L'intervention sociale à l'épreuve des habitants
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L'intervention sociale à l'épreuve des habitants

  1. 222 pages
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L'intervention sociale à l'épreuve des habitants

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Engagés à rechercher les forces vives d'un territoire, à y reconnaître des formes de solidarité et de pouvoir d'agir, des professionnels de l'action sociale mettent en oeuvre des modalités différentes d'intervention sociale prenant pour point de départ les projets de développement portés par les habitants. L'ouvrage rapporte l'expérience de recherche-action menée dans ce sens entre des associations d'action sociale de l'ouest de la France et des enseignants-chercheurs de l'université Paris 13. (497)

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Informations

Éditeur
Téraèdre
Année
2014
ISBN
9782336684550

TROISIÈME PARTIE
UN TRAVAIL D’HYBRIDATION
AU COEUR D’UNE PARTICIPATION
DÉMOCRATIQUE

DÉSORDRE, PARTICIPATION DÉMOCRATIQUE
ET VIE ORDINAIRE :
LA RAQ COMME EXPÉRIENCE

Bruno José Daniel Filho et Marilena Nakano47
Ce chapitre est un retour d’expérience sur la recherche-action qualifiante qui a réuni des professionnels des Sauvegardes de Laval, Rennes et Le Mans et une équipe d’enseignants de l’Université Paris 13/Nord durant la période 2008-2009. L’analyse proposée concerne les conditions de déroulement de cette recherche-action considérées à partir d’un débat sur la participation démocratique.
Nous commencerons par énoncer quelques hypothèses sur l’état actuel de la démocratie en France, ainsi que sur des initiatives de démocratie participative et de formations tournées vers l’horizontalité. Celle-ci est à comprendre tout à la fois comme l’égalité des intelligences, la perméabilité et la variété des outils de communication (bien au-delà de la simple prise de parole) ainsi que la capacité d’écoute et du respect des différences, qui représentent pour nous les conditions de l’établissement de la confiance et de la solidarité, alors même que les acteurs possèdent des histoires et des logiques spécifiques. Ces conditions permettent en effet de penser collectivement, mais aussi de « faire ensemble », en affrontant les bureaucraties rigides et dominatrices ; bref, d’accéder à la participation démocratique et à l’émancipation, ce qui suppose plus de qualités que la démocratie participative.
Nous développerons ensuite des réflexions sur les actions engagées par la RAQ autour des notions d’émancipation, de désordre, d’expérience, de participation démocratique et de vie ordinaire, qui organisent l’égalité comme outil de travail, dans la perspective d’une co-construction plaçant tous les acteurs sur le même pied d’égalité quant aux savoirs à mettre en œuvre.

Démocratie ?

