Genre ou liberté
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Genre ou liberté

Vers une féminité repensée

  1. 164 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Genre ou liberté

Vers une féminité repensée

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À propos de ce livre

Cet essai met en évidence la façon dont l'acception prééminente du genre féminin permet de justifier les dominations affectant les femmes. Les stéréotypes sur l'empathie, la douceur, la maternité, l'apparence, la sexualité et la rivalité intrasexe facilitent en effet la perception des femmes comme des objets plutôt que comme des sujets et limitent de la sorte leur potentiel de révolte et d'engagement. Cet ouvrage trace également les contours d'une féminité plus compatible avec la liberté.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2015
ISBN
9782806120069

1. La liberté

Posons à présent les grandes lignes de l’idéal de liberté à l’aune duquel nous formulerons ensuite nos propos critiques sur les clichés aujourd’hui en vigueur sur le féminin.

Un idéal progressiste

Une grande partie de la pensée progressiste a délaissé ces dernières décennies le principe de liberté, supposant qu’il aurait été entaché par des récupérations conservatrices. S’il est vrai que de nombreux penseurs et militants conservateurs ont prétendu se faire les chantres de la liberté totale, ils ont, ce faisant, dévoyé ce bel idéal. En reniant leurs racines libérales – au sens politique et philosophique du terme –, les courants progressistes se sont quant à eux privés d’un principe extraordinairement mobilisateur. J’ai plaidé dans d’autres ouvrages pour une redécouverte et une refondation du principe de liberté qui soient tout à la fois crédibles, convaincantes et susceptibles de raviver l’envie de s’engager1. En effet, sans une mobilisation des dominés – qui constituent la majorité de la population –, l’espoir de faire reculer les injustices ne peut que s’abîmer dans les rêves et les professions de foi si typiques des pensées idéalistes2.
Une société juste devrait garantir la liberté à l’ensemble des individus qui la composent. La liberté en ce sens n’est ni mince ni abstraite. Au contraire, par les multiples conditions qu’elle suppose, elle ne peut qu’être éminemment concrète. Pour devenir libres, les individus doivent tout d’abord être débarrassés des nombreuses chaînes qui aujourd’hui les brident, les réfrènent et les oppriment : inégalités socio-économiques – chômage, précarité –, impuissance politique – en grande partie due à une perte de souveraineté nationale qui n’a pas été compensée par une souveraineté européenne –, discriminations découlant de la religion, d’appartenances ethno-culturelles, du sexe ou encore de l’orientation sexuelle. Ces différentes formes d’injustices conduisent toutes à limiter la liberté des individus qui les subissent. Par conséquent, la liberté requiert d’abord un revenu et un emploi décents ainsi que l’accès à des services publics de qualité. Elle suppose, en d’autres termes, une application pleine et entière des droits économiques et sociaux consacrés par la plupart des constitutions et des déclarations de droits. Autrement dit, opérer et mettre en œuvre des choix de vie de façon relativement libres nécessite une situation matérielle au moins décente. Mais rendre la liberté réelle comporte aussi des implications de type proprement politique : elle doit également se traduire par une participation des citoyens aux décisions collectives qui les affectent directement. Un grand nombre d’aspirations individuelles passent en effet forcément par des changements collectifs que seule la politique est à même de faire advenir. Autrement dit, une souveraineté démocratique effective, au niveau le plus efficace pour mettre en œuvre des politiques conformes aux intérêts des citoyens, constitue une autre précondition de la liberté3. Enfin, la liberté suppose la suppression de toutes les formes de discriminations qui, en réduisant les individus à leurs appartenances ou caractéristiques culturelles, religieuses ou sexuelles, les empêchent de définir leur conception du bien de la façon la plus autonome possible.

