En tous genres
eBook - ePub

En tous genres

Normes, textes, médiations

  1. 254 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

En tous genres

Normes, textes, médiations

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

La notion de genre dans son acception "littéraire" déborde de son cadre originel d'application – la littérature – pour s'appliquer désormais aux manifestations les plus diverses de la culture et de la société de communication. Cette extension des domaines a entraîné des changements dans les fonctions dévolues aux genres. Cet ouvrage montre que les manières d'étudier les genres se sont elles aussi diversifiées. Partout la notion de genre est devenue indispensable.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à En tous genres par Driss Ablali, Sémir Badir, Dominique Ducard en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Langues et linguistique et Linguistique. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Academia
Année
2015
ISBN
9782806120366

Première partie :
Des formes aux pratiques

Chapitre 1
Sémiotique de l’épistolarité numérique d’un public en situation de souffrance

Driss ABLALI
La catégorie du genre renvoie à des questions, à des traditions et à des épistémès distinctes, que nous ne saurions reprendre ici. Notre objectif ne consiste pas en faire l’histoire, ni lui trouver une solution. Dans cette contribution, nous voudrions montrer que l’interprétation est ce qui manifeste la puissance et le rôle des genres dans l’analyse des textes et des discours. Ce n’est pas le genre comme catégorie typologique ou taxinomique dont il sera question ci-après, mais le genre en tant que catégorie herméneutique qui relève de l’interprétation (Rastier 2011), car le genre n’a pas de lieu textuel arrêté. C’est une catégorie, d’abord annoncée par l’étiquette (édito, roman, lettre, recette de cuisine, etc.), ce lieu sans lieu où le genre se tait, puis dispersée dans différentes composantes du texte. Fait fondamental, le genre ne se présente pas sous son seul aspect extérieur (son étiquette), il est la résultante d’un cheminement multi-sémiotique, qui reste illisible en dehors d’un parcours interprétatif, d’où la conjonction entre « corrélats génériques », « molécule générique », « communauté générique » et « interprétation » que cette étude essaiera de mettre au jour dans le cadre d’une approche que nous appelons Sémiotique des Genres sur Corpus (SéGeCo).
Notre contribution se divisera donc en trois sections : la première à caractère introductif consiste à poser les bases épistémologiques et méthodologiques nécessaires à l’analyse du corpus pour montrer comment nous envisageons les liens entre genre et interprétation. Dans la deuxième partie, nous étudierons, du côté de la composition des textes, la mise en discours de l’épistolarité de la souffrance sur un corpus de messagerie électronique, issus d’un dispositif d’écoute numérique du mal-être mis en place par une association de prévention contre le suicide. La troisième partie vise à identifier, du côté de la morphosyntaxe, les relations entre temps verbaux, pronoms personnels et négation en vue d’une interprétation multi-sémiotique du genre.

1. Corrélats génériques, molécule générique, communauté générique

Dans le cadre de la SéGeCo, nous examinons, depuis quelques années, les caractérisations multi-sémiotiques de différents genres de discours en considérant les corpus comme l’une des voies les plus appropriées pour l’accès à une telle entreprise. Avant d’entrer dans l’analyse des données, nous voudrions apporter un éclairage conceptuel sur les trois notions qu’annonce notre sous-titre.
Par « corrélats génériques », nous entendons tel ou tel ensemble de plusieurs variables unies par différentes liaisons. L’ensemble des corrélats est organisé selon une visée partagée, imposée par le genre, que nous appelons une « molécule générique ». Une molécule générique regroupe ainsi plusieurs variables accomplissant une visée pragmatique et pilotées par une intention de communiquer selon une même stratégie. Autrement dit, une molécule générique ne réside pas dans un contenu, ou dans une seule variable, elle réside dans la manière dont les corrélats génériques sont mis en discours en fonction d’une tradition générique (Coseriu), de telle façon que les choix de variables – pronom personnel, temps verbaux, signe de ponctuation, structure et longueur de phrases, présence ou absence de telle ou telle catégorie grammaticale (substantif, verbe, adverbe, etc.) – renseignent sur la nature multi-sémiotique des genres. Car une variable n’existe que pour ce qu’elle permet de faire au sein d’une molécule générique, c’est-à-dire pour la différence qu’elle permet d’obtenir dans la configuration même de cette molécule. Cela signifie qu’une variable ne vaut jamais pour elle-même, mais pour son effet générique sur une autre variable avec laquelle elle va s’associer pour configurer les corrélats de la même molécule. Et une molécule n’est que ce que nous en faisons lorsqu’on écrit dans un genre. Elle constitue un fonds commun pour une communauté sans être reconnue en tant que telle. Les membres de cette communauté forment ce que nous appelons une « communauté générique », terme qui désigne un collectif écrivant dans le même genre, où les individus et ce qui leur est propre s’effacent devant une figure globale. Il s’agit d’une communauté langagière structurée, où les membres ne se rencontrent pas forcément, n’échangent pas, mais partagent le même genre en écrivant des textes. C’est à cette acception du genre que nous nous en tiendrons ici pour l’analyse du corpus.