Sans prétendre aborder la démocratie sous tous ses aspects, nous reprendrons plus spécifiquement quelques idées de Jacques Rancière. La première d’entre elles concerne la négation de l’idée dominante qui considère comme démocratiques les régimes représentatifs. Pour Rancière, « les sociétés, aujourd’hui comme hier, sont organisées par le jeu des oligarchies. Et il n’y a pas à proprement parler de gouvernement démocratique. Les gouvernements s’exercent toujours de la minorité sur la majorité. » (Rancière, 2005 : 58-59) C’est affirmer que si, aujourd’hui, l’ensemble des citoyens peut participer au choix des représentants élus, tout citoyen a le droit formel de se présenter aux élections comme candidat, que le suffrage a fini par devenir universel et que la pluralité des partis est acquise dans un jeu relativement ouvert. Ce régime représentatif moderne, qui comporte des éléments démocratiques signifiants et incontestables, comporte aussi, de par sa nature même et sa logique intrinsèque, des éléments anti-démocratiques, car oligarchiques. Et ce sont là les deux faces d’une même pièce : la fiction démocratique du régime représentatif, fondée sur l’inégalité.
Ainsi la minorité, une fois sélectionnée par le vote, parle-t-elle à la place de la majorité, après avoir été élue dans un processus dit démocratique, mais qui se résume en un acte (le vote), qui délègue le pouvoir des citoyens à ceux que l’on pense les plus capables de gouverner. Or, cette minorité choisie est généralement éprise d’une passion du pouvoir, au nom d’un système que « crée une sphère autonome animée par une passion spécifique, la passion de puissance. Ceux qui ont passé ne serait-ce que quelques heures dans un environnement politique savent parfaitement que l’exigence du bien public est bien loin d’être la principale motivation qui réunit ceux que l’on y rencontre, à commencer par soi-même ! Le pouvoir est une passion, et c’est pour cette raison qu’il peut être dangereux… » (Viveret, 2005 : 50). Cette passion étant sans limites, il a d’ailleurs fallu établir « une forme de régulation émotionnelle globale. Montesquieu chercha à appliquer cette régulation au cœur même du politique à travers la logique de la séparation des pouvoirs, qui n’aurait guère de sens dans l’ordre fonctionnel, mais prend toute sa pertinence dans l’ordre passionnel : arrêter le pouvoir par le pouvoir » (Viveret, 2005 : 54).
Dans ce système, se maintient une sorte d’illusion que cherche à cacher l’histoire même des acteurs qui l’ont produite et qui la reproduisent encore aujourd’hui. Si nous revenons à la création de la Constitution des États-Unis de 1787, emblème de la démocratie moderne, nous nous apercevons qu’elle a représenté « un travail de composition des forces et d’équilibre des mécanismes institutionnels destiné à tirer du fait démocratique le meilleur qu’on en pouvait tirer, tout en le contenant strictement pour préserver deux biens considérés comme synonymes : le gouvernement des meilleurs et la défense de l’ordre propriétaire […] Les législateurs républicains n’en avaient fait nul mystère » (Rancière, 2005 : 8).
Par conséquent, le développement des sociétés dites démocratiques se déroule dans un cadre strictement limité en faveur du développement de l’égalité : « On prend habituellement l’existence d’un système représentatif comme critère pertinent de démocratie. Mais ce système est lui-même un compromis instable, une résultante de forces contraires. » (Rancière, 2005 : 80) C’est constater que ce système ouvre donc plus au moins d’espaces à la participation démocratique, ce qui doit solliciter notre vigilance critique.
Au début de leur développement, les partis ouvriers, syndicats de masse et différentes associations, ont fait naître, par leurs luttes, dans un climat de désordre, la structuration des droits (civils, politiques et sociaux). Pourtant, au fil du temps, ni une plus grande égalité ni une plus grande disposition à la fraternité ou à la solidarité et encore moins à l’émancipation citoyenne n’ont pu apparaître. Nous avons même plutôt assisté à un processus de bureaucratisation tendant à généraliser la relation de subordination du haut vers le bas, et à établir clairement un rapport de verticalité.
Investissant les institutions, les bureaucraties déterminent ainsi les routines de travail, fixent des objectifs, établissent la division des tâches spécialisées et prennent fréquemment leurs décisions sans que la possibilité d’échange entre différents secteurs, différents domaines de disciplines, ni entre les citoyens eux-mêmes, soit possible.
L’histoire nous a également montré que de puissants conflits ayant entraîné une situation de désordre ont donné lieu à des actions démocratiques. Ces combats, à l’origine de l’évolution des droits, ont néanmoins aussi créé ces mêmes appareils abrutissants, les élections des meilleurs au suffrage universel favorisant la reproduction des élites au sein de l’État comme dans les organisations ayant une puissance publique, telles que les syndicats, les partis politiques, les associations, etc.
En France, le cas de Georges illustre de manière emblématique ce qui peut nous arriver avec les institutions de l’État-providence48. « Un établissement, avec ses cloisonnements, ses justifications rationalisantes, se présente souvent comme une somme de défenses organisées collectivement sur un mode obsessionnel : ne rien changer, tout fixer, tout prévoir. Totalisation permanente […] Totalisation bien sûr impossible, qui veut se présenter comme “structure”, mais qui est une forme de massification obsessionnelle, sur un fond de tyrannie mégalomaniaque : vouloir tout dominer, tout savoir, tout prévoir à l’aide d’une logique traditionnelle, inadaptée, de type logico-positiviste. » (Oury, 2007 : 120)
Les institutions créées par l’État-providence ont une tendance à la désolidarisation et à la déresponsabilisation citoyenne. Leurs systèmes sont compartimentés et fragmentés par domaines spécialisés de connaissances, tels l’école républicaine, l’assurance maladie, les transports en commun, etc. Elles deviennent d’un formalisme excessif, clos sur lui-même, d’une énorme rigidité. Bref, elles excluent le sujet, le citoyen, et, par conséquent, s’appauvrissent. La spécialisation représente un des obstacles permettant aux institutions publiques d’appréhender la réalité globalement, avec toute sa complexité (Morin, 2008).
Ce constat vaut aussi pour les institutions de la société civile : les associations, perçues comme emblèmes de solidarité et de capacité à agir de manière autonome, ont elles aussi perdu, d’une certaine façon, leur puissance de changement. La tendance va clairement à leur bureaucratisation, marquée par des relations verticales et non démocratiques, quand bien même leurs représentants sont élus ; ou, justement, parce que ces organisations intègrent la logique du régime représentatif.
Cependant, malgré le développement des relations de subordination verticales, d’autres logiques sont toujours construites, en parallèle, créant de nouvelles formes d’être et d’avoir dans le monde, dont les acteurs collectifs sont capables de générer des formes d’agir et de participation démocratique. Ces derniers produisent de nouvelles dimensions de démocratie. Leurs valeurs ne sont alors pas comprises comme des données définitives ni comme des éléments d’un futur défini par avance, mais comme un processus porté et portant des individus, des acteurs, non exclusivement soumis aux déterminations structurelles.
Ainsi, même dans des institutions classiques, telles que les Sauvegardes, en dépit des limites apportées par leurs normes, leurs hiérarchies, leurs spécialisations, leurs routines, rencontre-t-on toujours une possibilité de participation démocratique.
Nous faisons donc le constat paradoxal que, globalement, l’État oligarchique tend à s’écarter de la société et que les partis et les syndicats de masse tendent à s’écarter de leurs bases (Offe, 1983), s’éloignant de manière contingente des principes d’égalité ; mais que, d’un autre côté, des espaces sont ouverts dans la société civile face à l’imperméabilité relative des organisations bureaucratiques, qui créent des actions collectives indépendantes mettant en œuvre les principes égalitaires, solidaires et émancipateurs, du « faire ensemble ».
Si ces hypothèses sur la démocratie actuelle sont valables, il nous est alors permis de « repenser les chemins de l’émancipation non pas comme la levée d’un grand corps collectif, mais comme la multiplication des formes d’expériences qui peuvent tisser une autre forme de communauté » (Rancière, 2009a : 49), ces activités prenant des « formes dissensuelles de combat, de vie et de pensée collective » qui incitent à explorer le « potentiel d’intelligence collective inhérent à ces formes » (Rancière, 2009b : 232). En outre, « cette exploration suppose elle-même la pleine restauration de l’hypothèse de confiance » (Rancière, 2009b : 232).
Ainsi le « désordre » peut-il être source d’inventivité, de créativité.