La fin des dominations

La liberté nécessite donc un état de « non-domination ». Être dominé c’est être soumis à la volonté potentiellement capricieuse ou au jugement potentiellement idiosyncratique d’un autre, même si l’agent dominant – individuel ou collectif – s’abstient d’exercer effectivement cette4. La non-domination, au contraire, est une condition en vertu de laquelle une personne est immunisée contre les interférences de nature arbitraire5. Autrement dit, un acteur en domine un autre quand il dispose d’une capacité d’interférence : celle-ci consiste en une détérioration de la situation d’un autre acteur et en un acte plus ou moins intentionnel. L’interférence en question peut désigner une coercition sur le corps ou sur la volonté ou encore de la manipulation6. Elle ne doit pas forcément être moralement répréhensible pour être problématique. Cette interférence doit, en outre, se faire sur une base arbitraire : l’acte dépend de la seule volonté de l’agent dominant et est engagé sans égard pour les intérêts et les opinions de ceux qu’il affecte.
Par conséquent, insister sur la non-domination exige notamment de faire en sorte que le pouvoir politique fonctionne de façon non arbitraire. Cela ne veut pas dire que ce dernier ne peut être interventionniste, tant que ses interférences sont dénuées d’arbitraire et ont pour objectif la satisfaction des préférences et intérêts de ceux à qui ils s’appliquent. La loi et l’action étatique en général ne représentent donc pas nécessairement des formes de domination7. Un pouvoir d’État non arbitraire doit non seulement répondre aux exigences de l’État de droit – hiérarchie des normes, séparation des pouvoirs, protection des droits fondamentaux dans une loi fondamentale – et de la démocratie représentative, mais aussi être exercé d’une façon qui vise le bien-être et les préférences de la population sur laquelle il s’exerce8.
Toujours à des fins de clarification des concepts utilisés dans cet ouvrage, il est utile de souligner que le consentement ne suffit pas à supprimer la domination. Ainsi, des lois résultant d’une décision majoritaire peuvent engendrer la domination, tout comme des contrats librement passés entre des personnes. Le consentement au pouvoir suffit beaucoup moins à empêcher son arbitraire que la possibilité permanente de le contester. Soulignons également que la domination peut exister sans interférence. Ce qui compte pour qu’il y ait domination, c’est la capacité d’utiliser son pouvoir d’interférence arbitraire, même s’il ne l’est pas effectivement. La domination est liée à la possibilité de l’interférence arbitraire, quand bien même celle-ci serait hautement improbable.
Notons que la liberté comme non domination n’a besoin, pour être un idéal convaincant, ni des oripeaux identitaires ni des tendances perfectionnistes dont ses partisans tendent à l’affubler9. En d’autres termes : d’une part, cet idéal ne doit pas être utilisé pour renforcer l’identité d’une communauté et ne requiert pas non plus de soubassement identitaire, de type patriotique ou autre. D’autre part, il ne nécessite pas non plus des « vertus » participatives ou de « civilité » comme le prétendent ses partisans néo-républicains. La non-domination, en tant que première étape vers la liberté, est un objectif susceptible de fonder un projet politique rassembleur et mobilisateur, indépendamment de toute rhétorique identitaire et de toute idéalisation de certaines conceptions ou pratiques particulières.

