Les filles en série
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Les filles en série

Des Barbies aux Pussy Riot

  1. 234 pages
  2. French
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Les filles en série

Des Barbies aux Pussy Riot

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Les filles sont des filles parce qu'elles sont en série.Des corps féminins en rangées. Ils se meuvent en synchronie. Ils ne se distinguent que par le détail d'un vêtement, d'une courbe, d'une teinte de cheveux. Les filles en série sont mises à leur place et créent l'illusion de la perfection. Ce sont des filles-machines, des filles-marchandises, des filles-ornements. Toutes reproduites mécaniquement par l'usine ordinaire de la misogynie.Mais la figure des filles en série est double: à la fois serial girls et serial killers de l'identité qu'on cherche à leur imposer. Casseuses de party, ingouvernables, elles libèrent la poupée et se mettent à courir. Entre aliénation et contestation, les filles en série résistent à leur chosification, à l'instar des grévistes féministes de 2012. Cet essai percutant se déploie comme une chaîne qui se fait et se défait, depuis les Cariatides jusqu'aux Pussy Riot.

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Informations

CHAPITRE QUINZE

Blondes

On se souviendra longtemps du long-métrage d’Adrian Lyne de 1987, Fatal Attraction: d’une part pour ses scènes de sexe et la voracité du personnage féminin, Alex; d’autre part pour sa scène dite du Bunny Boiler (du lapin plongé dans une casserole d’eau bouillante), et à partir de laquelle il faut relire le film de Lyne à rebours. Ce lapin blanc, que la maîtresse éconduite tue par vengeance, met en lumière un jeu de couleurs qui traverse le film et y inscrit un certain nombre de valeurs.
D’entrée de jeu, le père, la mère et l’enfant à la chevelure foncée, apparaissent à l’écran vêtus de blanc. Lieu virginal, la domesticité nucléaire est représentée comme pure perfection, en plus blanc que blanc. Par opposition, l’apparition de Glenn Close (Alex), futur one-night stand de Michael Douglas (Dan) qui viendra bouleverser la vie de cette famille, nous la montre vêtue d’une robe noire, les yeux nimbés d’un maquillage sombre, sa tenue mettant en valeur sa crinière très blonde. Plus tard, la caméra nous transportera dans le loft d’Alex (bête de sexe au nom androgyne), appartement industriel situé dans le Meatpacking District. Par la suite, chaque fois qu’on voit Alex arrivant ou quittant le loft, son corps se mêle à ceux des hommes qui transportent les carcasses d’animaux prêts à être dépecés. Si le loft d’Alex est un espace parfaitement blanc – murs, meubles, literie, accessoires… – contrairement à la demeure familiale de Dan, colorée et désordonnée, cette blancheur s’avère être un piège: celui de la femme fatale. L’attraction fatale, pourrait-on dire, a lieu non pas entre les personnages de Douglas et Close, mais entre leurs univers, domestique puis banlieusard chez l’un, célibataire et urbain chez l’autre. Enfin, c’est par le lapin que l’attraction se transformera en répulsion, la maîtresse en venant à attaquer l’emblème de la domesticité ordinaire et innocente: le lapin blanc.
Un détour par ce film pour dire que les blondes ont à voir avec le lapin blanc. Comme Alex dans Fatal Attraction, dont l’image blanche n’est pas sans rappeler celle de Marilyn Monroe, sa robe envolée au-dessus d’une bouche de métro, cet animal est à la fois éminemment attirant parce qu’inoffensif, et pourtant dérangeant: sous la peluche se cache une activité sexuelle débridée et le risque d’être avalé. Le lapin est un moyen terme entre le sauvage et le domestiqué, il est à la fois animalité, innocence, sexe et féminité. Et la blonde, elle, cette femme-enfant fatale, pure et hypersexualisée, familière et dangereuse, est de la même espèce190.
*
On le sait: les hommes préfèrent les blondes, et les femmes préfèrent les diamants. En faisant un calcul barbare, on peut conclure que les blondes, au fond, sont des filles-diamants dont la chevelure brillante attire les regards.
