L'Oman contemporain
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L'Oman contemporain

Aménagement du territoire et identité nationale

  1. 578 pages
  2. French
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L'Oman contemporain

Aménagement du territoire et identité nationale

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À propos de ce livre

La géographie actuelle d'Oman reste peu étudiée: ce travail de doctorat explore la mise en œuvre de l'aménagement du territoire depuis 1970, à l'aide d'analyses pluridisciplinaires et d'une vaste enquête photographique. L'ouvrage montre une véritable « production de l'espace » (Henri Lefebvre) omanais en vue de façonner une identité nationale et de légitimer le pouvoir. La promotion de la maison individuelle n'a pas été seulement le moyen de moderniser le pays mais aussi d'un contrôle de la population jusqu'au plus intime. Elle a conduit à la recomposition du quartier et à la réinterprétation des espaces de sociabilité. A partir des années 1990, l'insertion accrue dans la mondialisation et la nécessaire diversification économique conduisent à développer le tourisme: branding et « agencification » infléchissent l'aménagement du territoire au profit de l'élite économique. Cette évolution se traduit aussi par la mise en scène de l'identité nationale, par l'Etat et, en partie, par la population. Comme monographie, l'ouvrage offre une compréhension en profondeur des enjeux géopolitiques d'un pays qui appartient à la fois à la péninsule arabique et au monde de l'océan Indien. Les études de cas réparties sur l'ensemble du territoire et la mobilisation de la bibliographie existante pourront servir de référence à d'autres recherches sur Oman.

