Histoires mutines
  1. 162 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

«Mon corps est une tombe où creuser tes fautes. Tu sculptes des chaînes tout au long de mes jambes, contournes mes hanches à la craie sur l'asphalte. Les murs n'en ont pas fini avec moi. Les carnages sont transparents; leur banalité passe à travers.»Onze fois elles doivent en découdre, onze fois elles tempêtent, ensemble. Illustrées par Cathon, les Histoires mutines racontent la rage, l'insoumission, la guérison. Sur la ligne de front: Maryse Andraos, Marie-Ève Blais, Sarah Charland-Faucher, Stéfanie Clermont, AndréAnn Cossette, Iraïs Emmanuelle, Rosalie Lavoie, Marie-Christine Lemieux-Couture, Catherine Lemieux-Lefebvre, Karine Rosso et Cindy Simard.

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Informations

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Catherine Lemieux-Lefebvre

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Accoudées entre soucoupes et ustensiles, elles regardent le petit écran tactile sur lequel se succèdent les avertissements. Sur la table métallique, les ongles claquent, tel un métronome impatient. Glanaëlle perçoit dans ce geste envahissant une injonction de plus. Un tintement sonore de l’appareil annonce l’arrivée de la réponse. Inutile de lire, elle reconnaît en un coup d’œil le message qui s’affiche encore une fois. Rapidement trahie par son expression, elle sonde le visage immobile devant elle dans l’espoir d’y saisir quelque chose. Approbation, réprobation; peu importe. Mais les yeux qui lui font face fixent sans ciller. Des yeux d’un bleu profond où, en guise de réponse, pointe ce mélange de regret, de compassion et de jugement. Oui, ce regard qui ne peut comprendre, malgré les efforts empathiques.
— C’est encore un refus?
— Oui.
— Glanaëlle... Ça fait combien de fois maintenant?
Oui, combien de fois? Glanaëlle se souvient encore du passage à l’âge légal pour l’inscription sur le registre national de la reproduction, elle se rappelle la demande officielle auprès du ministère. Dès ce moment, ses incompatibilités sociales et relationnelles ont été perçues et les refus se sont multipliés depuis avec constance. Combien de fois? Un nombre indélébile qui lui est constamment rappelé. Chaque connexion, chaque mise à jour, chaque transmission lui renvoie au visage cet échec perpétuel, ce chiffre qui augmente sans cesse, ajoutant subtilement un zéro, puis changeant la décimale. Chaque jour, les regards s’uniformisent autour d’elle et se détournent, fuient, l’air soudainement préoccupé par les fissures de la chaussée. Seule parmi la foule tassée de la métropole, Glanaëlle redoute un numéro, deux simples chiffres qui mesurent avec acuité son inadéquation aux normes maritales.
— Qu’est-ce que ça change en fin de compte?
— ‘naëlle! Je m’inquiète de ce qui pourrait arriver. Rami... On n’a jamais vraiment su ce qui s’était passé... mais personne ne l’a revu après sa convocation. Disparu. Tout le monde dit que c’est à cause de... de sa situation particulière.
— Oui, tout le monde...
— Antonin et moi, on voudrait pouvoir faire quelque chose. N’importe quoi qui t’aide à trouver quelqu’un.
Antonin et Julia’Nari. Antonin + Julia’Nari. Équation irréprochable. Fusion parfaitement calculée des êtres. Formule logarithmique à la science exacte. Trouver quelqu’un? Un sourcil frondeur se dresse pour accompagner la moue vaguement mécontente qui accompagne chez Glanaëlle les moments de doute et de découragement. Une expression si bavarde dans son silence. Glanaëlle. Addition incomplète. Oui, il faudrait trouver quelqu’un avant qu’on ne préfère la soustraction. Réduire les nombres qui ne trouvent pas leur place dans l’équation, soustraire les chiffres superflus. Avec ce nouveau refus, l’Office des relations maritales et familiales ne lui accordera plus beaucoup de temps avant de la sommer à ses bureaux. Glanaëlle jette un coup d’œil rapide au cadran.
— Faut vraiment que j’y aille ‘Nari! Mon rendez- vous...

Veuillez vous asseoir...