On sait aussi que la blondeur comporte une charge politique: symbole de la race aryenne (Himmler avançait qu’en appliquant strictement les lois nazies, le peuple allemand pourrait être génétiquement transformé pour devenir une pure race blonde en 120 ans), le désir de blondeur a servi d’argument pour l’extermination de Juifs dits parasites (la teinte des cheveux participant de leur ségrégation) et de base pour l’élaboration du programme Lebensborn. Ce programme comportait deux volets: d’une part, on kidnappait les enfants blonds aux fins de la germanisation; d’autre part, les hommes et femmes jugés racialement et physiquement acceptables étaient appelés à «faire un enfant à Hitler191». Hitler lui-même, malgré sa chevelure sombre, aura été représenté, en récit et en peinture, comme un blond. Dans les faits, seul Reinhard Heydrich – «la bête blonde», particulièrement cruel –, chef de la sécurité nationale, correspondait à l’idéal aryen.
L’idéal blond avait cours, aussi, dans la Russie de Staline, dans le but de promouvoir l’unité nationale d’un pays immense composé de populations des plus diverses, nombre d’entre elles déportées au cours des années 1930 et 1940 dans le but d’inventer «le grand peuple russe», jeune et vigoureux, blond au teint pâle et aux yeux bleus. Et on le retrouve, à la même époque, sous Roosevelt, aux États-Unis. Là aussi, la blondeur est au centre de la machine à illusions visant à montrer la supériorité américaine, une supériorité (raciale) blonde survivant à la bête sombre: King Kong (1933) tenant Fay Wray dans sa main en haut de l’Empire State Building. Un an plus tard, le puritanisme s’impose par le biais du Production Code Administration et sa censure des films hollywoodiens. Les blondes sulfureuses se réinventent: de vamp, elles passent à pin-up voluptueuses mais ingénues, chargées de remonter le moral des troupes, leurs photos envoyées aux GI postés à l’étranger.
*
Mais parmi les blondes que sont Vénus, Elizabeth I, Grace Kelly, Jean Harlow, Lana Turner, Marlene Dietrich, Veronica Lake, Brigitte Bardot, Dalida, Anita Ekberg, Doris Day, Betty Grable, Princess Di, Farrah Fawcett, Pamela Anderson, Madonna, Scarlett Johansson, Lady Gaga… parmi toutes ces têtes qui vont de la star blonde à la blond next door démocratisée192, c’est Marilyn Monroe qui remporte la palme de la blonde quintessentielle. Elle est morte un an avant la parution de l’essai de Gloria Steinem sur les Playboy Bunnies, et c’est un nu d’elle, fait par le photographe Tom Kelley pour le calendrier de 1949, qui aura permis au premier numéro du magazine d’être vendu à 54 000 exemplaires. Si elle n’était pas encore devenue à ce moment-là la Marilyn Monroe platine, Marilyn Monroe était déjà une blonde; elle était la blonde, la première et la dernière, «après laquelle toutes les blondes ne produiront que des duplications (Warhol l’avait anticipé), et l’actrice qui a construit sa blondeur indissociablement comme son tombeau193».
Andy Warhol, blond lui-même (et quasi alter ego de Marilyn Monroe, comme le suggère la photo de Christopher Makos Andy Warhol, Altered Image de 1981), par ses portraits de la star en disait la vérité: elle était, à elle seule, déjà toute une série. La vedette n’était pas seulement une foule de réincarnations – personnages, photographies, tableaux, parodies, pastiches mais aussi récits, témoignages, souvenirs, rumeurs, fabulations194; elle est devenue une marque de commerce, une masse de produits dérivés. Comme l’écrivait Arthur Miller, sa vie et sa mort sont nées de la rencontre entre une souffrance individuelle et l’appétit insatiable d’une culture de consommation. C’est aussi ce à quoi renvoie le film de David Lynch Mulholland Drive, où sous les traits de Naomi Watts, c’est Marilyn Monroe qui apparaît et, selon les prises de vues, Meg Ryan, Cameron Diaz, Madonna…, les blondes d’aujourd’hui.
