L'intervention féministe d'hier à aujourd'hui
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L'intervention féministe d'hier à aujourd'hui

Portrait d'une pratique sociale diversifiée

  1. 257 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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L'intervention féministe d'hier à aujourd'hui

Portrait d'une pratique sociale diversifiée

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À propos de ce livre

Voilà déjà plus de trente ans que l'intervention féministe a vu le jour dans le sillage des des changements réclamés par les mouvements des femmes occidentaux. Prônant des rapports égalitaires dans la relation d'aide, cette approche alternative axée sur la reconnaissance du potentiel des femmes ainsi que la reprise de pouvoir sur leur vie favorise des démarches collectives et, ultimement, vise le changement social. Comment s'actualise ce modèle féministe aujourd'hui? Comment ces pratiques se sont-elles renouvelées et élargies au fil des ans pour prendre en compte notamment les dimensions ethnoculturelles et les divers contextes sociaux afin de répondre adéquatement aux besoins de toutes les femmes? Des intervenantes, universitaires et militantes discutent ici de leurs approches et perspectives d'intervention selon leurs lieux d'observation ainsi que des enjeux touchant leur pratique. En réitérant le riche potentiel de l'intervention féministe, ce livre témoigne en outre de la vitalité d'une approche sociale diversifiée permettant de soutenir des milliers de femmes aux quatre coins du Québec.

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Informations

VIOLENCES ET PRATIQUES FÉMINISTES EN MOUVANCE

L’intervention féministe en maison d’hébergement: une vigilance de tous les instants!

Diane Prud’homme

Au Québec, les maisons d’hébergement se sont développées dans les années 1970, afin que les femmes et leurs enfants puissent se soustraire à la violence conjugale et être accompagnées dans leur reprise de liberté. Prenant conscience que la domination masculine est inscrite dans l’organisation sociale et qu’à cet égard toutes les femmes peuvent se trouver, un jour ou l’autre, victimes de violence conjugale et sans protection sociale, des militantes regroupées dans le mouvement des maisons ont choisi d’intervenir dans une perspective féministe, c’est-à-dire dans un rapport de femmes à femmes ayant une socialisation et un vécu communs. Cette volonté d’intervenir dans une perspective féministe a aussitôt été confrontée à l’absence de modèles: comment faire? Comment traduire cette approche dans le contexte d’une maison d’hébergement? S’agit-il tout simplement de porter des valeurs féministes dans l’intervention? Voilà des questions auxquelles le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale a voulu répondre en se dotant d’une Charte d’intervention, suite à une consultation auprès de ses maisons membres. Cette charte, adoptée en 1990, énonce les principes directeurs qui encadrent la pratique de l’intervention féministe en maison d’hébergement dans une perspective de lutte contre la violence conjugale. Parmi les principes d’intervention stipulés dans cette charte, citons:
Travailler en maison d’hébergement, c’est promouvoir l’autonomie, le respect, la liberté et la potentialité des femmes et de leurs enfants dans une perspective féministe.
Et agir sur la violence conjugale, c’est s’outiller comme femmes afin de reprendre contact avec nos besoins, notre potentiel d’agir, notre capacité à être actives et à reprendre du contrôle sur nos vies. Cela implique d’être soi-même, de référer à notre propre expérience, de partager notre analyse entre femmes, favorisant ainsi une prise de conscience de notre victimisation et de l’oppression qui nous est faite. C’est en fait modifier le regard que nous portons sur nous (Regroupement, 1990: 3).
Ces énoncés, qui abordent les principes autant que les attitudes à adopter, même s’ils sont clairs, sont porteurs d’un idéal à atteindre qui peut être interprété et mis en pratique différemment d’une travailleuse à l’autre, d’une instance à l’autre ou même d’une maison à l’autre. Conscient de ces divergences possibles, tout en soutenant que l’intervention féministe demeure un modèle à construire, à expérimenter et à préciser sans cesse dans la pratique, le Regroupement a développé des formations à l’intention des intervenantes des maisons d’hébergement afin qu’elles s’approprient les principes de la Charte et les traduisent le plus fidèlement possible dans leur travail auprès des femmes.
Parmi plusieurs expériences réalisées par le Regroupement, nous nous attarderons sur trois d’entre elles en raison de leur influence majeure sur le développement de l’intervention féministe en maison d’hébergement. Il s’agit du programme de dévictimisation intitulé Les mensonges qu’Horrore me contait, de la formation Les vigilantes de l’intervention féministe et de l’accompagnement à L’intervention féministe. Nous tenterons de mettre en relief la façon dont chacune de ces formations a précisé et fait évoluer la pratique de l’intervention féministe en maison depuis vingt ans. Plus explicitement, nous montrerons d’abord comment ces initiatives se situent dans le temps et dans l’histoire du Regroupement, puis nous présenterons brièvement les contenus respectifs de ces formations en regard des principes d’intervention féministe et, enfin, nous évaluerons leurs impacts sur les intervenantes pour conclure sur ce que ces expériences ont révélé au sujet de la pratique de l’intervention féministe en maison.

