espoir du cri des poilus de 14-18 « plus jamais ça ! » qui a été démenti par une paix de revanche qui a conduit au deuxième conflit ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Déjà parus dans la collection
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Remerciements
  7. Avertissement
  8. Liste des sigles et acronymes
  9. Liste des tableaux et des figures
  10. Introduction
  11. Chapitre I – Fondements historiques de l’ordre européen
  12. Chapitre II – L’analyse du discours en tant que théorie de l’intégration européenne
  13. Chapitre III – Le discours de l’européanité : processus d’élargissement de l’Union européenne
  14. Chapitre IV – Le discours de l’européanité lors des processus d’élargissement 1972-1989
  15. Chapitre V – Analyse du discours de l’européanité lors des processus d’élargissement : 1990-2007
  16. Conclusions
  17. Bibliographie sélective
  18. Table des Matières