Histoire de l'accouchement dans un Québec moderne
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Histoire de l'accouchement dans un Québec moderne

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Histoire de l'accouchement dans un Québec moderne

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À propos de ce livre

Si vous avez vu le jour dans les années 1970, il y a de fortes chances que votre mère ait été attachée à son lit d'hôpital et qu'elle ait subi une épisiotomie à votre naissance. Si vous êtes un enfant des années 1950, elle a probablement été endormie et vous a cherché à son réveil, inquiète, tandis qu'une infirmière vous examinait dans une autre pièce.Loin de n'avoir que des retombées favorables, la médicalisation de la naissance est un phénomène très controversé. Remédiant à l'absence d'ouvrages sur l'histoire récente de la naissance au Québec, ce livre propose une analyse critique de ses transformations durant la seconde moitié du 20e siècle, à partir de l'expérience des mères. Andrée Rivard s'intéresse d'une part au rôle prépondérant qu'ont joué les élites médicales et l'État dans l'élaboration du modèle moderne de l'accouchement. D'autre part, elle documente la lutte des femmes qui résistent depuis le début à cette tendance lourde. Il est également question des politiques en périnatalité et de l'influence des sages-femmes sur les pratiques en obstétrique.Entre changement social et biopolitique, Histoire de l'accouchement dans un Québec moderne cherche à réfuter le déterminisme historique rendant inéluctable l'accouchement médicalisé, tout en démystifiant sa construction sociale.

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Informations

Année
2014
ISBN
9782890914933

1

La médecine obstétricale,
icône de la modernité

Il viendra un jour où l’humanité
ne croira plus, mais où elle saura.


Ernest Renan,
L’avenir de la science (1890).