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Informations

Éditeur
De Gruyter
Année
2021
ISBN
9783110748291

1 Introduction

1.1 Parcours personnel: territoires et identités

Avec l’ouvrage coordonné par Marc Lavergne et Brigitte Dumortier, la thèse de Marc Valeri,1 qui analyse en profondeur le sultanat d’Oman non seulement comme pays mais comme système politique « sultanique » a servi de point d’entrée. Mon travail s’en distingue puisqu’il s’agit ici d’une thèse de géographie, et non de sciences politiques, analysant l’inscription de cette politique dans le territoire. Ce choix n’était pas évident pour un historien ayant d’abord travaillé dans les années 1995–2001 dans des centres d’archives autrichiens et tchèques sur la noblesse de l’empire des Habsbourg. Au fil des années d’enseignement complémentaire en géopolitique et de rédaction d’études de cas pour des manuels du supérieur, il s’est imposé progressivement comme une autre manière d’étudier un pays. Il est peut-être le lointain résultat de la rédaction d’un guide touristique sur la République tchèque, exercice qui faisait aussi parcourir tout un pays, même s’il ne s’agissait alors que d’en repérer et décrire les édifices les plus remarquables culturellement. De ce point de vue, étudier l’aménagement d’un territoire enrichit considérablement la pratique touristique puisque tout devient intéressant, les châteaux bien restaurés par le sultan mais aussi la rencontre avec un ouvrier du sous-continent indien posant des canalisations d’eau au bord de la route montant à l’Akhdar ou avec les Bangladais ramassant le poisson séché au soleil à Shināṣ pour les expédier à Dubaï.
Pourquoi Oman ? Une part de hasard, à la suite d’un séjour dans le Golfe, de l’admiration pour la profondeur historique d’un pays, exprimée par ses forts omniprésents et par ses villages souvent en ruine, et pour l’harmonie exprimée par le spectacle des palmeraies parcourues par les ’aflāj, canaux d’irrigation dont l’eau reflète la lumière et dessine des fils d’argent. Ces deux découvertes ouvraient sur le sujet: le falaj (Fig. 1) est au cœur de la civilisation omanaise, véritable clé de voûte géopolitique d’Oman jusqu’au bouleversement des années 1970, comme l’a montré John Wilkinson dans Water and Tribal Settlement in South-East Arabia: A study of the Aflaj of Oman.2
L’un des plus somptueux parmi les forts omanais, construit entre 1675 et 1692 et modifié entre 1721 et 1728, le château de Jabrīn renferme des décors peints sur les poutres de plafond de vastes pièces et les caissons de stucs de l’escalier qui m’évoquaient alors ceux de la Renaissance tchèque comme à Kratochvíle, voire de certains châteaux de la vallée de la Loire comme à Azay-le-Rideau. Selon Eugenio Galdieri, l’influence serait plutôt à attribuer à la Perse safavide,3 ce qui renvoie à l’ouverture aux influences extérieures d’Oman, persanes en particulier. On pourrait dire que le rapprochement entre ces styles si éloignés géographiquement est à la mode dans la région: il est l’un des fils directeurs des choix d’exposition au Louvre d’Abu Dhabi, comme l’explique Alexandre Kazerouni.4 La ressemblance est peut-être aussi accentuée par la restauration de 1979 à 1983 sous supervision d’architectes italiens et souvent avec des artisans marocains. Selon Soumyen Bandyopadhyay, « early restoration effort often treated the ‘high-style’ architecture in isolation, removed from its traditional built context », aboutissant à « an artificially ‘decontextualised’ manner ».5 Ici caractéristique de la mise en valeur du patrimoine, la décontextualisation est apparue progressivement comme un élément clé de toute une partie de la politique d’aménagement du territoire mise en œuvre par Qābūs.
Fig. 1: falaj dans le wādī de Ghūl, au pied du Jabal al-Shams, avril 2016.
De l’histoire de la Mitteleuropa à la géographie d’Oman se dessine un autre fil conducteur, celui d’identités composites: en Bohême se sont mêlées identité germanique, slave et judaïsme, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale; Oman voit dialoguer monde arabe, indien, africain, sans compter l’influence européenne. La cohabitation n’est pas toujours idyllique: il y a eu des heurts sanglants dans le passé, par exemple contre les marchands indiens, et encore aujourd’hui, comme en 2011, lorsque les manifestants s’en sont pris au supermarché Lulu de Ṣuḥār, symbole de l’omniprésence des Indiens. Toutefois cette cohabitation témoigne de l’enrichissement mutuel possible par la diversité. Sans idéalisation exagérée, elle conduit à un goût pour les relations paisibles et à une forme de tact au cœur de l’identité omanaise, hier et aujourd’hui. Fredrik Barth l’a décrit dans les années 1970 pour la ville de Ṣuḥār, avec le but de « to give an analysis of cultural pluralism in the town and how it is maintained » et il a proposé de voir dans ce tact une véritable « ideology of politeness ».6 De ce point de vue, la population du gouvernorat du Dhofar rejoint ce caractère, avec des habitudes de comportement qui cherchent à éviter tout conflit autour d’une insulte potentielle.7 Sans tomber dans l’exercice de psychologie des peuples, comme cela pouvait se pratiquer en d’autres temps, l’ouvrage de Jeremy Jones et Nicholas Ridout analyse à quel point l’identité composite omanaise et l’art du tact dans les relations sociales composent « a culture of diplomacy » et informent jusqu’à la diplomatie omanaise, son discours de tolérance et son souci d’équilibre, qui ne s’explique pas seulement par la nécessité pratique de survivre entre des voisins plus puissants et parfois remuants.8 Les diverses rencontres avec les Omanais ont permis de goûter un peu de ce caractère paisible, loin de l’animation bruyante qui correspond davantage à l’image habituelle du Proche-Orient, et tout autant de leur grande délicatesse d’accueil. Cette ouverture d’esprit et d’accueil a été particulièrement représentée par Sheikh ‘Abdullah b. Muḥammad Al-Sālimī, spécialiste du dialogue interreligieux, qui m’a reçu au ministère des Cultes et des fondations religieuses, et par Ṣalāḥ b. ’Aḥmad Al-Ruḥaīlī, l’un des deux imams de la nouvelle mosquée Qābūs de Ṣuḥār. Rencontré par hasard en entrant dans l’édifice, il a consacré plus d’une heure à me faire visiter le bâtiment inauguré la veille et à échanger sur les relations entre chrétiens et musulmans.
Cette recherche a été menée parallèlement à une charge d’enseignement à plein temps en lycée et à des activités secondaires de rédaction chronophages, avec les contraintes matérielles familiales. Dans ce contexte, il était impossible de séjourner de longues périodes à Oman. Le choix a été fait de multiplier les séjours d’environ dix jours, ce qui permettait de noter des évolutions et d’enrichir le questionnement par les temps de lectures entre ces séjours. En incluant le séjour de découverte dans le Golfe, ce travail s’appuie sur six séjours de juillet 2014 à avril 2018, pour un total d’environ 50 jours, entre 15 000 et 20 000 kilomètres parcourus en voiture (Fig. 2).
Sh. Shināṣ
L. Liwā
Ṣ. Ṣuḥār
B. Buraīmī
R. Rustāq
Ṭ. Ṭīwī
‘I. ‘Ibrī
N. Nizwā
Ba. Bahlā’
F. Fahūd
Si Sināw
M. Manaḥ
KW Al-Kāmil wa-l-Wāfil
J. Ja‘lān
Fig. 2: cartes des séjours réalisés à Oman.