Le programme de dévictimisation Les mensonges qu’Horrore me contait

Un peu d’histoire

Inspirée de la démarche de la Riposte des femmes sur la victimisation et de leur guide intitulé On apprend à être victime, on peut le désapprendre (1984), la formation Cycle de la violence et victimisation a été développée et diffusée dans les maisons dès 1986. Dans cette formation, la victimisation était analysée comme une conséquence de la violence privée et sociale faite aux femmes et était associée au cycle de la violence conjugale pour définir le cycle de victimisation, soit le processus au cours duquel l’effet de la violence se cristallise au fil des expériences. Cette formation nous a fait prendre conscience de la victimisation des femmes, de son organisation sociale et de l’urgence de doter les intervenantes d’outils pour contrer l’effet déstabilisant qu’elle avait eu sur elles.
Aussitôt après l’adoption de la Charte d’intervention en 1990, le Regroupement a mis sur pied un comité de travail chargé de développer une démarche de réflexion sur la dévictimisation des femmes: comment reprendre du pouvoir sur sa vie? Inspiré du premier recueil de textes féministes sur la victimisation, dirigé par Jane Roberts Chapman et Margaret Gates (1978), des écrits de la Riposte des femmes (1984), et du cadre théorique du rapport de stage en service social de Guylaine Paquin et de Diane Mahoney de l’Université de Montréal (1984), le comité de travail a élaboré une formation en dévictimisation que le Regroupement a intitulée Les mensonges qu’Horrore me contait.

Qu’est-ce que le programme de dévictimisation?