Au début du XXe siècle, Max Weber avait montré le rôle central de la raison et de l’action instrumentale dans la modernité1. L’action rationnelle instrumentale vise l’efficacité dans l’obtention de résultats. L’essor fulgurant de la science et de la technoscience, du capitalisme et des bureaucraties (au sein des États et des entreprises), communément portés par la raison instrumentale, montre à la fois l’envergure de son succès et son rôle pilier dans les sociétés industrielles. Il n’est pas de domaine de l’existence et de la vie en société qui ne soit pénétré de cette idée ou du moins qui y soit resté imperméable. Ni la vie privée ni l’expérience physique n’ont été épargnées par le souffle de l’action rationnelle. Car, comme l’a montré Michel Foucault, gestion de la société (c’est-à-dire l’administration rationnelle de la population) et gestion des corps (fabrication de corps dociles favorisant la production et la reproduction) travaillent à une même cause, celle qui consiste à fonder des États efficaces et puissants2.
Le changement de regard porté sur le corps depuis la Renaissance a eu des répercussions considérables sur ses représentations et sur les soins qu’on y accorde et il a entraîné une véritable mutation culturelle de l’enfantement. Il revient sans doute à la médecine d’avoir exercé l’influence la plus importante sur la pensée moderne du corps. Dès la fin du XIXe siècle, la médecine, qui avait mis beaucoup de temps à atteindre le statut de science, épouse avec grand enthousiasme le modèle rationnel moderne et participe à sa marche triomphante, en même temps qu’elle entreprend de s’approprier le domaine obstétrical. La biomédecine magnifiée a réussi à imposer à la société sa propre vision du corps, dictant aux individus des normes et des comportements tout à fait nouveaux. Au XXe siècle, la médicalisation de l’accouchement ne cesse de s’intensifier avec comme conséquence de transformer de fond en comble l’expérience séculaire des femmes dans la mise au monde de leurs enfants. Comme l’a souligné Christine Détrez3, le corps socialement construit par les médecins, les philosophes et la sociologie naissante a laissé un lourd héritage à notre monde contemporain. Les paradoxes sont nombreux et son statut demeure ambigu. Entre libération des corps et liberté réelle, l’écart est de taille. Les femmes qui enfanteront durant la seconde moitié du XXe siècle devront porter ce legs et leur corps sera le lieu où s’éprouve l’équivoque qu’elle a engendrée.
Si les nouvelles représentations corporelles ont eu un impact considérable sur la culture de l’enfantement, les idéologies modernistes ont également contribué à en transformer l’expérience. S’il est une idée qui a profondément marqué les mentalités et les comportements des modernes, c’est bien le scientisme. La pensée scientiste s’est affirmée comme pilier de la modernité en opposant le scepticisme à la théologie et à la métaphysique et en accaparant le champ de la vérité matérielle. Dans ce mouvement, elle a entraîné le déplacement du centre de gravité de la connaissance qui est passé de la religion aux disciplines porteuses des valeurs nouvelles du progrès et du bonheur. La médecine a largement participé à la diffusion de la pensée scientiste, grâce à laquelle elle a pu obtenir de la population la crédibilité et la confiance nécessaires pour établir sa professionnalisation et son monopole sur le champ des soins. Le corps des femmes a été un terrain privilégié où se sont exercées ces manœuvres. Tout un discours scientiste a servi à construire la nécessité de médicaliser la grossesse et l’accouchement. Cette vérité sera partagée par plusieurs groupes sociaux, selon divers intérêts, ainsi que par l’État, lui-même de plus en plus sensible à ses responsabilités dans le domaine de la santé publique et dans celui de la protection sociale (développement de l’État-providence). L’envergure des structures et des programmes mis en place ainsi que la remarquable baisse de la mortalité périnatale et maternelle vont confirmer auprès de la population l’axiome de la rationalisation des corps. Dans tout ce processus, la médecine, et notamment la médecine obstétricale, se confond avec le principe même de la modernité. Le prestige qu’elle acquiert à la fin du siècle du progrès est emblématique de celui dévolu à la modernité, qui s’affirme à l’aube du XXe siècle, en tant que civilisation sûre d’elle-même, resplendissante, annonciatrice de bonheur, prometteuse de découvertes et d’avancées techniques illimitées toujours plus surprenantes et bénéfiques.