Au fil des représentations, Marilyn Monroe aura été de plus en plus invisibilisée. Appelée à disparaître au profit d’une image plus grande qu’elle, on s’évertue encore, à coup de publications et de célébrations, à tenter de savoir qui était Marilyn Monroe. Comme le personnage de Kitty dans la dernière pièce d’Arthur Miller, son ex-mari, Marilyn Monroe aura été une figure dont tout le monde parle, fabri-quée par les mots des autres collés sur sa peau, pigments et pixels qui lui inventent une identité en la démultipliant infiniment, jusque dans les fragments et les dessins faits de sa main et qu’on a publiés, de façon à mettre de la chair sur un squelette qu’on avait nous-mêmes dépouillé.
Désormais, Marilyn Monroe vit partout, et elle meurt partout, à chaque instant. Une brève seconde sépare le moment où on la reconnaît et où elle nous échappe. Transformée en pur ornement, avec le temps, elle sera devenue fantomatique, aérienne. Et rien n’y fait, il est trop tard pour la ramener sur Terre, la rendre à la vie.
*
Nelly Arcan, son corps transformé, livré au silicone et au scalpel, perpétuellement mis en scène, se sera extirpé de cette marchandisation extrême dont Marilyn Monroe a été l’objet. Nelly Arcan dont nombre de photos sont des reprises et des références directes à des images célèbres de la star hollywoodienne195. Nelly Arcan, putain, folle, et suicidée, auteure de textes assimilables aux fables et aux contes dont on a l’impression qu’il n’y a rien à en dire parce que tout est donné d’emblée, le récit et la morale. Que dit Arcan sinon quelque chose comme ceci: les femmes sont victimes de l’image qu’on leur impose et qu’elles sont amenées à désirer? Les femmes sont l’objet d’un marché auquel elles participent. Les femmes sont prises dans un syndrome de Stockholm infini. Voyez, j’en suis la preuve. Vivante. C’est de mon corps qu’il est question. Même la littérature ne peut pas me protéger.
Nelly Arcan existait dans la réalité, et elle est morte dans la réalité, malgré le fait qu’elle était devenue une image. Comme les femmes qu’elle mettait en scène, Nelly Arcan était une icône, l’étoile filante dans notre firmament littéraire, la petite sœur blonde de Marilyn Monroe à qui elle a été maintes fois comparée. Nelly Arcan comme l’actrice sex-symbol qu’elle décrivait dans une chronique sur le livre de Michel Schneider, Marilyn dernières séances, en 2006:
Pour moi, cette femme a toujours été la créature sublime de photos archiconnues qui se suffisaient à elles-mêmes, ludiques, coquines, cadrant des poses aguichantes; femme terriblement charnelle, mais aussi actrice bancale, radieuse et insignifiante, morte d’une surdose ambiguë dont on ne sait pas si elle a été accidentelle, ou organisée196.
Cette femme sur qui elle ne s’était jamais penchée parce qu’«On ne lit pas les légendes côtoyées au quotidien, sur des posters. On ne lit pas ce dont on entend trop parler».
Comme beaucoup d’adolescentes, j’ai aimé follement Marilyn Monroe. J’ai tapissé son visage sur les murs de ma chambre, j’ai collectionné les albums photos et les calendriers, j’ai dévoré des livres sur les circonstances mystérieuses entourant sa mort. Ma fascination s’alimentait de la distance, du fait que Marilyn et son histoire ne pouvaient que m’échapper. Comme nous avons été fascinés par Nelly Arcan. Nous avons été fascinés par elle, mais est-ce que nous l’avons lue? Est-ce qu’on a lu sur elle et est-ce qu’on peut aujourd’hui écrire sur elle? C’est en lisant Nelly Arcan lire Michel Schneider lisant Marilyn Monroe que j’ai voulu écrire sur Nelly Arcan, et la re-lire, et me poser la question qui n’a pas cessé d’être posée sur les derniers instants de la vie de la star du cinéma: Qui a tué Nelly Arcan?
*
Nelly Arcan était une ima...

Table des matières

  1. INTRODUCTION
  2. CHAPITRE PREMIER
  3. CHAPITRE DEUX
  4. CHAPITRE TROIS
  5. CHAPITRE QUATRE
  6. CHAPITRE CINQ
  7. CHAPITRE SIX
  8. CHAPITRE SEPT
  9. CHAPITRE HUIT
  10. CHAPITRE NEUF
  11. CHAPITRE DIX
  12. CHAPITRE ONZE
  13. CHAPITRE DOUZE
  14. CHAPITRE TREIZE
  15. CHAPITRE QUATORZE
  16. CHAPITRE QUINZE
  17. CHAPITRE SEIZE
  18. CHAPITRE DIX-SEPT
  19. CHAPITRE DIX-HUIT
  20. CONCLUSION
  21. Bibliographie
  22. Merci