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Un anthropologue en Speed Dating

  1. 240 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Un anthropologue en Speed Dating

Détails du livre
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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Cette ethnographie du speed dating porte un regard original et novateur sur le paradigme du couple contemporain. Considérant l'émergence et la renommée du speed dating comme la marque de son temps, l'auteur met en évidence les enjeux anthropologiques de la quête contemporaine du conjoint. Il expose, sans jargon superflu, comment les raisons et les manières de faire couple s'adaptent au fil des transformations idéologiques et technologiques de nos sociétés.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2015
ISBN
9782806120441

1. INTRODUCTION

Cette monographie décrit la pratique du speed dating et le sens que ses acteurs en donnent, tels qu’observés à Bruxelles en 2009 et en 20102.
Le speed dating dont il est question ici est un dispositif qui est, en principe, destiné à produire de la rencontre hétérosexuelle à connotation sentimentale entre personnes qui ne se connaissent pas et qui cherchent à former un couple. Au cours d’une séance de speed dating, typiquement, sept femmes rencontrent sept hommes tour à tour pendant chacun sept minutes. Au terme de cette série de rencontres éclair, chaque participant désigne confidentiellement à l’organisateur ceux ou celles qu’il souhaite revoir ultérieurement. Par la suite, l’organisateur échangera les coordonnées des personnes qui auront réciproquement souhaité se revoir. Les personnes ayant indiqué un intérêt mutuel pourront ainsi reprendre contact pour un « vrai rendez-vous, cette fois », c’est-à-dire un rendez-vous à deux dont le lieu, l’heure et le prétexte seront déterminés par eux-mêmes et non par un tiers.
Le speed dating peut a priori être présenté comme un moyen systématique d’optimiser la formation de couples dans une société où le choix du conjoint se fait habituellement par consentement mutuel et par démarche personnelle. Dans le jargon, on appelle parfois le speed dating : « 7-7-7 ». En pratique, le nombre de participants des deux sexes et le nombre de minutes consacrées aux rencontres en série peuvent sensiblement varier. Le concept du speed dating se décline en plusieurs variantes, dont certaines seront décrites en détail dans cet ouvrage. D’emblée, signalons le « speed dating en ligne »3 : cette variante conserve la connotation sentimentale du speed dating d’origine. Il se déroule sur une plateforme internet où se connecte une série d’internautes préalablement inscrits. Ils y clavardent4, ou ils y conversent via webcam, avec d’autres « célibataires »5 du sexe opposé, tour à tour pendant un temps limité par la plateforme. En 2010 à Londres, fut également inventé le speed hating, également appelé hate dating. Le concept imite celui du speed dating sauf que les participants sont invités à s’épancher au sujet de tout ce qu’ils détestent, y compris concernant leurs vis-à-vis. Le concept aurait été inspiré à ses inventeurs après un speed dating habituel qui aurait mal tourné. Les organisateurs de speed hating invitent tous ceux qui trouvent embarrassant les événements habituels « pour célibataires » à les rejoindre. Selon un témoignage paru dans The Guardian6, il semblerait que les speed hateurs trouvent en speed hating de quoi initier des relations de couple.
Bien qu’ayant été inventé pour la recherche d’un partenaire conjugal, le principe du speed dating est également exploité dans le monde des affaires et le monde politique. Il est alors destiné à rencontrer d’éventuels partenaires commerciaux, à embaucher ou à se faire embaucher, à séduire des partenaires politiques ou des électeurs etc. Le concept du speed dating se transpose donc d’un univers à l’autre : conjugal, virtuel, économique, politique… Et le concept s’osmose aussi, s’interpénétrant avec d’autres sphères de notre environnement social. Ainsi, sur le terrain belge, en 2009-2010, des marques de produits de consommation courante, n’ayant à première vue pas grand-chose à voir avec l’affect ni la sexualité, organisent des speed dating sentimentaux à des fins promotionnelles, par exemple.
À l’instar d’autres activités et services dits « pour célibataires », tels que les sites de rencontre en ligne, les soirées et repas dansants, ainsi que certaines émissions de télévision comme « Tournez Manège », par exemple, le speed dating se présente comme un « dating system ». Dans le jargon du « marché matrimonial », on nomme dating systems les dispositifs de rencontre systématisés qui produisent ou proposent des rencontres organisées ou suggérées par un tiers ou par un mécanisme appliquant une méthode (tel que les logiciels censés identifier des partenaires conjugaux potentiels parmi des personnes enregistrées dans des bases de données, par exemple). Mais ces activités pourraient aussi bien être présentées comme des « entreprises commerciales » ou comme des « programmes de divertissement ». Le fait que le principe du speed dating « sentimental » ait été adopté/adapté par/aux mondes marchand, industriel, politique et de loisir n’est peut-être pas dénué de sens. Le speed dating est un phénomène qui n’est sans doute pas apparu de façon fortuite n’importe où, n’importe quand. Le speed dating n’est pas universel, il est le fruit d’une certaine société où il prend vie et sens, par et pour une partie de ses membres, au moins. Et nous verrons ici ce que cela implique, selon une perspective socioanthropologique.