Selon Marc Bloch, l’un des historiens les plus influents du XXe siècle, «[l]es faits historiques sont, par essence, des faits psychologiques4». Or, l’idée moderne de rationalisation appliquée à tous les domaines avec succès montre particulièrement bien l’efficacité des prédispositions individuelles de la sensibilité collective: une forme de rationalisme dans les mentalités a vraisemblablement précédé la formulation par Descartes de sa philosophie. L’effet de cette intériorisation personnelle est tel que les comportements du quotidien liés à cette idée n’ont plus à être réfléchis, car ils s’insèrent dans la trame psychologique des évidences, des gestes effectués sans y penser, parce qu’ils s’inscrivent dans l’«air du temps», parce qu’«être moderne» n’a pas de sens en soi et s’impose, pour le commun des mortels, par sa nécessité, sa seule luminosité. Ainsi, la raison qui envahit lentement mais sûrement le champ des mentalités depuis le XVIe siècle deviendra bientôt comme une référence auto-évidente. Rien ne l’illustre mieux que le fait que la science, incarnation parfaite de la rationalité moderne, n’ait jamais perdu de son ascendant auprès du grand public et des pouvoirs étatiques en dépit des sérieuses critiques dont elle a été la cible au cours des dernières décennies5. Cet envahissement de l’esprit moderne partout dans la société jusqu’au cœur des individus et qui régit les corps, les institutions et les mentalités, suggère le travail d’une autorité, la plupart du temps imperceptible au regard de la grande majorité des acteurs tant elle s’insinue dans la trame de la vie quotidienne, des gestes routiniers, des évidences de l’existence au point que ses sources se perdent dans le temps. En ce sens, l’autorité devient principe d’action sans qu’une évaluation soit requise, en fait sans que ceux qui y sont soumis n’aient à en peser les avantages et les inconvénients. Ici ne s’exercent ni violence ni coercition (la plupart du temps), seul le poids de la raison – selon ses divers vecteurs – suffit à faire autorité. «Le propre des dominations est de se donner comme naturelles – et donc non imposées», soulignait Touraine6, reprenant la définition wébérienne classique du pouvoir. Voilà sans doute ce qui a garanti la pérennité de l’autorité rationnelle moderne, particulièrement vivace dans le domaine de la santé et de la médecine.
Faire ressortir les effets de société sur le comportement des individus, voilà le but de ce chapitre. Il consiste en un panorama des diverses formes de domination exercées par la société moderne qui ont influencé la culture de l’enfantement. Je ferai donc ressortir les forces de rationalisation, les valeurs, les normes et les intérêts de la société qui ont contribué à construire le modèle moderne de l’accouchement. Ce panorama s’inscrit dans le temps long de la période historique moderne où il est indispensable de puiser pour véritablement saisir ce qui est en jeu et la nature de la mutation culturelle autour de l’enfantement en cours depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette vue concerne essentiellement la période portée par le paradigme social décrit par Touraine (et qui s’étend jusque vers 1970) où la société figure comme système intégré et porteur d’un sens général et dont les diverses formes de domination servent à perpétuer l’ordre établi. Dans le cas de la civilisation occidentale, cet ordre est spécifiquement fondé sur la rationalité et son incarnation scientifique et technique. C’est en son nom que le modèle occidental de modernisation a fait la chasse au sujet et, dans le cas qui nous occupe, au sujet féminin.