— Briand-Descaries?
Le nom résonne dans la salle d’attente. Glanaëlle parcourt les corridors, la démarche quelque peu mécanique, menée par les automatismes. Lucide, elle connaît le verdict.
— Veuillez vous asseoir, docteur N’Guyen arrive.
Des pas rapides martèlent la céramique. Si souvent elle a entendu ces chaussures au chuintement strident arpenter les couloirs de la clinique médicale. Si souvent elle s’est assise dans ces salles d’examen dans l’attente d’un nouveau visage, d’un nouvel expert. Dès les premiers soupçons d’anomalie, on devait s’assurer d’en confirmer l’existence. Son enfance a ainsi été pulsée par les ondes radio-électro-magnético-nucléo-elle-ne-sait-plus-trop. Une adolescence sous les projecteurs de tous les spécialistes. Neuropsychologues, psychiatres, psychanalystes... Tous se sont succédé sans parvenir à s’entendre sur un diagnostic clair. En atteignant l’âge adulte, sans vraiment savoir s’il existait d’autres options, elle a laissé tomber les examens, acceptant de ne pas connaître les raisons de sa différence et ne conservant que les suivis médicaux de routine. Glanaëlle représente une de ces aspérités sur la surface lisse de la sphère sociale, une irrégularité qui empêche les rotations de cette boule ronde gonflée de certitudes et de méthodes, d’illusions et de faux-semblants. Malgré des engrenages bien entretenus, la grande roue sociale ne tourne pas sans encombre, car il existe encore trop de Glanaëlles. La porte s’ouvre avec retenue, dans l’embrasure paraît un homme court à la silhouette longiligne, la chevelure noire et drue soigneusement coiffée.
— Madame Briand. Comment allez-vous?
Ce rituel introductif politiquement correct auquel se soumettent à chaque rencontre la patiente et le médecin n’est pourtant guère utile, puisqu’il sait parfaitement qu’elle ne «va» pas et qu’elle ne parvient jamais non plus à savoir s’il est lui-même heureux. Malgré les précautions formelles, la routine se voit brisée lorsque le docteur s’interrompt et fixe intensément Glanaëlle au lieu de poursuivre. Entre les conventions liées à son poste, les procédures clairement établies par le protocole et la réalité bien tangible dans laquelle tous deux se trouvent, les pensées du médecin semblent se perdre.
— Les tests n’ont démontré aucun changement, mais j’imagine que cela ne vous surprend pas.
— Je m’en doutais. Après l’appel de la clinique pour confirmer le rendez-vous, j’ai fait la mise à jour de mon profil. Toujours refusé.
Une pause s’allonge, se meut en malaise. La brusquerie avec laquelle le docteur s’éjecte du siège sur lequel il se balançait fait sursauter Glanaëlle. N’Guyen se dirige vers le tableau de contrôle situé près de la porte, qu’il verrouille au passage. D’un mouvement rapide les doigts naviguent parmi diverses commandes qu’elle n’arrive pas à déchiffrer depuis sa place. Se retournant précipitamment, il s’assoit sur le coin du bureau et éteint le module de communication. Cette intimité nouvelle permet de déceler des effluves floraux délicats avec une pointe d’agrumes – parfum peu employé par les hommes – qui surprend agréablement la jeune femme. Le médecin s’incline légèrement vers elle, entraînant ainsi un mouvement de recul involontaire. Un geste de la main à son intention lui fait comprendre d’éteindre son portable. Cette requête a ce petit quelque chose d’intransigeant qui oblige à s’exécuter. Dès que l’appareil se trouve hors service, le médecin le saisit et en retire la pile. Le regard inquiet, bien qu’intrigué, de la patiente intercepte celui de son interlocuteur, soudainement beaucoup plus décontracté.
— Je n’ai pas envoyé les résultats au bureau des affaires maritales. Mises à jour des bilans physiques, psychologiques, sociaux, économiques... tout a été vérifié et m’a été envoyé sans jamais passer par le serveur. Personne n’a encore été informé de la persistance de tes inaptitudes interrelationnelles. Glanaëlle, je te suis depuis plusieurs années maintenant et je crois te connaître suffisamment pour oser te proposer une alternative qu’on n’avait jamais envisagée encore. Je te fais une prescription...
— Non. Pas de chimique.
— ... combinée à un suivi médical en neuro que je pourrai te donner. On inscrit ça officiellement à ton dossier que je leur ferai parvenir. Ils vont noter le traitement et ton désir de te corriger. Ça retarderait le processus de... Enfin, ça retarderait le processus.
— J’ai déjà dit non.
— Laisse-moi finir. On fait un dossier avec les documents remplis en bonne et due forme qui conviendra au gouvernement et nous, de notre côté, on n’y change rien. Après le délai du traitement, tu remplis de nouveau ta demande, tu modifies quelques trucs dans ton dossier pour qu’il passe et qu’on te trouve un partenaire correspondant.
Cette familiarité soudaine, cette assurance dans l’interdit et toute cette proximité nouvelle adoptées par le docteur déstabilisent Glanaëlle. Les idées confuses et l’incertitude s’accumulent et se chamaillent dans un recoin de son esprit. Comment savoir? Choisir, quoi? On saurait sûrement au ministère. Comment pourront-ils ignorer ce changement subit au dossier? Ne risquerait-elle pas d’être contrôlée, arrêtée, internée? Quelques pilules. Une reprogrammation. Pouvait-on être à ce point naïf et croire qu’un tel traitement l’avait transformée? En admettant seulement que ce plan fonctionne, pourrait-elle vraiment être heureuse avec le partenaire qui correspondrait au nouveau profil envoyé? Que pourrait-elle espérer d’une relation construite sur un mensonge?
— Pour les examens physiologiques, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Tu corresponds à la norme. Ton ADN sera forcément compatible avec celui de quelqu’un. Resterait à voir pour ta position sociale, ta job... des broutilles comme ça. Pour le reste, on modifie juste assez les réponses pour que ça passe.
— Ce serait illégal, non? Et puis... ce serait injuste pour mon associé. Il s’attendrait à une correspondance parfaite, mais nous formerions forcément une mauvaise paire. Non?
— Je ne devrais pas dire cela, mais, c’est vrai, les calculs vérifient tous les facteurs et créent des couples mathématiquement parfaits. N’empêche que... ce n’est pas toujours irréprochable, on a besoin de... compenser parfois. On s’ennuie. Quelquefois, on s’endure à peine. Oui, parfois on fait avec et on compense. Sinon, pourquoi le gouvernement aurait mis en place les nouveaux ministères après l’instauration des processus de sélection? Ce sont des mesures compensatoires, voilà tout. D’ailleurs, quand es-tu allée à l’OCS pour la dernière fois? Je te trouve un peu tendue. Attends, je te fais une prescription en attendant ta décision.