La prémisse de départ est que toutes les femmes peuvent «victimiser» suite à des agressions et à des injustices qui leur sont faites parce qu’elles sont des femmes. Il convient donc d’entreprendre une formation qui s’adresse d’abord aux intervenantes afin qu’elles prennent conscience de leur propre victimisation et, le cas échéant, amorcent le processus de reprise de pouvoir sur leur vie. C’est à partir de leur démarche personnelle que les intervenantes sont davantage en mesure de comprendre et d’intervenir auprès des femmes qui se sentent impuissantes.
La dévictimisation est donc le processus inversé de la victimisation. Si des femmes ont été agressées, mises dans l’impuissance et en outre blâmées d’avoir provoqué l’agression ou mal réagi, elles peuvent en venir à croire qu’elles sont responsables de ce qu’elles ont subi et qu’elles auraient pu l’éviter. La dévictimisation est le travail d’analyse critique qui vise à corriger les perceptions qui ont été biaisées au fil des agressions. Autrement dit, c’est le processus à partir duquel nous reprenons du pouvoir sur notre vie suite à des expériences qui nous ont laissées dans l’impuissance.
Tout travail sur la dévictimisation doit donc d’abord reconnaître:
• Qu’il y a une organisation sociale qui permet l’oppression des femmes et qui les incite à intérioriser les messages opprimants au cours de leur socialisation et lorsqu’elles subissent des agressions, tant physiques que psychologiques.
• Que les femmes sont, en fait, éduquées « à tolérer ou à se responsabiliser des agressions subies par un sentiment d’impuissance qui devance et dépasse la situation d’agression» (Regroupement, 1991:4).
• Que la plupart des femmes sont concernées par la victimisation, même si elles ne réagissent pas toutes de la même manière et avec la même intensité selon le contexte dans lequel elles ont été élevées, les agressions qu’elles ont subies, la protection ou le rejet des autres face aux violences vécues, la confiance en soi, les expériences de vie et la capacité de résilience.
• Que pour ébranler les structures sociales face à cette réalité, pour que les femmes puissent avoir la force de s’imposer collectivement, il est impératif de travailler à la reconstruction de leur sécurité, de leur autonomie et du pouvoir sur leur vie (empowerment).
La dévictimisation des femmes n’éliminera pas la violence des hommes, mais elle donnera aux femmes davantage de moyens pour dénoncer l’impuissance sociale qui leur est imposée et lutter contre elle. Dans ce contexte, la démarche Les mensonges qu’Horrore me contait propose une nouvelle façon de percevoir les situations de victimisation. Elle vise à faire prendre conscience aux femmes, d’abord individuellement et ensuite collectivement, des messages opprimants qui leur ont été communiqués à travers la violence et qui leur sont rappelés par la voix de l’impuissance, que nous avons surnommée Horrore1, pour signifier l’horreur que ses messages inspirent. Il faut donc s’attaquer à ses messages pour déconstruire son influence et ses effets paralysants.
En d’autres mots, entreprendre une démarche de dévictimisation, c’est apprendre à identifier individuellement et collectivement ses peurs, à distinguer son sentiment d’impuissance des situations réelles d’impuissance, à se centrer sur soi, ses droits, sa colère et sa dignité, à défier ses craintes pour apprendre à s’imposer comme individue et citoyenne à part entière. La dévictimisation encourage en ce sens l’affirmation de soi plutôt que l’enlisement dans la peur. Un tel processus permet généralement aux femmes de focaliser sur elles-mêmes, sans culpabilité ni doute. Plus encore, renforcer le pouvoir des femmes signifie reconnaître les situations sur lesquelles elles n’ont pas nécessairement de contrôle; ainsi, elles n’ont pas à se blâmer d’avoir mal réagi ou de se sentir incompétentes.
C’est à partir de cette conception de la dévictimisation qu’une première formation des Mensonges qu’Horrore me contait a été offerte en 1990. On y invitait les intervenantes à identifier leur propre Horrore, à analyser les messages reçus depuis l’enfance et leurs effets dans différentes situations d’impuissance vécues. Elles étaient ensuite encouragées à revoir ces messages et à en faire une autre lecture à partir de leurs droits, de leurs envies, de leurs besoins. Un tel changement de perception — de l’impuissance au pouvoir d’agir — ne peut évidemment pas se concrétiser à partir d’une seule formation d’une durée de deux jours. Cela exige d’avoir du temps et l’occasion d’en rediscuter, d’échanger et de poursuivre collectivement ce travail de réflexion.
Quelques années plus tard, une deuxième formation s’est ajoutée à la première, intitulée La dévictimisation: de l’impuissance à l’action, pour permettre aux intervenantes de mieux identifier les subtilités de la dévictimisation et d’échanger sur ses enjeux et défis. En effet, comment faire la différence entre un message paralysant transmis par la voix de l’impuissance (son Horrore intérieure) et des habiletés personnelles que l’on estime déficientes? Par exemple, si une femme a omis de s’inscrire au cours qu’elle a toujours rêvé de suivre, est-ce parce qu’Horrore lui rappelle ses échecs scolaires, insistant sur le fait qu’elle n’est pas assez intelligente pour réussir ce cours universitaire, ou est-ce parce qu’elle éprouve effectivement des difficultés sur le plan des apprentissages et qu’elle ne veut pas se mettre en situation d’échec inutilement? Cette formation permet ainsi de mieux cerner les messages d’Horrore qui sont parfois confondus avec des limites ou des caractéristiques personnelles.
Dans la foulée de ces formations sur la dévictimisation, le Regroupement a décidé d’offrir un atelier public, destiné aux femmes intéressées à connaître leur Horrore et à s’en départir. Il a développé aussi, en 1994, un programme de suivi sur 20 semaines pour les femmes qui ont vécu de la violence conjugale, ayant séjourné ou non en maison d’hébergement. Ce programme permet aux femmes d’intégrer et d’expérimenter cette nouvelle façon de se percevoir, de dépasser les expériences de violence pour prendre conscience du système organisé de victimisation des femmes, de s’entraider et de trouver ensemble des moyens pour lutter contre l’oppression. D’ailleurs, il arrive fréquemment, qu’à la suite du programme, des femmes souhaitent entreprendre des actions pour poursuivre leur démarche personnelle, mais aussi pour apporter leur contribution au changement social nécessaire.
En résumé, le programme de dévictimisation repose sur une démarche au cours de laquelle chaque femme prend conscience de sa victimisation et de celle des femmes en général, et entreprend un processus d’analyse qui lui permet, individuellement et collectivement, de reprendre du pouvoir sur sa vie.