1.2 L’Oman contemporain

Le 10 janvier 2020 meurt Qābūs b. Sa‘īd Āl-Būsa‘īdī, né le 18 novembre 1940 et sultan d’Oman depuis le 23 juillet 1970, après un règne de près de 50 ans, longévité exceptionnelle dans le monde arabe et d’autant plus remarquable qu’il s’agit d’une monarchie absolue et non d’une monarchie parlementaire dans laquelle le souverain est en retrait des débats politiques. Dès le lendemain, son cousin Haītham b. Ṭāriq est reconnu comme son successeur après réunion du Conseil de famille, qui a suivi les recommandations faites par écrit par le défunt souverain. Cette succession sans heurt institutionnel a rassuré le pays car c’était un sujet d’inquiétude depuis longtemps, de manière plus aiguë encore depuis 2014 alors que le sultan s’était absenté de longs mois pour traiter un cancer du côlon en Allemagne. On ajoutera qu’au moment de la mort du souverain, seulement 10% de la population avait connu un autre souverain !9 Certes, les défis qui attendent le nouveau souverain sont nombreux, d’autant plus que son prédécesseur s’était construit la stature de fondateur d’un nouveau pays, l’Oman moderne, même si ce dernier se veut aussi un très ancien Etat, contrairement à la plupart des autres de la péninsule arabique. Tout un mythe politique a été développé par l’ancien sultan autour de la « Nahḍa » ou « renaissance », réutilisant un terme présent d’une part dans le mouvement de réveil national arabe de la fin du XIXe siècle, d’autre part renvoyant au rétablissement du système politique de l’imamat, ici non pas pour réellement le rétablir mais pour s’approprier une partie de sa tradition. Comme le rappelle Raoul Girardet, un mythe politique a une triple fonction, celle de récit, celui de l’avènement de l’Oman contemporain, d’explication, celle du rôle fondateur de Qābūs véritable père de l’Oman actuel, de mobilisation, les Omanais devant soutenir le pouvoir dans sa marche glorieuse vers l’avenir.10
« What is modern Oman ? » se demandent Jeremy Jones et Nicholas Ridout, qui fréquentent ce pays depuis plusieurs décennies, en introduction à leur synthèse A History of Modern Oman.11La question est en apparence anodine et la réponse semble aller de soi mais en réalité elle se heurte à ce qui vient d’être dit du sultan et du mythe politique de la Nahḍa. D’un côté, c’est un pays doté d’infrastructures modernes, garantissant l’accès à une vie matérielle généralement qualifiée d’urbaine, au sens du « droit à la ville » d’Henri Lefebvre et, de fait, l’amélioration du niveau de vie des Omanais est passée par une urbanisation massive de leur cadre de vie depuis 1970. Le récit officiel souligne à l’envi cette mutation profonde, qui a sorti Oman du sommeil moyenâgeux censé prévaloir avant le coup d’Etat de Qābūs du 23 juillet 1970. Une telle présentation met en avant l’action du souverain et, en effet, il est difficile au visiteur d’Oman de ne pas être admiratif devant l’œuvre accomplie: combien d’hommes d’Etat à travers le monde et à travers l’histoire ont marqué aussi longtemps et aussi profondément leur pays ? Dans cette marche linéaire vers le progrès, la figure de Qābūs n’est pas sans évoquer celle des « despotes éclairés » de l’Europe des Lumières, à la différence qu’il n’a pas fait la guerre, sinon au début de son règne contre un soulèvement marxiste au Dhofar et il apparaît au contraire comme un facteur de paix entre les peuples dans une région habituellement considérée comme un foyer de conflits. Ce soulèvement réclamait plus de développement matériel, ce que voulait aussi le nouveau sultan: il eut ainsi l’habileté de lui donner satisfaction et l’impression de l’avoir emporté. Toutefois, malgré le mérite éminent du sultan, le risque de cette modernité est d’interroger, à terme, le système politique. C’est d’autant plus le cas que l’Oman commence en partie avant 1970: la monarchie actuelle n’est pas immémoriale ! La dynastie ne s’est imposée qu’au cours du XVIIIe siècle et c’est le père de Qābūs, le sultan Sa‘īd b. Taīmūr, qui règne de 1932 à 1970, qui a imposé progressivement un Etat central, contre d’autres pôles de pouvoir, celui de l’imam ou de chefs tribaux ambitieux. Ce deuxième sens de « moderne » « might refer to features of Omani society that look, in these terms, much less modern but which […] are in fact best understood as characteristics of a distinctively Omani modernity. These might include, therefore, the hereditary monarchy, the consolidation of a coherent ‘traditional’ national identity, as well as the country’s participation in cosmopolitan networks of commerce and cultural exchange ».12 Ces deux sens de la modernité d’Oman créent une tension vécue au quotidien par les Omanais, ce qui, pour une partie d’entre eux, peut se traduire spatialement par la migration du week-end (vendredi-samedi) de l’agglomération de Mascate vers une autre dans l’intérieur du pays, occasion de renouer avec un genre de vie partiellement ...

Table des matières

  1. Title Page
  2. Copyright
  3. Contents
  4. Remerciements
  5. 1 Introduction
  6. 2 Aménager pour forger et moderniser l’Oman
  7. 3 Des choix stratégiques pour le territoire
  8. 4 Identité nationale et aménagement du territoire face au défi de l’insertion dans la mondialisation
  9. 5 Conclusion
  10. Bibliographie
  11. Index