Veuillez effectuer votre choix...

Ridicule. Faire les cent pas devant l’enseigne pâlissante de l’Office de la condition sexuelle et des relations interpersonnelles sans oser y entrer. Rien ne change ni ne changera. Cette idée est tout simplement absurde. Déjouer les instances ministérielles ne réussit à personne. Centre de détention. Centre de conditionnement. Centre de formatage cérébral. Déjà, elle peut réfléchir et espérer la sanction la moins désagréable. Malgré l’incertitude, un désir bouillant gonfle dans son ventre, ne cesse de la détourner de ses projets d’avenir. Un désir animal, primitif, croît en elle. Un désir viscéral qu’il lui faut combler. Ordonnance en main, Glanaëlle gravit les quelques marches redoutées plus tôt, laisse la sécurité exécuter le protocole interminable auquel se soumet chaque visiteur et se dirige vers l’accueil, dans l’attente qu’à un guichet, un bureaucrate mentionne son numéro d’identification. Un automatisme succède à l’autre. Si souvent elle s’est présentée à l’OCS. D’abord librement, au gré des envies, puis sous ordonnance, les regards se faisant plus inquisiteurs, juges d’une situation qui leur est extérieure et bien souvent incompréhensible.
Les couples se succèdent. Entrent et sortent par vagues régulières. Se dirigeant ou non au même étage. Pénétrant ou non dans la même capsule. Alimentant mutuellement des fantasmes ou chacun pour soi, recréant des désirs non partagés, non associés. Quelle différence alors? Ces individus couplés qui se fractionnent, le temps d’assouvir une pulsion quelconque et elle, seule, en quoi se distinguent-ils réellement dans l’isolement de leurs désirs? Pourtant, sur elle tombent des reproches constants. Debout, face au guichet, elle décèle la même antipathie spontanée chez l’inconnu muré derrière le plexiglas. Un coup d’œil à l’ordonnance, déjà il comprend la nature de sa situation. Le sourcil se fronce sans retenue. Un coin de sa bouche se crispe de dédain. La voix distante, il accorde un numéro. Professionnalisme oblige.
Faire fi de tout, ne rien laisser paraître. Filer vers la capsule et s’y enfermer. Se cloîtrer dans la solitude passagère, agréable. Encore seule, elle peut cette fois goûter les plaisirs de l’intimité. Avec minutie, Glanaëlle pose les microélectrodes du simulateur neurosensoriel sur des points stratégiques de sa peau. Déjà, l’épiderme est parcouru de frissons suaves. Nulle imagerie mentale n’a encore été activée, mais déjà des ondes enivrent chaque parcelle du corps, les terminaisons nerveuses assaillies de toutes parts. Veuillez effectuer votre choix. Une main alerte navigue à travers les commandes. Précis, les fantasmes se dessinent à l’écran, s’organisent. Les circuits de la capsule s’activent et entament la séquence imaginée. Les corps se dessinent, se meuvent en chorégraphie sensuelle. Glanaëlle laisse les pulsions électriques induire les sensations voluptueuses filant le long des membres et des organes. Son sexe turgescent, gorgé d’un plaisir trop longtemps réprimé, donne naissance à une chaleur fourmillante. Ses muscles se tendent, extatiques. Des lèvres irréelles mordent avec fougue la poitrine pâle. Impression parfaite. Elles glissent vers les côtes, rencontrent son ventre et ses hanches, effleurent avec délicatesse la chair brûlante et rose. Peau frémissante. Moiteur délicieuse. Impressions qui enivrent aux limites de la jouissance.
Une vibration se fait sentir sur la cuisse, pulsation étrange qui n’appartient pas au fantasme et ramène brutalement à la réalité. Une main fouille tant bien que mal à la recherche du portable. Glanaëlle parvient à extirper l’appareil. Sur l’écran, un message prioritaire s’affiche. Un bond incontrôlable la propulse hors du siège. Avec une application empressée, elle retire un à un les adhésifs. Garder son calme. Chasser toutes ces images encore incrustées dans le subconscient accaparé par tant de désirs. Elle concentre son attention sur sa respiration. Impossibles à oublier, les paroles de Julia’Nari lui reviennent à l’esprit. C’est la convocation si souvent redoutée. Le docteur ne devait-il pas attendre sa confirmation? Pouvait-il avoir communiqué avec l’Office sans attendre sa décision? Pourquoi cette convocation si rapide? Localisée par l’émetteur, elle sait que cinq minutes suffiront à la voiture de service pour venir la chercher directement aux portes de l’Office. Les instructions qu’elle reçoit ne peuvent être contournées. Ne rien dire. N’entrer en contact avec personne: toute communication sera désormais bloquée. Se préparer, sortir et attendre. Advienne que pourra.