Évaluation du programme de dévictimisation

Cette démarche de dévictimisation a eu une résonance spectaculaire tant auprès des femmes en maison d’hébergement que des intervenantes. En effet, dans la foulée de ces formations, l’intervention en maison a adopté un nouveau visage et un nouveau langage est né autour d’Horrore. Des formatrices ont parcouru la province plus d’une fois, apportant une réponse concrète au sentiment d’impuissance qui émerge souvent suite à une prise de conscience de la victimisation. Durant les années 1990, cette formation avait le vent dans les voiles et le Regroupement a raffiné, d’année en année, cette nouvelle approche. Des publications sont d’ailleurs venues confirmer cette expertise et apporter un éclairage supplémentaire2.
Toutefois, au début des années 2000, le contexte social change, modifiant la façon de voir la victimisation et la reprise de pouvoir des femmes. En effet, nous constatons qu’en matière de violence conjugale des pas importants ont été franchis, dont l’adoption en 1995 d’une politique gouvernementale d’intervention en matière de violence conjugale, intitulée Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale, entérinée par les six ministères et secrétariats québécois concernés. Plus largement, le féminisme a aussi favorisé la prise de pouvoir des femmes, de sorte que la socialisation des filles propose aujourd’hui d’autres comportements que la soumission et l’obéissance: une variété de modèles cohabitent et élargissent le registre des réponses et des comportements sociaux des filles, et ce, même si les processus de socialisation traditionnels les influencent encore à se définir en fonction de leurs relations amoureuses, du regard masculin et du désir de séduction. Ainsi, dans un contexte où les stéréotypes sexistes apparaissent transformés et sont devenus plus insidieux, une révision du programme de victimisation s’imposait. En effet, les jeunes femmes hébergées ne se reconnaissent pas nécessairement dans ce portrait traditionnel des rôles et des stéréotypes sexuels, où il est notamment question des privilèges des hommes, de la soumission des femmes et de l’oppression des hommes à l’endroit des femmes. Elles ont l’impression aujourd’hui d’avoir été élevées dans les mêmes conditions que leurs frères et de jouir des mêmes avantages.
D’un autre côté, les femmes reprennent collectivement du pouvoir, elles tolèrent moins longtemps la violence et savent qu’elles peuvent recourir à un ensemble de services. De plus, leurs stratégies sont devenues plurielles: aller en maison d’hébergement pour servir un ultimatum à son conjoint, visiter le site Shelternet3 pour élaborer un scénario de protection, informer l’employeur de la violence vécue à la maison ou le prévenir du harcèlement possible de la part du conjoint, etc. Malgré cela, la violence continue de mettre en péril la vie de celles qui la subissent depuis trop longtemps. Il n’est donc pas étonnant que les femmes développent de plus en plus de problèmes connexes (toxicomanie, agressivité, itinérance, obsession du jeu, etc.), tout en souhaitant se distancier de l’image type de la femme victime, déprimée et incapable de s’affirmer. Nous constatons ainsi que la victimisation ne se manifeste plus de la même façon que nous la percevio...

Table des matières

  1. Page de couverture
  2. Demi-page titre
  3. Page de titre
  4. Page de copyright
  5. Introduction: Témoigner d’une approche plurielle: l’intervention féministe au XXIe siècle: Christine Corbeil et Isabelle Marchand
  6. Fondements Et Principes De L’intervention Féministe
  7. L’intervention Féministe à L’aune des Questions de Diversité
  8. Violences et Pratiques Féministes En Mouvance
  9. Marginalité et Pauvreté: L’intervention Féministe Comme Outil de Conscientisation
  10. Notes biographiques