Un projet ouvert

Au-delà de l’absence de domination, la liberté est aussi un principe positif et ouvert qui le rend apte à constituer la clé de voûte d’un projet progressiste renouvelé.
Dans une société de liberté, chacun devrait pouvoir dessiner et mettre en pratique sa propre conception de la vie bonne. Ce principe est donc, par excellence, « non perfectionniste »10. Ce point est essentiel, tant les partisans de la liberté tendent à restreindre cette dernière en prônant des façons spécifiques de l’exercer. Ainsi, les penseurs progressistes affirment-ils fréquemment que certaines visions et comportements – par exemple, la construction du lien social, les activités tournées vers la collaboration et la coopération, le souci du bien commun – seraient intrinsèquement plus désirables.
Il est pourtant plus réaliste de penser la liberté à partir de la nature humaine telle qu’elle est, c’est-à-dire, en tenant compte de toutes ses tendances, égoïstes comme altruistes. N’en déplaise aux « militants existentiels » évoluant dans les cercles progressistes ou à certaines féministes s’inscrivant dans la perspective de l’éthique du « care »11, la diversité des moteurs des comportements humains a été largement mise en évidence. Au lieu de plaider pour un projet aux ressorts exclusivement altruistes, il est bien plus réaliste de faire appel à l’intérêt de chacun à la liberté réelle, surtout si le but est de susciter le soutien de la majorité. En effet, au niveau collectif et macro-sociologique, les dispositions égoïstes prennent facilement le dessus sur les tendances plus altruistes12. Le principe de liberté, par sa dimension noble et idéale, parle certes au cœur de chacun, mais il s’adresse aussi aux penchants égoïstes. Il serait, de plus, foncièrement contraire au principe même de liberté de réduire cette dernière à certaines dispositions ou attitudes. Une société de liberté aurait précisément pour conséquence de faire éclater les freins qui aujourd’hui brident les individus dans leurs choix et leurs aspirations13.
Cette ouverture inhérente à l’idéal même de liberté s’oppose aussi à une interprétation perfectionniste de ce dernier comme devant forcément mener à un développement des potentialités humaines en général et de chaque individu en particulier14. Dans une société de liberté, certains choisiraient certes de se concentrer sur le renforcement de leurs capacités. Mais il est également probable que d’autres consacreraient leur énergie et leur temps libre à d’autres tâches, objectifs et activités : s’occuper de leur famille, de leurs hobbies, de la vie collective, rester oisifs… Dans une perspective authentiquement libérale, aucun de ces choix – tant qu’ils sont réels – ne devrait se voir attribuer une valeur a priori supérieure aux autres.

Un combat pour les femmes

Que signifie à présent le concept de liberté ainsi défini pour la condition féminine ? Les femmes sont, comme la majorité des individus dans nos sociétés, tout d’abord affectées par des injustices dont les sources sont socio-économiques et politiques. Mais en plus de ces dernières, elles subissent des désavantages spécifiques, liés uniquement à leur sexe ; ceux-ci tendent à approfondir les autres inégalités qu’elles partagent avec une grande partie de la population. Bien entendu, le groupe femmes, loin d’être homogène, est parsemé de contradictions et de divisions – de classe, d’éducation, de culture ou de religion15. Toutefois, par-delà ces différences objectives, il est possible et souhaitable d’émettre certaines généralisations sur les injustices affectant les femmes. Le simple fait que leur sexe les place dans des positions inférieures socialement devrait suffire à justifier une telle généralisation. Les statistiques le démontrent aisément16 : les femmes sont surreprésentées parmi les victimes de violences domestiques – que celles-ci soient physiques, émotionnelles, verbales, financières ou sexuelles –, le chômage et la précarité des emplois les touchent davantage, les « familles monoparentales » sont, dans l’écrasante majorité des cas, des femmes seules avec enfants, elles continuent à assumer les deux tiers des tâches domestiques et de la prise en charge des enfants, elles sont quasiment absentes de certains secteurs et nettement minoritaires aux postes de pouvoir et de décision. En raison de ces inégalités objectives, l’idéal de liberté ne constitue donc toujours pour les femmes qu’une lointaine chimère.

Se libérer de chaînes mentales

Mais les chaînes qui brident aujourd’hui les femmes sont tout aussi mentales et subjectives qu’inscrites dans leurs conditions objectives. Il est en effet troublant d’opérer quelques constats : les barrières formelles qui les empêchaient d’accéder aux études et à certaines professions ont disparu ; les violences domestiques sont désormais explicitement condamnées ; les lois en matière de divorce et de gardes sont devenues plus égalitaires. Malgré tout, elles n’obtiennent toujours pas les mêmes résultats en termes de réussite et de carrière et elles sont toujours plus susceptibles de tomber dans des situations de maltraitance. Ce qui permet d’expliquer cette stagnation et, dans certains domaines, cette régression, relève bien davantage des perceptions et de la subjectivité que d’obstacles objectifs : telle est l’hypothèse que nous retenons.
Plus encore, le r...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Du même auteur
  4. Titre
  5. Copyright
  6. INTRODUCTION
  7. 1. La liberté
  8. 2. L’empathie
  9. 3. La maternité
  10. 4. La beauté
  11. 5. La sexualité
  12. 6. La douceur
  13. 7. La rivalité
  14. CONCLUSION. Repenser la féminité
  15. Table des matières