Veuillez entrer...

Seule parmi les membres de la sécurité, appuyée contre le mur d’une salle d’attente, Glanaëlle observe distraitement les lumières fluorescentes aux pulsions stroboscopiques. Le bourdonnement saccadé exacerbe le stress qui lui tenaille l’estomac. Une jeune femme en tailleur fait irruption dans le corridor adjacent, traverse d’un pas pressé la salle d’attente, ses talons hauts heurtant le plancher avec une régularité de métronome. Sous le lisse vernis de bureaucrate uniformisée, Glanaëlle croit percevoir chez l’inconnue des aspérités qui ne peuvent appartenir au monde policé de la machine gouvernementale. À peine décelables, elles apparaissent pourtant clairement aux yeux de Glanaëlle. Quelques mèches rebelles opprimées par des barrettes, mais surtout une certaine indépendance dans le mouvement. Le cadre formel du bureau semble retenir à grand peine le bouillonnement contenu dans le regard qu’elle tourne vers Glanaëlle. Elles ne disent rien en se fouillant des yeux. Une porte s’ouvre et claque, la seule présence humaine, seule présence dissemblable se dérobe derrière la blancheur artificielle. Comment peut-il y avoir de telles personnes travaillant à l’Office? Glanaëlle se retrouve une fois de plus isolée parmi les agents de sécurité, songeant à cette nouvelle contradiction dans cet endroit dont l’apparence banale dissimule l’ampleur des machinations qui s’y trament.
La tête baissée, elle fixe une tache, un cerne incongru sur le parquet surjavellisé. Café, sans doute. Un grésillement s’élève dans la pièce, distrait Glanaëlle qui redresse la tête. Un gardien porte un doigt à son oreille, brusquement attentif, et, dans un murmure, s’adresse à l’Invisible qui lui commande on ne sait quoi. Le regard de Glanaëlle retrouve le plancher, la tache persistante qui, par sa simple présence, semble contester la fausse perfection. Deux chaussures apparaissent, la forcent à détourner son attention de la tache rassurante.
*
Les semelles des gardiens couinent sur le parquet trop ciré. Coincée entre cinq agents armés, Glanaëlle suit le mouvement, les bras battant une mesure précipitée. Portes blanches. Murs blancs. Portes et murs se succèdent dans les labyrinthes de corridors identiques. Devant une porte à l’anthracite contrastant, les gigantesques silhouettes s’éclipsent pour lui céder le passage. Le verrou automatisé laisse entendre un bruit sourd; la po...

Table des matières

  1. TABLE DES MATIÈRES
  2. AVANT-PROPOS
  3. YAMINA SOUS LES DÉCOMBRES
  4. COMME UNE CARESSE À LA NUQUE BRISÉE
  5. «SPEAK THE TRUTH EVEN IF YOUR VOICE SHAKES»
  6. CE MONSTRE QUI M’ÉPUISE L’ENVIE DE GOÛTER
  7. LA GRANDE PREMIÈRE
  8. TOUS LES ENFANTS SONT MORTELS
  9. VEUILLEZ
  10. LES CORPS OUVERTS
  11. [ SANS TITRE ]
  12. MOI, DÉFRAGMENTÉE
  13. MONTRÉAL-CHICOUTIMI
  14. REMERCIEMENTS
  15. NOTICES BIOGRAPHIQUES