Gérer le corps, gérer la société

Dieu est mort, vive la Science!

Comme l’a souligné Touraine, la modernité marque le «début d’un développement entraîné par le progrès technique, la libération des besoins et le triomphe de l’Esprit. L’idée de modernité remplace au centre de la société Dieu par la science, laissant au mieux les croyances religieuses à l’intérieur de la vie privée7». Plusieurs phénomènes ont certes concouru pour créer la civilisation qui a émergé en Europe à l’époque dite moderne: mise en place d’États stables et développement des nations, construction de régimes politiques basés sur la distinction privé/public, sur le droit, sur la démocratie et sur le contrôle du pouvoir politique, mouvement de sécularisation, accent mis sur l’efficience technologique au profit de l’économie, bureaucratisation des États et des entreprises privées, croissance fulgurante du savoir rationnel, essor de l’individualisme, sont les plus souvent cités. Même si les intellectuels ne s’entendent pas sur un facteur décisif, il apparaît clairement que la science a joué un rôle déterminant dans l’éclosion du monde nouveau8.
Depuis Galilée, parallèlement aux traditions populaires et aux croyances chrétiennes, les logiques mises en branle dans une myriade de domaines par les savants s’étendent, ouvrant la voie à une pensée rationnelle, qui à son tour influencera (puis envahira) l’ensemble du champ social. Le lien séculaire qui insérait l’être humain dans la trame cosmique et communautaire9, structurant les cadres sociaux et culturels aussi bien que son univers mental, se distend peu à peu pour donner naissance à une vision du monde dominée par une pensée dépouillée de toute référence théologique. L’humanité ne pouvait aspirer au vrai bonheur qu’en se libérant des préjugés et des servitudes religieuses et passionnelles. Cette mutation culturelle sera formulée à la fois dans la réflexion philosophique, dans la littérature et dans la pensée scientifique. Toutes contribueront, de manière convergente, à mettre la science sur un piédestal, voire à la diviniser.
Pour les philosophes des XVIIe et XVIIIe siècles, seules les lois naturelles déterminent l’individu et la société. Dans un mouvement révolutionnaire, ils ont impulsé l’idée qu’il fallait rejeter les croyances et les formes d’organisations sociales et politiques passées dont les fondements ne reposaient pas sur la rationalité scientifique. Au centre du mouvement des Lumières, les John Hobbes, Denis Diderot, Jean-Jacques Rousseau, John Locke, ont voulu opposer aux ferveurs personnelles la rationalité de la volonté collective en même temps qu’ils écartaient la révélation divine comme principe d’organisation sociale. Ainsi se crée, explique Alain Touraine, «un des grands modèles de représentation de la vie sociale, au centre duquel est placée la correspondance du système et des acteurs, des institutions et de la socialisation. L’être humain n’est plus une créature faite par Dieu à son image, mais un acteur social défini par des rôles, c’est-à-dire par les conduites attachées à des statuts et qui doivent contribuer au bon fonctionnement du système social10».
Un tel idéal exigeait des bases solides, et ces bases universelles et inébranlables, capables d’en assurer la pérennité, sont la connaissance scientifique et l’application de sa rationalité dans la vie sociale. Au XIXe siècle, Auguste Comte (1798-1837) pose la science comme forme supérieure de la connaissance, donnant du même coup naissance à un mouvement d’idées tenace, le positivisme, qui procurera à la science son caractère sacré. Héritier de la philosophie politique des Lumières, le premier sociologue, Émile Durkheim (1858-1914), élaborera quelques années plus tard un modèle fonctionnaliste de la société dont l’influence s’avérera durable sur les représentations de la vie sociale. Selon le paradigme durkheimien, dans la nouvelle civilisation en construction, remplie d’espoirs, libérée de toutes les servitudes religieuses, tout s’ordonne, s’articule, autour d’un monde rationnellement organisé, où les fonctions et les conduites contribuent à une société intégrée capable de contrôler les intérêts et passions des individus.
L’idée de progrès, intimement liée elle aussi à celle de modernité, a été particulièrement porteuse dans la glorification de la science. C’est Condorcet (1743-1794) qui lui a donné son coup d’envoi avec la publication en 1795 de son ouvrage posthume Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain. L’étude des époques de l’histoire conduit l’illustre savant et politicien à la découverte d’une loi selon laquelle le développement des connaissances scientifiques et philosophiques serait le moteur du progrès, source du bonheur de l’humanité, selon le continuum acquisition de la connaissance → perfectionnement des techniques → accroissement des richesses porteuses de bonheur → sécurité dans un monde pacifié et non belligérant. «La notion de progrès, note André Akoun, implique que l’histoire a un sens et que ce sens est linéaire, continu, qu’il va de la nuit à la lumière, de l’indigence à l’abondance, de la sauvagerie à la civilisation, vers le Vrai et le Bien confondus. Ce progrès dans l’histoire est engendré par l’accumulation indéfinie des progrès techniques qui permettent la maîtrise de la nature et engendrent le progrès de la conscience. Il s’identifie au progrès de la Raison11».
La pensée positiviste et la croyance dans le progrès garant de prospérité pour la civilisation nouvelle ont été les pierres angulaires de l’idéologie scientiste qui s’est répandue au XIXe siècle. Selon cette vision, seul le savoir scientifique, exact et neutre, basé sur l’expérimentation, produisant des connaissances vérifiables et reproductibles, est valide et peut conduire à la satisfaction des besoins de l’humanité. Désormais, la science occidentale impose sur ce dogme la dictature de sa raison au nom du progrès. Cette idéologie est si puissante que malgré les désillusions et les sévères critiques qui lui ont été adressées durant le XXe siècle12, la science conservera son aura auprès d’un vaste public et spécialement auprès des pouvoirs étatiques. Ni les démonstrations de la construction de la science comme système de croyances déterminé par des enjeux personnels, sociaux, économiques et politiques, ni les catastrophes engendrées par la technoscience ne viennent à bout de la croyance que la science est strictement rationnelle, source exclusive de vérité et unique voie d’accès à la richesse et au bien-être13. Si l’idéologie scientiste demeure vivace, c’est précisément à cause de son caractère péremptoire et doctrinaire, comparable au dogmatisme religieux qu’elle avait pourtant honni. «[L]e scientisme n’est pas l’apanage des scientifiques; c’est une idéologie largement partagée dans la société, surtout depuis que le besoin de croyance manque de propositions crédibles dans les champs de la religion ou de la politique», soulignait le célèbre biologiste de la procréation Jacques Testart14. En somme, c’est une véritable théologie scientiste ou révélation de la science qui se propage avec l’idéologie moderniste occidentale. La science a remplacé dans notre monde contemporain la religion comme croyance et comme doctrine15. L’expertise scientifique jouit auprès d’un vaste public d’un statut qui la met à l’abri de la critique, un savoir incontestable assimilable aux doctrines religieuses, mais est incompatible avec l’exercice de la citoyenneté et de la démocratie.