Démocratie participative / participation démocratique

Pour que la participation démocratique s’installe, il faut en effet qu’une sorte de désordre, permettant de renverser l’ordre vertical de la bureaucratie, de la domination et, même, pour de courts moments, l’ordre oligarchique de la démocratie représentative, ait lieu. Pour cela, il faut un désordre assurant et affirmant que nous sommes tous égaux dans une expérience, qui, nouvelle, nous permet de nous rendre compte du principe égalitaire des intelligences (Rancière, 2009b), ce qui est une condition de l’horizontalité.
Le désordre ouvre alors des possibilités pour vivre des expériences encore non vécues, dont le sens est produit pendant leur cheminement. Les expériences qui en naissent nous offrent la possibilité de changer des situations d’immobilité, de verticalité, de solitude, de pensée parcellaire, par des actions de participation démocratique. Il devient donc possible, à partir du désordre, de vivre des expériences du faire ensemble, solidairement, en tant qu’égaux, restaurant ainsi la confiance, puisque presque tout est nouveau pour tous, soit dans les institutions, soit au sein de la société civile, même si chacun a une histoire derrière lui.
En d’autres termes, une situation de désordre peut nous engager dans des actions de participation démocratique, à condition cependant de réfléchir à la question de la participation, au cœur du débat politique actuel. Porter un regard sur certaines expériences de notre société et nous interroger sur la subtilité des sens de certains mots peut nous faire prendre conscience de quelques pièges de ce débat : avant d’être une expérience d’émancipation, la démocratie participative peut en effet se révéler être un exercice du pouvoir dans lequel l’oligarchie prend toute sa place. L’analyse d’expériences relatives à la démocratie participative locale, s’efforçant de tisser une autre forme de communauté, nous en montre la grande diversité.
Par exemple, et en dépit de l’absence d’unanimité à ce sujet, des examens plus détaillés des expériences de budget participatif brésilien49 nous indiquent qu’elles s’éloignent souvent de leu...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Dédicace
  5. Sommaire
  6. Remerciements
  7. LETTRE D’UN PRÉSIDENT Une mobilisation inter-associative pour une recherche-action qualifiante
  8. INTRODUCTION Une participation démocratique des habitants par le faire ensemble
  9. PREMIÈRE PARTIE UN COLLECTIF DE PENSÉE
  10. DEUXIÈME PARTIE VISAGES DE TERRAIN ET FIGURES DE L’ACTION : ALLER VERS LES HABITANTS
  11. LANGAGE ORDINAIRE ET PRODUCTION DE SENS. À LA DÉCOUVERTE D’UN AUTRE HABITANT ?
  12. TROISIÈME PARTIE UN TRAVAIL D’HYBRIDATION AU COEUR D’UNE PARTICIPATION DÉMOCRATIQUE
  13. Adresse