1.1. Alliance ou appariement au début du 21e siècle en Occident

Considérant le contexte matrimonial des sociétés ouest-européennes contemporaines, les démographes constatent une sorte de crise du mariage et de la famille. Au fil des dernières décades, les taux de mariage diminuent peu à peu alors que les taux de divorce ne cessent d’augmenter. De même, les naissances hors mariage et les unions informelles augmentent elles aussi de manière significative7. Le nombre de familles et d’individus concernés par la question des désunions et des unions informelles est aujourd’hui massif. Les façons de faire familles se multiplient et les parcours conjugaux se diversifient.
Ainsi, à l’instar de la plupart des pays d’Europe occidentale, on se marie de moins en moins et on divorce de plus en plus en Belgique au fil des dernières décades. Un nombre apparemment massif et croissant d’individus adultes pourrait donc se trouver concerné par l’éventualité d’une relation éphémère et/ou informelle. Pour les enfants qui sont nés dans ce contexte, dont une part sont déjà parents aujourd’hui, le divorce, la monoparentalité, la recomposition familiale et la semi-fraternité, ou encore l’homoparentalité apparaissent aussi banals ou acceptables que la figure des parents mariés une seule fois et jusqu’à la mort.
Nonobstant le contexte dans lequel ces enfants grandissent et qui forge leur référentiel quant aux relations humaines, on observe parallèlement dans nos sociétés un allongement de l’adolescence appelé l’adulescence. Corollairement, dans les sociétés occidentales dites « à libre choix du conjoint », la durée pendant laquelle les jeunes sont amenés à « sortir ensemble » (ou à « fréquenter »8, comme on disait précédemment) avant de s’engager dans une forme d’union plus ou moins formelle s’étend souvent bien au-delà de l’âge de vingt ans9. Si bien que la grande majorité des jeunes âgés de moins de 25 ans est composée d’individus qui ont déjà été en couple pendant des mois, ou des années, et qui ont donc déjà vécu une séparation10. Ce fait est devenu aujourd’hui tellement banal que peu semblent prendre la peine de le relever. Pourtant, le contraste est frappant entre une société pas si ancienne où les époux n’avaient connu qu’un seul conjoint11 et celle d’aujourd’hui où il est rarissime de se marier sans avoir connu préalablement une rupture significative. Un nombre apparemment massif et croissant d’individus se constitue ainsi une sorte de parcours conjugal composé d’une série d’unions plus ou moins officialisées et plus ou moins éphémères, bien que souvent sincères et souhaitées pérennes.
Ces constats sociologiques interpellent. Dès lors, peut-on observer de manière réfléchie ce qu’il advient du sens et des pratiques d’unions/ désunions, par exemple dans la Belgique d’aujourd’hui ?
Pour répondre à cette question ethnologique à la manière d’un ethnologue, il s’agit de trouver un ancrage empirique. Lorsque l’enjeu est de produire des alliances matrimoniales au sein d’une société, l’histoire et l’ethnographie témoignent souvent de l’emploi de jeux, de règles ou de rituels congruents. C’est-à-dire des pratiques qui prennent corps et sens en accord avec l’univers culturel des sociétés dans lesquelles elles sont mises en œuvre.
Considérant la méthode classique de l’observation participante appliquée au milieu occidental contemporain, les sites de rencontre en ligne, la drague dans les bars et discothèques, les rencontres fortuites en milieux sportifs et culturels posent certains problèmes méthodologiques. L’idée de comprendre les moteurs actuels de la régulation des pratiques matrimoniales à travers le prisme du speed dating est survenue de façon informelle d’abord, mais elle s’est rapidement imposée. Ce dispositif répond à des règles préétablies, il obéit à une certaine scénographie de l’espace et du temps et il nécessite l’emploi de certaines technologies. Le speed dating, avec ses codes et sa mise en scène, constitue « un événement social spécifique et circonscrit, doté d’un début et d’une fin » : l’archétype de l’observable-descriptible en sciences sociales12. Cette activité met a priori en scène des motivations et des stratégies d’appariement dans des sociétés monogames à choix du conjoint par consentement mutuel. Elle se présente comme étant « dans l’air du temps ». Sa mise en œuvre rend possible l’observation participante. Et parce qu’elle concentre les acteurs en un temps et un lieu spécifique, elle facilite leur rencontre et leur suivi. En discothèque, par exemple, tout le monde ne vient pas nécessairement pour former un couple et il est impossible de savoir ce qu’il advient de personnes venues « seules » lorsqu’elles s’en vont à deux. En speed dating, par contre, les intentions du dispositif sont clairement annoncées et on peut reprendre contact avec les inscrits sur base du listing de l’organisateur ou sur base volontaire lors des rencontres de terrain.
L’importance de cette monographie réside dans le fait que le speed dating apparaît justement dans nos sociétés au moment où l’alliance matrimoniale y est en crise. Cette ethnographie du speed dating n’indique nullement quel genre de personne s’apparie avec qui. Au contraire, elle apporte des explications au fait qu’on se marie de moins en moins et qu’on rompt de plus en plus. Elle nous enseigne ce que le speed dating transporte avec lui : le paradoxe contemporain de la quête du conjoint. Un phénomène qui dépasse de loin le speed dating, mais qui participa à son invention et qui participe à la perpétuation de sa pratique à l’instar d’autres dating systems. Ainsi nous tâcherons de répondre à la question suivante : de quoi l’apparition et la pratique du speed dating et des dating systems est-elle la conséquence ?
Dans nos sociétés à choix du conjoint par consentement mutuel, l’alliance cesse lorsqu’au moins un des deux partenaires le souhaite. Toutefois, ce n’est pas parce qu’il y a relativement moins de mariages ou plus de séparations que les gens cessent de s’apparier ou de produire du couple. D’autres formes d’unions plus ou moins informelles et plus ou moins pérennes coexistent avec la pratique de l’alliance matrimoniale. En d’autres mots, sur notre terrain, lorsqu’il y a désir de partager sa vie intime avec quelqu’un d’autre, ce désir n’a pas nécessairement pour finalité le mariage ni une autre forme d’alliance durable et/ou contractuelle ; pourtant, il est bien souvent question de faire couple et même parfois de parentalité.
Ainsi, plutôt que de parler d’alliances (au sens que lui donnait l’anthropologie de la parenté), nous avons préféré parler ici d’appariements. En effet, le concept d’appariement nous semble mieux correspondre que celui de l’alliance pour décrire et expliquer ce qui se passe sur notre terrain. Car, de fait, le concept d’alliance matrimoniale (dont les générations d’aujourd’hui ont hérité comme une des clés du vivre ensemble) est justement ce qui semble à présent être en jeu dans les sociétés à speed dating. Nous en voulons pour autre indice les multiples travaux sociodémographiques qui nous font le portrait de sociétés occidentales où le mariage est en perte de vitesse et où les façons de concevoir les relations affectives, sexuelles, domestiques ou parentales se diversifient13. Que le lecteur non-anthropologue se rassure tout de suite, il existe des sociétés sans mariage14. L’institution du mariage n’est donc pas indispensable pour faire société, quoi qu’en pensa Cl. Lévi-Strauss dans les années 1940. D’ailleurs, il existe une diversité de sociétés qui ne fondent apparemment pas leurs logiques d’habitat, de régulation de la sexualité, n...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Citation
  6. 1. INTRODUCTION
  7. 2. Genèse du speed dating
  8. 3. Du speed dating de Hassan
  9. 4. En observation participante : speed dating à Bruxelles
  10. 5. Des motivations à se rendre en speed dating
  11. 6. De ce qui donne sens à l’appariement dans une société à speed dating
  12. 7. CONCLUSIONS
  13. 8. ANNEXES
  14. 9. BIBLIOGRAPHIE ET RÉFÉRENCES
  15. REMERCIEMENTS
  16. TABLE DES MATIÈRES