Rationaliser la Vie

L’idée de rationalisation est si prégnante dans la civilisation moderne qu’elle ne pouvait rester circonscrite à la science: la pensée occidentale, soulignait Touraine, «a voulu passer du rôle essentiel reconnu à la rationalisation à l’idée plus vaste d’une société rationnelle, dans laquelle la raison ne commande pas seulement l’activité scientifique et technique, mais le gouvernement des hommes autant que l’administration des choses16». La Vie elle-même devient l’objet de ses ambitions. Michel Foucault17 a bien décrit la mutation sociale et culturelle qui s’est amorcée au XVIIe siècle, où la vie passe dans la sphère de contrôle du savoir et de l’intervention politique. Son analyse fournit un cadre théorique particulièrement utile pour mettre en lumière les systèmes à l’œuvre dans l’administration des humains.
Selon Foucault, le passage d’un régime de souveraineté à un régime de biopouvoir constitue une rupture majeure dans l’ordre politique occidental. À l’ancien pouvoir souverain du droit de vie et de mort s’est substitué celui de gérer la vie, c’est-à-dire «un pouvoir destiné à produire des forces, à les faire croître et à les ordonner plutôt que voué à les barrer, à les faire plier ou à les détruire18». Désormais, s’il est une existence à maintenir, ce n’est plus celle d’une souveraineté (juridique), mais celle (biologique) d’une population. «C’est sur la vie maintenant et tout au long de son déroulement que le pouvoir établit ses prises19». Précisément, la biopolitique désigne
ce qui fait entrer la vie et ses mécanismes dans le domaine des calculs explicites et fait du pouvoir-savoir un agent de transformation de la vie humaine; ce n’est point que la vie ait été exhaustivement intégrée à des techniques qui la dominent et la gèrent; sans cesse elle leur échappe. […] Mais ce qu’on pourrait appeler le «seuil de modernité biologique» d’une société se situe au moment ...

Table des matières

  1. Remerciements
  2. Introduction
  3. 1 La médecine obstétricale, icône de la modernité
  4. 2 Sous le souffle des grandes réformes: l’accouchement parfait à l’ère de la Révolution tranquille
  5. 3 Le Grand Dérangement: l’«accouchement conscient»
  6. 4 L’expérience du Centre psychoprophylactique d’accouchement sans douleur de Québec (1957-1968)
  7. 5 La mainmise de l’appareil médico-étatique sur la naissance
  8. 6 Montée de la contestation concernant les conditions de la naissance
  9. 7 Descendre au fond de soi: des récits qui témoignent de l’histoire de l’accouchement
  10. Conclusion
  11. Notes
  12. Bibliographie
  13. Annexe 1 «Accouchement» (extrait) dans l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, dirigée par Denis Diderot et Jean le Rond d’Alembert
  14. Annexe 2 Le récit d’accouchement de Janette Bertrand (1948)
  15. Annexe 3 Sur la modernité de la médecine canadienne-française dans les années 1950
  16. Annexe 4 Le récit d’accouchement de l’éducatrice prénatale Trude Sekely (1946)
  17. Annexe 5 Notes sur un accouchement survenu en 1961 à l’hôpital Notre-Dame de l’Espérance (Québec)
  18. Annexe 6 Liste des groupes fondateurs de Naissance-Renaissance (1981)
  19. Annexe 7 La création en 1975 du Comité pour l’humanisation de l’accouchement et de la naissance (CHAN)
  20. Annexe 8 Extraits du bilan de vingt-cinq années d’humanisation de la naissance, préparé par Isabelle Brabant
  21. Annexe 9 Profil des femmes interviewées
  22. Annexe 10 Répartition des naissances selon la décennie et le lieu
  23. Annexe 11 Guide d’entrevue