2. Le corpus2

Ce travail porte sur un corpus électronique lié au thème de la souffrance, mis en place par une association de prévention contre le suicide, que nous appelons ici, dans le sillage des travaux de R. Huët, « association Y ». Dans son dispositif d’écoute, plusieurs supports de communication ont été mis en place : le téléphone (depuis les années 1960), le courrier électronique (depuis 2000) et le chat (depuis 2006). Si l’écoute par téléphone reste le moyen le plus classique pour faire part de sa détresse, le virage numérique a pour principal objectif de répondre à la souffrance d’écrivants de plus en plus nombreux à se livrer à travers le clavier plutôt qu’au téléphone. Le corpus est constitué de plus de 10 000 courriels, écrits entre 2008 et 2010. Il comprend exclusivement des textes intégraux et non des extraits, dont la réunion est justifiée par leur appartenance à la même praxis, le discours issu du milieu associatif. Ce sont tous des textes écrits par un public en situation de grande détresse, venant des quatre coins de l’hexagone, et destinés au milieu associatif. Vu la taille de ce corpus, on peut le considérer comme un « échantillon » représentatif de la population observée, et plus précisément celui d’un « public souffrant écouté/accueilli par le milieu associatif ». Ce corpus a été traité et exploré avec le logiciel Hyperbase3, désormais bien connu, dans sa version 9, qui permet le traitement des formes graphiques et des lemmes en parallèle. En effet, grâce à une lemmatisation effectuée au préalable par l’analyseur Cordial4, nous pouvons traiter non seulement les mots, mais aussi les lemmes, les codes grammaticaux, ou encore les enchaînements syntaxiques.

3. Du côté de la composition

Une remarque préliminaire s’impose : l’objectif de cette étude n’est pas de dresser un parangon de l’épistolarité numérique émanant du milieu associatif. Elle n’a pas non plus la prétention de traiter tous les aspects textuels par lesquels on pourrait interpréter le genre. Dans nos intentions, il s’agit de montrer sur corpus les enjeux multi-sémiotiques d’un genre, la messagerie électronique. C’est en effet en ce point qu’on peut souligner que l’épistolarité numérique telle qu’elle est mise en discours dans ce corpus obéit aux contraintes de la correspondance comme interaction et échange. Son dispositif sémiotique est subordonné aussi bien aux enjeux de l’épistolaire qu’aux contraintes numériques de son médium. Elle se distingue ainsi des autres genres épistolaires par la spécificité du destinataire qu’elle vise : l’allocutaire ne peut être visé nommément, il occupe donc une place indéterminable. Même si l’échange s’effectue entre deux individus, l’allocutaire de l’association Y ne répond pas en son nom, mais en tant que membre de l’association, représentant un groupe. Il n’est jamais nommé, il est désigné par le « Vous », contrairement à l’épistolier qui est désigné par le « je » dans le texte et par un nom ou un pseudo à la fin de son courriel, et par l’adresse mail5. Comme le déclare D. Maingueneau dans un texte sur l’épistolaire, « le genre de discours implique un contexte spécifique : des rôles, des circonstances (en particulier un mode d’inscription dans l’espace et dans le temps), un support matériel, un mode de circulation, une finalité » (1998 : 55).
Commençons par les rôles. Les courriels du milieu associatif sont des textes conçus pour circuler à l’intérieur d’une sphère bien définie, l’association. C’est une correspondance privée qui exige un devoir de réponse, et qui n’est pas une correspondance d’individu à individu. Les écrivants motivent leur démarche par une demande d’aide. Tous le savent : au niveau du topic, ils écrivent pour parler de soi, pour exprimer leur souffrance ou mal-être, comme l’illustre clairement l’expression, parmi tant d’autres, « je vous écris » où la visée de l’échange est posée sans ambages dès les premières lignes du courrie6 :
je vous écris pour vous demander un peu d’aide car je me sens mal depuis plusieurs mois
je vous écris ce soir juste car cette journée de Noël a été difficile
bonjour si je vous écris c’est que je suis en détresse et que je sens que mon corps et très fatigué
SI je vous écris, c’est pour mettre en mots ma vie
je vous écris car j ai des problèmes, je pète littéralement les plombs
je vous écris car j’ai du mal a surmonter ma peine
En ce point, les propos de Huët sont éclairants :
En proie à des doutes existentiels, l’écriture aiderait l’individu à redonner sens au chaos de sa vie et de rechercher la trame narrative dans une série d’expériences qui pourraient paraître comme décousues (Huët, à paraître).
Au niveau de la composition de ces courriers, les messages comportent généralement, dans les séquences d’ouverture, des formes de salutation, comme marqueurs de politesse d’une relation de type symétrique (Kerbrat-Orecchioni 1992 : 36), sans l’utilisation des titres du type Monsieur/Madame, qui pourraient augmenter la distance, et qui sont dominants, par exemple, dans les courriers administratifs ou professionnels. « Bonjour » ou « Bonsoir » est la formule de salutation la plus adéquate, dans les milieux où la distance n’est pas une valeur sociale cruciale. Pour ouvrir le courriel, la salutation
« Bonjour »/ »Bonsoir », vu sa grande fréquence dans le corpus, permet de faire mieux comprendre la visée communicative du locuteur en l’inscrivant dans la sphère intime d’échange qui le légitime. D’entrée de jeu, il impose, juste après le rituel de contact, son noyau thématique pour fonder son droit à l’expression du mal-être et de la souffrance. Ainsi se rencontrent dès l’ouverture des courriels et avec une forte fréquence des phrases posant clairement la visée de l’échange, que nous avons appelé plus haut « molécule générique » :
Bonjour, j’ai simplement besoin de m’exprimer mais les paroles ne me conviennent
BONJOUR et merci de prendre la charge de me lire
Bonjour alors voila comment interpretriez vous un mari qui rentre avec une braguette ouverte et la chemise defaite au dos ?
Bonjour, voilà mon soucis en effet ma vie ne va plus…
Bonjour je vous ecris parce j’en ai marre, je veux parler, je suis victime de la poisse
Bonjour, je vous contact car je suis en situation de mal être
Bonjour j’ai 40 ans, je suis toujours seule mes a...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Sciences du langage Carrefours et points de vue
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Présentation
  7. Première partie : Des formes aux pratiques
  8. Deuxième partie : Des pratiques à l’interprétation
  9. Présentation des auteurs
  10. Table des matières